- Yoga-sûtra
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Les Yoga sūtra ou Yogasūtra[1] de Patañjali, abrégé Y.S., est un recueil de 195 aphorismes (sūtra), phrases brèves, laconiques, destinées à être facilement mémorisées et appartenant à la philosophie indienne āstika. Ce texte qui comprend 1161 mots[2] est la base du système philosophique appelé yoga, yoga de Patañjali ou encore plus scientifiquement sāṃkhya yoga[3] en raison de sa connection intime avec le darśana appelé sāṃkhya[4].
Cette œuvre, probablement rédigée ou compilée entre -200 et +500 (on retient souvent le IIe s. av. J.-C., sans certitude), est le texte qui a codifié ou systématisé le yoga et sur lequel s'appuie le rāja yoga (yoga royal). Son influence sur la philosophie et sur la pratique du yoga est aussi forte aujourd'hui que lorsqu'elle a été écrite.
Les 195 sūtra sont répartis en 4 chapitres (pāda) : Samādhi pāda, Sādhana pāda, Vibhāti pāda, Kaivalya pāda.
Sommaire
Contexte doctrinal
Article principal : Yoga.L'enseignement basé sur les Yoga sūtra de Patañjali se nomme le yoga-darśana. Cette expression est composée de deux termes :
- Yoga ( योग en devanāgarī) est un terme sanskrit qui désigne un ensemble de pratiques visant la fusion du corps et de l'esprit vers l'unité et la paix intérieure.
- Darśana ( दर्शन en devanāgarī) ce terme sanskrit signifie vue, vision; aspect, en philosophie : méthode, point de vue doctrinal, école de pensée, système philosophique, doctrine de salut.
La philosophie hindoue est composée de six darśana (écoles de pensée ou point de vue), le yoga est un de ceux là.
Structure du texte
Le texte se compose de quatre pāda (chapitres ou sections) et comprend 195 aphorismes (sūtra). Ces chapitres sont dans l'ordre:
- Samādhi pāda
- Sādhana pāda
- Vibhūti pāda
- Kaivalya pāda
Samādhi pāda, chapitre de la concentration qui conduit à la contemplation
Ce premier chapitre est composé de 51 sûtra (aphorismes). L'auteur y décrit le yoga et ensuite les moyens d'atteindre le samādhi. samādhi se réfère à un état bienheureux où le yogin est absorbé dans l'unité : union avec le dieu personnel (îshavara) ou absorption dans l'absolu (brahman).
Ce chapitre commence par : atha yogānushāsanam : "maintenant, l'enseignement du yoga commence", autrement dit "voici l'enseignement traditionnel du yoga." Y.S. 1-1.
Puis dès le deuxième aphorisme la définition du yoga est donnée : yogash cittavrttinirodhah. Littéralement : "la méthode et le moyen de la pratique c'est la restriction et la suppression des pensées et émotions fluctuantes" (citta vrtti, fluctuation du psychisme). En d'autres termes : "le yoga consiste à suspendre l'activité psychique et mentale." Y.S. 1-2.
Sādhana pāda, chapitre de la pratique (spirituelle)
Ce deuxième chapitre est composé de 55 sūtra. Sādhana signifie « pratique d'une discipline spirituelle ». L'auteur décrit deux formes de yoga : kriya yoga (yoga des techniques) et ashtānga yoga, le yoga à 8 branches dont les quatre premières correspondent au hatha yoga
Le kriyā yoga
Le kriyā yoga, ou yoga de l'action est la pratique de tapas (ardeur dans l'ascèse), de svādhyāya (étude des textes sacrés) et de īśvara-praṇidhāna (dévotion au divin). La pratique combinée de ces trois points a pour effet de diminuer l'emprise des cinq kleśa (afflictions). Suivent diverses techniques spirituelles : distinguer l'impermanent du permanent ou encore l'illusion du réel, anihiler le sentiment de son importance ou encore celui de son individualité (ahaṃkāra), méditer, dissocier celui qui voit de ce qui est vu.
L'ashtānga yoga
Voici les huit "membres" (aṅga), étapes ou branches du rāja-yoga, telles que recensées par Patañjali dans l'ashtānga-yoga :
1- Yama[5], les devoirs moraux élémentaires envers les autres comme envers soi-même (attitudes justes) :
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- ahimsā : ne pas tuer ou blesser des êtres vivants, en pensées, en paroles et en actes, directement et indirectement[6] (non-violence)
- satya : avoir une vue impartiale des événements (vérité)
- asteya : discerner ce qui est légitime de ce qui ne l'est pas (respect de la propriété, absence de vol, honnêteté, probité)
- brahmacharya : trouver le juste milieu dans tous les domaines de la vie (modération)
- aparigrahā : rester libre de superflu et de possessions
2- Niyama[7], se discipliner et se mesurer dans la pratique quotidienne (code moral) :
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- shaucha : propreté et respect externe et interne (pureté)
- santoṣha : prendre les événements tels qu'ils se présentent (contentement)
- tapas : faire preuve d'ardeur et de volonté dans la pratique (discipline)
- svadhyāya : l'observation intérieure de la motivation des actes et l'étude des textes sacrés
- îshvara-pranidhānā, dédier ses actes au soi non personnel
3- Āsana Être fermement et tranquillement établi dans la présence à soi[8].(Être fermement établi dans un espace heureux[9])
4- Prānāyāma [10], ne plus respirer inconsciemment. Patañjali définit la respiration yogique comme étant longue et fluide[11].
- Il peut paraître surprenant que les Yogasūtra ne donnent aucune indication sur des postures et des pratiques respiratoires. En effet, āsana et prānāyāma ont donné lieu à tout un développement ultérieur de pratiques et d'entraînement (Haṭha yoga). Mais il faut bien comprendre que ce ne sont que des étapes permettant d'éliminer les perturbations mentales faisant obstacle à la tranquillité qui peut se percevoir dans les positions naturelles du corps et la fluidité du souffle. À partir de là, la sincérité de la pratique va induire dans la vie quotidienne des attitudes survenant d'elles-mêmes, composées parfois aussi des autres membres du yoga. Cela se manifestera comme une preuve de l'efficacité du travail entrepris.
5- Pratyāhāra, le bien-être non dépendant du conditionnement des sens (harmonisation ou retrait des sens)[12].
6- Dhārana[13], Dhârana est la concentration (une aptitude à soutenir l'attention sans se laisser distraire.[14]) sur l'activité du mental, des émotions, de la posture, ou du souffle. Il s'agit de l'écoute subtile des sensations, de la respiration, des pensées qui passent, ou ne passent pas.
7- Dhyāna[15], c'est la méditation. Pratyāhāra (retrait des sens) est associée au mental, dhyâna (méditation profonde) est associée à la présence à soi.
8- Samādhi[16], "c'est l'aptitude à devenir un avec l'objet perçu"[17], l'établissement de la conscience, l'état d'unité, l'équanimité. La conscience a rejoint l'Absolu, alors que le dhyāna est encore dans la dualité. C'est l'état de contemplation profonde. Mircea Eliade nomme cet état "enstase", par opposition à extase.
Vibhūti pāda, chapitre des "pouvoirs" (siddhi)
Ce troisième chapitre est composé de 55 sūtra. Vibhūti est un mot sanscrit pour « pouvoir » (siddhi) ou « manifestation ». Ce livre décrit des états supérieurs de conscience et les techniques de yoga pour les atteindre.
Kaivalya pāda, chapitre de "la libération" (yogique)
Ce quatrième et dernier chapitre est composé de 34 sûtra. La traduction littérale de kaivalya : « isolation, solitude », est à prendre dans son contexte, comme la plupart des mots sanscrits. Dans son acception technique, il signifie ici "émancipation, libération", il est interchangeable avec mokṣha (« libération »), qui est le but du yoga.
Bibliographie
Traductions du Yoga sūtra
- Patañjali, Yoga-Sûtras (IIe s. av. J.-C. ?), trad. Françoise Mazet, Albin Michel, "Spiritualités vivantes", 1991, 218 p.
Il faut ajouter :
- "Patanjali, Les Yoga-sûtra": Alyette Degrâces, Fayard, 2004, 594 p. Texte traduit, annoté et présenté selon le commentaire de Vyâsa,
- le commentaire de Vyâsa : Michel Angot, Le Yoga-Sûtra de Patañjali : Le Yoga-Bhasya de Vyasa, Les Belles Lettres, 2008, 771 p.
- la glose de Vâcaspatimishra
- La Lumière de l'Ame (1927) (Les Yoga-sutra de Patanjali, paraphrasés par le Tibétain Djwal Khul, et commentés par Alice Bailey)
Études sur le Yoga sūtra
(par ordre alphabétique)
- Mircea Eliade, Patañjali et le yoga, Seuil, "Maîtres spirituels", 1962
- David Frawley, Yoga et Ayurveda, Ed. Turiya, 2004, 400 p. ISBN 2951801904
Notes et références
- The Sanskrit Heritage Dictionary de Gérard Huet Selon
- Digital Corpus of Sanskrit (Section « Texts »: Yogasūtra)
- Sāṃkhya kārikā d'Ishvara Krishna. Il n'est pas possible de comprendre ce traité (śāstra) sans avoir au préalable une compréhension correcte du
- ISBN 978-0-88706-807-2) A survey of Hinduism. Klaus K. Klostermaier. Éd. SUNY Press, 1989, page 358. (
- Y.S. 2-30
- ISBN 2-253-13111-3 Encyclopédie des religions, G.J. Bellinger,
- Y.S. 2-32
- Y.S. 2-46.
- "traduction de feu Gérard BLITZ
- Y.S. 2-49"Unir le souffle veut dire suspendre les mouvements de l'expiration et de l'inspiration inconsciente."
- Y.S. 2-50"la fréquence, la durée et la longueur des phases de suspension du souffle, d'inspiration et d'expiration deviennent longues et subtiles."
- Y.S. 2-32"Quand le mental n'est plus identifié avec son champ d'expérience, il y a comme une réorientation des sens vers le Soi."
- Y.S. 3-1 "l'esprit fermement établi en un point, c'est le dhārana".
- David Frawley, YOGA ET AYURVEDA page 78
- Y.S. 3-2 "À partir de là, apparaît brusquement la fixation de la saisie sensorielle au cœur de l'objet perçu".
- Y.S. 3-3,"Cela, c'est l'essence même de ce qui est réel, la forme même du vide".
- David Frawley, Yoga et Ayurveda, p. 79.
Voir aussi
Lien externe
- Yoga sūtra de Patañjali (Site cautionné par l'INRIA)
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