Adjuvant immunologique

Adjuvant immunologique

Dans le domaine médical et vétérinaire, un adjuvant[1] immunologique (appelé aussi adjuvant vaccinal, immunoactivateur, immunoadjuvant, immunopotentialisateur, immunostimulant) ou immunomodulateur (ce terme est plus précis que celui d'adjuvant car une même substance peut selon le sujet, les doses, l'antigène et le moment où elle est administrée, provoquer une immunostimulation ou une immunosuppression[2]) est une substance qui - quand elle est administrée (avalée, inhalée, injectée...) conjointement avec un antigène - stimule, active, prolonge, renforce ou module le système immunitaire, bien que cette substance n'ait pas elle-même et en soi de vertu antigénique[3],[4].

C'est Gaston Ramon qui, en 1925, « instaure le principe des substances adjuvantes et stimulantes de l'immunité, technique qui permet d'obtenir des sérums plus riches en antitoxines en joignant au vaccin une substance irritante pour les tissus »[5].

Divers adjuvants sont ainsi couramment utilisés par les fabricants de vaccins pour « surstimuler » le système immunitaire, afin d'augmenter la réponse à un vaccin. Dans le cas des vaccins, la notion d'adjuvant immunologique recouvre toute substance ajoutée pour accélérer, prolonger ou renforcer la réponse immune spécifique induite par le vaccin (réponse orientée vers l'antigène ciblé par le vaccin) quand il est utilisé conjointement avec cet adjuvant[6].

Sommaire

Histoire

En 1923, le biologiste Gaston Ramon démontre que la toxine diphtérique qui a subi l'action simultanée d'une petite quantité de formol et de la chaleur, se transforme en un dérivé inoffensif mais qui conserve intacte son pouvoir vaccinant. Il donne le nom d'anatoxine diphtérique à cette toxine inactivée. Or, cette anatoxine est un produit chimiquement très pur qui a un pouvoir vaccinal limité. En 1925, il lui trouve un adjuvant : l'addition de pus à cette anatoxine augmente chez les chevaux la production d'anticorps. Il instaure ainsi le principe des substances adjuvantes et stimulantes de l'immunité, technique qui permet d'obtenir des sérums plus riches en antitoxines en joignant au vaccin une substance irritante pour les tissus.

Dès 1927, différentes substances sont testées en tant qu'adjuvant pour leur pouvoir immunostimulant : mie de pain, tapioca, aluminium (sous forme d'un sel : hydroxyde ou phosphate)[7]. En 1937, l'adjudant complet de Freund (émulsion d’eau, d’huiles, d’émulsifiants et de morceaux de bactéries tuées) se révèle très puissant mais donne des réactions locales très fortes[8].
L'institut Pasteur a aussi utilisé un adjuvant qui est le phosphate de calcium (substance naturellement présente dans le corps), abandonné dans les années 1990 après sa fusion avec le groupe Mérieux[9].

Alors que certains vaccins sont suffisamment efficaces pour ne pas avoir besoin d'adjuvant (rougeole, rubéole), d'autres provoquent une réponse immunitaire insuffisante (vaccin contre l'hépatite B, contre la coqueluche) et ont besoin d'adjuvants.

La controverse sur la vaccination à la fin du XXe siècle s'est portée également sur certains adjuvants, notamment sur l'inocuité de l'aluminium.

Principe

Ces substances sont des adjuvants (médicamenteux ou vaccinaux) qui agissent au niveau humoral et/ou cellulaire, avec deux modes d'action possibles (selon la molécule utilisée) :

  • réponse antigène-spécifique (réponse immune déclenchée pour un antigène ou un groupe étroit d'antigènes).
  • réponse antigène non-spécifique ou réponse immune exacerbée pour une variété d'antigènes plus large [10]; ce type d'adjuvant est plus rarement utilisé en médecine car pouvant aussi affecter des espèces de microbes non-cibles (des bactéries utiles de l'intestin par exemple), voire induire une réaction excessive de l'organisme. L'hypothèse explicative est que certaines familles ou catégories de pathogènes (bactéries, protozoaires) sont toujours normalement reconnue par le système immunitaire inné ; La reconnaissance innée de ces microbes ou parasites serait liée au fait qu'ils présentent toujours certains agencements (patterns ou motifs) typiques de protéines ou molécules de surface. Ces motifs moléculaires particuliers seraient une sorte de signature, systématiquement reconnue - de manière innée - par le système immunitaire de leurs hôtes, via les « récepteurs de type Toll ». Ces « signatures» sont appelées motifs moléculaires associés (« Pathogen-associated molecular patterns » ou PAMPs ou PAMP pour les anglophones).
    L'inoculation dans un organisme d'un de ces « motifs moléculaires » par une voie anormale (ex : piqure, blessure, morsure), puis sa détection par le système immunitaire suffisent à activer certains processus immunitaires qui semblent - si la dose est suffisante, mais non excessive - renforcer l'efficacité vaccinale, la juste dose pouvant varier selon les individus, leur âge et d'autres facteurs encore mal appréciés.
    Il existe aussi une controverse à propos de l'innocuité de certains de ces PAMPs, ou quant aux risques de problèmes auto-immuns pouvant être induits par ce type de thérapie.

L'efficacité thérapeutique de beaucoup de modificateurs biologiques de réponse est liée à leur caractère immunoadjuvant antigène-spécifique.

Immunostimulants non-spécifiques

De nombreuses substances endogènes sont des immunostimulants non-spécifiques.

Par exemple, les hormones sexuelles féminines sont connues pour à la fois stimuler une réponse adaptative[11] et une réponse immunitaire innée[12],[13],[14],[15]

Certaines maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux (qui touche plus souvent les femmes) apparaissent souvent à la puberté quand le corps est soumis à de nouvelles poussées hormonales.
D'autres hormones semblent « réguler » le système immunitaire dont la prolactine, l'hormone de croissance et la vitamine D[16],[17].

Certaines publications pointent un effet immunostimulant du DCA, en particulier concernant l'immunité dirigée contre certains cancers[18],[19],[20] via une activation du système immunitaire non spécifique et l'activation de ses principaux acteurs, les macrophages. Selon les auteurs de ces articles, une quantité suffisante de DCA dans le corps humain serait signe de bonne santé du système immunitaire non spécifique.

Utilité, usages

Ces produits sont utilisés comme :

  • moyen de « doper » le système immunitaire de patients plus ou moins immunodéficients (personnes âgées)
  • additifs de vaccins (avec éventuel rôle conjoint de conservateur) ; on parle alors souvent d'adjuvants vaccinaux. Ces derniers permettent de diminuer les coûts de revient des vaccins, ou d'en produire plus rapidement une quantité plus importante avec une substance vaccinante qui ne serait disponible qu'en quantité restreinte.

Exemples

La médecine humaine ou vétérinaire utilise classiquement des antigènes bactériens.

Limites, polémiques

Si les doses sont excessives ou trop fréquentes, des maladies ou réactions auto-immunes semblent pouvoir être déclenchées chez certains patients.

Notes et références

  1. Le mot adjuvant vient du latin adjuvare qui signifie « aider »
  2. J.C. Monier, « Adjuvants de l'immunité et immunostimulants », dans Revue Française d'Allergologie et d'Immunologie Clinique, vol. 19, no 2, juin 1979, p. 89-94 [lien DOI] 
  3. (en) Définition de l'adjuvant selon le National Cancer Institute
  4. (en) D. B. Lowrie et R. G. Whalen (éditeurs), DNA Vaccines: Methods and Protocols, Humana Press, 2000. ISBN 978-0-89603-580-5.
  5. http://www.pasteur.fr/infosci/archives/ram0.html
  6. (en) The Use of Conventional Immunologic Adjuvants in DNA Vaccine Preparations,, Shin Sasaki et Kenji Okuda In D. B. Lowrie et R. G. Whalen (éditeurs), DNA Vaccines: Methods and Protocols, Humana Press, 2000. ISBN:978-0-89603-580-5.
  7. JF Bach, Immunologie, Éd. Flammarion Medecine-Sciences, 1986
  8. (en) J. Freund et coll, « Sensitization and antibody formation after injection of tubercle bacilli and paraffin oil », dans Proceedings of the Society for Experimental Biology and Medicine, vol. 37, 1937, p. 507-513 
  9. Virginie Belle, Quand l'Aluminium nous empoisonne, Ed Max Milo
  10. Base terminologique TermScience (en)
  11. CR Wira et M Crane-Godreau, Kgrant ; 2004 | Mucosal Immunology  ; chapitre " Endocrine regulation of the mucosal immune system in the female reproductive tract " | JR, Bienenstock J (eds.), Elsevier ; San Francisco ISBN:0124915434)) (en)
  12. TJ Lang  ; année 2004 ; Estrogen as an immunomodulator (Oestrogènes comme immunomodulateurs) ; journal = Clin Immunol ; volume = 113 ; pages 224 à 230 ; PMID:15507385 ; doi:10.1016/j.clim.2004.05.011)
  13. A. Moriyama, Shimoya K, Ogata I et al. ; 1999 ; " Secretory leukocyte protease inhibitor (SLPI) concentrations in cervical mucus of women with normal menstrual cycle " ; journal ; Molecular Human Reproduction ; volume 5, pages 656 à 661 ; PMID:10381821 Voir ; doi:10.1093/molehr/5.7.656 (en)
  14. M Cutolo ; Sulli A, Capellino S, Villaggio B, Montagna P, Seriolo B, Straub RH ; Sex hormones influence on the immune system: basic and clinical aspects in autoimmunity ; journal = Lupus ; volume 13, pages 635 à 638 ; PMID:15485092 ; doi:10.1191/0961203304lu1094oa (en)
  15. AE King ; Critchley HOD, Kelly RW ; 2000 ; Presence of secretory leukocyte protease inhibitor in human endometrium and first trimester decidua suggests an antibacterial role ; journal : Molecular Human Reproduction ; volume 6, pages 191 à 196 ; PMID:10655462 (.org/cgi/content/full/6/2/191 Télécharger l'article ; doi=10.1093/molehr/6.2.191 (en)
  16. K. Dorshkind ; Horseman ND ; 2000 ; "The Roles of Prolactin, Growth Hormone, Insulin-Like Growth Factor-I, and Thyroid Hormones in Lymphocyte Development and Function: Insights from Genetic Models of Hormones and Hormone Receptor Deficiency " ; [(http://edrv.endojournals.org/cgi/content/full/21/3/292?maxtoshow=&HITS=10&hits=10&RESULTFORMAT=&author1=Dorshkind%2C+K%3B+Horseman+ND+&searchid=1&FIRSTINDEX=0&sortspec=relevance&resourcetype=HWCIT Télécharger] ; journal : Endocrine Reviews ; volume 21, pages 292 à 312 ; pmid:10857555 ; doi=10.1210/er.21.3.292
  17. Sunil Nagpal ; Songqing Naand and Radhakrishnan Rathnachalam ; 2005 ; "Noncalcemic Actions of Vitamin D Receptor Ligands " (Télécharger l'article) ; Journal : Endocrine Reviews, volume 26; chap 5,pages 662à 687; pmid:15798098 ; doi:10.1210/er.2004-0002
  18. Vlček B., Reif A., Seidlova B.: Evidence of the participation of deoxycholate in cancer immunity, Z.Naturforsch. 26 b, 419-424 (1971)
  19. Vlček B.: Potentiation of the immune response with DCA (czech), Prakt.Lekar 52, 326-330 (1972)
  20. Chyle M., Chyle P.: Regulation of the immune response with DCA (czech, engl. summary), Sbornik lek. 84, 212-218 (1982)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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