- Urbanisme (Etats-Unis)
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Urbanisme aux États-Unis
L'urbanisme aux États-Unis est caractérisé par une très grande importance des banlieues (suburbs) résidentielles, le centre-ville (downtown) étant souvent délaissé aux populations les plus modestes. Mis à part quelques grandes villes, telles New York ou Baltimore, elles ont une densité de population relativement faible, s'étendant sur des aires métropolitaines immenses (Los Angeles, Dallas, etc.), le transport interurbain fonctionnant principalement à l'aide de la voiture. On distingue aujourd'hui, sur le territoire américain, quatre grandes régions urbaines : l'aire urbaine du nord-est (BosWash, qui s'étend de Boston à Washington), la côte californienne de San Francisco à San Diego, la région des Grands Lacs et le sud de Dallas à Miami. L'essor urbain touche aujourd'hui les métropoles de la Sun Belt, dont la population augmente rapidement. Depuis les années 1980, l'urbanisme néo-traditionnel tente de populariser une approche urbanistique moins focalisée sur la voiture.
Sommaire
Les villes coloniales
Au XVIIIe siècle se développe le style géorgien et le palladianisme à partir de la ville de Williamsburg en Virginie. Celle-ci bénéficie d'un plan d'urbanisme moderne, en damier. Deux voies principales se coupent à angle droit : l'une d'elles, la duke of Gloucester Street est large de 30 mètres et longue d'1,2 kilomètres. Elle relie le collège de Guillaume et Marie au capitole. L'axe nord-sud aboutit au palais du gouverneur, édifié en 1706-1720.
Washington, capitale fédérale
Le Français Pierre Charles L'Enfant conçoit le Federal Hall à New York. Peu de temps après, il remporte le concours pour construire la capitale fédérale (Federal City) sur les rives du Potomac. Le projet est lancé en 1791, mais ses plans ne sont que partiellement exécutés durant sa vie. Le projet lui est retiré et, par colère, il emporte ses plans avec lui. Cependant, ces derniers sont en grande partie reconstitués de mémoire par le mathématicien Benjamin Banneker. Au tournant des XIXe et XXe siècles, les tenants du mouvement City Beautiful rêvent de réaliser des villes néoclassiques en créant un cadre harmonieux et monumental. Plusieurs villes voulurent appliquer ce concept, mais Washington DC semble la plus aboutie et la plus homogène.
New York
Rapidement, plusieurs architectes américains (Louis Sullivan...) critiquent l'urbanisme des centres villes américains, et particulièrement celui de New York. Le plan orthogonal entraîne un engorgement de la circulation. Des problèmes nouveaux de sécurité émergent, notamment en matière d'incendie. Dès 1916, pour répondre à ces difficultés est adoptée à New York une loi sur le zonage (Zoning Law). Le règlement oblige les architectes à adapter la hauteur des immeubles à la largeur des rues. Il reste en vigueur jusqu'en 1961. Cela donne lieu à la construction d'édifices pyramidaux tels que le Seagram Building (Ludwig Mies van der Rohe et Philip Johnson, 1958) qui ménage un retrait de 28 mètres par rapport à Park Avenue.
Dans les années 50-60, plusieurs quartiers de Manhattan sont rénovés en vertu du principe de slum clearance : plusieurs ilôts sont tout simplement rasés pour être reconstruits. Mais en 1965, la landmark preservation law est fondée pour protéger les édifices historiques et remarquables de la ville. Actuellement, 65 quartiers de New York ont le statut de quartier historique[1].
Avec la fermeture de nombreuses usines et d'ateliers dans les années 1960-1970, un grand nombre de bâtiments ont été désaffecté et des friches industrielles sont apparues dans certains secteurs. Plusieurs de ces locaux et entrepôts ont été réhabilités pour être transformés en lofts, accompagnant le phénomène de gentrification du centre : New York est la première ville ayant compté des lofts dans le monde[2]. Aujourd'hui, la City Planning Commission est une organisation composée de treize membres qui participe à l'urbanisme de New York : elle octroie par exemple les permis de construire.
Au début du XXIe siècle, le plus grand chantier de la ville est le World Trade Center après les attentats du 11 septembre 2001 ; la Freedom Tower pour laquelle un concours architectural a été ouvert pour reconstruire un mémorial, mais aussi un lieu de vie et d’activité rémunérée. La première pierre a été posée le 4 juillet 2004, jour de la fête nationale des États-Unis. Ce gratte-ciel devrait être inauguré en 2012. Le Grand New York comptait plus de 20 millions d'habitants en 2000.
San Francisco
Article détaillé : Liste des plus hautes constructions de San Francisco.Ville de l'ouest des États-Unis, San Francisco a une histoire urbanistique particulière : construite sur un site de collines, la ville grandit très rapidement après la ruée vers l'or de 1848-1849. La population de San Francisco passa d'environ 1 000 habitants[3] en 1848 à 25 000 résidents permanents en 1850[4]. Les infrastructures de San Francisco et des autres villes, véritables villes champignons (tels Bodie ou Sacramento, terminus du premier chemin de fer transcontinental dans les années 1860), aux environs des champs aurifères furent saturées par le flux soudain de population. Les hommes vivaient dans des tentes, des huttes en bois ou des cabines prélevées sur des navires abandonnés[5].
Les quartiers portuaires du Nord ont été gagné sur la mer, par poldérisation. La ville met en place quelques cable cars à la fin du XIXe. Si ces tramways ne sont guère utilisés aujourd'hui, mis à part par les touristes, la ville continue aujourd'hui à avoir l'un des réseaux de transports en commun les plus développés des États-Unis, gérés par le San Francisco Municipal Railway.
Le séisme de 1906 et le grand incendie qui s'en suivit transforma radicalement le visage de la ville. Le centre des affaires obéit à un cahier des charges très strict : tout nouveau gratte-ciel est soumis à discussion et doit répondre aux normes parasismiques. Dans le reste de San Francisco, les immeubles ne doivent pas dépasser deux étages. Lors de la Grande Dépression, la Work Projects Administration (WPA) finance la construction du Golden Gate Bridge.
Chicago
Les contraintes naturelles du site de Chicago posèrent des problèmes d'aménagement aux autorités. Chicago a souffert de l'environnement marécageux qui rendait très difficile l'installation de routes et d'égouts. La boue envahissait les rues de la ville au printemps et l'image de Chicago était celle d'un endroit crasseux. Les autorités engagèrent des travaux importants afin de surélever les infrastructures et implanter un réseau d'évacuation des eaux usées dans les années 1850.
En octobre 1871, 10 Km² de la ville furent réduits en cendres par le grand incendie de Chicago. Le bilan fut dramatique, avec 300 morts et 18 000 bâtiments furent détruits, jetant à la rue environ 100 000 personnes. Le feu se propagea facilement car un grand nombre d'infrastructures et d'habitations étaient construites en bois. L'incendie permit aux urbanistes de penser à une reconstruction de la ville selon des critères modernes. Quelques années plus tard fleurit l'école d'architecture de Chicago, qui eut un rayonnement international. Au centre de la naissante Manufacturing Belt, la ville devient le laboratoire d'expériences architecturales : en 1885, le premier gratte-ciel au monde y est construit (Home Insurance Building) en utilisant une armature d'acier. Avec la croissance démographique la plus rapide des États-Unis, la ville passe de près de 300 000 habitants à presque 1,7 million d'habitants de 1870 à 1900. En 1909, le plan d'urbanisme de Daniel Burnham fut mis en œuvre. La superficie des espaces verts fut étendue, et le centre-ville (Central) rendu plus sûr.
Après la Première Guerre mondiale, les immigrants afro-américains du Sud des États-Unis investissent, en quête de travail, South Side, district comprenant les quartiers sud de la ville de Chicago, juste au sud du centre-ville (downtown). South Side abrite le ghetto noir de Bronzeville, un quartier nommé ainsi en raison de la couleur de la peau de ses habitants, très affecté par la désindustrialisation des années Reagan, qui fit renommer la Manufacturing Belt Rust Belt. La ville de Gary, partie du Chicago metropolitan area (ou "Chicagoland", 3e plus grande aire urbaine des États, et 4e au niveau des Amériques), était un autre centre industriel, abritant les aciéries de US Steel, sévèrement affecté par la crise après le choc pétrolier de 1973.
Aujourd'hui, le Millennium Park (2004) montre le volonté du maire, le démocrate Richard M. Daley, de faire de Chicago un foyer de l'art contemporain. Le dernier projet en date est la Trump Tower.
Les suburbs
En Amérique du Nord, les banlieues (suburbs), caractérisées par leurs zones résidentielles immenses, leurs gated communities et leurs centres commerciaux gigantesques, hébergent en général les classes moyennes et riches, tandis que les centre-villes sont réservés aux classes pauvres : c’est le cas, par exemple, de Los Angeles. Entre 1900 et 1940, la part de la population américaine résidant dans les suburbs passe de 8 à 25 % [6]. La conurbation du Grand Los Angeles, qui regroupe plus de 171 municipalité, avait en 2005 une population estimée à plus de 17 millions d'habitants, répartis sur une surface totale de 87 972 km², dont seulement la moitié est densément peuplée [7]. Dans les trente dernières années, des edge cities, ou « villes-lisières », concurrencent les centre-villes, en participant à la polynucléarisation des centres urbains (la Silicon Valley ou Princeton, près de New York, fournissant des exemples de telles villes).
Administrativement, les banlieues et petites communautés entourant de grandes villes peuvent être des villes incorporées, c’est-à-dire des « municipalités » avec leurs propres gouvernements, ou elles peuvent être non-enregistrées, avec l’autorité gouvernementale donnée au comté. Certaines de celles-ci sont de véritables villes privées, ne dépendant d'aucune municipalité. Les plus célèbres d'entre elles sont Sun City, en Arizona, réservée aux plus de 55 ans et créée par Delbert E. Webb; Irvine, une ville planifiée par Irvine Company dans les années 1960; ou Celebration, en Floride, administrée par Walt Disney Company, qui devait exemplifier EPCOT (« Prototype expérimental d'une communauté du futur »).
L'omniprésence des banlieues résidentielles et les migrations pendulaires expliquent l'utilisation importante de l'automobile, en l'absence de transports publics (mis à part quelques cas exceptionnels, tels le métro de New York). Ainsi, la majorité des Américains dépensent autant pour le transport que pour le logement, et les habitants de villes particulièrement dépendantes de l'automobile dépensent jusqu'à trois fois plus que leur Produit Régional Brut (GRP en anglais). Les habitants de Houston, Atlanta, Dallas-Ft.Worth dépensent à peu près 23% de leur GRP pour le transport par rapport à 9% pour Honolulu, New York, et Baltimore, et 7% à Toronto. Ces statistiques datent de la fin des années 90 avant la montée exponentielle du prix du pétrole, et n'incluent pas certains coûts cachés de la consommation de pétrole [8].
Sous l'influence du New Urbanism, ce modèle urbain couplé à l'usage intensif de l'automobile a récemment été mis en cause, pour des raisons diverses, lié à l'augmentation du coût du pétrole, au réchauffement climatique et autres préoccupations environnementales, et à la simple volonté d'améliorer le cadre de vie. Ainsi, Raleigh, ville de plus d'un million d'habitants en Caroline du Nord, et qui fait partie du Research Triangle Park, 2e pôle de recherche après la Silicon Valley, a préparé un plan d'urbanisme allant jusqu'à 2030, afin de mettre en place des trottoirs, jusqu'alors inexistants, de réduire le nombre de centres commerciaux, et de revivifier le centre-ville, quasiment désert, en le couplant par tramway aux quartiers résidentiels [9].
Les autorités créent parfois des community separator, zones vertes qui permettent de lutter contre l'urban sprawl ou expansion urbaine. Certaines villes, telles Greenbelt, dans le Maryland (créée lors du New Deal en tant que coopérative publique par Rexford Tugwell, en charge de la Resettlement Administration), ont des ceintures vertes (Green Belt) tout autour d'elles-mêmes, afin de prévenir leur absorption dans une autre ville.
Huntsville (Texas) ou Prison City
Certaines villes se sont spécialisées sur une fonction unique. Ainsi, Huntsville, au Texas, compte 15 000 prisonniers dans sept établissements pénitentiaires différents (en 2008 [10]), pour un peu plus de 35 000 habitants (en 2000), et en comptant les prisonniers [11]. Une famille d'Huntsville sur deux a un de ses membres qui travaillent pour l'administration pénitentiaire locale, qui gère également 100 000 personnes en liberté conditionnelle et plus de 300 000 en liberté surveillée[10].
Notes
- ↑ Gabriel Wackermann (dir.), Les métropoles dans le monde, Paris, Ellipses, 2000, ISBN 2729802746, page 102
- ↑ Gabriel Wackermann (dir.), Les métropoles dans le monde, 2000, page 102
- ↑ (en) J.S. Holliday (1999), Rush for riches: Gold fever and the making of California. Oakland, California, Berkeley and Los Angeles: Oakland Museum of California and University of California Press, p. 51 ("800 residents")
- ↑ (en) James J. Rawls James et Richard J. Orsi (eds.) (1999). A golden state: mining and economic development in Gold Rush California (California History Sesquicentennial Series, 2). Berkeley and Los Angeles: Univ. of California Press. p. 187.
- ↑ (en) J.S. Holliday (1999), Rush for riches: Gold fever and the making of California. Oakland, California, Berkeley and Los Angeles: Oakland Museum of California and University of California Press, p. 126.
- ↑ Cynthia Ghorra-Gobin, La Ville américaine : espace et société, Paris, Nathan Université, 1998, ISBN 2091910163? p.25
- ↑ Cynthia Ghorra-Gobin, « De la ville à l'urban sprawl, la question métropolitaine aux États-Unis », [1], dans Cercles, 13, 2001
- ↑ The CTA-International Center for Technology Assessment. "The Real Price of Gasoline, Executive Summary" 1998.
- ↑ Hélène Crié-Wiesner, Repenser la ville américaine, un sacré job pour les urbanistes, Rue 89, 1er avril 2009.
- ↑ a et b "Huntsville Prison City", article du Monde, p28, 14 juin 2008.
- ↑ Huntsville, Texas, la ville-prison, L'Humanité, 4 février 1998
Bibliographie
- Davis, Mike (1990), City of Quartz, La Découverte, 2003
- Koolhaas, Rem (1978), New York Délire
- Sassen, Saskia (1991, réed. 2001), 2001: The global city: New York, London, Tokyo (trad. La Ville globale, éd. Descartes, 1996; Conférence de l'Université de tous les savoirs)
- Wackermann, Gabriel (dir.), Les Métropoles dans le monde, Paris, Ellipses, 2000
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