Bellérophon

Bellérophon
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Bellérophon tuant la Chimère, épinétron attique, v. 425-420, Musée national archéologique d'Athènes

Dans la mythologie grecque, Bellérophon (en grec ancien Βελλεροφῶν / Bellerophỗn) est le fils de Glaucos (ou de Poséidon, suivant les versions), roi de Corinthe et d'Eurymédé (ou Eurynomé), une mortelle. C'est aussi le petit-fils de Sisyphe. Bellérophon est "le plus grand héros et tueur de monstres, aux côtés de Cadmus et de Persée, avant la venue d’Héraclès"[1]. Son plus grand exploit est d'avoir abattu la Chimère.

Sommaire

Etymologie

Βελλεροφοντης > Βελεμνον, βελονη, βέλος (projectile, javelot, flêche, dard) - φοντης (tueur). > φονευω (abattre, tuer).

Récits mythologiques

Bellérophon et Pégase
Médaillon central restauré d'une mosaïque romaine découverte à Autun en 1830 (Musée Rolin).

L'Iliade d'Homère

Son histoire est contée dans l’Iliade (VI, 150-205) par Glaucos, fils d'Hippoloque, à qui Diomède a demandé sa lignée.

« Glaukos engendra l'irréprochable Bellérophontès, à qui les Dieux donnèrent la beauté et la vigueur charmante. Mais Proitias, qui était le plus puissant des Argiens, car Zeus les avait soumis à son sceptre, eut contre lui de mauvaises pensées et le chassa de son peuple. Car la femme de Proitos, la divine Antéia, désira ardemment s'unir au fils de Glaukos par un amour secret; mais elle ne persuada point le sage et prudent Bellérophontès et, pleine de mensonge, elle parla ainsi au roi Proitos :

- Meurs, Proitos, ou tue Bellérophontès qui, par violence, a voulu s'unir d'amour à moi.

Elle parla ainsi, et, à ces paroles, la colère saisit le Roi. Et il ne tua point Bellérophontès, redoutant pieusement ce meurtre dans son esprit ; mais il l'envoya en Lykiè avec des tablettes où il avait tracé des signes de mort, afin qu'il les remît à son beau-père et que celui-ci le tuât. Et Bellérophontès alla en Lykiè sous les heureux auspices des Dieux. Et quand il y fut arrivé, sur les bords du rapide Xanthos, le roi de la grande Lykiè le reçut avec honneur, lui fut hospitalier pendant neuf jours et sacrifia neuf bœufs. Mais quand Eôs aux doigts rosés reparut pour la dixième fois, alors il l'interrogea et demanda à voir les signes envoyés par son gendre Proitos. Et, quand il les eut vus, il lui ordonna d'abord de tuer l'indomptable Klùmaira. Celle-ci était née des Dieux et non des hommes, lion par devant, dragon par l'arrière, et chèvre par le milieu du corps. Et elle soufflait des flammes violentes. Mais il la tua, s'étant fié aux prodiges des Dieux. Puis, il combattit les Solymes illustres, et il disait avoir entrepris là le plus rude combat des guerriers. Enfin il tua les Amazones viriles. Comme il revenait, le Roi lui tendit un piège rusé, ayant choisi et placé en embuscade les plus braves guerriers de la grande Lykiè. Mais nul d'entre eux ne revit sa demeure, car l'irréprochable Bellérophontès les tua tous. Et le Roi connut alors que cet homme était de la race illustre d'un Dieu, et il le retint et lui donna sa fille et la moitié de sa domination royale. Et les Lykiens lui choisirent un domaine, le meilleur de tous, plein d'arbres et de champs, afin qu'il le cultivât. Et sa femme donna trois enfants au brave Bellérophontès : Isandros, Hippolokhos et Laodaméia. Et le sage Zeus s'unit à Laodaméia, et elle enfanta le divin Sarpèdôn couvert d'airain. Mais quand Bellérophontès fut en haine aux Dieux, il errait seul dans le désert d'Alèios. »

— Homère, L’Iliade (VI, 150-205)

Les Odes de Pindare

Les Olympiques de Pindare (XIII), composées dans le cadre des jeux olympiques, rapportent la capture de Pégase par Bellérophon :

« Bellérophon brûlait du désir de dompter Pégase qui devait le jour à l'une des Gorgones, aux cheveux hérissés de serpents ; mais ses efforts furent inutiles jusqu'au moment où la chaste Pallas lui apporta un frein enrichi de rênes d'or. Réveillé en sursaut d'un sommeil profond, il la voit apparaître à ses yeux et l'entend prononcer ces paroles : « Tu dors, roi, descendant d'Éole ! Prends ce philtre, seul capable de rendre les coursiers dociles ; après l'avoir offert à Neptune (Poséidon), ton père, immole un superbe taureau à ce dieu si habile à dompter les coursiers ». La déesse à la noire égide ne lui en dit pas davantage au milieu du silence de la nuit. Bellérophon se lève aussitôt, et, saisissant le frein merveilleux, le porte au fils de Coeramus, le devin de ces contrées. Il lui raconte la vision qu'il a eue, comment, docile à ses oracles, il s'est endormi pendant la nuit sur l'autel de la déesse, et comment cette fille du dieu, à qui la foudre sert de lance lui a donné elle-même ce frein d'or sous lequel doit plier Pégase. Le devin lui ordonne d'obéir sans retard à ce songe et d'élever un autel à Minerve Équestre (Athéna hippia), après avoir immolé un taureau au dieu, qui de ses ondes environne la terre. C'est ainsi que la puissance des dieux rend facile ce que les mortels jureraient être impossible et désespéreraient même d'exécuter jamais. Tressaillant d'allégresse, l'intrépide Bellérophon saisit le cheval ailé : tel qu'un breuvage calmant, le frein dont il presse sa bouche modère sa fougue impétueuse; alors, s'élançant sur son dos, Bellérophon, revêtu de ses armes, le dresse au combat en se jouant. Bientôt, transporté avec lui dans le vide des airs sous un ciel glacé, il accable de ses traits les Amazones, habiles à tirer de l'arc, tue la Chimère qui vomissait des flammes et défait les Solymes. Je ne parlerai point de la mort de Bellérophon : je dirai seulement que Pégase fut reçu dans les étables de l'immortel roi de l'Olympe. »

— Pindare, Odes [détail des éditions] [lire en ligne], Olympiques, XIII, traduction de M. Al. Perrault-Maynand[2]

Légendes

Bellérophon naquit à Ephyre sous le nom d'Hipponoos. Il était officiellement le fils de Glaucos et le petit-fils de Sisyphe, mais une rumeur faisait de lui le fils du dieu de la mer Poséidon.

Il fut rebaptisé Bellérophon après le meurtre involontaire de son frère Déliadès lors d'un lancer de disque, ou, selon d'autres récits, le meurtre d'un noble corinthien tyran de son état, nommé Belléros (Bellérophon signifie « tueur de Belléros »)

Il dut s'expatrier et fuir à Tirynthe pour que le roi Proétos le purifie de son crime. Mais la femme de ce dernier, Sthénébée, s'éprit du jeune homme. Bellérophon était très timide avec les femmes et la repoussa. Elle l'accusa faussement devant le roi d'avoir tenté de la séduire. Proétos décida de tuer le jeune homme. Ne pouvant mettre à mort son hôte lui-même sans s'attirer le courroux des Érinyes, il l'envoya à la cour de son beau-père Iobatès, le roi de Lycie et père de Sthénébée, avec une tablette scellée sur laquelle figurait un message ordonnant de tuer le porteur.

Iobatès fit grand accueil à Bellérophon et le laissa manger et boire à sa table une semaine durant avant de lire le message. Il lui demanda alors d'éliminer la Chimère, un monstre qui causait de grands ravages dans son pays, persuadé que le jeune homme y trouverait la mort.

Désemparé, Bellérophon consulta un devin, Polyidos, qui lui conseilla de sacrifier un taureau à Poséidon et de passer une nuit dans le temple d'Athéna, ce qu'il fit. La déesse apparut dans ses rêves pour lui parler de Pégase, seule créature assez rapide pour lui permettre d'échapper aux flammes de la Chimère. Elle lui remit une bride d'or et lui dit où trouver le coursier ailé. À son réveil, Bellérophon trouva l'objet bien réel à côté de lui. Il réussit à apprivoiser Pégase près de la fontaine de Pirène où le cheval ailé aimait s'abreuver.

Grâce à son nouveau destrier (et à sa ruse), Bellérophon vint à bout de la Chimère : volant au-dessus d'elle, il la cribla de flèches puis lui plaça un bloc de plomb dans la gueule (le souffle ardent de la créature fit fondre le plomb qui lui brûla les entrailles).

Iobatès, loin de le récompenser, l'envoya combattre les belliqueux Solymes, un peuple montagnard de Lycie. Lorsque le guerrier et sa monture revinrent en vie, le roi les renvoya affronter les Amazones, alliées des Solymes. Quand Bellérophon revint en vie pour la troisième fois à la cour de Lycie, Iobatès posta secrètement des combattants en embuscade et demanda à Bellérophon de contacter un certain Acrisios, de nuit et sans armes. Bellérophon triompha une fois de plus.

Comme Iobatès avait envoyé sa garde royale contre lui, Bellérophon mit pied à terre et demanda à Poséidon d'inonder la plaine à mesure qu'il avançait. Les hommes n'ayant pas réussi à l'arrêter, les femmes de la région relevèrent leur tunique par-dessus leur tête et marchèrent vers lui. Bellérophon était si pudique qu'il fit demi-tour en entraînant les vagues avec lui.

Iobatès, impressionné après de tels exploits, fut convaincu de l'innocence de son invité et renonça à le mettre à mort. Il lui donna sa fille Philonoé en mariage ainsi que la moitié de son royaume en succession. Bellérophon eut plusieurs enfants : Isandre, Hippoloque et Laodamie, la mère du héros Sarpédon.

Peu à peu, Bellérophon devint victime de son orgueil. Pour se venger de la reine Sthénébée (ou Antéia), il revint à Argos et fit semblant de succomber à ses charmes. Il lui proposa un petit voyage aérien sur le dos de Pégase et quand il fut assez haut, il la précipita dans les flots.

Au sommet de sa gloire, il entreprit de voler vers l'Olympe grâce à Pégase, s'estimant digne de séjourner avec les dieux. Mais Zeus, furieux, envoya un taon qui piqua Pégase sous la queue. Bellérophon tomba dans un buisson d'épines, devint aveugle et erra sur la terre jusqu'à sa mort après avoir vu son fils Isandre tué par les Solymes et sa fille Laodamie tuée par Artémis.

Interprétation: un ancien mythe lunaire

Jean Haudry voit dans le récit de Bellérophon et de son châtiment un ancien mythe lunaire répandu dans le domaine indo-européen, où la Lune, époux volage et parjure, abandonne son épouse le Soleil. Lune (Bellérophon) refuse de s'unir à Soleil (Antée ou Sthénébée selon les récits). Antée se plaint à Proitos, mais le châtiment n'est pas suivi d'effets. Comme Yama, Bellérophon est puni une seconde fois et « il est réduit à errer solitaire comme la Lune dans la daina, comme Yima privé de son pouvoir et de ses trois charismes »[3].

Postérité

Les habitants de Corinthe lui rendaient un culte héroïque.

Il a inspiré une tragédie lyrique de Lully, sur un livret de Thomas Corneille.

La Fontaine fait référence également à ce personnage mythologique dans L'Ours et l'Amateur des jardins, fable 10 du Livre Huit Des Fables

Un rapprochement peut aisément être effectué avec La Tempête de Shakespeare où une vengeance n'empêche pas un roi de confier sa fille à un ennemi tout désigné.

Sources

Notes

  1. Kerenyi 1959, p 75.
  2. Pindare, Odes [détail des éditions] [lire en ligne], Olympiques, XIII, traduction de M. Al. Perrault-Maynand
  3. Jean Haudry, Le mariage du dieu Lune, Baltistica XXXVI, 2001, p. 25-36

Voir aussi

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