Elle fut chargée de recenser toutes les violations des droits de l'homme commises depuis le massacre de Sharpeville en 1960, en pleine apogée de la politique d'apartheid initiée en 1948 par le gouvernement sud-africain, afin de permettre une réconciliation nationale entre les victimes et les auteurs d'exactions.
L'objet de cette commission concerne les crimes et les exactions politiques commis non seulement au nom du gouvernement sud-africain mais aussi les crimes et exactions commis au nom des mouvements de libération nationale (African National Congress, Congrès Panafricain, etc.).
Comme pour la plupart des commissions de vérité et réconciliation ultérieures, les victimes devaient témoigner devant la Commission. Sa spécificité consistait néanmoins à obtenir une amnistie pleine et entière des crimes commis en échange de leur confession publique. Ce mécanisme visait non seulement à permettre l'élaboration d'une unité et d'une histoire nationale, mais aussi à permettre de dévoiler la vérité sur des crimes dont seuls les auteurs avaient connaissance (ce qui était pertinent en particulier pour les crimes commis par les services de sécurité, et dont les victimes étaient mortes)[1].
Afin de favoriser les confessions publiques, des menaces de poursuites judiciaires étaient instaurées en cas de refus d'aveu des crimes commis. Cependant, la plupart de ceux qui seront inculpés devant les tribunaux seront aussi acquittés pour insuffisance de preuves, ou au motif du respect du principe de hiérarchie et de l'obéissance aux ordres (Ce furent le cas du ministre de la défense Magnus Malan et de Wouter Basson, "le docteur la mort"). Les audiences étaient filmées et diffusées à la télévision[1].
Audiences
La première audience de la CVR eut lieu le 15avril1996 et ses travaux se prolongèrent durant deux ans, présidés par Mgr Desmond Tutu, archevêque du Cap et prix Nobel de la paix. Ses enquêtes concernaient une période allant du 1er mars 1960 au 10 mai1994. C'est ainsi, selon Desmond Tutu, que certains auteurs de crimes ont pu avouer et réparer leurs torts et que de nombreuses victimes ont pu pardonner. Certains anciens ministres comme Adriaan Vlok ou Piet Koornhof ont exprimé des regrets pour certains de leurs actes commis au nom de la défense de l'apartheid [2] tandis que l'ancien président Frederik de Klerk affirmait pour sa part que jamais la torture n'avait été encouragée ou couverte par les gouvernements successifs[3].
Du côté des membres de mouvement de libération nationale, un très grand nombre d'entre eux ont avoué des crimes, comme Aboobaker Ismail organisateur de l'attentat à la voiture piégée à Pretoria en 1983, en échange de l'amnistie. Certains étaient déjà derrière les barreaux[1] manifestant une asymétrie évidente entre ceux-ci et les membres des services de sécurité non inculpés[1].
Le 28 février1997, le comité d'amnistie de la commission accorde l'amnistie à 37 anciens responsables de l'ANC dont Thabo Mbeki, Aboobaker Ismail (commandant des opérations spéciales de Umkhonto we Sizwe devenu après 1994 officier général dans l'armée sud-africaine et chef de la police) et Dullah Omar (alors ministre de la justice). Cette amnistie provoque un tollé chez les anciens partisans de l'apartheid qui saisissent la Haute-Cour de Justice, laquelle annule la décision en mai 1998[4].
Rapport final
Le rapport final de la Commission épingle l'absence de remords ou d'explications de certains anciens hauts responsables gouvernementaux comme les anciens présidents Pieter Botha, Frederik de Klerk ou le ministre Magnus Malan mais aussi le comportement de certains chefs de l'ANC, notamment dans les camps d'entrainements d'Angola et de Tanzanie. Ce rapport a été fraîchement accueilli aussi bien par l'ANC que par le successeur du Parti national.
Analyses
La CVR d'Afrique du Sud a fourni le modèle des commissions ultérieures, dans d'autres pays, qu'il soit imité ou contesté. Elle a fait l'objet de nombreuses analyses. Volker Nehrlich (2006) souligne par exemple la faible coordination entre la CVR et le Bureau du procureur, conduisant à ce que bien peu de suspects ayant refusé d'avouer leurs crimes soient poursuivis[1].
Notes et références
↑ a, b, c, d et e Volker Nehrlich (2006), "Lessons for the International Criminal Court: The Impact of Criminal Prosecutions on the South African Amnesty Process", in Gerhard Werle (ed.), Justice in Transition – Prosecution and Amnesty in Germany and South Africa, Berliner Wissenschafts-Verlag, Berlin, 2006, 277 pp., p. 55-83
↑ Dominique Darbon, L'après Mandela, Karthala, 2000, p. 143
Amnistier l’Apartheid. Travaux de la Commission Vérité et Réconciliation sous la présidence de Desmond Tutu, traduction française, Philippe-Joseph Salazar (dir.), Paris, Le Seuil, coll. "L’Ordre Philosophique", 2004, 352 p, (ISBN 2-02-068604.X184)
Étude critique d'ensemble du Rapport (avec des contributions du Pdt Truche, ancien président de la Cour de Cassation, des philosophes Paul Ricoeur et Jacques Derrida) :
Film documentaire tourné lors de la Commission, La Commission de la Vérité, d'André Van In, Archipel 33, diffusion La Sept Arte, 1999, 137 min, couleur.
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