- Transport par canalisation
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Le transport par canalisation est un mode de transport de matières gazeuses, liquides, solides ou polyphasiques, réalisé au moyen de conduites constituant généralement un réseau ou système de transport.
L'évacuation gravitaire des effluents (eaux usées, eaux pluviales, tout-à-l'égout...) et le transit de produits alimentaires (bière, lait, grains...) par tuyauteries peut entrer dans cette acception. Cependant, les produits généralement visés par le terme transport par canalisation sont : le pétrole et autres hydrocarbures liquides, le gaz naturel et autres gaz combustibles, les produits chimiques.
Selon le produit transporté, les canalisations ont des noms ainsi que des règlementations, des techniques de construction et d'exploitation différentes.
Les principaux systèmes de transport par canalisation concernent :
- le gaz naturel, transporté par gazoduc ;
- les hydrocarbures liquides, dont surtout le pétrole, transportés par oléoduc.
Il existe bien d'autres produits acheminés sur des distances parfois importantes, justifiant le terme de transport, par différenciation avec des distributions locales :
- l'eau douce, principalement pour l'irrigation, dans des conduites ou émissaires ou aqueducs ;
- l'eau salée ou saumâtre, appelée saumure, dans des saumoducs ;
- l'oxygène dans des oxygénoducs ;
- l'hydrogène dans des hydrogénoducs ;
- l'éthylène dans des éthylénoducs ;
- etc.
Des matières dangereuses (hydrocarbures, produits chimiques,..) sont donc transportées par canalisation. Cependant dans ce contexte, elles ne sont pas soumises à la réglementation sur le transport de matières dangereuses. La sécurité du transport par canalisation est réglementée par d'autres textes, notamment en France par l'arrêté multifluide du 4 août 2006 modifié (AMF[1]) pour ce qui concerne le gaz naturel, les hydrocarbures liquides ou liquéfiés, les produits chimiques.
Historique du transport par canalisation
Des réseaux d'aqueducs pour la collecte et la distribution d'eau potable et d'irrigation existent depuis les temps historiques les plus anciens. Certains de ces réseaux utilisaient déjà sur certains tronçons des canalisations maçonnées ou en bois ou en métal ductile (plomb, ...).
Au XIXe siècle, la civilisation industrielle a vu se développer des installations complexes (haut fourneaux, usines à gaz, centrales de vapeur, etc.) qui comprenaient des systèmes de transport locaux par canalisations en fonte, bois, acier, céramique, d'ampleur modeste.
Le premier concept industriel de transport par canalisation aurait été formulé par le Russe Dimitri Mendeleïev en 1863. Il suggéra une solution technique utilisant des tubes pour transporter du pétrole.
Un autre Russe, Vladimir Choukhov, avec la société Branobel (acronyme de Brothers Nobel) passent pour avoir construit l'un des premiers oléoducs à la fin du XIXe siècle, en 1878-1880 près de Bakou.
Peu de temps auparavant, un oléoduc reliant un champ de production de Pennsylvanie à une gare de chemin de fer à Oil Creek aurait été construit vers 1860 par la Oil Transport Association.
Composants des réseaux de transport par canalisation
Les réseaux de transport par canalisation sont composés de tronçons de conduites et d'ouvrages connexes remplissant des fonctions précises :
- Les stations d'injection ou de départ constituent les points d'entrée du réseau de transport. Suivant leur configuration et leur position géographique ce peuvent être des stations d'aterrage, des terminaux, des stations d'entrée.
- Les stations de compression (pour les gaz) ou stations de pompage (pour les liquides) sont réparties régulièrement le long des réseaux de transport pour maintenir la pression et la vitesse du fluide dans les canalisations.
- Les postes de livraison permettent de mettre la matière transportée à disposition des destinataires intermédiaires ou finaux.
- Les postes de sectionnement permettent d'isoler un tronçon de canalisation afin d'assurer sa maintenance ou de limiter les conséquences néfastes en cas de fuite. Ces postes sont parfois équipés de coupure pour introduire et recevoir des pistons (pig en anglais), destinés à contrôler les différents paramètres d'intégrité de la canalisation : géométrie, propreté, perte de métal, fissuration, etc. La distance entre deux postes de sectionnement consécutifs dépend de la règlementation applicable, selon le fluide transporté et le pays concerné. La distance entre deux postes de coupure (ou de demi-coupure) consécutifs varie d'une dizaine de kilomètres pour de courtes antennes ou points spéciaux, à quelques centaines de kilomètres pour de grandes canalisations de transit.
- Les postes de détente ou poste de régulation permettent de diminuer la pression de fluide à l'aval. Ces postes sont souvent associés à des postes de livraison. Ils peuvent aussi séparer des portions de réseau exploités à des pressions différentes.
- Les stations d'arrivée marquent l'extrémité d'un réseau de transport. Ce peut être un réservoir de stockage ou le début d'un réseau aval de transport ou de distribution.
Règlementation du transport par canalisation
En France, il existe plusieurs niveaux de règlementation pour le transport par canalisation :
Les régimes juridiques de transport par canalisation
Ce sont des lois et décrets qui déterminent les conditions générales dans lesquelles une société est autorisée à construire et exploiter un ou plusieurs ouvrages de transport.
Ces régimes sont différents selon le type de fluides et selon la nature des risques à maîtriser.
Le règlement de sécurité multifluide de transport par canalisation
Rénové et unifié depuis le 4 août 2006, ce règlement (arrêté interministériel dit « multifluides[1] ») et les documents normatifs ou interprofessionnels qui le déclinent (guides GESIP, ...) définit les conditions techniques que doivent respecter les transporteurs de gaz naturel, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés, de produits chimiques, pour construire et exploiter leurs ouvrages avec un niveau de sécurité acceptable, dans le respect de l'environnement.
La règlementation sur les travaux de tiers
Un décret de 1991 et son arrêté de 1994 déterminent les précautions que doivent prendre les entreprises et riverains avant de réaliser des travaux au voisinage d'ouvrages de transport, afin de préserver l'intégrité de ces ouvrages et la sécurité des biens et des personnes.
Économie du transport par canalisation
Dans les schémas économiques antérieurs, le transport par canalisations dédiées faisait partie d'une chaîne de valeur intégrée allant de la production à la livraison. Ses coûts d'investissement et d'exploitation étaient le plus souvent pris en charge par le producteur et/ou le vendeur de produit qui le répercutait sur son prix de vente.
Dans les nouveaux schémas économiques, et notamment dans les schémas gaziers européens d'ouverture totale du marché à la concurrence internationale, le transport (au sens large, y compris la distribution) devient une activité séparée ('unbundled' en anglais) gérée par des opérateurs autonomes, au service de l'ensemble des fournisseurs amont et des consommateurs avals.
Ce nouveau schéma qui est déjà classique aux USA et qui se met en place en Europe entraîne, au moins en phase transitoire, des effets néfastes de 'désoptimisation' des réseaux et des organisations qui font douter certains acteurs de l'efficacité de ce modèle, notamment en période de pénurie de produit et de position dominante des fournisseurs.
Mise en place d'un système de transport par canalisation
Un système de transport par canalisation nécessite :
- la construction initiale ou progressive d'un outil industriel constitué par un ensemble de canalisations et d'ouvrages annexes
- la mise en place d'un mécanisme de gestion de cet actif industriel, basé sur des jeux de contrats entre fournisseurs de produit, opérateurs de transport et de distribution, consommateurs.
Ce modèle technico-économique est généralement contrôlé par des autorités régionales, nationales ou supranationales qui s'assurent que les règles de marché sont respectées et que la sécurité des biens et des personnes est garantie, avec un risque résiduel acceptable.
Exploitation d'un système de transport par canalisation
Une fois le modèle économique défini et les ouvrages construits (ou acquis), la pérennité du transport par canalisation implique l'exploitation (conduite, au sens utilisation) et la maintenance (entretien) du réseau de transport.
Pour cela, l'opérateur définit des règles techniques et organisationnelles, rassemblées dans un système de management de la qualité, de la sécurité et de l'environnement conforme aux règlementations et règles de l'art en vigueur.
La conduite des flux de produits, par l'intermédiaire d'organes tels que robinets, vannes, régulateurs, évents, compteurs, ... se fait de plus en plus souvent à distance depuis un centre de répartition (dispatching en anglais), à l'aide d'un système de supervision ('SCADA') et de télécommandes.
Les systèmes de télégestion et télésurveillance des réseaux sont de plus en plus sophistiqués avec les progrès techniques réalisés. Certains opérateurs mettent en œuvre des systèmes intelligents voire des systèmes experts qui auscultent périodiquement l'état de la canalisation et préconisent des actions préventives ou curatives de conduite ou de réparation.
L'entretien ou le remplacement physique des organes est réalisé suivant des programmes de maintenance définis par l'opérateur et mis en œuvre par son personnel propre et/ou par des prestataires externes.
Le nettoyage ainsi que la vérification de la cylindricité des canalisations sont réalisés par le passage de pistons de conception adaptée à la fonction recherchée (piston racleur, nettoyeur, gabarit,..)
Sécurité industrielle du transport par canalisation
Le transport par canalisation mobilise des fluides et des énergies qui représentent, comme toute activité industrielle, un danger. Le risque industriel lié à ce danger est estimé et traité, dans le cadre des règlementations locales et internationales en vigueur, pour être ramené à un niveau résiduel acceptable par la société, représentée par les organismes de contrôle et diverses associations.
En France, une mise en cohérence de nombreuses règles antérieures et une augmentation des exigences ont été concrétisées par l'entrée en vigueur le 15 septembre 2006 d'un nouveau règlement de sécurité de transport multifluide par canalisation, signé le 4 août 2006[1].
Ainsi, au delà des opérations classiques d'entretien faisant partie de l'exploitation de l'ouvrage, un diagnostic poussé des ouvrages de transport est réalisé périodiquement, en fonction des règlementations nationales et des pratiques locales. En particulier, l'intégrité physique des canalisations est contrôlée par des mesures électriques de surface et par des auscultations électromagnétiques réalisées à partir de pistons instrumentés.
Quel que soit le niveau de sécurité visé et les moyens mis en œuvre pour l'obtenir, l'accident reste toujours possible. Tous les scénarios d'accident se ramènent à une perte de confinement du produit transporté et à une interaction néfaste du produit libéré avec l'environnement inerte ou vivant. Des plans d'urgence sont établis, en relation avec les pouvoirs publics.
Transport par oléoducs et gazoducs
Le transport par canalisation est généralement le moyen le plus économique de transporter du pétrole ou du gaz naturel sur de grandes distances terrestres.
Pour traverser de grandes distances maritimes, bien que des techniques sous-marines existent, le transport maritime par pétrolier ou méthanier est plus économique.
Le transport par canalisation de ces hydrocarbures utilise majoritairement des tubes en acier, soudés bout à bout et revêtus pour mieux résister à la corrosion et aux agressions chimiques et mécaniques.
Le fluide transporté dans les canalisations se déplace généralement sous pression, à des vitesses variant de 1 à 6 m/s. La pression et la vitesse de circulation (ou le débit) sont créés par des pompes (pour les liquides) ou des compresseurs (pour les gaz).
Les oléoducs transportent souvent plusieurs natures de liquides, en séquences appelés trains. A l'interface entre deux trains, un mélange partiel de produits se crée. Le bouchon (zone) de mélange est éliminé à l'arrivée dans la station de réception.
Les systèmes de gazoducs, au contraire, transportent le plus souvent du gaz de composition stable dans le temps.
Transport par canalisation de fluides particuliers
Transport d'hydrogène
En 2004, il y avait 1450 kilomètres de canalisations d'hydrogène à basse pression aux USA et 1500 kilomètres en Europe.
L'hydrogène est un gaz très inflammable et très léger; cela rend ses conditions de confinement particulièrement délicates.
Transport d'eau
Il y a plus de deux mille ans, la civilisation romaine a édifié de nombreux aqueducs parfois très longs et monumentaux, afin d'amener par gravité l'eau des collines et des montagnes vers les zones rurales à irriguer et les zones urbaines à abreuver.
Aujourd'hui la quasi totalité des zones habitées bénéficie des bienfaits de l'eau courante grâce à des réseaux de transport par canalisation gérés pour le compte des communes ou des intercommunalités par des entreprises publiques ou privées. Ces compagnies des eaux ou fontainiers sont ainsi en charge d'un service public fondamental.
Transport de saumure
La ville de Hallstatt en Autriche se targue de posséder le plus ancien saumoduc au monde, qui daterait de 1595. [2] Cette canalisation est composée de 13 000 tubes et elle achemine de la saumure sur 40 kilomètres, de Hallstatt à Ebensee[3].
Transport de bière
Les bars du fameux stade de football du Veltins-Arena sont interconnectés par une canalisation de transport de bière longue de 5 km. C'est la meilleure solution pour distribuer la bière dans des grands stades caractérisés par des variations importantes de fréquentation. Les bars sont ainsi alimentés directement depuis un grand réservoir de bière. Une telle situation est difficilement imaginable en France puisque les ventes de boissons alcoolisées sont interdites autour et dans les stades.
Références
- Arrêté multifluides du 4 août 2006 sur Légifrance
- Hallstatt's White Gold - Salt ». Consulté le 2007-05-15 Billie Ann Lopez, «
- Hallstatt pour plus de détails. Voir l'article
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