Pierre Léon Reuchsel

Pierre Léon Reuchsel

Pierre Léon Reuchsel, (11 février 1840 - 11 août 1915) est un professeur de musique, compositeur et organiste français, longtemps titulaire des orgues de l’église Saint-Bonaventure de Lyon.

Sommaire

Biographie

Une famille de musiciens

Né à Vesoul, le 11 février 1840, de feu Johann Reuchsel et de Marie-Anne Poinet. Il vivait avec sa mère, 37, quai Saint-Vincent, à Lyon, lors de son mariage le 2 mai 1872 avec Marie Félicité Dieu (Dijon, 1850 - Lyon II, 1934), fille du professeur Théodore Désiré Dieu et de Marguerite Sandoz.

Avec Léon Reuchsel, nous entrons dans une famille d'origine bavaroise qui donna nombre de musiciens talentueux à la ville de Lyon. Johann Reuchsel, le père de Léon, qui avait exercé à Saulieu(Côte-d'Or)[1], fut professeur de musique et organiste aux Chartreux, de Lyon. En 1853, il avait fait chanter une messe solennelle de sa composition à l'église d'Ainay, une seconde à Saint-Nizier, par la société que dirigeait Chapolard, et enfin une troisième en la chapelle qui existait autrefois sur l'emplacement de l'actuelle mairie annexe du 5° arrondissement, place du Petit-Collège, dans le Vieux Lyon. En 1867, Johann Reuchsel fut appelé à diriger l'orgue de l'église Saint-Georges, nouvellement construit.

L’organiste de Saint-Bonaventure

C'est précisément comme organiste que son fils Léon devait se faire remarquer. Élève de son père et de Battiste, Léon Reuchsel fut nommé organiste de Saint-Bonaventure en 1861. Il le resta jusqu'en 1915, ce qui à l'époque faisait de lui le doyen des organistes de la ville. En 1911, furent d'ailleurs fêtées ses noces d'or d'organiste. Réputé pour ses talents d'improvisation. Léon Reuchsel développa considérablement le chant religieux à Lyon en composant huit messes, dont une avec orchestre, exécutée en 1872 à Saint-Bonaventure, sous sa direction et à l'occasion de la messe annuelle que donnait l'association des artistes musiciens. Parmi ses autres œuvres figuraient un grand nombre de motets, plusieurs pièces pour orgue, et une Cantate à l'Éternel, sur des paroles de Racine, pour soli, chœurs, orchestre et orgue, chantée également à Saint Bonaventure.

C'est aussi par son intermédiaire que les mélomanes lyonnais pouvaient entendre, à Saint-Bonaventure, les plus grands organistes français qui vinrent participer à des saluts de charité. Ce furent donc Alexandre Guilmant,Camille Saint-Saëns, et plus tard César Franck et Théodore Dubois, qui firent le voyage de Lyon. La Messe solennelle de César Franck fut chantée le 15 décembre 1889 par la Sainte Cécile, dirigée par Léon Reuchsel, en présence de l'auteur qui tenait l'orgue et qui improvisa des morceaux très remarqués[2]. Quant aux Sept paroles du Christ, de Théodore Dubois, elles furent chantées le 24 décembre 1893, avec l'auteur à l'orgue.

En 1880, à l'un de ses saluts, on entendit également, fait rarissime, les chanteurs de la Chapelle Sixtine de Rome: le sopraniste Moreschi et l'altiste Mattoni. Leur succès fut immense, mais il y eut à propos de la nature de leurs voix une véhémente polémique de presse. Maurice Reuchsel précise que ce salut fut chanté par les chœurs de la Lyre Sacrée et de l'Harmonie Lyonnaise, deux sociétés alors dirigées par son père.

Autre souci de cet organiste devenant célèbre, celui de la diffusion de la musique sacrée. C’est pourquoi le 8 juillet 1878, il inaugura l’orgue Cavaillé-Coll de l’église Saint-Denis de Nuits-Saint-Georges (Côte d’Or)[3] avec le concours de son frère Félix Reuchsel, organiste de Nuits et violoniste.

Le fondateur de Sociétés musicales

Dans le même temps, Léon Reuchsel s'intéressait également au développement lyonnais de sociétés musicales destinées à la diffusion de la musique sacrée. Parmi ces sociétés se trouve la Lyre Sacrée, fondée en 1875 par Léon Reuchsel et Joseph Bonnel, professeur au lycée de Lyon et secrétaire général de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon († 1902). Première chorale d'église, la Lyre Sacrée a été le point de départ de la fondation d'autres chorales qui fonctionnaient encore à la moitié du XX° siècle et dont le but était de perpétuer les chefs-d'œuvre de Bach, Palestrina, Händel, Marcello, Haydn ou Mozart. En 1877, cette société chanta à l'inauguration de l'église de la Rédemption (Lyon 6°).

Autre société dont Léon Reuchsel était l’âme : la Schola Sainte-Cécile, qui fut réorganisée par Léon Reuchsel et Joseph Bonnel en 1880. Elle fit ses débuts avec Marie-Madeleine de Massenet, après quoi vinrent La fille de Jaïr, de Grandval, Christophe Colomb, de Félicien David, et La Mer, de Joncières. C'est en 1883 qu'elle donna la première audition lyonnaise de la Damnation de Faust, de Berlioz. Cette tentative fut couronnée de succès et les journaux ne se sont pas lassés d'applaudir à la hardiesse de Messieurs Léon Reuchsel et Joseph Bonnel qui "peuvent être fiers de leur œuvre", selon l'expression du Lyon Républicain. Ensuite, la Sainte-Cécile fit entendre Le chant séculaire, de Charles-Marie Widor, Ariane, de Maupeou, Ève, de Massenet. En 1884, Le Christ au Mont des Oliviers, de Beethoven et Roméo et Juliette, de Berlioz, figuraient au programme. D'année en année, le répertoire de la Sainte-Cécile semblait grandir; «les chœurs et l'orchestre de plus en plus entraînés pouvaient affronter les difficultés d'œuvres longues et périlleuses; c'est avec plus de 200 exécutants qu'elle fit entendre, à l'église Saint-Bonaventure, au profit des fourneaux de la presse, la brillante messe de Jeanne d'Arc, de Gounod[4]». Ce fut un des plus beaux résultats pécuniaires que Lyon ait jamais vu. Le succès fut extraordinaire. Ajoutons encore que la Sainte-Cécile, outre des interprétations du Messie, de Händel, des Oratorios, de Saint-Saëns, exécuta certaines œuvres de Léon Reuchsel, au nombre desquelles figurent Cécile et Valérien, un drame lyrique, Athalie. Le 10 mars 1889 fut exécutée la célèbre Messe du Pape Marcel de Palestrina, à 6 parties par 150 voix à Saint-Bonnaventure. Les journaux de Lyon firent à cette occasion un vif éloge de la Sainte-Cécile. Il y eut aussi un long article dans le fameux Times de Londres, pour signaler cette première audition en France.

Ainsi, il est permis de dire que l'on peut attribuer à Messieurs Léon Reuchsel et Joseph Bonnel une partie de l'éducation musicale des lyonnais d'alors.

Une production abondante

La variété des œuvres profanes

  • Plus de 100 morceaux de piano.
  • Quelques mélodies.
  • Plusieurs chœurs avec orchestre.
  • Un poême pour soprano.
  • Une sonate en ut mineur pour piano et violon Cécile et Valérien (représentée à Aix-les-Bains)
  • Un opéra comique, Le Parrain du Diable, représenté à Aix-les-Bains.
  • Un drame lyrique et en quatre actes, Le Sire de Coucy.
  • Musique de scène, Mozart à la cour d’Autriche, (représenté plusieurs fois à Lyon).
  • Un drame lyrique en cinq actes, Zénobie,(Paroles et musiques de Léon Reuchsel).

Les pièces de musique conservées à la Bibliothèque Nationale

  • Fête des Cloches, caprice pour piano, (1866).
  • Les Cloches de Lichtenthal, nocturne, (1867).
  • Le Rossignol au Ruisseau, caprice pour piano (1867).
  • Prière de l’Orgue, méditation religieuse pour piano, (1868).
  • Ravissement, romance à une voix et piano (1880).
  • Les Trois ages de Mignon, chant et piano, (1881).
  • Deux Motets, (1896).
  • Ecce Panis, duo pour baryton et soprano, (1896).
  • O Salutris Hostia, en collaboration avec son fils Amédée Reuchsel, (1907)).

Un poête engagé lors de la Grande-Guerre

Par ailleurs, Léon Reuchsel publia sous le pseudonyme de Pierre Heller Cinq poèmes d'actualité, vendus au profit des réfugiés français et toujours conservés à la bibliothèque de Lyon. Ces poèmes, parus durant la guerre, en 1915, sont fort révélateurs de l’esprit anti-allemand de l’auteur qui reflète ainsi celui de l’époque. Leur titre est assez évocateur.

  • L’érostrate moderne, dédié à Monsieur Belloc.
  • Cannibale royal, dédié à Monsieur Cornet.
  • Constantinople libre, dédié à Monsieur E. Vitte (son imprimeur, 3, place Bellecour à Lyon).
  • Combat aérien- Aéroplane contre Zeppelin, dédié à Monsieur Benoist-Mary.
  • Le Vin du Rhin, dédié à Madame Perrenot.

Dans certains d’entre eux, l’attaque est ciselée, profonde. Tous profitent de l’actualité pour diffuser un message de force auprès des soldats, réfugiés, en attendant la victoire française , que l’on souhaite complète et proche. C’est souvent aussi une critique de la folie germanique dont Guillaume II est le symbole :

…. Se peut-il aujourd’hui, dans l’Europe chrétienne, / Que pour se surpasser Erostrate [5] revienne ?/…./ Eh ! Grand Dieu ! ce n’est plus un vulgaire mortel / Qui d’un temple païen voulu briser l’autel ; / C’est un César puissant, un roi de Germanie / Qui jusqu’à la démence a porté l’ironie….. [6] Le but est de sensibiliser les Français sur un des drames patrimonial de la guerre : la destruction de la cathédrale de Reims, comparée à ce temple d’Ephèse.

….Il n’a, la rage au cœur et l’éclair dans les yeux, / Vengé dans nul combat l’échec de ses aïeux./ Bientôt le temple ne sera plus qu’un crible / Sous l’effort du canon, sous la bombe explosible ! / C’est l’ordre du Kaiser, avec Satan d’accord / Pour se venger sur Dieu de son trop juste sort…

La charge est encore plus féroce dans Cannibale royal. Là faute est entièrement le fait de l’Allemagne, et son Empereur est portraituré sous les traits d’un monstre sanguinaire. Dans Constantinople Libre [7], il s’agit de défier l’allié du Reich en montant l’absurdité et la vétusté de l’Empire ottoman. Lucide, Léon Reuchsel voit aussi la fin du système turc même s’il n’hésite pas à concocter un savoureux salmigondis en mélangeant histoire, critique de l’Islam et aspirations à défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

….Tu voudrais Ô Stambul ! profiter des tempêtes / Que le cruel Kaiser déchaîne sur nos têtes / Pour enrichir encor ton souverain / Vain sera ton concours à la race teutonne / Tu subiras son funeste destin ;…

Avec Combat aérien, sous-titré Aéroplane contre Zeppelin, c’est l’occasion, sous forme de fable, de reproduire à l’avantage des Français, l’histoire de David contre Goliath. Intéressant texte qui montre chez Reuchsel un scrutateur attentif de la Grande Guerre, au moment où celle-ci devenait totale, utilise tous les moyens possibles pour parvenir à ses fins, et dont l’aviation encore peu développée. Prophétiquement, le méchant Zeppelin sera finalement terrassé par l’Aéroplane. Enfin, par l’intermédiaire du cinquième et dernier poème, Le vin du Rhin, Reuchsel appelle au franchissement du Rhin, en prenant prétexte que ce nectar allemand donne force et victoire. Ce qui lui permettait d’écrire :

Mais croira-t-on que Joffre ignore ce secret / Pour s’en glorifier il est bien plus discret, / Il n’attend pour fêter le chaud nectar du Rhin, / Que d’en avoir sevré le vantard souverain.

Ainsi Léon Reuchsel devenait plus politique, à mesure que se déroulait la guerre de 14, dont il ne verra pas l’issue. Pourtant, il en envisageait une fin favorable à la France et espérait qu’elle débouchât sur une union fraternelle entre les peuples, revigorés par des Evangiles enfin considérés comme la base de toute organisation sociale. À ce propos, la dernière strophe de Cannibale royal est à ce titre fort révélatrice de ce que l’on appela, après-guerre l’Esprit de Genève et qui devait déboucher sur la mise en place de la très idéaliste Société des Nations.

On a encore de lui une Etude sur le rôle de la mélodie, du rythme et de l’harmonie dans la musique chez tous les peuples de l’Europe, depuis le Moyen-Age jusqu’à l’époque actuelle[8].

Léon Reuchsel s'éteignit à son domicile lyonnais du 42 rue de la République, le 11 août 1915, peu de temps après la parution des poèmes. Il était chevalier de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand et officier de l’Instruction Publique. Il repose avec son épouse dans le caveau des Dieu, sa belle famille, au cimetière ancien de Charbonnières-les-Bains (Rhône).

Notes et références

  1. C’est certainement en Côte d’Or que les familles Dieu et Reuchsel se sont rencontrées ; telle semble être l’opinion du petit-fils de Pierre-Léon, Georges Reuchsel. Notons également que les Reuchsel auraient vécu un temps à Nuits.
  2. Reuchsel (M), La musique à Lyon, Lyon, 1903, p. 40.
  3. Voir à ce propos le site internet site Kuhn
  4. Reuchsel (L), La musique à Lyon, Lyon, 1903, pp. 76-77.
  5. Erostrate était un éphésien obscur qui, voulant se rendre immortel par un exploit mémorable, incendia le temple d’Artémis à Ephèse, une des sept merveilles du monde, dans la nuit qui vit la naissance d’Alexandre le Grand.
  6. Reuchsel (L), L’Erostrate Moderne.
  7. Reuchsel (L), Constantinople libre.
  8. Cette étude a été publiée dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, Tome 19, classe des Lettres, 1879-1880.

Sources

  • La revue Sine dolo a publié des notices biographiques sur les musiciens de la famille Reuchsel, dans son n°3, octobre 2001 pp. 190-210. Sine Dolo est une société généalogique et historique, dont le siège est situé chez Fabien Cler, 6, impasse Jean-Jacques Rousseau à Tournus (71 700). Tous les deux ans, l’association fait paraître un fort volume de mémoires consultables à la BNF, aux Archives de l’Ain, du Rhône, à la Bibliothèque Municipale de Lyon, aux Archives municipales de Lyon, à la Société généalogique du Lyonnais et au Musée Gadagne à Lyon. Pour plus de détails sur cette société, consultez le site *site sine dolo
  • Sur Wikipedia cf également le site les maîtres contemporains de l'orgue

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