- Abbaye Saint-Césaire (Arles)
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L'abbaye Saint-Césaire, initialement appelée Monastère Saint-Jean, était un monastère de femmes installé à l'intérieur de la cité d'Arles dans l'angle sud-est du rempart où, sous le nom de Saint-Césaire, il demeura jusqu'à la Révolution.
Sommaire
Histoire
Haut Moyen Âge
Le Monastère Saint-Jean est fondé le 26 août 512 par l'archevêque d'Arles, Césaire qui en nomme sa sœur Césarie, première abbesse. Ce monastère fait suite à une première tentative d'implantation hors de murs dans les années 506-507 détruite par les troupes franques et burgondes lors du siège d'Arles en 507-508.
Un peu plus plus tard autour de 567, une épouse du roi de Bourgogne Gontran, probablement Marcatrude[2] ou Teutéchilde d'après Grégoire de Tours[3], y est enfermée. Le rayonnement du monastère et de ses premières abbesses permettent à la Règle de Césaire de se diffuser largement dans le royaume des Francs, à commencer par le monastère créé à Poitiers par Radegonde, l'ancienne épouse du roi Clotaire, qui effectue un séjour à Arles et dans ce monastère[4] vers 570[5].
La Vie de Rusticule, texte consacré à la quatrième abbesse de ce monastère, signale l'existence de plusieurs églises à l'intérieur du couvent : une église dédiée à la Sainte-Croix puis à l'archange saint Michel et une autre plus grande édifiée pour recevoir dans de meilleures conditions les reliques de la Sainte-Croix. La présence de ces reliques à Arles est probablement liée au séjour que la reine Radegonde avait effectué dans les années 570. Ce document fait aussi apparaître une basilique Saint-Pierre qui existe encore au Xe siècle et précise les saints qui y sont vénérés. Il s'agit, chose étrange, de personnages d'origine orientale aux noms peu répandus en Gaule, comme les archanges Gabriel et Raphaël, saint Thomas, saint Maurice, saint Sébastien et saint Pons[6]. Le 12 août 632[7], l'archevêque d'Arles Théodose participe aux funérailles de cette abbesse considérée par la suite comme sainte.
Le couvent paraît avoir cessé d’exister du VIIe siècle au IXe siècle. Vers la fin des années 860, l'archevêque d'Arles Rotlang arrache de l'empereur Louis II, l'autorité sur le monastère[8]. L'historien Jean-Pierre Poly, de son côté, précise et fait remonter cette propriété en l'an 869[9]. En 883, l'archevêque Rostang, le successeur de Rotlang, y restaure la tombe de saint Césaire violée peu de temps auparavant lors de la prise et du pillage de la ville par les Sarrasins[10]. En 887, dans son testament, ce même Rostang donne un nouveau départ à l’abbaye. Saint-Césaire possède à cette époque trois groupes de domaines : l’un près d’Arles, au Trébon et à Gallignan, et surtout en Camargue avec notamment Gimeaux, Malmissane, les Saintes, Ulmet, Agon, Saint-Césaire de Bozaringue, l’autre au comté de Vaison au nord avec Nyons, Vinsobres et Visan ; le dernier se trouvant dans le comté de Saint-Paul-Trois-Châteaux[11]. L'abbaye connait ensuite une période de sujétion à l'archevêque et d'indépendance.
Moyen Âge
En 972, elle retrouve son autonomie sous la direction de l’abbesse Ermengarde nommée par l’archevêque d’Arles Ithier. Vingt ans plus tard, le marquis de Provence Guillaume Ier lui restitue d’importants domaines. En 1194, le pape Célestin III la replace sous son autorité directe.
Du VIe siècle au XIIIe siècle, l'abbaye Saint-Jean apparait comme un grand propriétaire foncier doté initialement par Césaire puis par Rostan dans leurs testaments, et enrichi par des achats ainsi que de nombreuses donations. Ainsi en 972, la villa de Niomes est citée dans un acte de donation des églises Saint-Vincent et Saint-Ferréol de Nions à l'abbaye Saint-Césaire. Peu après 1060, la veuve d'Uc des Baux, Enaurs, et ses fils restituent les albergues qu'ils perçoivent sur la villa d'Agon en Camargue[12]. L'abbaye possède aussi un des trois cimetières des Alyscamps comme l'évoque une sentence arbitrale de 1121 fixant les droits de sépulture respectifs avec celui de Saint-Honorat[13].
Moyen Âge tardif
Au XIVe siècle, l'abbaye se transforme en exploitant agricole dans ses domaines de Camargue (Agon, Granouillet) ; elle y pratique initialement l'exploitation directe, puis au XVe siècle, compte-tenu de l'insécurité et de l'accroissement des coûts de main-d'œuvre la forme de métayage ou de fermage à l'instar des Hospitaliers[14].
La crise démographique liée en grande partie aux épidémies de peste, qui fait perdre à Arles plus de la moitié de sa population entre 1320 et 1430, touche encore plus durement la communauté de moniales d'origine essentiellement arlésienne et noble, dont le nombre passe de 108 en 1343 à 22 en 1428[14]. A cette époque, l'abbaye se heurte à plusieurs reprises à l'archevêque et est secouée par des conflits internes liés à la personnalité des moniales ainsi qu'à la discipline monastique qui se relâche sensiblement[15]. Le problème ne semble toujours pas résolu à la fin du XVe siècle, quand une moniale décide de quitter le monastère pour rejoindre une autre commauté à Aix, en raison de la légéreté des mœurs de l'abbaye.
Ancien régime
En 1559, l'abbesse Marguerite de Clermont demande aux autorités de faire boucher le passage entre le monastère et le rempart de la ville en raison d'intrusions intempestives de jeunes gens venant faire scandales jusque dans l'enceinte du couvent. En 1628 l'archevêque du Laurens effectue une visite du couvent. Par la voix de son procureur, il juge nécessaire d'établir une prison afin de remettre les religieuses désobéissantes dans le droit chemin. Au milieu des années 1630, l'archevêque d'Arles Jean Jaubert de Barrault introduit la réforme bénédictine de Saint-Maur dans le monastère[16].
Après la Révolution
Sous la Révolution le couvent est fermé puis vendu en 1792 comme bien national. Il est alors détruit en grande partie.
En 1877 la congrégation des sœurs de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs s'y implante et installe un hospice pour personnes âgées qui nécessite des travaux de réaménagement importants confiés à l'architecte arlésien Auguste Véran. Inauguré le 16 octobre 1898, le site devient l'hospice Saint-Césaire.
En 1995, les bâtiments sont définitivement abandonnés.
Abbesses
- 512-540? : Césarie, sœur de l'évêque métropolitain d'Arles Césaire
- 540?-? : Césarie la Jeune[17]
- 562-569 : Liliola[17]
- 569-632 : Rusticule ou Resticule ou Resticula (551 - 11 août 632), quatrième abbesse[18].
- 632-? : Celsa; elle rédige la “Vita” de Resticule
- 972- : Ermengarde, abbesse nommée par l’archevêque d’Arles Ithier
- 1173 c. : Jourdane; elle donne en fief le territoire sur lequel les bénédictins fondent l'abbaye d'Ulmet
- 1174-1196ap : Aldiarde[19],[20]
- 1208 c. : Audiarde[21].
- 1221 c. : Audiarda[22] ; il est probable qu'Aldiarde, Audiarde et Audiarda ne soient qu'une seule et même personne, abbesse de Saint-Césaire de 1174 à ap. 1221, soit pendant environ 50 ans.
- 1233 c. : Florence[23]
- 1259 c. : Ermessinde[24].
- 1270 c. : Hermessinde; les moines d'Ulmet, en Camargue, lui reconnaissent une rente annuelle
- 1273 c. : Audiarda[25]
- 1296-1314 : Alasacia de Lambisco ou Azalaïs de Lambesc[26]
- 1314-1317 : Rixendis de Sancto-Cannato
- 1317-1319 : Rixendis de landa
- 1319-1326 : Margarita de Benevento
- 1326-1329 : Elixendis de Vicinis
- 1329-1345 : Suriana de Arenis, d'une famille de Beaucaire[27].
- 1345-1350 : Dionisa de Ripe Digna
- 1351-1366 : Guillelma de Remolonis
- 1366-1385 : Jauseranda de Cadella
- 1385-1391 : Maria de Crosio, d'une famille du Limousin; parente de Pierre de Cros, archevêque d'Arles[28].
- 1391-1416 : Galiena de Pugeto, de Puget-Théniers; sœur de Manuel de Puget, viguier d'Arles tué par les Tuschins lors de la prise d'Arles en juillet 1384[28].
- 1416-1433 : Dulcia Gantelme, fille de Johan Gantelme fondateur du monastère Notre-Dame et Saint-Honorat à Tarascon[28].
- 1433-1468 : Esmengarda Stephani, fille de Raymundus Stephani, seigneur de Lambesc et de Venelles[28].
- 1468-1501 : Catherina de Sancto Michaele
- …
- 1549-1549 : Jehanne Reynaude d'Alen; élue en janvier, elle est destituée par Henri II qui juge son élection contraire au concordat passé entre le roi François Ier et le pape Léon X.
- 1549-1561 : Marguerite de Clermont
- …
- 1754-1775 : Mme de Viguier (1716 – 11 janvier 1775) ; abbesse depuis le 10 décembre 1754[29].
Notes et références
- Base Mérimée
- Christian Settipani & Patrick van Kerrebrouck - La Préhistoire des Capétiens, 481-987, Première partie : Merovingians, Carolingians et Robertiens (Villeneuve d'Ascq, Editions Christian, 1993), p. 77. :
- D'après Christian Settipani & Patrick van Kerrebrouck, il s'agit de Marcatrude, reine de Bourgogne, par son mariage avec le roi Gontran. Elle est enfermée chez des moniales arlésiennes au monastère Saint-Jean, en 567, après la naissance d’un enfant mort-né. Elle serait la sœur de Giuccio et de Magnachar (vers 506-565), duc des Francs-Transjurans.
- Grégoire de Tours - Histoire des Francs - Livre IV ici :
- Le roi Charibert lui-même mourut peu de temps après elle [Paris, entre 567 et 570], et après sa mort Teutéchilde, l’une de ses femmes, envoya des messagers au roi Gontran, et s’offrit à lui en mariage. Le roi répondit : Qu’elle vienne à moi sans retard avec ses trésors, je la prendrai pour femme et la rendrai grande aux yeux du peuple, afin qu’elle jouisse avec moi de plus d’honneurs qu’elle n’en a eus avec mon frère qui vient de mourir. Elle, joyeuse de cette réponse, rassembla tout ce qu’elle possédait et vint vers lui. Ce que voyant le roi, il dit : Il est plus juste que ces trésors soient en mon pouvoir qu’au pouvoir de celle-ci que mon frère a fait honteusement entrer dans son lit. Alors lui enlevant une grande partie de ce qu’elle avait, et ne lui en laissant qu’une petite portion, il l’envoya au monastère d’Arles. Là, elle ne se soumettait qu’avec beaucoup de chagrin aux jeûnes et aux veilles ; elle s’adressa donc par des messagers secrets à un certain Goth, lui promettant que, s’il voulait la conduire en Espagne et l’épouser, elle quitterait le monastère avec ses trésors et le suivrait de très bon cœur. Lui le promit sans hésiter : elle avait donc rassemblé ses effets, et les avait mis en paquet, se préparant à quitter le couvent, mais l’abbesse par sa vigilance prévint ce projet, et l’ayant prise en fraude la fit cruellement fustiger, puis renfermer, et elle demeura ainsi jusqu’à sa mort dans des souffrances non petites.
- Grégoire de Tours - Histoire des Francs - Livre IX ici :
- Dans la suite, la bienheureuse Radegonde chercha souvent à se remettre bien avec son évêque, mais sans pouvoir y parvenir ; en sorte que, forcée par la nécessité, elle se rendit dans la ville d’Arles avec l’abbesse qu’elle avait instituée. Là, elles embrassèrent la règle de saint Césaire et sainte Césarie, et ne pouvant obtenir que celui qui aurait dû être leur pasteur s’occupât de les défendre, elles se mirent sous la protection du roi. De là s’élevèrent des différends qui s’aigrirent de jour en jour, jusqu’au temps où sainte Radegonde passa de ce monde dans l’autre.
- Agnès, sa sœur spirituelle qu'elle choisit comme future abbesse et Venance Fortunat, poète italien qui deviendra son biographe. Elle est accompagnée d'
- Jean-Maurice Rouquette (sous la direction de) - Arles, histoire, territoires et cultures - p.278,279
- Joseph Hyacinthe Albanés - Gallia christiana novissima - page 75, n°178 : ici
- René Poupardin – Le Royaume de Provence sous les Carolingiens (855-933?), page 35 ici :
- … Cette concession faite par l'empereur de dignités ecclésiastiques ne fut d'ailleurs pas la seule. Louis, en effet, se laissa plus ou moins corrompre en même temps que l'impératrice Engilberge, pour faire don à l'archevêque Roland d'Arles de l'abbaye de Saint-Césaire dans cette ville.
- Jean-Pierre Poly – La Provence et la société féodale 879-1166 – Bordas, Paris, 1976 – p. 81
- Jean-Maurice Rouquette (sous la direction de) - Arles, histoire, territoires et cultures - p.307
- Jean-Pierre Poly – La Provence et la société féodale 879-1166 – Bordas, Paris, 1976 – p. 82
- Jean-Pierre Poly - La Provence et la société féodale 879-1166 - Bordas - Paris, 1976 - page 124.
- Louis Stouff - L'Eglise et la vie religieuse à Arles et en Provence au Moyen Âge, page 71
- Ibidem, page 72
- Le 13 juillet 1441, le conseil adopte le texte suivant "que tous ceux qui n'ont pas de parentes dans le couvent ne le fréquentent pas, car cela risque de compromettre la réputation du couvent" et décide d'écrire au cardinal Louis Aleman, archevêque d'Arles, si l'official ne règle pas la question. Pour les membres du patriciat local, Saint-Césaire est un peu le dernier salon où l'on cause.
Ibidem, page 77 :
- Congrès archéologique de France - 134e session -Pays d'Arles, page 220
- Jean-Maurice Rouquette (Conservateur en Chef Honoraire du Patrimoine) – conférence Saint-Jean d’Arles, la fondation et les débuts du monastère du 16 octobre 2008 ici
- Jean-Maurice Rouquette (sous la direction de) - ARLES, histoire, territoires et cultures, page 278
- Martin Aurell - Actes de la famille Porcelet d'Arles (972-1320), acte n°154, du 24 juin 1174
- Paul Amargier (texte établi par) - Cartulaire de Trinquetaille, pièce n°19 page 18 : Aldiarde abbesse en 1192; Aldiarde est toujours abbesse en avril 1196, cf. ibidem, pièce n° 49, page 42
- Paul Amargier (texte établi par) - Cartulaire de Trinquetaille, pièce n°221 page 226
- Martin Aurell - Actes de la famille Porcelet (972-1320), acte n° 303, page 207.
- Martin Aurell - Actes de la famille Porcelet d'Arles (972-1320), acte n°339, page 250 où il est rapporté que :
- Raymond Bérenger V donne à Florence, abbesse de Saint-Césaire, ses droits sur le fief, contigu d'un domaine de Bertan Porcelet, que son monastère possède à Albaron.
- ici :
- Guillaume de Ronnis, élu abbé à sa mort, administra pendant environ un an les affaires du monastère [ndlr : abbaye de Montmajour] sans avoir reçu la confirmation de son titre. Il céda à Ermessînde, abbesse de Saint-Césaire d'Arles, tous les droits qu'avait Montmajour sur Vile de Cordes, située à une faible distance au sud-est de l'abbaye, et reçut d'elle en échange son domaine du Castellet, qui en était aussi très-voisin (2).
F. De Marin De Carranrais - L'Abbaye de Montmajour : étude historique d'après les manuscrits de D. Chantelou et autres documents inédits – 1877, Marseille - page 60 - Martin Aurell - Actes de la famille Porcelet (972-1320), acte n° 451, page 384. Cet acte, daté du 21 novembre 1271, est passé à Arles dans le palais de l'archevêché.
- Martin Aurell - Actes de la famille Porcelet (972-1320), acte n° 535, page 465. Cet acte, daté du 1er janvier 1296, est passé à Arles dans le palais de l'archevêché.
- Louis Stouff - L'Eglise et la vie religieuse à Arles et en Provence au Moyen Âge, page 78
- Ibidem
- Émile Fassin – Bulletin archéologique d’Arles, 1891 n° 5, page 78.
Voir aussi
Sources et bibliographie
- Joseph Hyacinthe Albanés - Gallia christiana novissima
- Émile Fassin – Bulletin archéologique d’Arles, 1891 n° 5
- René Poupardin – Le Royaume de Provence sous les Carolingiens (855-933?)
- Louis Stouff - Arles au Moyen Âge, page 90
- Louis Stouff - L'Eglise et la vie religieuse à Arles et en Provence au Moyen Âge, pages 69–78
- Paul Amargier (texte établi par) - Cartulaire de Trinquetaille
- Jean-Pierre Poly – La Provence et la société féodale 879-1166 – Bordas, Paris, 1976 – (ISBN 978-2-04-007740-2)
- Christian Settipani & Patrick van Kerrebrouck - La Préhistoire des Capétiens, 481-987, Première partie : Merovingians, Carolingians et Robertiens (Villeneuve d'Ascq, Editions Christian, 1993)
- Martin Aurell - Actes de la famille Porcelet (972-1320)
- Jean-Maurice Rouquette (dir.), Arles, histoire, territoires et cultures, Paris, Éditions Imprimerie nationale, 2008 (ISBN 978-2-7427-5176-1)
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