- Sisyphe
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Dans la mythologie grecque, Sisyphe (en grec ancien Σίσυφος / Sísyphos), fils d'Éole (le fils d'Hellen) et d'Énarété, est le fondateur mythique de Corinthe.
Il est l'époux de la Pléiade Mérope, fille d'Atlas et de Pléioné, de qui il a trois enfants : Ornytion, Sinon et Glaucos (le père de Bellérophon). Pausanias en cite toutefois deux autres : Almos et Thersandre.
Sommaire
Mythe
Fondateur mythique de Corinthe, fils d'Éole ; son ascendance et sa descendance sont citées dans l'Iliade. De son vivant, on dit que Sisyphe aurait fondé les Jeux isthmiques en l'honneur de Mélicerte dont il avait trouvé le corps gisant sur l'isthme de Corinthe. Depuis l'époque des poèmes d'Homère, Sisyphe conserve la réputation d'être le plus astucieux des hommes : il avait développé la navigation et le commerce, mais se montrait avare et trompeur et tuait les voyageurs.
Il passe parfois pour le vrai père d'Ulysse. Une légende raconte en effet que Sisyphe possédait un beau troupeau dans l'isthme de Corinthe. Non loin de lui vivait Autolycos, fils de Chioné, dont le frère jumeau Philammon était né des œuvres d'Apollon, alors qu'Autolycos se disait fils d'Hermès. Autolycos était passé maître dans l'art de voler, Hermès lui avait donné le pouvoir de métamorphoser toutes les bêtes qu'il volait. Ainsi et bien que Sisyphe eût remarqué que ses propres troupeaux diminuaient tous les jours, alors que ceux d'Autolycos augmentaient, il fut tout d'abord dans l'incapacité de l'accuser de vol; un jour donc il grava, sous le sabot de ses animaux son monogramme. La nuit venue, Autolycos se servit, comme à l'ordinaire, et, à l'aube, les empreintes de sabots sur la route fournirent à Sisyphe des preuves suffisamment concluantes pour convoquer les voisins et les prendre à témoin du vol. Il inspecta l'étable d'Autolycos, reconnut les animaux qui lui avaient été volés à leurs sabots gravés, et laissant aux témoins le soin de punir le voleur il fit le tour de la maison, y pénétra et devint l'amant de la fille d'Autolycos, Anticlée. Elle donna la vie à Ulysse qui, avec un grand-père et un père si rusés et si habiles sut de qui tenir en toutes circonstances.
Sisyphe est surtout connu pour s'être montré assez malin pour déjouer Thanatos lui-même. Quand son heure fut venue et que ce dernier vint pour le chercher, il l'enchaîna de sorte qu'il ne pût l'emporter aux Enfers. S'apercevant que plus personne ne mourait, Zeus envoya Hadès délivrer Thanatos. Mais Sisyphe avait préalablement convaincu sa femme de ne pas lui faire de funérailles adéquates. Il put ainsi convaincre Hadès de le laisser repartir chez les vivants pour régler ce problème. Une fois revenu à Corinthe, il refusa de retourner parmi les morts. Thanatos (ou même Hermès, selon certaines traditions) dut alors venir le chercher de force. Certains disent qu'il avait dénoncé Zeus dans une de ses aventures. Un jour, il vit un aigle immense enlevant une jeune fille et reconnut Zeus en l'oiseau. Quand Asopos rechercha sa fille, Égine, il dénonça Zeus.
Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe fut condamné à faire rouler éternellement, dans le Tartare, un rocher jusqu'en haut d'une colline dont il redescendait chaque fois avant de parvenir à son sommet, tel que raconté dans l’Odyssée. Toutefois, Homère ne faisait pas mention de la raison de ce châtiment. Certaines traditions le justifient par la réputation de brigand et de malfaiteur que Sisyphe avait acquise de son vivant.
Interprétation
D'après la théorie solaire, Sisyphe représente le soleil qui s'élève chaque jour pour replonger le soir sous l'horizon. D'autres y voient la personnification des marées ou des vagues qui montent pour soudain redescendre. Il peut s'agir aussi d'une métaphore de la vie elle-même où cette punition signifiait qu'il n'y avait de châtiment plus terrible que le travail inutile et vain. On perçoit l'absurdité du personnage tant dans le désespoir de tenter d'échapper à une mort inévitable, que dans la tentative d'achever un travail interminable.
Dans son premier essai philosophique, le Mythe de Sisyphe, Camus qualifie Sisyphe d'ultime héros absurde. Il y établit pourquoi la vie, malgré l'absurdité du destin, vaut la peine d'être vécue : "il faut imaginer Sisyphe heureux".
Ce mythe n'est pas exclusif aux traditions gréco-romaines. Il existe d'autres exemples de personnages qui parviennent à capturer la Mort en l'attachant dans un sac ou encore, en la cachant dans une bouteille de sorte que personne ne mourait des années durant.
Évocations artistiques
Sisyphe fut une source d'inspiration non seulement pour de nombreux écrivains, mais également pour les autres artistes :
- Polygnote l'inclut dans ses fresques des murs de la Lesché de Delphes, tel que décrit par Pausanias ;
- Sisyphe est un tableau du Titien, 237 x 216 cm, 1548 - 1549, musée du Prado, Madrid, (inv. P00426).
- Sisyphe est le nom d'un bronze sculpté par Jules Desbois en 1910 ;
- Sisyphe est le nom d'une peinture de Franz von Stuck datant de 1920.
- Sisyphe ou l'éternel recommencement est le nom d'un épisode d'Ulysse 31 (1981) reprenant le mythe.
- « Sisyphe » est le nom du personnage principal du Mythe de Sisyphe, publié par Albert Camus en 1942
- Le Mythe de Sisyphe est une chanson de Guerilla Poubelle, sur le vinyl Pas de bonne raison sorti en 2009
- Sysyphus est une composition en quatre parties de Rick Wright pour le groupe Pink Floyd parue sur l'album Ummagumma en 1969.
- "Sisyphe" est le titre d'une chanson que Serge Bilé a écrit pour Léa Galva en 2011
- Charles Baudelaire fait allusion à Sisyphe dans son poème « Le Guignon ».
Autres évocations
- Le « refroidissement Sisyphe » est une technique de refroidissement d'atomes par laser ;
- Dans le manga Saint Seiya : The Lost Canvas, l'un des chevaliers d'or se nomme Sisyphe du Sagittaire.
- Sisyphe est présent dans The Ballad of Sisyphus T. Jones, une chanson de l'album Hide de Foetus librement adaptée de la mythologie.
Sources
- Apollodore, Bibliothèque [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 7, 3 et 9, 3 ; III, 4, 3; III, 12, 6).
- Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (VI, 153 et suiv.), Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne] (XI, 592-600).
- Hygin, Fables [détail des éditions] [(la) lire en ligne] (LX).
- Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 3 et 4 ; IX, 34, 10 ; X, 31 ).
Note : il existe aussi un fragment d'une tragédie intitulée Sisyphe attribuée tantôt à Critias, tantôt à Euripide.
Voir aussi
Bibliographie
- Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, Paris, 1942.
- Pierre Brunel et Aeneas Bastian, Sisyphe. Figures et Mythes, Éditions du Rocher, 2004.
- François Racheline, Sisyphe, Albin Michel, 2002.
- Robert Merle, Sisyphe et la mort, Gallimard, 1950
- Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, SPADEC, 1969.
Liens externes
Catégories :- Roi de Corinthe
- Enfers grecs
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