- Bardo Thödol
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Livre des morts tibétain Fichier:BardoThödol.jpgAuteur Padmasambhava, Yeshe Tsogyal Genre Terma (religion) (en) Titre original Bardo Thödol Pays d'origine Tibet Date de parution originale VIIIe siècle Le Bardo Thödol, (tibétain : བར་དོ་ཐོས་གྲོལ ; wylie : bar-do thos-grol) signifiant La libération par l'écoute dans les états intermédiaires et publié en français sous le titre de Livre des morts tibétain est un texte du bouddhisme tibétain décrivant les états de conscience et les perceptions se succédant pendant la période qui s’étend de la mort à la renaissance. L’étude de son vivant ou la récitation du principal chapitre par un lama lors de l’agonie ou après la mort est censée aider à la libération du cycle des réincarnations, ou du moins à obtenir une meilleure réincarnation.
Sommaire
Les thödols
Le nom de l’ouvrage, composé de bardo (état intermédiaire), de thö (entendre) et de dol (libérer), signifie libération par l’audition pendant les stades intermédiaires [entre la mort et la renaissance]. Entendre le texte récité, ou le connaître par cœur, peut aider le défunt à se libérer du samsara au moment de la mort. Le nom de thödol s’applique à différents textes dont la récitation aux morts a le pouvoir de libérer des renaissances. Il existe par exemple un livre des morts associé au Bonpo : La lampe qui illumine la libération par l’écoute pendant les bardos (wylie : sNyan brgyud bar do thos grol gsal sgron chen mo), qui ressemble au livre des morts tibétain et pourrait l'avoir précédé de deux siècles[1].
En 2005, une traduction plus complète est publiée en anglais[2],[3], laquelle est traduite en français en 2009[4],[5].
Origine
Cet ouvrage est lié à l’école Nyingmapa, dont la tradition voit dans certains textes sacrés d'auteurs prestigieux des redécouvertes par des Tertöns d’ouvrages cachés denommés terma. Le Bardo Thödol est un terma attribué à Padmasambhava, fondateur de l'école, et redécouvert sur le mont Gampodar par le fils âgé de 15 ans de Maître Nyida Sangye, Karma Lingpa (~1350). L'ouvrage, composé par Padmasambhava, fut écrit par son épouse Yeshe Tsogyal au VIIIe siècle[6]. Le mont Gampodar ou Gampo Dar se situe sur le territoire du monastère de Daklha Gampo (en).
Contenu
L’ouvrage contient la description des transformations de la conscience et des perceptions au cours des trois états intermédiaires qui se succèdent de la mort à la renaissance, ainsi que des conseils pour échapper aux réincarnations, ou du moins obtenir une meilleure réincarnation[réf. nécessaire] :
- Le chikhai bardo ou étape du trépas, au moment de la mort et dans les instants qui la suivent : l'esprit est confronté à la claire lumière primordiale, une luminosité brillante, liée à la nature fondamentale de son esprit et qui en est la projection ; un défunt, qui a été avancée sur un plan spirituel durant sa vie pourra la reconnaitra et demeurer en confrontation avec elle, ce qui peut lui permettre d'échapper au cycle des renaissances. Cette étape correspond au Dharmakāya[7]. Dans le cas contraire, le défunt sombre dans l'inconscience, sa conscience s’estompe totalement pendant 3 à 7 jours jusqu’à l’étape suivante[8].
- Le chonyid bardo ou étape de l’expérience de la réalité : elle survient 4 à 7 jours après l’étape précédente. Durant ce second bardo, au cours de 5 jours consécutif, le défunt se trouve en présence de 5 Bouddhas, associés à une luminosité brillante, tandis qu’une autre luminosité pâle est aussi présente. Il s’agit de Vairocana, Vajrasattva, Ratnasambhava, Amitabha et Amoghasiddhi. Du fait du karma négatif, l’esprit du défunt peut-être attiré par la pâle luminosité, et effrayé par la luminosité brillante. La lecture du Bardo Thödol vise à rassurer l’esprit du défunt, lui faisant prendre conscience que ses visions n’émanent que de son propre esprit, l’incitant à préférer les luminosités brillantes associées à la sagesse des Bouddhas[9]. La conscience se réveille et perçoit un mandala de 42 déités sous leur forme paisible ; après sept autres jours il est remplacé par un mandala de 58 déités courroucées. Si le défunt peut les reconnaitre comme des formes de réalité de la conscience et les "prendre pour mères", il peut encore éviter de poursuivre son chemin vers la renaissance, ou se préparer à une meilleure réincarnation[réf. nécessaire].
- Le sidpa bardo ou étape de la renaissance : après un certain nombre de jours, le défunt acquiert un corps mental doté des 5 sens ; il peut voir sa famille, circuler dans le monde en traversant les obstacles. Il a ensuite la vision de ses bonnes et mauvaises actions comptées respectivement à l’aide de pierres blanches et noires. Puis Yama se saisit de lui et le dévore organe par organe jusqu'aux os. Enfin arrive le moment de la réincarnation, à moins qu'une technique de dernier ressort, dite "obturation de l'entrée de la matrice", n'évite la venue au monde. Celle-ci peut se faire dans l’un des six états suivants : déité, déité inférieure, humain, animal, esprit avide, esprit torturé. Dans le cas d’une réincarnation humaine, la conscience est attirée par la vision du couple parental engagé dans l’acte sexuel[réf. nécessaire].
Sont également décrits dans le texte trois autres bardos qui ne sont pas spécifiques à la mort, mais appartiennent à l’expérience des vivants : celui de l’état de conscience ordinaire, celui du rêve, celui de la méditation.[réf. nécessaire]
L’ouvrage mentionne les rituels à observer et les 4 prières récitées par les lamas. Dans le cas où le corps n’est pas présent, une effigie sur papier du défunt, appelée jangbu, est attachée à un bâtonnet et placée sur l’autel. À l’issue du rituel, le lama la brûle, libérant ainsi l’âme de ses fautes ; celle-ci se réincarne aussitôt[réf. nécessaire].
La version intégrale contient de plus des descriptions des différents signes annonçant un proche trépas, et comment éventuellement en repousser l'échéance.
L’ensemble témoigne de l’expérience de la formation et de la dissolution des divers états de conscience, obtenue grâce à la méditation. Un parallèle a été fait entre le chikhai bardo et l'expérience de mort imminente. On reconnait également l’influence des croyances et pratiques pré-bouddhiques appelées Bön et des traditions populaires.
Traductions, interprétations et emprunts
La renommée du Bardo Thödol en Occident remonte à la découverte de sa partie principale, les étapes du bardo, par le théosophe américain Walter Evans-Wentz, qui le fit traduire par Lama Kazi Dawa Samdup. Jung en fit un commentaire psychologique.
Dans les années 1960, Timothy Leary et Ralph Metzner s’en inspirèrent pour écrire The Psychedelic Experience sur les effets du LSD. John Lennon en tire Tomorrow Never Knows.
En 1992, Sogyal Rinpoché publia pour la première fois un ouvrage présentant la perspective spirituelle bouddhiste basée sur la compréhension des bardos, Le Livre tibétain de la vie et de la mort.
La première version intégrale en anglais a été publiée en 2005, traduite par Gyurme Dorje et révisée par Thupten Jinpa, traducteur officiel du Dalaï Lama, et Graham Coleman.
C'est en s'inspirant, entre autres, du Bardo Thödol, que l'ésotériste italien Tommaso Palamidessi (1915-1983) a rédigé son Livre Chrétien des Morts. Le Livre Chrétien des Morts est à la base un recueil de prières et d’exhortations que l’officiant doit lire à intervalles réguliers après la mort de l’assisté, pour orienter son esprit dans l’au-delà et l’aider ainsi à se délivrer du cycle des réincarnations.
Antoine Volodine (né en 1949) a écrit un roman formé de sept récits autour du Bardo Thödol, qui fut publié pour la première fois en 2004.
Pierre Henry ainsi que Eliane Radigue et Symbol Of Subversion en ont donné une interprétation musicale.
Comparaison avec l’expérience de mort imminente
Dans son ouvrage Le Livre tibétain de la vie et de la mort, Sogyal Rinpoché écrit que certains Occidentaux assimilent l’expérience de mort imminente (NDE) aux descriptions du Bardo Thödol. Sogyal Rinpoché note que la question méritera une étude dépassant le cadre de son livre. Il aborde cependant la question en termes de similitudes et différences. Il note que l’expérience de sortie hors du corps de la NDE correspond à la description du Livre des Morts Tibétain. Il mentionne qu’au Tibet, les Tibétains sont familiers avec le phénomène de délok (dé lok, qui est revenu de la mort), une notion décrite par Françoise Pommaret dans son ouvrage Les Revenants de l'au-delà dans le monde tibétain, publié aux éditions du CNRS en 1989. L’expérience des déloks correspond au Bardo Thödol et à la NDE[10].
Dans l'ouvrage Dormir, rêver, mourir : explorer la conscience avec le Dalaï-Lama, un débat est ouvert entre des scientifiques et le dalaï-lama, où ce dernier donne des arguments en faveur d'un état de rêve, et non d'une sortie hors du corps de l'esprit.
Extrait
Début de la récitation : le chikhai bardo extrait de Textes Tibétains inédits traduit par Alexandra David-Néel[11] :
« As-tu reçu l'enseignement du sage gourou initié au mystère du bardo ? Si tu l'as reçu, rappelle-le à ta mémoire et ne t'en laisse pas distraire par d'autres pensées. Conserve fermement ton esprit lucide. Si tu souffres, ne t'absorbe pas dans la sensation de la souffrance. Si tu éprouves un reposant engourdissement d'esprit, si tu te sens t'enfoncer dans une calme obscurité, un apaisant oubli, ne t'y abandonne pas. Demeure alerte. Les consciences qui ont été connues comme étant (nom du mourant) tendent à se disperser. Retiens-les unies par la force de l'Yid kyi namparshéspa (tibétain : ཡིད་ཀྱི་རྣམ་པར་ཤེས་པ ; wylie : yid kyi rnam par shes pa; français : conscience du mental). Tes consciences se séparent de ton corps et vont entrer dans le Bardo. Fais appel à ton énergie pour les voir en franchir le seuil en ta pleine connaissance. La clarté fulgurante de la Lumière sans couleur et vide va, plus rapide que l'éclair, t'apparaître et t'envelopper. Que l'effroi ne te fasse point reculer et perdre conscience. Plonge-toi dans cette lumière. Rejetant toute croyance en un ego, tout attachement à ton illusoire personnalité, dissous son Non-être dans l'Etre et sois libéré. Peu nombreux sont ceux qui, n'ayant pas été capables d'atteindre la Libération au cours de leur vie, l'atteignent à ce moment si fugitif qu'il peut être dit sans durée. Les autres, sous l'effet de l'effroi ressenti comme un choc mortel, perdent connaissance. »
Traductions
- Lama Kazi Dawa Samdup et Walter Evans-Wentz, Le Livre des morts tibétain, suivi d'un Commentaire psychologique de Carl Gustav Jung, traduction Marguerite La Fuente, préface Jacques Bacot, Editions A. Maisonneuve, Paris, 1933, réimpression 1998, (ISBN 2720000019)
- Alexandra David-Néel Textes Tibétains inédits, La Colombe, Paris, 1952
- Ferdinand Springer, Le Bardo Thödol : livre des morts tibetain, Les Exemplaires, 1957 (version comportant 12 gravures du peintre).
- Bardo Thödol, Le livre tibétain des morts, découvert par Siddha Karma Lingpa sur le mont Gampo Dar, préfacé par Lama Anagarika Govinda, présenté par Eva K. Daryay en collaboration avec Gesche Lobsang Dargyay, traduit de l'allemand par Valdo Secretan, revu et corrigé sur le texte tibétain sous la direction de Lama Teunzang au monastère de Karma Migyur Ling, Albin Michel, coll. « Spiritualités vivantes », Paris, 1981, (ISBN 2226012869)
- Padmasambhava, Karma Lingpa, Francesca Fremantle, Chögyam Trungpa Rinpoché 1992 Le livre des morts tibétain : la grande libération par l'audition pendant le bardo, Courrier du livre, (ISBN 2702901476)
- Robert A.F. Thurman Le Livre des morts tibétain Padmasambhava, Editeur : Bartillat,1995, (ISBN 2841003892), et Editeur : LGF - Livre de Poche (1997) (ISBN 2253143324)
- Padmasambhava, Philippe Cornu, Matthieu Ricard (traduction) Le Livre des morts tibétain : La grande libération par l'écoute dans les états intermédiaires, 2009, Editeur : Buchet-Chastel, (ISBN 9782283023143)
- (en) Gyurme Dorje (traduction), Graham Coleman et Thubten Jinpa (relecture), Tibetan Book of the Dead, Penguin Books Ltd, 2005, (ISBN 978-0-7139-9414-8)
Bibliographie
- Sogyal Rinpoché, Le Livre tibétain de la vie et de la mort Editeur : Editions de La Table Ronde; 1993, Nouvelle Édition, 2003, (ISBN 2710326272) et Editeur : LGF- Livre de Poche, 2005, (ISBN 2253067717)
- Lati Rinpoché, Elisabeth Napper, Jeffrey Hopkins, La mort, l’état intermédiaire et la renaissance dans le bouddhisme tibétain, Dharma Editions, 2001, (ISBN 2864870029)
- Le 14e Dalaï Lama, Jeffrey Hopkins, Vaincre la mort, et vivre une vie meilleure Commentaire d'un poème du 4e Panchen Lama, Plon, 2003, (ISBN 2-259-19859-7))
- Dormir, rêver, mourir : explorer la conscience avec le Dalaï-Lama, Francisco J. Varela, Claude B. Levenson, Nil éditions 1998, (ISBN 2841110990)
Notes et références
- Bon-po Books of the dead
- ISBN 978-0-7139-9414-8) Gyurme Dorje, Graham Coleman et Thubten Jinpa, Tibetan Book of the Dead, Penguin Books Ltd, 2005, (
- The Tibetan book of the dead (English title): the great liberation by hearing in the intermediate states (Tibetan title)
- Philippe Cornu, Matthieu Ricard (traduction) Le Livre des morts tibétain : La grande libération par l'écoute dans les états intermédiaires, 2009, Editeur : Buchet-Chastel, (ISBN 9782283023143) Padmasambhava,
- Le livre des morts tibétain: La grande libération par l'écoute dans les états intermédiaires
- Evans-Wentz (1960), p. liv; and, Fremantle & Trungpa (2003), p. xi.
- Lama Kazi Dawa Samdup, op. cit., p. 80
- Lama Kazi Dawa Samdup, op. cit., p. 88
- Lama Kazi Dawa Samdup, op. cit., p. 108
- Sogyal Rinpoché, Le Livre tibétain de la vie et de la mort, 1993, pp. 420-432
- Alexandra David-Néel, Immortalité et réincarnation: doctrines et pratiques, Chine, Tibet, Inde, Plon, 1961, p. 55
Voir aussi
Liens internes
- Six Destinées
- Corps d'arc-en-ciel
- Six yogas de Nāropa
- Renaissance (punarbhava), coproduction conditionnée
- Les différentes consciences, Viññāṇa-kicca, selon le theravada
Liens externes
- Vénérable Lama Lodreu, Le Processus de la mort, Buddhaline
- Commentaires sur le Bardo Thödol
Catégories :- Texte du bouddhisme tibétain
- Rite funéraire
- Livre paru au VIIIe siècle
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