Cinquième Croisade

Cinquième Croisade

Cinquième croisade

Cinquième croisade
Belagerung von Damiette 1218.jpg

Prise de Damiette (1218)
Informations générales
Date 1217-1221
Lieu Terre Sainte
Issue néant
Belligérants
Croisés Ayyoubides
Commandants
Pélage, légat pontifical
Jean de Brienne, roi de Jérusalem
André II, roi de Hongrie
Léopold VI, duc d'Autriche
Al-Adel et Al-Kamil, sultan dEgypte
Malik al-Mu'azzam, émir de Damas
Croisades d'Orient
(Ire, IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, 1239, VIIe, VIIIe, IXe).

La cinquième croisade (12171221) est une campagne militaire dont le but était denvahir et de conquérir une partie du sultanat ayyoubide dÉgypte afin de pouvoir échanger les territoires conquis contre les anciens territoires du royaume de Jérusalem se trouvant sou contrôle ayyoubides. Malgré la prise de Damiette, cette croisade est un échec, à cause de lintransigeance du légat Pélage et de sa méconnaissance de la politique locale, ce qui le conduisit à refuser les négociations au bon moment.

Sommaire

Contexte

Depuis la conquête de Jérusalem par Saladin, plusieurs expéditions chrétiennes avaient tenté de reprendre la ville Sainte. Dabord la troisième croisade (1189-1192) qui navait été quun succès partiel, ne permettant que la reconquête du littoral. En 1202, une quatrième croisade est lancée, mais les intrigues vénitiennes la détournent sur Constantinople, privant lOrient dun secours précieux[1].

Au printemps 1213, le pape Innocent III publia une bulle, Quia maior, appelant toute la Chrétienté à rejoindre une nouvelle croisade. Les rois et empereurs d'Europe, cependant, étaient préoccupés par des querelles internes[2]. Assisté par Raoul de Mérencourt, patriarche de Jérusalem, Baudin, évêque de Tortose, ainsi que Jérémie, patriarche maronite, il réitère son appel à la croisade à la séance douverture du concile de Latran, le 11 novembre 1215, mais meurt peu après, le 16 janvier 1216[3].

Le message de la croisade fut prêché en France par Robert de Courçon ; néanmoins, contrairement aux autres croisades, peu de chevaliers français la rejoignirent. Nombre d'entre eux menaient déjà la croisade des Albigeois contre les Cathares (considérés comme hérétiques) dans le Sud de la France. Dautres prélat la prêchèrent en Angleterre, dans le Saint-Empire (Olivier de Cologne), en Hongrie, … Le nouveau pape Honorius III envoie Jacques de Vitry en Orient, afin dy raffermir lesprit de la croisade qui sy était quelque peu effacé devant léconomie marchande des ports de Terre Sainte[4].

Campagnes militaires

Campagne en Palestine

André II, roi de Hongrie.

Les premières armées croisées à arriver sont celles du roi André II de Hongrie et du duc Léopold VI d'Autriche. Le roi Hugues Ier de Chypre les rejoint, et Jean de Brienne, roi de Jérusalem fait réunir son ost. Le conseil de guerre, réuni à Saint-Jean-dAcre à la fin doctobre 1217, décide dattaquer la forteresse du Mont-Thabor que le sultan Al-Adil vient de faire édifier. Forte de deux mille chevaliers, mille sergents à cheval et vingt mille fantassins, larmée hongroise quitte Acre en direction du Jolan le 3 novembre 1217. Al-Adil, en infériorité numérique et espérant que lenthousiasme des croisés sémousse au fur et à mesure que la campagne progresse se dérobe et laisse les croisés piller Beisan. Les Hongrois continuent de piller la région, atteignent le Jourdain, puis retournent à Acre[5].

Après y sêtre reposé, un certain nombre de Hongrois repartent en campagne, sans lassentiment de leur roi et assiègent le Mont-Thabor le 29 novembre. La situation de la forteresse empêche lusage de machines de guerre et, découragés par le manque de résultat après plusieurs assauts, les croisés lèvent le siège le 7 décembre. Quelques Hongrois font une dernière incursion dans le Marj Ayun et tentent de prendre Beaufort mais sont écrasés : sur cinq cents croisés, seuls trois parviennent à rejoindre Sidon. Lassé par les échecs, le roi de Hongrie décide de rentrer dans son royaume, malgré les abjurations des Francs de Syrie et la perspective darrivée de nouveaux croisés[5].

Jean de Brienne tire le bilan de ces tentatives en Palestine et comprend que Jérusalem est trop loin des côtes pour qu'une armée qui cherche à sen emparer soit ravitaillée. De plus, les fortifications de la Ville Sainte sont dans un trop mauvais état, de sorte que si une armée chrétienne sen empare, elle ne pourra résister à une armée musulmane de secours que très difficilement. Aussi le roi de Jérusalem propose-t-il une autre stratégie, qui consiste à semparer dun port important de lEgypte, Alexandrie ou Damiette, et den négocier léchange contre Jérusalem[6].

Campagne en Egypte

Le delta oriental du Nil.

Les barons syriens et chypriotes, les Templiers, les Hospitaliers et les croisés approuvent lanalyse de Jean de Brienne et sembarquent le 27 mai 1218 en direction de Damiette quelle atteint le 29. Al-Adel, sultan dEgypte, qui pensait que les Croisés attaqueraient de nouveau en Syrie est totalement pris au dépourvu et na pas préparé la défense de la ville, qui parvient à résister pendant trois mois, ravitaillés par larrière pays. Le 24 août, des croisés frisons semparent des tours extérieures de la ville et brisent les chaînes qui bloquent la navigation. Les navires croisés peuvent alors sengager sur le Nil et contrôler larrière pays, mettant ainsi fin au ravitaillement de la ville. Le sultan Al-Adil meurt peu après, le 31 août. Malgré les efforts de son successeur Al-Kamil, les Croisés maintiennent leur maîtrise navale sur le bras du Nil, mais le nouvel émir de Damas, Malik al-Mu'azzam, attaque en diversion Césarée et fait complètement raser la ville. Il démantèle préventivement les fortifications de Jérusalem[7].

En septembre 1218, le légat pontifical Pélage arrive à Damiette et déclare prendre le commandement de la croisade. Le 9 octobre, Al-Kamil tente une importante attaque contre le camp croisé, mais la vaillance de Jean de Brienne permet aux croisés de la repousser. Une seconde attaque est repoussée le 26 octobre. Mais le temps joue contre les Ayyoubides : la destruction des murailles de Jérusalem a déconsidéré Malik al-Mu'azzam, les défaites contre les Francs atteignent le prestige dAl-Kamil. Dautres princes ayyoubides, voulant leur part du royaume dAl-Adil, complote et Al-Kamil doit quitter précipitamment son camp le 5 février 1219, ne sy sentant plus en sécurité et pour contrer une tentative de coup détat dAl-Faiz, un de ses frères, au Caire. Ses émirs se dispersent alors, constatant son absence. Soutenu par son autre frère, Malik al-Mu'azzam, émir de Damas, Al-Kamil redresse la situation et élimine Al-Faiz, puis les musulmans reviennent à Fariksur ils établissent leur camp face aux croisés[8].

Cornelis Claesz van Wieringen : Navire brisant la chaîne de Damiette lors la cinquième croisade, XVIe siècle.

En février 1219, un détachement de chevaliers chypriotes vient compléter les forces croisées, suivi dun contingent français mené par Hugues X de Lusignan, comte de la Marche et par Simon, sire de Joinville qui débarque à Pâques. Al-Kamil, malgré laide de son frère, cherche à obtenir le départ des Francs, et propose à des négociateurs un échange, celui de la ville de Jérusalem contre le départ des Francs dEgypte. Jean de Brienne, les barons syriens et les croisés français sont unanimement favorables à cette proposition, mais le légat Pélage, soutenu par les Templiers et les croisés italiens repousse cette offre. Le 8 juillet une nouvelle attaque contre Damiette échoue. Le 29 août, cest le camp musulman de Fariksur qui est attaqué, contre lavis de Jean de Brienne, et occupé car les Musulmans avaient éventé lattaque et évacué le camp. Peu après, les sergents se rendent compte que le camp nest pas ravitaillés ni en eaux ni en vivres et battent retraite vers Damiette, harcelés par les troupes islamiques. Al-Kamil fait une nouvelle offre déchange, qui est également repoussée à cause du fanatisme de Pélage[9].

Le 5 novembre 1219, les machines de guerre des Hospitaliers font une brèche dans les remparts de Damiette et lassaut lancé aussitôt permet la prise de la ville. Par précaution, Al-Kamil déplace son armée et la poste à Mansourah, il fait construire une forteresse[10].

Échec de la croisade

Querelles croisées

Les Croisés commencent à transformer Damiette en cité chrétienne, faisant fermer les mosquées et ouvrir les églises, mais non sans querelles en raison de la rivalité et de lhostilité existant entre les croisés français et italiens. En effet, les Italiens souhaitent occuper lEgypte pour y installer des comptoirs commerciaux et contrôler le delta, tandis que la ville représente pour Jean de Brienne et les croisés français et syriens une monnaie déchange pour obtenir Jérusalem. En face de ces autorités civiles se dresse lautorité religieuse du légat qui veut placer la ville sous sa propre autorité. Les querelles ne sapaisent quau mois de février 1220[10].

La période est favorable pour attaquer lIslam, car à ce moment, Gengis Khan attaque la Perse et menace le califat abbasside. Les princes musulmans de Syrie sont partagés entre le désir de prêter main forte au sultan dEgypte contre les Francs ou de secourir le calife. Malheureusement, les Francs paralysés par leurs querelles ne profitent pas de cette opportunité. Le 29 mars, Jean de Brienne et le barons syriens quittent Damiette et la croisade, voyant que lexpédition ne mène à rien, que Pélage et les Italiens cherchent à fonder une colonie en Egypte et ne songent plus à échanger les conquêtes contre Jérusalem. Pélage fait alors subir sa tyrannie sur Damiette, met lembargo sur les navires, interdisant aux pèlerins et aux croisés de partir sans son autorisation. Il néglige dentretenir les navires, alors que les Ayyoubides font construire dix galères qui ne tardent pas à attaquer les navires chrétiens[11].

François d'Assise propose l'ordalie au sultan Al-Kamil pour le convaincre de la supériorité de la foi chrétienne.
Giotto : fresque de la Basilique supérieure d'Assise, XIIIe siècle.

Cest à cette époque que François dAssise, connaissant lesprit de tolérance et de compréhension qui anime les deux sultans ayyoubides, entreprend avec un autre frère franciscain une démarche auprès dAl-Kamil. Pélage ne les laisse partir que de mauvaise grâce et les deux religieux arrivent auprès du sultan et tentent de linciter à se convertir au christianisme. Le sultan leur accorde une entrevue, mais refuse le baptême et les laisse revenir à Damiette sain et sauf[12]. Encouragé par cette entrevue, Al-Kamil propose encore léchange de Damiette contre Jérusalem, mais Pélage repousse loffre, espérant la venue de lempereur Frédéric II et de son armée, pour reprendre loffensive et conquérir lEgypte[13].

Crue du Nil et débâcle

En fait, Frédéric II na pas la moindre intention de se croiser et ne fait des promesses que pour gagner du temps. En mai 1221 narrivent que de maigres renforts, cinq cents hommes conduits par le duc Louis Ier de Bavière et le grand-maître teutonique Hermann von Salza. Pélage se décide alors à reprendre loffensive et à marcher sur le Caire, jetant lanathème sur les opposants à ce projet. Jean de Brienne refuse de participer à cette opération quil juge insensée. Pélage passe outre et Jean de Brienne, pour éviter le blâme quon ne manquerait pas de lui appliquer après léchec, est contraint de rejoindre Damiette quil atteint le 7 juillet 1221[14]..

Al-Kamil renouvelle encore ses offres de paix que Pélage, se sentant en position de force, repousse. Le premier contact entre les deux armées se produite le 19 juillet, mais il ne sagit que davant-gardes musulmanes qui se replient sans se lancer dans un affrontement. En effet, les sultans Al-Kamil et Malik al-Mu'azzam pratiquent la tactique de la terre déserte, car ils attendent l'arrivée de renforts de leur frère Al-Ashraf et le début de la crue du Nil. Quand les croisés arrivent devant Mansourah, les Musulmans détruisent les digues, inondant la plaine et isolant les Francs sur une étroite bande de terre. La flotte ayyoubide bloque leur retraite et Pélage, escomptant une prise rapide de Mansourah avait négligé d'emporter des vivres en suffisance[15].

Pélage, qui a perdu de sa superbe, abandonne la direction de la croisade à Jean de Brienne qui na dautre choix de capituler. Dans le camp musulman, les avis sont partagés : Al-Kamil est davis de négocier la libération de larmée croisée contre Damiette, tandis Malik al-Mu'azzam et Al-Ashraf sont davis den finir définitivement avec les Francs. La crainte de devoir soutenir un long siège de Damiette, dont les fortifications ont été renforcées par les Croisés et qui dispose encore dune forte garnison, plus celle de risquer larrivée dune autre armée, celle de lempereur Frédéric II font que les chefs musulmans finissent par accéder aux vues dAl-Kamil. Les croisés évacuent Damiette le 7 septembre 1221, tandis que les derniers prisonniers sont libérés[16].

Conséquences

Cette croisade est un échec et na permis aucune progression et a même failli tourner à la catastrophe. Elle a mis en évidence le décalage important entre lesprit de la croisade, qui anime de nombreux européens pour qui il faut tuer du Sarrazin et conquérir de nouveaux territoires, et lesprit colonial animant les Francs dOrient, qui sont conscient de leur infériorité numérique et qui doivent prendre en compte les réalités politiques du Proche Orient. La cinquième croisade met également en évidence la volonté de lOccident (papauté en 1220, puis lempire germanique une décennie plus tard) de gouverner et prendre en mains les destinées de lOrient latin sans tenir compte les institutions de la Syrie latine ni des réalités politiques[17].

Notes et références

  1. En première conséquence, ce détournement na pas permis au Francs de Syrie de poursuivre la reconquête de la Palestine. Ensuite, comme lempire latin de Constantinople reste constamment la proie des attaques grecques et bulgares, il faut le défendre, détournant les secours possibles.
  2. Lempereur et les rois de France et dAngleterre sapprêtent à saffronter à la bataille de Bouvines.
  3. Grousset 1936, p. 226-7.
  4. Grousset 1936, p. 227-230.
  5. a et b Grousset 1936, p. 230-1.
  6. Grousset 1936, p. 236-8.
  7. Grousset 1936, p. 236-242.
  8. Grousset 1936, p. 242-8.
  9. Grousset 1936, p. 247-254.
  10. a et b Grousset 1936, p. 254-6.
  11. Grousset 1936, p. 256-260.
  12. Thomas de Celano : Vie de saint François, Vita I, § 57; Bonaventure de Bagnorea : Legenda major 9, 6-9.
    L'événement eut lieu fin août, début septembre 1219.
  13. Grousset 1936, p. 260-1.
  14. Grousset 1936, p. 260-2.
  15. Grousset 1936, p. 262-5.
  16. Grousset 1936, p. 265-270.
  17. Grousset 1936, p. 270.

Annexes

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Sources

  • René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - III. 1188-1291 L'anarchie franque, Perrin, Paris, 1936 (réimpr2006), 902 p. 

Articles connexes

Liens externes

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