Utilité

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L'utilité (en économie) est une mesure du bien-être ou de la satisfaction obtenue par la consommation, ou du moins l'obtention, d'un bien ou d'un service. Elle est liée à la notion de besoin.

Ce concept est utilisé dans les fonctions d'utilité, fonctions d'utilité sociale, optimum au sens de Wilfredo Pareto, boîtes d'Edgeworth. C'est un concept central de l'économie du bien-être.

Sommaire

Formation du concept

Au départ, la notion d'utilité est essentiellement liée à la prise de risque. La « Théorie sur la mesure du risque » de Daniel Bernoulli (1700 - 1782), et dans celle-ci, le Paradoxe de Saint-Pétersbourg ont été les points de départ de futures notions économiques et financières comme l'aversion au risque, la prime de risque.

L'utilité dans son sens moderne apparaît avec l'utilitarisme, une philosophie morale qui entretient des rapports étroits avec l'économie, à l'origine de l'économie du bien-être. Jeremy Bentham (1748-1832) pose que les hommes sont des êtres qui recherchent le plaisir et que la promotion du plus grand bonheur devrait être le critère moral du bien. John Stuart Mill, dans son livre "Utilitarianism" (1861), insiste sur le fait que l'utilitarisme est un hédonisme éthique en ce sens qu'une action individuelle est morale si elle prend comme critère le plus grand bonheur du plus grand nombre et non l'intérêt individuel.

Vilfredo Pareto qui n'aimait pas le terme d'utilité, parce que chargé de trop de considérations morales , a proposé d'utiliser celui d'ophélimité, étymologiquement équivalent.

Différentes mesures de l'utilité

Au sein de l'école néoclassique, l'une des problématiques d'importance de la théorie du consommateur consiste en la construction d'une fonction de demande qui puisse être le pendant de la fonction d'offre issue de la théorie du producteur.

La construction de la fonction de demande peut avoir recours à l'utilité cardinale, mesurable et comparable entre les biens, ou à l'utilité ordinale, dont l'emploi est à l'usage moins contraignant.

Utilité cardinale

Article détaillé : Théorie cardinale de l'utilité.

Les précurseurs de la révolution marginaliste (Walras, Jevons, Menger, Gossen) conçoivent l'utilité comme étant la sensation de plaisir associée à la consommation d'un bien. Ils défendent l'idée qu'il existe une échelle de mesure cardinale de l'utilité de tout bien ou service. Ils supposent aussi que le consommateur est capable de donner une évaluation de l'utilité que lui procure toute combinaison de biens.

La cardinalité permet les comparaisons et arbitrages : Si la consommation d'une quantité qA d'un bien A donne une satisfaction de 100 et une quantité qB d'un bien B donne une satisfaction de 10, qA est équivalent à 10 fois qB.

Cette faculté simplifie considérablement l'analyse : Elle est l'exact miroir de la capacité supposée du producteur à prédire la production pour toute combinaison d'intrants donnée .

Alfred Marshall l'utilise également pour des raisons pédagogiques, mais avec quelques réserves.

Utilité ordinale

Pour la raison qu'il ne croit pas en l'existence d'une échelle objective de la mesure de l'utilité, Vilfredo Pareto, successeur de Marshall propose une formulation en termes d'utilité ordinale.

Dans ce cadre , il est seulement demandé au consommateur de hiérarchiser raisonnablement les biens ou paniers de biens en fonction de l'utilité apportée et de dire :

s'il préfère qA à qB, ou qB à qA
ou s'il est indifférent entre les deux.

En termes mathématiques, il suffit donc de pouvoir décrire un préordre complet sur l'espace des paniers de biens : la relation de préférence doit ainsi être

complète (on peut comparer tout couple de paniers),
réflexive (un panier est préféré à lui-même)
transitive (si le panier A est préféré au panier B et le panier B au panier C, alors A est préféré à C).

Outre Vilfredo Pareto, Eugen Slutsky, repris par Paul Samuelson et John Hicks sont les principaux ténors de la conception ordinale .

Limites du concept

Qu'il s'agisse de l'utilité ordinale ou de l'utilité cardinale, le concept d'utilité apparait somme toute comme la tentative pour donner une formulation simple à des comportements complexes. Les expériences d'économie expérimentale montrent en effet que même sur un ensemble restreint de biens, les agents sont souvent incapables de comparer tous les paniers deux à deux (non-complétude), et proposent rarement un classement qui respecte la transitivité.

Toutefois, la puissance de cet outil comme description des comportements est telle qu'il reste très largement utilisé.

Utilité et choix du consommateur

Article détaillé : Théorie du consommateur.

Le concept d'utilité intervient concrètement dans les modèles de détermination de la demande qui conduisent aux choix du consommateur. Ces modèles se trouvent être logiquement reliés : On parle de formulation symétrique ou inverse d'une même problématique (primale ou duale)[1].

Formulation primale : recherche de l'utilité maximale pour un niveau de budget donné

La demande du consommateur telle qu'exprimée par Marshall est obtenue en maximisant l'utilité de ce consommateur compte tenu du budget, réputé fixe, dont celui-ci dispose. Mathématiquement, cela revient à maximiser la fonction d'utilité U ( x, y ) sous la contrainte R = pxx + pyy.

En insérant un niveau de ressources initiales et un vecteur de prix donné dans la fonction d'utilité U (x,y), on détermine la fonction d'utilité indirecte qui donne la valeur maximale de l'utilité atteignable par cet agent.

Formulation duale : minimiser la dépense pour un niveau d'Utilité défini et visé

La demande du consommateur, appelée demande compensée ou demande hicksienne, est obtenue en minimisant la dépense de ce consommateur compte tenu du niveau constant d'utilité qu'il a défini et qu'il entend garder. Mathématiquement, cela revient à minimiser la fonction R = pxx +pyy sous la contrainte U ( x, y ).

En insérant le niveau de dépense pour les produits (x,y,...) et un niveau de prix pour chacun de ces produits dans la fonction de dépense R ( x ,y ), on détermine la fonction de dépense .

Représentation mathématique de La Fonction d'utilité

L'utilité cardinale fournit directement une évaluation de l'utilité d'un panier de biens, qui permet de les traiter comme une grandeur mathématique. Avec le passage à l'utilité ordinale, il faut construire un objet qui permette de ramener chaque panier à un nombre reflétant la relation de préférence sous-jacente. C'est la fonction d'utilité.

Construction

On construit donc ainsi une fonction mathématique U , allant de l'espace des biens dans R + , telle queU(A) > U(B) implique que le panier A est préféré au panier B. On peut ainsi construire des courbes d'indifférence regroupant les paniers qui laissent indifférent le consommateur lorsqu'il les compare deux à deux. Du fait de la complétude et de la transitivité, ces courbes peuvent alors être classées selon un ordre total.

La fonction d'utilité, en associant un indice à chaque panier, n'est pas unique. Si U est une fonction d'utilité pour un individu, alors G\circ U en est une aussi si G est une fonction de R + dans R + strictement croissante. De ce fait, l'utilité ordinale n'est pas comparable entre les individus, ce qui rend impossible d'en déduire directement une utilité sociale comme le désiraient les utilitaristes.

Propriétés

On suppose en général un certain nombre de propriétés à la fonction d'utilité afin de se restreindre à une classe vraisemblable, et surtout mathématiquement gérable, de fonctions. La plupart du temps, on se restreint a priori à des fonctions infiniment dérivables (fonctions de classe C^{\infty}). On peut noter que cette restriction suppose l'infinie divisibilité des biens consommés, ce qui est moins absurde qu'il n'y paraît si on considère que la consommation de ces biens peut être fractionnée en plusieurs unités de temps.

Décroissance de l'utilité marginale

Il est assez intuitif de supposer que pour la quasi-totalité des biens, une augmentation de la quantité d'un bien dans un panier augmente ou laisse inchangée l'utilité retirée de ce panier. C'est pourquoi on impose à la fonction d'utilité d'être croissante dans chacun de ses arguments :

\forall i, \frac{\partial U}{\partial x_i}\geq 0

En revanche, on peut également penser que cette augmentation n'est pas indépendante de la quantité de ce bien déjà disponible dans le panier. Ainsi, si la première gorgée de bière procure un plaisir ineffable, la seconde est déjà moins bonne, et ainsi de suite, jusqu'à arriver au moment où l'envie se tarit. Cela signifie que l'utilité de chaque nouvelle gorgée de bière est inférieure à celle de la précédente : l'utilité marginale est décroissante.

\forall i, \frac{\partial^2 U}{\partial^2 x_i}\leq 0

Afin d'éviter les solutions en coins dans les problèmes d'optimisation, on suppose en général que l'utilité de la dernière unité consommée ne devient jamais nulle, propriété dite de non-saturation :

\forall i, \frac{\partial U}{\partial x_i}> 0

Le bien-fondé de cette hypothèse repose sur la rationalité de l'agent : si l'utilité est bien définie, l'agent ne perdra jamais son temps à consommer quelque chose qui est dommageable pour lui ou qui ne lui apporte rien.

On peut enfin se restreindre aux domaines où l'utilité marginale est strictement décroissante :

\forall i, \frac{\partial^2 U}{\partial^2 x_i}< 0

Si les préférences sont additives directes (ou séparables), alors cette hypothèse implique qu'on a des fonctions d'utilité concaves, et donc des courbes d'indifférence définissant des ensembles convexes.

Élasticité de substitution

En termes de théorie du consommateur, l'élasticité de substitution joue un rôle fondamental dans l'analyse. C'est pourquoi on demande parfois à la fonction d'utilité de présenter une élasticité de substitution constante : pour tout couple de paniers de biens, une diminution de 1% de la quantité de bien A peut être compensée par l'augmentation de c\% de la quantité de bien B, où c est une constante indépendante du couple de paniers. On parle alors de fonction CES (Constant Elasticity of Substitution).

Ces fonctions ont la propriété de traduire une aversion au risque constante de la part de l'agent.

Fonction additivement séparable

Même dans la classe des fonctions d'utilité concaves, on peut avoir des formes fonctionnelles très complexes. Afin d'obtenir des solutions analytiques aux programmes d'optimisation, on utilise souvent des fonctions d'utilité additivement séparables : \forall (i,j), U(x_i,x_j)=u_i(x_i)+u_j(x_j)

Une telle formulation suppose que les biens ne sont pas complémentaires entre eux, ou que les biens complémentaires (un ordinateur et son système d'exploitation) soient regroupés en un bien composite.

Utilisation

En pratique, Alfred Marshall fait remarquer que l'utilité cardinale ne pose pas de problème insurmontable. Il remarque en effet que si les agents sont suffisamment rationnels pour que la notion d'utilité ordinale ait un sens, on peut également supposer que leur propension à payer (le prix maximal qu'ils sont prêts à payer pour un panier de biens donné) fournit une bonne mesure de l'utilité qu'ils en retirent, ce qui permet également la comparaison entre les agents.

Cas particulier : L'Utilité en Univers incertain

En théorie des probabilités est développé un concept analogue à celui de la fonction d'utilité. Il s'agit encore d'une fonction qui associe un nombre à un couple (événement, probabilité de cet événement), afin de surmonter les difficultés liées à l'application pratique de l'espérance mathématique.

Le paradoxe de l'espérance

Alors qu'elle constitue un bon outil de prévision, l'espérance mathématique échoue à bien décrire le comportement des agents face à une loterie. Ainsi, un agent averse au risque préfère gagner 1000€ tout de suite plutôt que de jouer à un jeu où il a une chance sur 100 de gagner 100 000€, alors que l'espérance des deux est identique. Les économistes systématisent cet argument en termes d'aversion au risque et d'utilité marginale décroissante pour expliquer ce phénomène. Les mathématiciens comme Émile Borel considèrent simplement que la probabilité d'une situation est un simple élément parmi d'autres de calcul de son utilité, qui n'a pas de raison particulière d'intervenir de façon linéaire et ne le fait pas en général. Cette approche a mis fin à une idée reçue selon laquelle jouer à la loterie était toujours mathématiquement une erreur, idée fondée sur une confusion entre les notions d'utilité et d'espérance mathématique.

Le joueur au Loto montre qu'il préfère jouer avec une chance sur 10 millions de gagner 5 millions d'euros que garder l'euro que lui coûte le billet. L'argumentaire d'Émile Borel expliquait que ce joueur pouvait avoir raison contrairement aux apparences : la perte d'un euro ne changera guère sa vie ; le gain de cinq millions a beau être improbable, il transformera celle-ci de façon qualitative et non simplement quantitative.

Utilité selon von Neumann et Morgenstern

Proposée par John von Neumann et Oskar Morgenstern dans Theory of Games and Economic Behavior (1944), cette formulation de l'utilité est généralement adoptée dans la modélisation de choix lorsque les événements sont probabilisables.

Au lieu de définir la fonction d'utilité sur un espace de biens, on la définit sur un espace de loteries, et on considère celles qui sont linéaires par rapport aux loteries et confondues avec les fonctions d'utilités usuelles sur le sous-espace des loteries certaines : pour une loterie L = {(p,Q),(1 − p,Q')}, avec U(L) = U({(p,Q),(1 − p,Q')}) = pu(Q) + (1 − p)u(Q')

Notes et références

Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie


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