- Christianisme oriental
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Le christianisme oriental est le christianisme tel qu'il s'est développé à partir des provinces orientales de l'Empire romain (Grèce, Proche-Orient, Égypte). Ses rites se sont notamment étendus au Moyen-Orient, en Europe orientale, en Arménie, en Inde du Sud, en Éthiopie... Il se caractérise (par opposition au christianisme occidental, notamment au catholicisme romain) par une organisation non centralisée, par la place de la culture et de la langue grecques et par la multiplicité des dénominations et des pratiques.
Sommaire
Origine historique
Le christianisme est né et s'est d'abord développé dans la partie orientale de l'Empire romain. À côté de Rome (qui fait remonter la fondation de son Église à l'apôtre Pierre), les villes de Jérusalem, d'Antioche et d'Alexandrie jouent le rôle de capitales ecclésiastiques. En 330, l'empereur Constantin Ier transfère la capitale de l'empire de Rome à Constantinople (rebaptisée Nea Roma, « Nouvelle Rome »), qui devient un grand foyer intellectuel. Le premier concile de Constantinople en 381 place le siège de Constantinople au second rang, juste après celui de Rome.
On aboutit alors à ce qui est connu sous le nom de Pentarchie : les cinq centres historiques de Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem (dans leur ordre de préséance et de primauté). En dehors de l'Empire romain, les chrétiens étaient libres de s'organiser en Églises indépendantes. Ce fut notamment le cas de l'Église arménienne et de l'Église géorgienne.
L'Orient chrétien va ensuite connaître plusieurs controverses christologiques, ainsi que des crises et bouleversements idéologiques et politiques, qui expliquent la situation d'aujourd'hui.
- 301 (ou 314) : conversion de l'Arménie au christianisme. Ainsi, ce pays devient le premier pays officiellement chrétien.
- 424 : les Églises chrétiennes de l'Empire perse se proclament indépendantes, pour ne plus être soupçonnées de soutenir l'Empire romain.
- 431 : les thèses nestoriennes sont reconnues comme hérétiques au concile d'Éphèse.
- 451 : le concile de Chalcédoine proclame que l'unique personne du Christ est à la fois de nature divine et humaine. Ce dogme, accepté en Occident et par les populations hellénisées d'Orient (ainsi que par l'Église géorgienne), est rejeté par de nombreux chrétiens d'Orient. Ce schisme est à l'origine des Églises des trois conciles. On appellera chalcédoniens ou melkites le partisans des dogmes du concile et monophysites leurs opposants.
- 484 : les chrétiens de l'Empire perse adoptent le nestorianisme comme doctrine officielle (c'est l'origine des Églises des deux conciles et de l'Église catholique chaldéenne).
- VIIe - VIIIe siècles : trois des centres du christianisme oriental (Alexandrie, Antioche et Jérusalem) tombent aux mains des musulmans : il ne reste que Constantinople et Rome.
- 687 : l'Église maronite (chalcédonienne) rompt avec Constantinople.
- IXe siècle : évangélisation des peuples slaves orientaux (autour de Kiev) qui se rattachent à Constantinople plutôt qu'à Rome.
- 1054 : lors du grand schisme d'Orient ou schisme de Rome, Constantinople et Rome s'excommunient mutuellement. Les Églises restées en communion avec Constantinople constituent ce qui est appelé l'« Église orthodoxe » (Églises des sept conciles).
- 1182 : l'Église maronite entre en communion avec Rome lors des croisades.
- 1204 : destruction de Constantinople par les armées croisées (catholiques romains).
- 1439-1445 : au concile de Florence, l'Église catholique décide d'accorder la liberté liturgique aux Églises d'Orient en échange de leur reconnaissance du pape.
- 1453 : prise de Constantinople par les Turcs ottomans musulmans qui la rebaptisent Istanbul.
- 1551 : Rome réussit à faire reconnaître son autorité à certains fidèles de l'Église de Perse (Église catholique chaldéenne).
- 1589 : création du patriarcat de Moscou qui se proclame « troisième Rome » et nouveau centre de l'orthodoxie.
- 1596 : par l'union de Brest, une partie des orthodoxes ukrainiens s'unit à Rome, tout en conservant le rite byzantin. Ils forment la première communauté catholique orientale uniate.
- XVIIe siècle : grâce aux efforts des maronites, l'autorité de Rome est reconnue par une partie de l'Église orthodoxe d'Antioche (chalcédonienne), de l'Église syriaque orthodoxe (monophysite) et du catholicossat arménien de Cilicie (miaphysite). Ainsi se créent les Églises grecque-catholique melkite, catholique syriaque et catholique arménienne.
Les familles d'Églises orientales
Les chrétiens orientaux d'aujourd'hui ont un héritage historique et culturel commun, mais ils ont également connu de nombreuses divisions et recompositions, souvent plus politiques que religieuses.
Les Églises orientales peuvent être regroupées en quatre ensembles, qui forme chacun une « communion » :
- les Églises des deux conciles : Église apostolique assyrienne de l'Orient (Église malabare orthodoxe), Ancienne Église de l'Orient ;
- les Églises des trois conciles (les Églises orthodoxes orientales) :
- Église copte orthodoxe (Église orthodoxe britannique), Église éthiopienne orthodoxe, Église érythréenne orthodoxe ;
- Église syriaque orthodoxe (Église syro-malankare orthodoxe), Église malankare orthodoxe, Église malabare indépendante (Église syro-orthodoxe francophone) ;
- Église apostolique arménienne (Catholicossat de tous les Arméniens, Catholicossat de Cilicie) ;
- les Églises des sept conciles (les Églises orthodoxes « byzantino-slaves ») :
- Églises autocéphales : Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem, Russie, Géorgie, Serbie, Roumanie, Bulgarie, Chypre, Grèce, Albanie, Pologne, Tchéquie-Slovaquie, Amérique* ;
- Églises autonomes (l'astérisque signifie que l'autocéphalie ou l'autonomie n'est pas universellement reconnue) : Sinaï, Finlande, Estonie (Patriarcat œcuménique)*, Estonie (Patriarcat de Moscou)*, Ukraine (Patriarcat de Moscou)*, Moldavie (Patriarcat de Moscou)*, Lettonie (Patriarcat de Moscou)*, Biélorussie (Patriarcat de Moscou)*, Bessarabie*, Ohrid*, Japon*, Chine*, Église orthodoxe russe hors frontières ;
- Églises indépendantes non canoniques : Ukraine (Patriarcat de Kiev), Ukraine (Église autocéphale), Macédoine, Monténégro, Biélorussie (Église autocéphale), Église orthodoxe vieille-ritualiste russe ;
- les Églises catholiques orientales ou « uniates », unies à l'Église catholique romaine (en quelque sorte, l'Église des vingt-et-un conciles), auxquelles on peut associer le Patriarcat latin de Jérusalem :
- tradition alexandrine / abyssinienne : Église catholique copte, Église catholique éthiopienne ;
- tradition syriaque : Église catholique syriaque (Proche-Orient), Église maronite (Liban), Église catholique chaldéenne (Irak), Église catholique syro-malabare (Kerala, Inde), Église catholique syro-malankare (Kerala, Inde) ;
- tradition arménienne : Église catholique arménienne ;
- tradition byzantine : Église grecque-catholique melkite, Église grecque-catholique ukrainienne, Église grecque-catholique roumaine, Église grecque-catholique ruthène, Église catholique byzantine, Église grecque-catholique slovaque, Église grecque-catholique tchèque, Église grecque-catholique hongroise, Église grecque-catholique bulgare, Église grecque-catholique croate, Église grecque-catholique serbo-monténégrine, Église grecque-catholique macédonienne, Église grecque-catholique russe, Église grecque-catholique biélorusse, Église grecque-catholique albanaise, Église grecque-catholique italo-albanaise, Église grecque-catholique hellène, Communauté grecque-catholique géorgienne.
Quelques Églises orientales se rattachent également à l'ensemble des Églises protestantes, notamment en Inde (par exemple, l'Église malankare Mar Thoma).
Évolution récente
Proche- et Moyen-Orient
La tendance des dernières décennies est celle d'une émigration des chrétiens des pays du Proche- et du Moyen-Orient vers l'Europe occidentale, l'Amérique du Nord, l'Australie. Aujourd'hui, certaines Églises orientales peuvent pratiquement être considérées comme des « Églises en diaspora », à l'exemple de l'Église apostolique assyrienne de l'Orient dont le primat et la majorité des fidèles sont aujourd'hui installés en Occident.
Ces départs de zones traditionnellement chrétiennes peuvent avoir différentes causes, économiques, politiques ou religieuses.
Les communautés une fois installées en Occident peuvent connaître des évolutions très diverses : de l'assimilation et la perte de l'identité culturelle et religieuse à la réaffirmation et au renouveau de cette identité.
Europe orientale
La fin de l'Union soviétique et de la domination russo-soviétique en Europe centrale et orientale a permis une nouvelle liberté religieuse et un renouveau des Églises orthodoxes et catholiques orientales dans cette région. Cela ne va pas sans situations conflictuelles.
La situation est particulièrement complexe en Ukraine avec notamment la restauration de l'Église grecque-catholique (qui avait été liquidée en 1946 au bénéfice de l'Église orthodoxe russe) et la création de plusieurs Églises orthodoxes. La tension est souvent vive du fait de conflits à propos d'attribution-restitution de lieux de culte. L'Église orthodoxe russe, pour qui l'Ukraine fait partie de son territoire canonique traditionnel et qui se considère comme étant la seule héritière légitime de l'ancienne Rus' kievienne, suit cette évolution avec intérêt et préoccupation. Des évolutions similaires peuvent être observées en Biélorussie (où la liberté religieuse est très relative), en Moldavie et dans les pays baltes.
La Russie elle-même connaît de nombreux débats et situations conflictuelles (rôle et positionnement de l'Église orthodoxe officielle et de ses dirigeants pendant la période soviétique, rapports avec l'Église orthodoxe russe hors frontières, développement de l'Église grecque-catholique russe, sortie de la clandestinité de l'« Église des catacombes », encadrement de la diaspora russe en Occident…).
Europe occidentale et reste du monde occidental
L'arrivée de nouveaux immigrés orientaux en provenance du Proche- et du Moyen-Orient ou d'Europe orientale a renforcé et renouvelé les communautés chrétiennes orientales déjà installées et souvent bien intégrées. Deux tendances sont perceptibles, notamment dans les communautés orthodoxes : garder et transmettre le patrimoine culturel et linguistique ou s'adapter à la nouvelle situation. On voit ainsi se multiplier les paroisses de langue française ou de langue anglaise. De même, on voit se développer des expériences d'occidentalisation rituelle. Enfin, toujours chez les orthodoxes, on perçoit une volonté de clarification juridictionnelle (organisation des Églises sur un principe « territorial » et non pas « national »).
Voir aussi
Liens internes
- Liste alphabétique des articles sur les chrétiens d'Orient
- Index thématique des articles sur les chrétiens d'Orient
- Chrétiens d'Orient
- Synode des évêques pour le Moyen-Orient
Bibliographie
Article connexe : Projet:Chrétiens d'Orient/Bibliographie.- Julius Assfalg et Paul Krüger, Petit dictionnaire de l'Orient chrétien, Brepols, Turnhout, 1991 (ISBN 2503500625)
- Ghislain Brunel (dir.), La présence latine en Orient au Moyen Âge, Centre historique des Archives nationales / Champion (col. Documents inédits des Archives nationales), Paris, 2000 (ISBN 2745304097)
- Alain Ducellier, Byzance et le monde orthodoxe, Armand Colin (col. U), Paris, 1997 (3e éd.) (ISBN 2200015216)
- Alain Ducellier, Chrétiens d'Orient et Islam au Moyen Âge VIIe ‑ XVe siècle, Armand Colin (col. U), Paris, 1999 (ISBN 2200014481)
- Anne-Marie Eddé, Françoise Micheau et Christophe Picard, Communautés chrétiennes en pays d'Islam du début du VIIe siècle au milieu du XIe siècle, SEDES, Paris, 1997 (ISBN 2718190353)
- Bernard Heyberger, Chrétiens du monde arabe : un archipel en terre d'Islam, Autrement (col. Mémoires), Paris, 2003 (ISBN 2746703904)
- Bernard Heyberger, Les chrétiens du Proche-Orient au temps de la réforme catholique, École française de Rome, Rome, 1994 (ISBN 2728303096)
- Raymond Janin, Les Églises et les rites orientaux, Letouzey & Ané, Paris, 1997 (ISBN 2706302062) (5e éd. avec compléments bibliographiques, 1re éd. 1922)
- Pierre Maraval, Lieux saints et pèlerinages d'Orient : histoire et géographie, des origines à la conquête arabe, Cerf, Paris, 1985 (ISBN 2204022144)
- Pierre Maraval, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, Presse universitaire de France, Paris, 2001 (ISBN 2130515959) (1re éd. en 1997)
- Jean Meyendorff, Unité de l'Empire et divisions des chrétiens : l'Église de 450 à 680, Cerf, Paris, 1993 (ISBN 2204046469)
- Jean Meyendorff et Aristeides Papadakis, L'Orient chrétien et l'essor de la papauté : l'Église de 1071 à 1453, Cerf, Paris, 2001 (ISBN 2204066710)
- Frédéric Pichon, Voyage chez les chrétiens d’Orient, Presses de la Renaissance, Paris, 2006 (ISBN 2750900913)
- Jean Richard, La papauté et les missions d'Orient au Moyen Âge (XIIIe ‑ XVe siècles), École française de Rome, Rome, 1998 (ISBN 2728305196)
- Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des Chrétiens d'Orient, Fayard, Paris, 1994 (ISBN 2213030642)
- Mahmoud Zibawi, Orients chrétiens, Desclée de Brouwer, Paris, 1995 (ISBN 2220036006)
Liens externes
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