Vie de Henry Brulard

Vie de Henry Brulard

Vie de Henry Brulard est une œuvre autobiographique écrite par l'écrivain français Stendhal. Il y évoque ses études à l'école Centrale de Grenoble, un établissement d'enseignement secondaire devenu aujourd'hui le Lycée Stendhal. C'est, à côté du Journal et Souvenirs d'égotisme, l’œuvre autobiographique la plus importante de cet auteur. Écrite en 1835-1836, elle ne fut publiée qu’en 1890. Le titre fait allusion au vrai nom de Stendhal : Henri Beyle. Mais par refus du nom paternel, il adopta celui de Brulard.

Sommaire

Projet de Stendhal

Quel est le projet de Stendhal dans la Vie de Henry Brulard ? Stendhal cherche avant tout à se connaître lui-même. C'est cette seule volonté qui sous-tend son projet littéraire. Il ne prétend cependant aucunement faire une œuvre objective et impartiale. Il n’est pas un froid observateur de son existence : à chaque page bouillonne la colère contre ceux qui l’ont fait souffrir pendant son enfance.

Il existe une seconde motivation (néanmoins moins importante que la première). Stendhal écrit car l’écriture est source de plaisir : plaisir de créer une œuvre, plaisir d’écrire au vrai sens du terme, mais aussi plaisir de pouvoir être lu par des êtres aimés constituant une sorte d’élite morale (les « happy few »). Et aussi, enfin, plaisir de repenser à sa vie passée, par exemple dans le chapitre 10.

Comment se connaître soi-même ?

Pour se connaître, Stendhal va réaliser une véritable généalogie du Moi. Ce n’est plus par la notation des faits quotidiens narrés sur le moment, comme dans son Journal', mais par une « archéologie du Moi » que Stendhal veut travailler. Il va rechercher dans son enfance la source de ses traits de caractère :

  • Stendhal hait la monarchie et la religion : dans le Rouge et le Noir et la Chartreuse de Parme, il trace un portrait acerbe de la Restauration et des aristocrates. Il explique cette haine par le dégoût que lui inspiraient son précepteur l’Abbé Raillane et sa tante Séraphie[1], ainsi que par la tristesse de son enfance passée dans un milieu aristocratique[2].
  • Stendhal était amoureux de l’Italie, ainsi que le montre son émotion lorsqu’il évoque son arrivée à Milan, au chapitre 56. Cet amour aurait pour source son amour pour sa mère et pour toute la branche maternelle, les Gagnon. Sa grand-tante lui a expliqué que les Gagnon étaient originaires d’Italie (chapitre 8). Stendhal ne reconnaissant que la filiation maternelle, il se sent donc italien.
  • Stendhal fut pendant longtemps victime d’« espagnolisme » c’est-à-dire d’une tendance à être incroyablement passionné. Cet amour de l’honneur et de l’héroïsme est rapporté au chapitre 31, où Stendhal dit avoir regretté de ne pas s’être battu en duel, et lui fait détester tout ce qui est bas. Cette tendance lui vient de sa grande grand-tante Elisabeth (voir les chapitres 8 et 21).
  • Il déteste hypocrisie car elle était incarnée aussi bien par l’Abbé Raillane, que par sa tante Séraphie et son père[3].
  • Stendhal a toujours eu une passion pour les raisonnements exacts et pour les mathématiques. Cette passion lui vient de sa haine de l’Abbé Raillane, « ennemi de toute logique » (chapitre 7), et de son désir de sortir de Grenoble par les mathématiques (chapitre 8).
  • Stendhal adorait l’énergie, la passion, la jeunesse, et cet amour s'incarne dans les héros de ses romans, comme l'Abbesse de Castro, dont les héros sont de jeunes gens. Il a en effet grandi dans un milieu qui n'était composé que d’adultes ennemis de toute passion[2].

Nature du souvenir

Cette généalogie du moi repose sur des souvenirs qui ne constituent pas une suite d’évènements mis bout à bout, mais des sensations qui ont un aspect profondément visuel, marqué par des expressions récurrentes avant l'évocation d'un souvenir, comme « je vois », mais surtout, par la présence massive de croquis dans le manuscrit de la Vie de Henry Brulard.

Stendhal ne représente pas le passé comme monolithique mais insiste sur le cheminement difficile de la mémoire : il explique ainsi au chapitre 13, que parfois des pans entiers de souvenirs lui manquent.

Vie de Henry Brulard comme autobiographie

Comme pour toute production verbale une étude des procédés d’écriture de la Vie de Henry Brulard est possible. Elle est même nécessaire si on ne veut pas réduire cette œuvre à une psychanalyse.

Une des grandes questions est celle des propriétés du genre auquel appartient la Vie de Henry Brulard. La grande caractéristique de l’autobiographie est qu’elle repose sur une sorte de « pacte autobiographique » pour reprendre l’expression de Philippe Lejeune. Stendhal cherche ainsi, dès le premier chapitre, à établir une relation de confiance entre lui et son lecteur, en affirmant sans cesse sa volonté d’atteindre la vérité et d’éviter tout artifice.

En outre, il faut que le lecteur sache que l’auteur a effectivement voulu écrire une autobiographie- les déclarations d’intentions de l’auteur ne suffisent pas. L’autobiographie ne se distingue pas par des propriétés formelles (dans une fiction le narrateur peut affirmer la véracité des faits rapportés) mais par le fait que l’auteur et le lecteur croient que l’autobiographie tente d’avoir une valeur référentielle (elle ne fait que le tenter: l’auteur peut avouer pouvoir se tromper involontairement ce que fait Stendhal d’ailleurs).

L’autobiographie se laisse comprendre uniquement si on intègre des concepts venant de la « pragmatique » : elle repose sur une certaine attente (attente de rapporter des faits véridiques) qu’elle provoque chez le lecteur.

Stendhal et la psychanalyse

Par les thèmes abordés Stendhal semble pratiquer une psychanalyse (amour incestueux de la mère, haine « oedipienne » du père, dont le portrait que l'auteur trace fait une incarnation de l’autorité). Mais surtout par l’idée que c’est l’enfance qui explique tout, Stendhal semble un Freud avant la lettre : jusqu’à lui on considérait cet âge comme un âge végétatif.

Vie de Henri Brulard comme Témoignage historique

Ce livre apporte un témoignage historique de première main sur son époque, en particulier sur Grenoble et Claix (où le père de Stendhal avait une propriété) à la fin du XVIIIe siècle. Stendhal enfant fut en particulier spectateur de la Journée des Tuiles. On y retrouve aussi la description de l'Hôtel de Castries à Paris que l'auteur fréquenta[4]

Voir aussi

Bibliographie

  • Yves Ansel, Philippe Berthier, Michael Nerlich éd., Dictionnaire de Stendhal, Paris, Champion, 2003, 776p.
  • Stendhal, Vie de Henry Brulard : écrite par lui-même, éd. diplomatique présentée et annotée par Gérald Rannaud, Paris, Klincksieck, 1996, 3 tomes, 2615p.
  • Serge Serodes, Vie de Henry Brulard, Paris, Colin, 1977, 95p.

Lien externe

Notes et références

  1. (voir les chapitres 3, 7 et 8)
  2. a et b (chapitre 9)
  3. (voir les chapitres 17 et 29)
  4. René Servoise, Julien Sorel à l'Hôtel de Castries, dans les Cahiers de la Rotonde, N°16, Paris, 1995, p.141-156, 8 fig.

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