- Gentrification
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La gentrification (de gentry, « petite noblesse » en anglais, qui donne parfois lieu a une prononciation bâtarde : /dʒɛntrifika'sjɔ̃/, mais la prononciation « francisée » s'impose d'elle-même chez les sociologues) est un phénomène urbain d'embourgeoisement. C'est le processus par lequel le profil économique et social des habitants d'un quartier se transforme au profit exclusif d'une couche sociale supérieure.
Sommaire
Profil social d'un quartier
Tout au long du Moyen Âge et jusqu'à l'époque moderne, la place en ville étant rare et limitée (notamment par les nécessaires fortifications), le transport étant difficile et cher, et l'appartenance se déterminant sur des critères surtout ethniques ou professionnels, riches et pauvres ont vécu côte à côte, voire dans les mêmes immeubles. Il existait néanmoins, déjà, des segmentations géographiques, des quartiers populaires, souvent mal famés (comme les zones portuaires par exemple), s'opposant à des quartiers où la classe supérieure était plus présente.
Les moyens de transport se développant, permettant à la ville de s'étendre, et le capital financier supplantant progressivement les autres critères de distinction et de regroupement, une spécialisation des quartiers s'est développée au cours du XIXe siècle.
Les quartiers peuvent être plus ou moins attractifs selon les époques. Tel endroit, hier huppé, laisse progressivement la place à une population plus nombreuse et plus pauvre, parce que les ressources se sont taries, ou parce que les classes supérieures ont trouvé mieux ailleurs. Tel autre quartier, parce qu'il dispose d'attraits naturels, que des inconvénients ont été supprimés (décharges, industrie polluante, zone de délinquance, etc.), ou que des avantages nouveaux sont apparus (une nouvelle industrie, une liaison rapide avec les centres économiques, un parc qui le rend agréable, etc.), ou (non exclusif) parce que la classe sociale intermédiaire s'est accrue et ne trouve plus de place suffisante dans les secteurs qu'elle occupait antérieurement, (re)devient d'un rapport qualité prix intéressant. Un même quartier peut d'ailleurs se transformer successivement selon ces deux modalités. C'est le cas du Marais, au centre de Paris : quartier aristocratique lors de sa création au XVIe siècle, devenu populaire et insalubre aux XIXe et XXe siècles, il est redevenu attractif pour les classes sociales les plus aisées depuis les années 1980.
Analyse sociologique
La gentrification commence lorsque des groupes sociaux relativement aisés (re)découvrent un quartier offrant les avantages nouveaux précités et décident d'y migrer. L'embourgeoisement se traduit par la réhabilitation des bâtiments et l'accroissement des valeurs immobilières.
L'embourgeoisement se traduit aussi par une pression plus forte des nouveaux habitants sur les pouvoirs publics, pour qu'ils améliorent le quartier (moins de bruit, encore plus de protection et d'équipements, destructions massives de logements populaires au profit d'un habitat plus haut de gamme, etc.). L'enjeu de la réussite scolaire des enfants est devenu central pour une couche sociale dans son désir de reproduction, et c'est notamment la qualité de l'école qui constitue le tropisme autour duquel la société s'organise[réf. nécessaire].
Les pauvres ne peuvent plus suivre en termes de loyer et doivent chercher ailleurs, dans des quartiers moins chers parce qu'ils offrent moins d'avantages (zones excentrées ou mal desservies par les réseaux) et plus d'inconvénients (bruit, pollution, délinquance, climat...). Si cela leur est difficile (par manque d'offre ailleurs, par exemple), ils réagiront, eux aussi, pour pouvoir rester sur place, et réclameront des logements sociaux, un contrôle des loyers, etc.
Éric Maurin dans Le Ghetto français analyse l'embourgeoisement comme une forme de ségrégation. Le processus de développement et d'expansion urbaine procède souvent par « l'expulsion » des « plus faibles économiquement » vers des zones moins demandées. Ce phénomène engendre potentiellement des problèmes sociaux, surtout s'il se produit rapidement. Les pouvoirs publics sont sollicités pour réduire l'impact du processus, en maintenant un certain degré de mixité sociale.
Commerces et gentrification
La gentrification comprend aussi une dimension commerciale. Au sein de ces quartiers gentrifiés, certains types de commerces sont remis au goût du jour, offrant des produits chers et de qualité (épiceries, fromageries par exemple). Cette évolution explique donc en partie le maintien voire le renouveau des commerces de proximité dans les grandes villes, ainsi que le regain d’intérêt pour les marchés, sous leur forme traditionnelle ou sous de nouvelles formes (marchés spécialisés dans les arts ou la brocante, marchés bio, etc.). À un autre niveau, le processus de gentrification contribue également à l'émergence de nouvelles centralités urbaines au sein des anciens quartiers populaires, que ce soit dans le domaine des loisirs - avec de nombreux cafés et restaurants, boîtes de nuit, etc. - ou dans le domaine de la culture. L'exemple de Paris en témoigne où, depuis les années 1990, se sont développées de nouvelles centralités de ce type dans l'Est et le Nord (Batignolles[1], Bastille, Oberkampf, Canal Saint-Martin, etc.), parallèlement à la gentrification de ces quartiers, de même que ceux de Berlin (à Prenzlauer Berg notamment) et de Bruxelles (autour de la rue Dansaert et des Halles Saint-Géry)[2].
Bibliographie
- Catherine Bidou-Zahariansen (dir.), Daniel Hiernaux-Nicolas, Hélène Rivière d'Arc, Retours en ville, des processus de « gentrification » urbaine aux politiques de « revitalisation » des centres, Paris, Descartes et Cie, 2003, 268 pages (voir le compte rendu de l'ouvrage dans la revue Cybergéo).
- Philippe Gerber, Gentrification et confort postmoderne. Élements émergents de nouvelles centralités. L'exemple de Strasbourg, thèse de géographie sous la direction de Colette Reymond-Cauvin, Strasbourg, 2000.
Filmographie
Films documentaires :
- Dans 10 jours ou dans 10 ans : la mutation du quartier Midi à Bruxelles. En termes officiels, c’est une revitalisation urbaine. 2008.
- À qui appartiennent les villes ?. Réalisateur: Claudia Dejá. Allemagne, Arte TV, 2011.
- Les indésirables : film sur la restruction de la rue de la république à Marseille[3]. Patrick Taliercio, 2008. Téléchargement gratuit légal.
Notes et références
- Gentrification et politiques publiques à Paris
- Voir Mathieu Van Criekingen et Antoine Fleury, "La ville branchée : gentrification et dynamiques commerciales à Paris et à Bruxelles", Belgéo, 2006, 1-2, 113-134
- http://atheles.org/agone/revueagone/agone38et39/
Liens externes
- La gentrification selon Chris Hamnett
- [PDF] Étude d'un phénomène de gentrification au Québec, mars 1996
- Anne Clerval et Antoine Fleury, « Politiques urbaines et gentrification, une analyse critique à partir du cas de Paris », L'Espace politique 8, 2009/2 : un article scientifique sur le rôle des politiques publiques dans la gentrification à Paris.
- Marie-Paule Thomas, Les visages de la gentrification : un article scientifique sur le processus de gentrification à Montreuil en Seine-Saint-Denis.
- Emission radio: Paris populo de chagrin (La rotisserie), réalisé à Paris quartier Belleville, 2011.
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