- Exécution des sept Juifs au cimetière de Rillieux-la-Pape
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L'exécution des sept Juifs au cimetière de Rillieux-la-Pape est l’exécution de sept otages juifs, le 29 juin 1944 par la milice française sous la responsabilité de Paul Touvier, au cimetière de Rillieux-la-Pape, alors dans le département de l'Ain, en représailles[1] à l'assassinat du secrétaire d'État à l'Information de Vichy Philippe Henriot, assassiné par des résistants (s'étant fait passer pour des miliciens), à Paris, le 28 juin 1944[2].
Ce crime perpétré à Rillieux-la-Pape est le seul à avoir valu à Paul Touvier une condamnation pour complicité de crimes contre l’humanité.
Sommaire
Les faits
Au cours de la journée du 28 juin 1944, les miliciens lyonnais arrêtent[3] un certain nombre de personnes, dont cinq qui seront incarcérées[3] dans une même cellule de l'impasse Catelin, dans les locaux de la milice, à Lyon :
- Léo Glaeser, 46 ans, avocat, né le 30 octobre 1897 à Riga ; père de Georges Glaeser — mathématicien, auteur du théorème de Glaeser — et d'Henri Glaeser, réalisateur ;
- Émile Zeizig, 57 ans, né en 1887 à Sainte-Foy-lès-Lyon ;
- Claude Ben Zimra, 24 ans ;
- Maurice Schlisselman, 64 ans, maroquinier, né à Varsovie ;
- Louis Krzyzkowski, 46 ans, né à Poznan.
Dans cette cellule, se trouvent déjà un certain nombre de détenus, parmi eux[3] :
- Siegfried Prock, 42 ans, réfugié d'Autriche ;
- Maurice Abelard, 24 ans, résistant ;
- Louis Goudard, 24 ans, résistant, arrêté le 21 juin 1944 ;
- « L'inconnu paraissant 25 ans ».
Le 29 juin 1944 au matin, Henri Gonnet un milicien aux ordres de Touvier, fait sortir[3] de la cellule Léo Glaeser, Émile Zeizig, Claude Ben Zimra, Maurice Schlisselman, Louis Krzyzkowski, Siegfried Prock et « l'inconnu paraissant 25 ans »[3], mais également Louis Goudard.
Les huit hommes sont alignés dans le couloir[3] ; après une rapide discussion entre Touvier et Gonnet, Louis Goudard, seul non-Juif parmi les huit hommes, est remis dans la cellule[3].
Les sept hommes restants sont emmenés dans une camionnette au cimetière de Rillieux-la-Pape[3] où ils seront alignés contre un des murs d'enceinte (chemin du cimetière) puis fusillés vers 5h30 du matin[3].
« L'inconnu paraissant 25 ans »
Article détaillé : L'inconnu paraissant 25 ans.Louis Goudard apporte[4] quelques précisions concernant cet « inconnu paraissant 25 ans ». Louis Goudard était incarcéré depuis le 21 juin 1944, avant l'arrivée de l'inconnu dans la cellule. À son arrivée, Louis Goudard lui pose la question classique (sic) « Marché noir, résistant ou Juif ? »[4] à laquelle « l'inconnu » ne répond pas[4].
Au retour d'une séance de torture de Louis Goudard, « l'inconnu » lui montre une certaine sollicitude[4], comprend certainement qu'il peut parler en confiance et lui apprend alors, qu'il est juif[4].
Le 28 juin 1944 au soir, se sentant probablement condamné, il sifflote l'air du fusillé de la Tosca[4].
Caractéristiques
Représailles et crime raciste
Louis Goudard, chef de réseau FTP, spécialisé dans le renseignement, a la certitude qu'aucun des sept fusillés n'était résistant[4]. De plus, les sept fusillés, y compris l'« inconnu » — il s'en était ouvert auprès de Louis Goudard — étaient juifs.
À ce propos Louis Goudard dira :
- « Aucun de ces sept hommes n'était résistant, je peux l'affirmer car j'étais responsable du service de renseignement FTP à l'échelon régional. C'était un acte de racisme. »[3].
L'exécution des sept Juifs au cimetière de Rillieux-la-Pape n'est donc pas seulement un acte de représailles à l'assassinat de Philippe Henriot perpétré par la résistance mais un crime raciste participant à la Shoah ; en effet, aucun des fusillés n'était résistant, tous étaient juifs.
En 1994, au cours du procès Touvier, cette qualification en crime raciste participant à la Shoah est la seule[5] affaire reprochée à Touvier pouvant être éligible au principe de crime contre l'humanité.
La question de la complicité avec l'Occupant
En prévision du procès de Klaus Barbie, la Cour de cassation craignant[6] que Klaus Barbie et ses avocats n'utilisent la définition en cours de Crime contre l'humanité, en évoquant certains crimes commis par la France durant la Guerre d'Algérie, a précisé[6] sa définition en lui ajoutant un critère : « le crime doit être commis au nom d'un Etat pratiquant une politique d'hégémonie idéologique ».
Cette précision a sans doute placé les parties civiles du procès Touvier devant un dilemme :
- D'une part, leur volonté était de montrer que l'exécution des sept Juifs au cimetière de Rillieux-la-Pape avait été décidée par la milice française en toute autonomie ;
- D'autre part la qualification en Crime contre l'humanité de l'exécution des sept Juifs au cimetière de Rillieux-la-Pape impliquait de reconnaître qu'elle constituait une réponse à une demande explicite de l'occupant allemand.
a contrario, la défense a, elle aussi, dû composer avec cette évolution de la définition de Crime contre l'humanité ; néanmoins, la posture de la défense de Touvier a été de défendre la thèse d'une demande allemande de représailles, non seulement sur des otages, mais sur des otages juifs. À titre d'exemple, Jacques Trémolet de Villers, l'avocat de Touvier prétend que « Knab décide de faire fusiller cent israélites »[7] en représailles à l'assassinat d'Henriot.
En l'occurrence, il n'y a aucune preuve[6] faisant état d'une demande allemande explicite ; a minima des témoignages contradictoires.
Hommages
Une plaque fixée sur le mur du cimetière de Rillieux-la-Pape — celui dit de Rillieux-Village, chemin de Feuillantines[8] ou encore chemin du cimetière rebaptisé rue du souvenir français — commémore les sept Juifs assassinés le 29 juin 1944[9] ; le 17 mai 1994, elle est retrouvée brisée, par un acte malveillant[9]. Depuis une autre plaque a été installée ; à proximité immédiate, un monument commémoratif (érigé sur le lieu précis de l'exécution) est composée de sept stèles : chacune représentant une des victimes du 29 juin 1944.
Références
- Paul Touvier restera en prison. La cour de cassation a rejeté le pourvoi des avocats de l'ex-milicien. » sur www.liberation.fr, Libération, 2 juin 1995. Consulté le 18 avril 2011. Armelle Thoraval, «
- (en) Carroll Franklin Terrell, À companion to the Cantos of Ezra Pound, vol. 2, t. 2, Berkeley, University of California, 1980-1984, 800 p. (ISBN 978-0-520-04731-0) (LCCN 78054802) [lire en ligne (page consultée le 18 avril 2011)], p. 465.
- Lyon 1942-1944 sur www.jewishtraces.org. Consulté le 18 avril 2011.
- Milice, film noir d'Alain Ferrari, 1997. Documentaire
- La justice contre l'Histoire sur www.lexpress.fr, L'Express, 7 avril 1994. Consulté le 18 avril 2011.
- Touvier : les ambiguïtés d'un procès sur www.lexpress.fr, L'Express, 17 mars 1994. Consulté le 18 avril 2011.
- Jacques Trémolet de Villers, L'affaire Touvier : chronique d'un procès en idéologie, D.M. Morin, 1994, 383 p. [lire en ligne (page consultée le 18 avril 2011)], p. 308.
- Les cimetières sur www.ville-rillieux-la-pape.fr. Consulté le 19 avril 2011.
- Rillieux-la-Pape en 1939-1945 sur www.ajpn.org. Consulté le 18 avril 2011.
Voir aussi
Voir la catégorie : Exécution des sept Juifs au cimetière de Rillieux-la-Pape.Bibliographie
- Dominique Missika, Petit Louis : Histoire d'un héros de la résistance, Paris, Hachette, 2002 (ISBN 978-2-01-235611-5) (LCCN 2002409510) [présentation en ligne]
- Murielle Bellet, L'inconnu de Rillieux, Paris, Plon, 2002, 208 p. (ISBN 978-2-259-19133-3) (LCCN 2002543028) [présentation en ligne]
Filmographie
Articles connexes
- Shoah
- Le Mémorial des maquis de l'Ain et de la Résistance où sont inhumés Louis Krzyzkowski et « L'inconnu paraissant 25 ans »
Liens externes
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