- Franc-maçonnerie à Besançon
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L'histoire de la franc-maçonnerie à Besançon débute à partir du XVIIIe siècle, lors de la création de la plus ancienne loge de la ville, la loge Sincérité. Son ancienneté, son influence sur la franc-maçonnerie au XVIIIe siècle et sa contribution à la survivance d’un système maçonnique particulier, le rite écossais rectifié, en fait encore aujourd'hui une loge d'exception. Elle ne sera pas la seule institution franc-maçonne de la ville ; en effet, au cours des siècles les loges Parfaite Union et Constante Amitié s'ajoutent à la loge Sincérité, avant que toutes ne fusionnent pour former la loge « Sincérité, Parfaite Union et Constante Amitié Réunies » (SPUCAR). Actuellement on compte dix loges dans la capitale comtoise et au moins 345 frères bisontins.Sommaire
Histoire
Articles connexes : Franc-maçonnerie en France et histoire de Besançon.C'est en 1764 que la première loge franc-maçonne bisontine est officiellement créée : il s'agit de la loge Sincérité, qui fut établie, d'après des documents, à la Saint-Jean d'hiver (soit le 27 décembre 1764) sous l'égide du prince de Bourbon-Condé, comte de Clermont, qui était alors à l'époque le grand maître de toutes les grandes loges de France, ainsi que grâce à Charles-André de Lacoré, intendant de la province de Franche-Comté[1]. Cependant, un document qui est probablement erroné parle d'une présence franc-maçonne dans la ville à partir de 1720 ; ce qui est peu probable au vu du contexte, la maçonnerie émergeant à peine en France à cette époque[1]. Pourtant, un indice nous renseigne sur l'existence de la communauté à partir du XVIIe siècle, lors de la construction du Grand séminaire de Besançon ; en effet, celui-ci fut construit de 1670 à 1695[2], et sur l'intérieur du portail de ce dernier, on peut voir une plaque avec les symboles de la franc-maçonnerie, prouvant que soit l'édifice, soit son portail fut l'œuvre de francs-maçons.
Le fait que la cité soit une ville de garnison n'aura pas d'influence sur les débuts de la maçonnerie dans la région, mais par la suite de nombreuses loges militaires s'implanteront bien qu'elles disparaissaient une fois le régiment parti[1]. Les premiers francs-maçons de Besançon étaient principalement des nobles de la ville et des environs comme son fondateur l'intendant de Lacoré et ses assesseurs ou encore le marquis de Jouffroy d'Abbans, ainsi qu'une trentaine d'ecclésiastiques, présents dans la loge jusqu'à la Révolution[1]. Le fait que des clercs soient francs-maçons est assez rare, notamment parce que la bulle pontificale du 28 avril 1738 formulée par le pape Clément XII intitulée In eminenti apostolatus specula excommunie les catholiques francs-maçons[3] ; cependant cette bulle ne fut jamais appliquée parce que le Parlement de Paris ne l'a jamais enregistrée[1]. L'influence des francs-maçons sur la ville reste assez marginale (par rapport à la loge parisienne des Neuf Sœurs par exemple)[1]. En effet, leur principale activité consiste à des actions de bienfaisance envers les Bisontins et notamment en 1778 où ils achètent du blé pour la population en proie à une terrible famine ; ils parrainent également des enfants pauvres pour leur permettre d'aller à l'école[1].
En 1786, les deux loges de la ville, loges Sincérité et Parfaite Union, fusionnent[4], et à la veille de la Révolution, on les présente comme les têtes pensantes de la Révolution, même si dans les faits les maçons bisontins sont partagés[1]. Après la Révolution, la loge bisontine Sincérité et Parfaite Union se retrouve en clandestinité parce que le gouvernement révolutionnaire les soupçonne de fomenter une opposition ; il faudra attendre 1800 pour qu'elle rouvre ses portes à Besançon[1]. Le seul événement notable de la première moitié du XIXe siècle est la fusion de la loge Sincérité et Parfaite Union avec la loge Constante Amitié, qui donne la loge Sincérité, Parfaite Union et Constante Amitié réunies survenue en 1845[5]. Pierre-Joseph Proudhon, un frère initié à Besançon[6], viendra mettre en lumière une pensée politique partagée par la plupart des obédiences : le socialisme utopique[5].
Actuellement, la ville de Besançon compte environ 345 frères revendiqués par les obédiences[7], ce qui représente environ 2,6 francs-maçons pour 1 000 habitants calculé sur une agglomération de 134 000 habitants, ce qui donne un taux légèrement supérieur à la moyenne nationale, qui se situe à 2,4 %[7]. En 2006, la ville comprenait dix loges[7] : trois loges du Grand Orient de France[8] (environ 140 frères), deux loges de la Grande Loge de France (environ 40 frères), deux loges de la Grande Loge nationale française (environ 45 frères), deux loges de la Fédération française du Droit humain (environ 60 frères), une loge de la Grande Loge féminine de France (environ 30 sœurs), une loge de la Grande Loge traditionnelle et symbolique Opéra (17 frères) et une loge du Grand Prieuré des Gaules (13 frères).
Les bons cousins charbonniers
Articles connexes : Rituels forestiers et Bregille.Au XIXe siècle, le bois de Bregille aurait servi de lieu de réunions des bons cousins charbonniers, une société secrète d'entraide en milieu forestier proche de la Franc-maçonnerie d'après Gaston Coindre[9]. Les bons cousins charbonniers, originaires des forêts du Jura, seraient parmi les premiers à avoir effectuer des rituels de charbonniers ; ils sont fortement imprégnés de christianisme et son symbolisme est lié aux pratiques du métier[10]. On retrouve dans un livre de Charles Godard intitulé catéchisme des Bons charpentiers un passage sur l'initiation d'un franc-maçon bisontin en 1905[11].
« Le révérend lui fait prêter son obligation en ces termes : « Je promets et engage ma parole d'honneur de ne jamais révéler à aucun guêpier [profane] les secrets des Bons Charbonniers, de ne jamais attenter à l'honneur de leurs femmes ni de leurs filles, de prêter à tout Bon Charbonnier tous les secours qui dépendront de moi. Dieu me soit en aide. » Après obligation prononcée, le deuxième Grand Vénéré, sur l'ordre du Révérend Charbonnier, lui donne la lumière, c'est-à-dire enlève son bandeau, et le récipiendaire reste à genoux. Le révérend Charbonnier lui fait l'explication des cinq assiettes et autres objets qui sont devant lui, ensuite l'invite à se choisir un parrain. Lorsque le nouvel initié a choisi un parrain, celui-ci s'approche de son filleul, et fait serment de l'instruire et guider dans la nouvelle carrière qu'il vient de s'ouvrir. Il lui place la couronne près du cœur en lui disant qu'elle dit y rester neuf jours pendant chacun desquels il doit réciter cinq Pater et cinq Ave ; il le décore de ses rubans, et le conduit ensuite au chef qui lui apprend les signes, paroles et attouchements, à l'aide desquels il peut se faire reconnaître. Un des Bons Charbonniers lui fait ensuite l'instruction : « animé d'un mépris souverain contre les déplorables sarcasme des guêpiers qui pourraient chercher à nous surprendre, nous sommes également sans crainte contre les traits calomnieux qu'ils s'efforcent de lancer sur notre noble et vénérable association ! qu'ils soient punis de leur sotte curiosité par un silence éternel, qui rendra toutes leurs attaques vaines. Nos sages institution, à l'imitation de nos saint patrons qui n'administraient le baptême qu'à ceux qui étaient vraiment touchés de la justice de leur doctrine, avec la foi la plus sincère, voulurent que le désir, joint aux autres bonne qualités dont il faut nous répondre pour ceux qui veulent avoir l'avenir d'être admis, nous fussent la principale marque d'un aspirant. Ainsi soit-il ! »
L'instruction du premier passage se déroule ensuite par une série de questions-réponses entre le postulant et le Maître Charbonnier : Où avez-vous été passé ? sur un linge, au milieu d'un bois, dans une forêt, sur une place à charbon pas trois Bons Charbonniers. — Qu'avez-vous remarqué ? cinq assiettes, bien posées et bien dressées au pied d'un tronc d'arbre. — Qu'est-ce qui couvrait ce tronc d'arbre ? le ciel. —Que signifie ce tronc d'arbre ? la rondeur du monde. — Quelles sont les cinq assiettes ? le linge, l'eau, le feu, le sel et le Christ. — Que nous représente le linge ? celui qui a servi à me recevoir, à m'essuyer et à m'envelopper lorsque je suis venu au monde. — Que nous représente l'eau ? celle qui a servi à me laver et purifier de la tâche originelle. — Que nous représente le feu ? celui qui a servi à me sécher, et à nous éclairer dans nos premiers engagements. — Que nous représente le sel ? celui qui m'a rendu chrétien. — Que signifie le Christ ? celui qui m'a racheté. — Quelle est la mère des cinq assiettes ? les fonts baptismaux. — N'avez-vous rien remarqué de plus ? j'ai encore vu un mouchoir blanc, une aiguille et du fil, du bois, de la terre, des feuilles, une couronne d'épines blanches et des rubans. — Que croît-il dans le jardin d'un bienheureux Charbonnier ? du persil, du cerfeuil et de la nezillotte. — Pourquoi ces trois herbes de préférence ? pour marquer la sobriété, la tempérance et la frugalité d'un Bon Charbonnier. — À quelle heure la soupe d'un Bon Charbonnier doit-elle être prête ? à tout heure, parce qu'il peut arriver des Bons Charbonniers dans chaque moment. — Quel en doit être l'assaisonnement ? le travail. — Qui êtes vous ? habitant de l'univers. — Où êtes vous ? entre le ciel et la terre.
Qui est votre père ? le ciel objet de tous les désirs des Bons Charbonniers. — Qui est vote mère ? la terre. — Qui est votre parrain ? [on montre le pouce]. — Quelles sont les témoins ? [on montre les deux doigts à côté du pouce]. — Qu'est-ce qu'un apprenti doit à son parrain ? pinte et pain pendant neuf jours. — Combien vous en a t-il coûté pour être reçu ? des rubans. — Qui vous a instruit ? mon parrain, qui m'en a fait une étude particulière pendant neuf jours. — [Le chef frappe trois coups égaux sur la terre ; tous les Bons Charpentiers se mettent à l'ordre]. — [Le chef] : Mon Bon Charpentier, premier Grand Vénéré, quelle heure est-il ? l'entrée de la nuit. — Mon Bon Charpentier, second Grand Vénéré, quand doit-on fermer une Vénérable Loge ? lorsque le soleil est couché. — Mon Bon Charpentier, premier Grand Vénéré, quel temps fait-il ? — la Lune est levée. — Mon Bon Charpentier, premier Grand Vénéré, avertissez les abrivents que je suis dans le desseins de ferme la Vénérable Loge. »
Personnalités liées à des loges bisontines
- Charles-André de Lacoré[1], intendant de la province de Franche-Comté.
- Claude François Jouffroy d'Abbans[1], constructeur des premiers bateaux à vapeur.
- Pierre-Joseph Proudhon[5], père de l'anarchie.
- Abdoulaye Wade[12], actuel chef d'État du Sénégal.
- Joseph Léopold Sigisbert Hugo, général et père de Victor Hugo.
- Henri Huot, franc-maçon résistant très impliqué dans la vie locale bisontine[13].
Articles connexes
Références
- L'histoire des francs-maçons de Besançon (partie 1) sur le site de l'Express (consulté le 19 septembre 2010).
- Notice no PA00101609, sur la base Mérimée, ministère de la Culture (consulté le 19 septembre 2010)
- (en) In eminenti apostolatus specula sur le site de la Grande loge anglaise (consulté le 19 septembre 2010).
- « Les francs-maçons », dans L'Histoire, vol. 256, 2001 (ISSN 01822411), page 23.
- L'histoire des francs-maçons de Besançon (partie 2) sur le site de l'Express (consulté le 19 septembre 2010).
- Pierre-Joseph Proudhon sur le site de la franc-maçonnerie en France (consulté le 19 septembre 2010).
- Les Francs-Maçons de Besançon de nos jours sur le site de l'Express (consulté le 7 juin 2010).
- Les loges des Francs-maçons du Grand Orient de France de la région Est (consulté le 1er octobre 2010).
- Mémoires de Bregille, 2009, page 58.
- (collection privée) F.T.B. Clavel, Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des Sociétés secrètes Anciennes et Modernes, Paris, Pagnerre, 1843.
- Archives de la Franche-Comté, 1996, page 170 à 173.
- «Sénégal: Wade a été franc-maçon», sur le site du Figaro (consulté le 19 septembre 2010).
- Henri Huot sur Migrations.Besançon.fr (consulté le 19 décembre 2010).
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