- Église Saint-Yves-des-Bretons
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L’église Saint-Yves-des-Bretons (en italien Sant'Ivo dei Bretoni) est l'une des cinq églises françaises de Rome. Elle est située au numéro 8 du vicolo della Campana, non loin de la Place Navone et de l'église Saint-Louis-des-Français
Sommaire
Histoire
C'est au début du XVe siècle que le cardinal Alain de Coëtivy, ancien évêque de Quimper, obtint du pape Nicolas V la concession d'une église à Rome[1] : Saint-André de Mortariis pour en faire une église nationale formant paroisse comme il en existait bien d'autres à Rome. Par la bulle Rationi congruit datée du 20 avril 1455, date à laquelle la Bretagne n'était pas encore réunie au domaine des Rois de France, le pape Calixte III (Borgia) confirma cette attribution. Le 8 avril 1513, à la recommandation d'Anne de Bretagne, Reine de France, et du cardinal Robert Guibé (qui fut évêque du diocèse de Saint-Brieuc entre 1483-1502), le pape Léon X érigea canoniquement la confrérie de Saint-Yves-des-Bretons par la bulle Si populus Israeliticus. Elle continua de prospérer et eut son existence à part durant plusieurs décennies après la réunion de la Bretagne au domaine de France. Par suite, le nombre des confrères diminuant et ne se renouvelant pas, à la demande du roi Henri III, Saint-Yves-des-Bretons fut réuni à Saint-Louis-des-Français, sur décision du pape Grégoire XIII en 1582 (bulle "Pias principum cogitationes" du 12 décembre 1582). L'hospice Saint Yves fut supprimé et les pèlerins bretons accueillis à celui de Saint Louis. La paroisse Saint Yves continua d'exister et cela jusqu'en 1824 date à laquelle Léon XII réorganisa la circonscription des paroisses. Le titulaire de Saint Yves était nommé par la Congrégation française et approuvé par le Cardinal Vicaire. L'église mal entretenue et ayant subi de nombreuses crues du Tibre était dans un état lamentable au milieu du XIXe siècle. Elle fut détruite en 1875 et une plus petite église fut reconstruite au même emplacement.
L'ancienne église
Saint André de Mortariis
Saint-Yves-des-Bretons fut fondée en lieu et place d'une autre église Saint-André de Mortariis. Une bulle de Célestin III datant du 7 mai 1194 place l'église sous la juridiction spirituelle du cardinal de San Lorenzo in Lucina et sous la direction temporelle des religieuses du monastère de Santa Maria in Campo Marzo. Cette bulle en confirme une autre, antérieure, remontant au temps du pontificat d'Innocent II (1130-1143)[2]. Elle est également mentionnée au siècle suivant dans un catalogue des églises romaines du temps de Grégoire X (1271-1276) et dans une bulle d'Innocent IV (3 août 1290), époque à laquelle vivait saint Yves (1253-1303). Au XIVe siècle, elle est citée dans le catalogue anonyme de Turin sous le nom de Saint-André de Marmorariis. Barthélémy-Amédée Pocquet du Haut-Jussé avance l'hypothèse que fabricants de mortiers et marbriers étaient probablement réunis dans une seule et même confrérie, les mortiers se faisant en marbre[3]. Romane, peut-être à l'image de Santa Maria in Cosmedine si l'on se reporte à une gravure de Giuseppe Vasi (1710-1782) où l'on aperçoit le clocher de l'église dans la partie centre gauche[4], elle était formée d'une nef à deux collatéraux et abside, à six travées, avec des colonnes antiques et un pavé ancien ad opus alexandrinum.
Saint-Yves-des-Bretons
C'est donc cette église qui fut attribuée à la colonie bretonne vivant à Rome. De cette ancienne église, sont conservés un certain nombre de vestiges. Certains ont trouvé leur place dans la nouvelle église, la plupart se trouvent à Saint-Louis-des-Français. A l'époque de sa destruction, un historien, Jules de Laurière nous en fournit une description dans une note rédigée en mars 1879 publiée en 1888 enrichie d'une autre contribution concernant Saint-Yves-des-Bretons pour le Congrès d'archéologie de France en 1886 se tenant à Nantes[5].
Nous le savons, l'église possédait quatre autels : le maître-autel dédié à saint Yves et trois autres à la Vierge, sainte Anne et saint Joseph[6]. L'un de ces trois autels latéraux est aujourd'hui conservé à Saint-Louis-des-Français. Citons Jules de Laurière: « Mais de toutes ces épaves, il en est une qui domine les autres en intérêt. C'est un autel de marbre blanc, porté sur cinq colonnes, dont quatre aux angles et la cinquième au centre. Elles reposent sur un socle plat mais le tout, table, socle, colonnes et chapiteaux est monolithe. (...) Cet autel rappelle par l'ensemble de sa disposition celui qui se trouve en France, à Tarascon dans la crypte de Sainte-Marthe. (...) Mais l'autel de Tarascon se rapporte à une époque bien plus reculée que celui de Saint-Yves; car ce dernier, à en juger par son caractère, ne peut être attribué qu'au XIIe siècle »[7]. Selon Laurière, ce type d'autel à 5 pieds est très rare. A l'époque où il rédige sa note, il mentionne la présence d'un autel semblable conservé au musée de Marseille, daté du Ve siècle et un autre conservé au musée de Vienne. Les autels de ce genre possédant 5 pieds sont « d'une excessive rareté. Indiquons cependant un autel de ce genre déposé au musée de Vienne (Isère). Il est monolithe : mais il n'a que trois colonnettes pour support et la forme de sa table est semi-circulaire. »[8]
L'actuelle église
La façade de l'actuelle église a été restaurée en 2003 avec le concours financier du Conseil régional de Bretagne. Cette façade, comme l'ensemble de l'actuelle église, est l'œuvre de l'architecte Luca Carimini (1830-1890). Fils d'artisans romains, passionné de la Renaissance, Luca Carimini fut choisi comme architecte titulaire des Pieux Établissements de la France à Rome et Lorette. Il en fut d'ailleurs le dernier après Chiari dont les projets de reconstruction de Saint-Yves furent abandonnés à la suite d'irrégularités (problèmes de comptabilité, reprise de travaux sans l'accord des Pieux, ...). C'est donc à Carimini que fut confié le projet de reconstruction de Saint-Yves. Si ce projet ne fut pas sa première œuvre (Grand Séminaire Pontifical romain, chapelle du crucifix de l'église des Saints Apôtres, église et couvent Saint Antoine, Palais Brancaccio, projet pour le Palais de Justice), il en fut le dernier; Carimini mourant un mois après que fut achevée l'église en décembre 1890. Notons que parmi ses élèves, à la Sapienza, se trouve Giuseppe Sacconi à qui l'on doit le très célèbre Monument à Victor-Emmanuel II à Rome.
Venons en à la façade de Saint-Yves-des-Bretons ou plutôt laissons parler François Macé de Lépinay.
« L'église de Saint-Yves doit nous arrêter plus longuement. Prise en tenaille entre les deux ailes en retour de l'immeuble de rapport dont nous venons de parler, et écrasées par celles-ci, elle ne laisse voir que sa façade sur le modeste vicolo della Campana. Force est de constater que, bien qu'à deux pas d'une artère prestigieuse, elle est ici mise en pénitence. Pris en lui-même, le frontispice est charmant. Carimini a réparti avec équilibre, sur une façade rectangulaire simple, couronnée d'un grand fronton triangulaire à tympan, quelques-uns des motifs décoratifs caractéristiques des 'modèles obligés' de la Renaissance »[9] ainsi le grand porche en plein-cintre, niches vides voûtées en coquilles et surmontées de frontons sur pilastres et consoles, bas reliefs aux armes de la Bretagne (cf photo ci-contre). « Tout évoque le Cinquecento », c'est-à-dire le XVIe siècle ou la Haute Renaissance italienne.
Sur cette façade à la couleur plutôt sombre, Carimini a conservé une note de couleur qui attire le regard. Contrairement à ce qu'indique l'ouvrage de Pierre Lacroix[10], prétendant que le médaillon de la Vierge est une copie fort réussie d'un Della Robbia, il semble bien que le médaillon soit un réemploi de l'ancienne église sorti tout droit des ateliers des frères Della Robia ou tout au moins de leurs disciples»[11]. En 1878, Adriano Ferraresi (1851-1892) compléta ce médaillon de deux figures, l'une de Saint Yves à gauche, l'autre de Saint Bernard.
La famille Della Robbia est une famille d'artistes italiens de Florence bien connus depuis le XIVe siècle. Parmi les membres les plus célèbres de cette famille, Luca Della Robbia (1400-1481) et Andrea Della Robbia (1435-1525)son neveu. Luca est celui qui fonda les ateliers d'où sortirent de nombreuses œuvres que l'on retrouve à Florence, à Rome et Naples mais qui, par les aléas de l'histoire, se sont également retrouvées au Louvre à Paris, au Bode Museum de Berlin ou encore au Musée du California Palace of the Legion of Honor à San Francisco.
Notes et références
- Mgr Pierre Lacroix, Mémoire historique sur les Institutions de la France à Rome, chapitre VI : Paroisse, Confrérie et Hospice de Saint Yves des Bretons, Imprimerie Editrice Romana, Rome, 1892, pp 69-77.
- B. Pocquet du Haut-Jusse, « La Compagnie de Saint-Yves-des-Bretons à Rome » in Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1918, p. 201-283
- ibid. p. 205
- Ivo se reporter à ce site qui propose en ligne les reproductions de l'artiste :
- Jules de Laurière, L'église Saint-Yves des Bretons à Rome, ses dalles funéraires et ses inscriptions, Caen, 1888
- Bertrand Frelaut, "Aspect du culte de saint Yves en Italie", in Jean-Christophe Cassard et Georges Provost, Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003) Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 172.
- Jules de Laurière, op.cit. p.8
- Jules de Laurière, op.cit. p.9
- XIXe siècle: la reconstruction de Saint-Yves-des-Bretons", Collectif, Les fondations nationales dans la Rome pontificale, Collection de l'École Française de Rome 52, Académie de France Villa Médicis et École Française de Rome Palais Farnèse, 1981, p.433 François Macé de Lépinay, "Architecture religieuse à Rome à la fin du
- Mgr Pierre Lacroix, op.cit., p.75
- Ibid., note de bas de page n°43, p. 433
Bibliographie
- Senekovic, Darko, S. Ivo de’Bretoni, in: P. C. Claussan, D. Mondini, D. Senekovic, Die Kirchen der Stadt Rom im Mittelalter 1050-1300, Band 3 (G-L), Stuttgart 2010, pp. 237–247.
- Jean-Christophe Cassard et Georges Provost, Saint Yves et les Bretons, cultes, images, mémoire (1303-2003), Presses Universitaires de Rennes, 2004
- Collectif, Les fondations nationales dans la Rome pontificale, Collection de l'École française de Rome 52, Académie de France Villa Médicis et Ecole Française de Rome Palais Farnèse, 1981
- Pierre Lacroix, Mémoire historique sur les Institutions de la France à Rome, 2ème édition revue par Jean Arnaud, Imprimerie Éditrice Romana, Rome, 1892
- Jules de Laurière, L'église Saint-Yves des Bretons à Rome, ses dalles funéraires et ses inscriptions, Henri Delesques imprimeur libraire, Caen, 1888
- Claudio Rendina, Le Chiese di Roma, Newton & Compton Editori, Milano 2000
- M. Quercioli, Rione IV Campo Marzio, in AA.VV, I rioni di Roma, Newton & Compton Editori, Milano 2000
Annexes
Articles connexes
- Bretagne
- Tréguier
- Cathédrale Saint-Tugdual de Tréguier
- Yves Hélory de Kermartin
- Pieux Établissements de la France à Rome et Lorette
Liens externes
- Site officiel du Conseil régional de Bretagne
- Conseil culturel de Bretagne (version du 12 avril 2009 sur l'Internet Archive)
- Les églises françaises de Rome, dont Saint-Yves-des-Bretons
- Site officiel du Vicariat de Rome
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