Un divorce (roman)

Un divorce (roman)
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Un divorce
Éditions Plon – Nourrit, 1904
Éditions Plon – Nourrit, 1904

Auteur Paul Bourget
Genre Roman à thèse
Lieu de parution Paris
Éditeur Plon-Nourrit
Date de parution 1904
Couverture Raoul Serres
Chronologie
'L'Étape (1902)
'L'Émigré (1907)

Un divorce est un roman à thèse de Paul Bourget (18521935) paru en 1904[Note 1], quelque temps après L’Étape. Cette littérature engagée s'inscrit dans le combat politique et « la campagne de restauration nationale »[1] que l'académicien français, porte-parole des milieux catholiques traditionnels, mène avec la publication de romans d'idées.

Paul Bourget développe les thèmes sociaux et politiques qui lui sont chers et qu'il a découvert en lisant Bonald[2], théoricien de la Contre-révolution : la lutte contre les idées révolutionnaires et la défense de l'Église catholique romaine, de la famille traditionnelle et des valeurs patriotiques. Il écrit ce roman à partir de novembre 1903, dans sa propriété hyéroise du Plantier de Costebelle[3],[4].

Un divorce, qui est la suite logique aux arguments traités dans L’Étape sur la défense de la famille traditionnelle, dévoile l'impossibilité du bonheur pour un catholique qui transgresse la loi religieuse[5] du mariage indissoluble, et le danger d'une loi civile qui semble offrir la possibilité d'une vie nouvelle et « trompe ceux qui s'y laissent attirer »[6].

Sommaire

Le contexte politique du roman

Depuis 1884, la question du mariage est d'actualité en France. Vers 1875 déjà, le député Alfred Naquet[7] dépose successivement trois propositions de loi en vue du rétablissement du divorce pour faute, naguère autorisé par la loi de 1792[8]. Après plusieurs échecs, il parvient à ouvrir de nouveaux débats à l'Assemblée, le 26 mai 1884 ou s'affrontent deux courants d'idées : les tenants de la tradition catholique contre les partisans de l'esprit des Lumières. Lors de l'ultime vote, 355 députés votent pour et 115 contre. Voté par la gauche et le centre-gauche, le texte est définitivement adopté par le Sénat le 27 juillet 1884. Les catholiques, pour qui la séparation de corps doit être maintenue, ont voté contre.

Des écrivains prennent position : Paul Hervieu dans Les Tenailles (1897), prend la défense de la femme et Hugues Le Roux demande l'établissement du divorce par consentement mutuel en 1899 dans Le Bilan du divorce. Ardents défenseurs de l'émancipation de la femme, les frères Paul et Victor Margueritte plaident dans Les deux vies (1902), pour la dissolution du mariage par consentement mutuel des époux, et même par la volonté d'un seul des conjoints. Leur campagne est appuyée par une proposition de loi dont Louis Barthou a pris l'initiative et qui abolit l'article 298 du Code civil interdisant le mariage de l'époux coupable avec son complice.

Résumé

Caricature de Paul Bourget par Ernest La Jeunesse, en 1896.


Albert Darras, ancien polytechnicien, ingénieur - conseil d'une puissante banque et incroyant, a épousé une divorcée, mère d'un garçon, Gabrielle Nouet, Mmede Chambault par son premier mariage avec un mari brutal et débauché. Une fille, Jeanne, est née de cette seconde union et Lucien, son beau-fils, lui voue une affectueuse reconnaissance[9]. Mais Lucien de Chambault veut épouser une jeune femme, Berthe Planat, étudiante en médecine et déjà mère d'un enfant d'un autre lit. Alfred Darras s'y oppose. Le conflit entre Lucien et son beau-père est inévitable d'autant que Lucien de Chambault prétend faire, logique conséquence de l'éducation qu'il a reçue, ce que Darras a fait lui-même. Et d'ailleurs, seul son père, le premier époux de sa mère, a le pouvoir de donner le consentement à ce mariage[10].

Albert et son épouse découvrent bientôt que leur mariage n'a pas rompu le lien que le premier mariage avait créé, ainsi que le leur explique le notaire de M.de Chambault, venu pour signifier aux deux époux que le vrai père donne son consentement au mariage de Lucien avec Berthe Planat[11].

Structure narrative

Dans le débat sur la définition du roman qui oppose, au début du xxe siècle, Paul Bourget à Albert Thibaudet[12], l'auteur de Un divorce défend l'idée du schéma du roman français traditionnel[13], c'est-à-dire une œuvre qui raconte une histoire, une intrigue, et dans laquelle chaque passage concourt au dénouement final. Dans cette suite d'épisodes qui a pour but d'acheminer l'histoire vers sa conclusion, les personnages « sont des exemples habilement choisis »[14] et mobilisés pour la démonstration finale[15].

Thèmes développés dans l'œuvre

Document officiel de publication de la loi Naquet avec le tampon du dépôt légal daté de 1903, en pleine page.
La loi Naquet.

Le roman à thèse Un divorce est l'occasion pour Paul Bourget d'exposer les principes du traditionalisme appliqués à des cas sociaux, ici, une famille qui doit faire face aux conséquences provoquées par le non respect de la loi naturelle[16]. Ce roman d'idées est le deuxième panneau d'un triptyque consacré à la famille. Dans L'Étape, Paul Bourget avait traité de l'ascension d'une famille paysanne. Dans Un divorce, il étudie l'ébranlement d'une famille bourgeoise par la méconnaissance de la loi fondamentale du mariage. Dans L'Émigré, il explique ce que deviennent les familles nobles dans la France moderne et quel rôle elles peuvent encore jouer.

Pour Paul Bourget, engagé dans un combat en faveur des idées traditionalistes, la transgression de la loi religieuse entraîne de graves conséquences. Albert Darras ne peut, comme mari, intervenir dans la décision de son beau-fils Lucien car le divorce n'a pas d'effet rétroactif. La loi civile peut déclarer la dissolution du mariage, mais dissolution n'est pas annulation. Lucien de Chambault est le fils de M. de Chambault et de celle qui a été Mme de Chambault. Le consentement doit être donné par les deux parents. L'ancienne loi voulait qu'une famille, une fois fondée, le fût pour toujours. En fait, même avec le divorce, cette première famille n'est pas tout a fait détruite, puisque le droit d'hériter continue, au travers de l'autorité paternelle[10]. L'héroïne du roman, Gabrielle Darras est aussi confrontée à un dilemme tragique lorsque, retrouvant la foi, elle souhaite inculquer des valeurs chrétiennes à sa fille mais se voit refuser la communion puisque le second mariage ne compte pas aux yeux de l'Église[17].

La loi civile semble finalement offrir la possibilité d'une vie nouvelle et trompe ceux qui adoptent cette nouvelle règle, en rupture totale avec les principes de la religion catholique. Le romancier veut démontrer que la loi Naquet entraine toutes sortes de tragédies comme l'explique le père Euvrard dans le roman : « J'ai vu sombrer des ménages comme le vôtre, qui n'ont pas compris cette évidence, partout empreinte cependant : toute liberté contraire aux lois de la nature engendre une servitude, tout devoir abandonné, un malheur ! j'ai vu des haines fratricides entre les enfants du premier et du second lit, des pères et des mères jugés et condamnés par leurs fils et leurs filles. »

Réception de l'œuvre

La maison en arrière plan photographiée en contre-plongée, avec des branches de chêne au premier plan, sans feuille (photo prise en hiver), le parc est visible avec sa pelouse d'hiver.
Le Plantier de Costebelle ou Paul Bourget écrivit Un divorce en 1904.

Dans le débat suscité par la parution de Un divorce, les partisans de la thèse de Paul Bourget ne manquent pas de rappeler que la loi sur le divorce a été élaborée par un juif, le sénateur Naquet et « l'image de la République ennemie non seulement de la famille, mais aussi du christianisme »[18] prend corps dans les esprits.

En 1908, une adaptation dramatique du roman représentée au Théâtre du Vaudeville, est un grand succès et « nombreux sont ceux qu'enthousiasment les discours des personnages anarchistes, parfois conformément à l'intention de Bourget qui cherche à démontrer que, si les tenants de l'union libre sont parfois bien intentionnés, le fait qu'ils agissaient contre la loi éternelle de la famille les condamnent à l'échec »[19]. La pièce est présentée au moment même ou une commission sénatoriale examine une réforme de la loi sur le divorce ; ce qui lui donne une actualité plus évidente.

Le romancier soutenu par les milieux catholiques apparait alors comme le représentant de la morale bourgeoise. Dans Le Matin du 29 janvier 1908, le lendemain de l'Avant-première, Paul Bourget explique qu'il faut choisir « entre le retour au mariage indissoluble et l'anarchie de l'union libre car le divorce est la polygamie successive et réglée », insinuant que, par le divorce, la femme change de mâle, en infraction aux règles de la pudeur de l'épouse bourgeoise[20].

Notes et références

Notes

  1. Le roman est dédicacé au marquis Paul de Richard d'Ivry (18291903), grand ami de Paul Bourget et compositeur proche de Charles Gounod et de Franz Liszt. Paul de Richard d'Ivry meurt à Hyères au Plantier de Costebelle, le 16 décembre 1903, alors que le romancier a commencé la rédaction du roman.

Références

  1. Albert Feuillerat, Paul Bourget, histoire d'un esprit sous la IIIe République, Librairie Plon, 1937, p. 245 .
  2. Paul Bourget et Michel Salomon, Bonald (La Pensée chrétienne), Librairie Bloud, 1905, p. 1 .
  3. C.Arthaud et E.Paul, La Côte d’Azur des écrivains, Édisud, 1999 (ISBN 2-7449-0080-X), p. 95 et 96 .
  4. Guermantès, « Au Plantier de Costebelle », dans Le Figaro, 6 octobre 1952  et J.-L. Dupres, « Le Plantier de rêve », dans Var Matin, 17 janvier 1991 .
  5. Catéchisme de l'Église catholique, § 1644, p. 349, Catechisme de l'Eglise catholique, première édition en 1992, version définitive avec modifications le 15 août 1997, édition française Pocket, n°3315, août 1999 (ISBN 2-266-09563-3) .
  6. Henry Bordeaux, Reconstructeurs et mainteneurs, Librairie Plon, 1954, p. 42 .
  7. Jean-Paul Chabaud, Alfred Naquet, 1834 – 1916 : parlementaire comtadin, père du divorce, préface de Pierre Vidal-Naquet, Études comtadines, Mazan, 2002 (ISBN 978-2-9519287-0-1) .
  8. Jean Tulard, Jean-François Fayard et Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française. 1789-1799, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 1987, 1998 [détail de l’édition]
  9. Albert Feuillerat, Paul Bourget, histoire d'un esprit sous la IIIe République, Librairie Plon, 1937, p. 247 .
  10. a et b Albert Feuillerat, Paul Bourget, histoire d'un esprit sous la IIIe République, Librairie Plon, 1937, p. 248 .
  11. Paul Bourget, Un divorce, Plon – Nourrit, 1904, p. 168 et 169 .
  12. Albert Thibaudet, La Composition dans le roman, N.R.F, 1er novembre 1922, p. 594 .
  13. Philippe Niogret, La revue Europe et les romans français de l'entre-deux-guerres (1923-1939), L'Harmattan, 2004 (ISBN 2-7475-6553-X), p. 137 .
  14. Michel Raimond, La Crise du roman, des lendemains du Naturalisme aux années vingt, Librairie José Corti, 1966 (réed. 1985) (ISBN 2-7143-0108-8), p. 418 .
  15. Marcel Arland, Essais et Nouveaux essais critiques, Gallimard, 1952 (ISBN 978-2070202621), p. 167 .
  16. Janssens Edgar, « Paul Bourget et Michel Salomon, Bonald (La Pensée chrétienne) », dans Revue néo-scolastique, vol. 13, no 49, 1906, p. 99 .
  17. Jacques Commaille, « La famille, l'état, le politique : une nouvelle économie des valeurs », dans Informations sociales, no 136, 8/2006, p. 100-111 (ISSN 0046-9459) .
  18. Yéhoshua Mathias (article « Paul Bourget, écrivain engagé »), Vingtième siècle. Revue d'histoire (numéro 45), Presses de Sciences Po, janvier-mars 1995, page 22, note 1 .
  19. Yéhoshua Mathias (article « Paul Bourget, écrivain engagé »), Vingtième siècle. Revue d'histoire (numéro 45), Presses de Sciences Po, janvier-mars 1995, page 23 .
  20. Yéhoshua Mathias (article « Paul Bourget, écrivain engagé »), Vingtième siècle. Revue d'histoire (numéro 45), Presses de Sciences Po, janvier-mars 1995, page 23 note 6 .

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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  • (fr) Albert Feuillerat, Paul Bourget, histoire d'un esprit sous la IIIe République, Librairie Plon, 1937 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article .
  • (fr) Henry Bordeaux, Reconstructeurs et mainteneurs, Librairie Plon, 1954 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article .



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