Neşet Günal

Neşet Günal

Neset Günal (1923-2002) est un peintre turc francophone. Son œuvre, composée principalement de dizaines d'huiles sur toile, est un composant majeur de la peinture figurative d'après guerre par laquelle, parallèlement à un courant abstrait, la Turquie a rompu avec la peinture traditionnelle ottomane et s'est inscrite dans le mouvement international de l'art moderne.

Sommaire

Biographie

Neset Günal est né en 1923 à la "Villeneuve" de Nysse, en Cappadoce occidentale, d'un père, Riza, et une mère, Ayse Dagarsanet, originaires du village de Kizilcin et venus s'installer à la ville. Marié, père de deux filles, devenu professeur à l'Académie des beaux-arts de Constantinople, il est mort en 2002.

Formation

Après l'école primaire de Séréfli Kochisar, et des études secondaires à Nev Séhir, le succès aux examens lui permet d'obtenir, à l'âge de seize ans, une bourse puis de s'inscrire aux Beaux-Arts Mimar-Sinan à Constantinople. Six années durant, il reçoit l'enseignement du directeur de l'académie, Léopold Lévy (1882-1966), peintre de l'École de Paris et initiateur d'une école d'art figuratif dans la nouvelle république de Turquie. Il en sort diplômé en 1946 et travaille dès lors comme assistant décorateur du théâtre Ses d'Istanbul puis du Théâtre National, dans la nouvelle capitale Angore.

Cette même année, il se fait connaître pour la première fois dans une exposition d'art moderne international organisée par l'UNESCO à Paris. En 1948, il obtient une bourse pour apprendre la fresque et la peinture murale aux Beaux-Arts de Paris, ce qui lui donne l'occasion, jusqu'en 1954, de parcourir les musées de France, d'Espagne et d'Italie.

À Paris, comme pratiquement tous les étudiants étrangers, il découvre la théorie marxiste qui fait, au sortir de la guerre, le nœud des préoccupations de toute l'intelligentsia du Quartier latin, notamment autour de la cellule des étudiants communistes du sanatorium de la rue Quatrefages animée par François Furet qu'il fréquente. C'est dans cette jeunesse cosmopolite engagée pour la décolonisation et contre la guerre de Corée, en attente d'un nouveau monde où s'émanciperaient les peuples comme ceux de la Turquie mais aussi de la Tunisie, de l'Algérie, du Viet Nam, qu'il fait la rencontre, entre autres, de Fernand Léger (1881-1955), qui a adhéré au PCF à son retour des États-Unis en 1945 et dont la femme, Nadia que celui-ci a épousée en secondes noces après deux ans de veuvage en 1952, milite aux côtés d'Annie Kriegel, Dominique Desanti, Elsa Triolet ou Jeannette Vermeersch.

À l'école des surréalistes

Peintre installé, peintre engagé

Contrairement à son condisciple et compatriote Remzi Rasa qui décide de rester et de faire carrière à Paris, Neset Günal souhaite contribuer au développement de l'art moderne en Turquie et y retourne à la fin de son contrat, en 1954. Il est soutenu par les commandes d'une fresque de trente mètres carrés pour l'hôpital Hacettepe d'Angore et de vingt mètres carrés pour la faculté d'ingénierie de l'université d'Istanbul.

L'œuvre

L'école figurative française en Turquie

À la suite du Charles Séchan (1803-1874), décorateur de 1851 1859 du palais de Dolmabahçe à Istanbul, et du peintre orientaliste Pierre-Désiré Guillemet (1827-1878), invité en 1865 à la cour du Sultan où il séjournera jusqu'à sa mort, des artistes turcs, regroupés sous le nom d'« École de Constantinople », ont développé en écho à l'École de Paris, la peinture figurative entre 1900 et 1919 à l'occasion de quelques salons stambouliotes. Pour consolider cette ouverture vers la modernité, Léopold Lévy, caricaturiste, graveur et peintre inspiré par Cézanne, est invité par le gouvernement kémaliste, comme pour prolonger sur le plan culturel les accords Franklin-Bouillon, à réformer puis à diriger l’enseignement de la peinture à l’Académie des Beaux-Arts d’Istanbul de 1936 à 1949. C'est dans cette tradition liant peinture et projet de civilisation, à la fois moderniste par son ouverture sur l'Occident et classique par son style, que Neset Günal reçoit sa formation dans cette même Académie.

Alors que les élèves de Léopold Lévy, Mübin Orhon, Fahrünnisa Zeyd, Nejat Devrim, Adnan Çoker, Lütfü Günay, Devrim Erbil, Özdemir Altan, Adnan Turani, Güngör Taner et Mustafa Ata, développeront à la suite de Turgut Atalay et Mümtaz Yenerun un mouvement non figuratif, les "Nouveaux", Neşet Günal, comme un Duran Karaca, un Cihat Aral ou un Neşe Erdok, restera attaché aux préoccupations sociales et à une peinture réaliste qui était celle du corps enseignant antérieur à Léopold Lévy marqué par la première guerre mondiale et dont était sorti, entre les deux guerres, une école cubiste, le "Groupe D".

Période cubiste

L'héritage de Fernand Léger

Comme Fernand Léger a peint ouvriers et artistes, Neset Günal peint les hommes de sa Cappadoce. Point d'usine, mais une terre aride. Point de travail triomphant, mais des paysans miséreux en haillons incertains d'être nourris par leur travail. Comme dans le "tubularisme" de Fernand Léger, les personnages montrent des déformations signifiantes. Les mains vigoureuses qui travaillent la terre, les pieds nus qui attachent au sol sont énormes.

Avec la maturité et la confrontation de l'idéal communiste à la réalité sociale de la Turquie profonde, Neset Günal se libère de ses maîtres et abandonne les couleurs vives. Ses tableaux montrent une grisaille ou une poussière terreuse à travers un pointillisme dans lequel seule la ligne noire distinguent l'animé de l'inanimé. Les personnages sont ainsi peints de la même étoffe que leurs milieux. Le paysage apparait à la fois comme l'objet du travail du paysan et l'espace de son oppression.

Ce que cependant montrent constamment les tableaux de Neset Günal, c'est, derrière des visages sans sourire, une force de résistance aussi grande que la terre elle même, la puissance de la faim. Mêmes en guenilles, les enfants sont solidaires. Même sans toit, la famille s'agrandit. Les personnages de Neset Günal montrent la même vaillance que ceux Fernand Léger. Si couleurs et espoirs ont fondus, derrière les visages désespérés et les regards affamés, reste la dignité des humbles.

Le retour à un certain classicisme

Expositions et séries thématiques

Les œuvres de Neset Günal ont été fréquemment présentées au cours de nombreux salons nationaux et internationaux entre 1956 et 1996. Elles ont fait l'objet d'expositions entièrement dédies à elles précocement, en 1955 à la galerie de la société Helikon à Ankara et en 1958 à la Galerie Municipale d'Istanbul.

En 1975, une première série d'huiles sur toile représentant la condition paysanne en Cappadoce, "Hommes du sol", est exposée à la galerie Baraz d'Istanbul mais il faut attendre les années 1980 pour que les expositions exclusives deviennent régulières :

  • 1981 à la galerie Baraz d'Istanbul de nouveau;
  • 1984 chez Macka à Istanbul, pour une exposition de dessins;
  • 1986 à la galerie Lebriz d'Istanbul;
  • 1988 à la galerie Urart d'Istanbul pour la série des "Epouvantails", associant images d'épouvantails gardant le grain et d'enfants pauvres;
  • 1990 au Museum de Peinture et de Sculpture d'Istanbul;
  • 1992 à la galerie d'art Garanti d'Istanbul pour la série "Problèmes - questions" c'est-à-dire la faim, le deuil, le désespoir, etc. dans les mêmes foyers paysans;
  • 1993 dans les galeries de la Banque de Crédit Yapi à Smyrne et Ada pour une rétrospective;
  • 1995 à la galerie d'art Garanti d'Istanbul de nouveau;
  • 1996 à la galerie Selvin d'Ankara pour la série Dessins - Scènes;
  • 2001 à la galerie de Milli Réassurance à Istanbul pour une rétrospective;
  • 2001 au Centre Culturel du palais Dolmabahce à Istanbul pour une rétrospective.

Liens externes

Bibliographie

  • X. Du Crest, De Paris à Istanbul, 1851-1949 : un siècle de relations artistiques entre la France et la Turquie, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, coll. « Sciences de l'histoire », 2009 (ISBN 978-2-86820-398-4)



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Neşet Günal de Wikipédia en français (auteurs)

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