- Thierry Girard
-
Pour les articles homonymes, voir Girard.
Thierry Girard (né le 19 juin 1951 à Nantes) est un photographe français originaire de l'ouest de la France, dont l'œuvre exigeante se développe avec constance depuis la fin des années 1970, à l'écart des modes, qui ont bouleversé les pratiques photographiques au cours du dernier quart du XXe siècle.
En 1984, son travail est récompensé par l'attribution du prestigieux Prix Niépce, qui couronne un début de carrière prometteur et qui lui vaudra d'exposer dans l'ancien Palais de Tokyo, à l'époque où Robert Delpire y présentait les expositions du Centre national de la photographie.
Sommaire
Biographie
Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris en 1974, Thierry Girard quitte la voie toute tracée qui s'ouvrait devant lui après l'obtention de son diplome pour emprunter des chemins de traverse. Il commence à photographier, à partir de 1976, après avoir notamment découvert le travail photographique de Robert Frank. Il part alors en Angleterre se confronter avec l'East End de Londres.
Au début des années 1980, il s'efforce de mettre en place les codes esthétiques d'une photographie très influencée par les américains Walker Evans, ou Lee Friedlander, à mi-chemin entre le style documentaire et une vision plus personnelle, qui traduit sa propre interprétation du monde. Il photographie beaucoup dans le Nord de la France. Cette époque a été importante sur le plan de l'apprentissage de l'image, et lui a permis de concevoir une méthode de travail sur laquelle il va appuyer son œuvre à partir de « Frontières » (1984-1985). C'est aussi la période où il obtient ses premières commandes, dont l'une à Zuydcoote lui permet de publier son premier livre, « Far-Westhoek » en 1982.
Après avoir commencé par la photographie de reportage, en noir et blanc et au Leica, dans la grande tradition du photojournalisme et de la street photography, Thierry Girard abandonne au milieu des années 1980 cette approche « documentaire » pour s'intéresser davantage au paysage. Il abandonne progressivement le 24 x 36 mm (petit format) et son Leica pour travailler, toujours en noir et blanc, en moyen format (6 x 6 cm, 6 x 7cm). Vers le milieu des années 1990, la couleur commence à apparaître dans son œuvre.
Il entreprend alors une exploration du paysage, parfois à pied (au cours de marches photographiques qui accentuent le côté poétique de son travail), mais le plus souvent en construisant des itinéraires, dont le fil conducteur peut être géographique, mais également faire référence à des prétextes littéraires ou artistiques : « Jaillissement & dissolution », un voyage le long du Danube de Claudio Magris, La Route du Tōkaidō », au Japon en référence à Hiroshige ou « La Grande diagonale » en Chine sur les trâces de Victor Segalen).
Ces itinéraires sont autant de prétextes à une quête intérieure, à la recherche de « signes » qu'il va capter dans une interprétation très personnelle de l'espace. D'un projet à l'autre, il y a toujours une évolution, une remise en question, une prise de risques. Sa vision s'est peu à peu dépouillée au point de devenir, au début des années 1990, très minimaliste et de traduire une poétique de l'espace nourrie par les notions de limite, de seuil, de franchissement. Cela deviendra une constante dans son travail, constante qu'il saura renouveler dans ses projets de la fin de la décennie et des années 2000 au Japon, en Chine, et, en 2010-2011, en Inde par l'introduction de la couleur, le retour à un paysage plus urbain et contemporain, et la réintroduction de l'élément humain.
C'est au Japon, en réalisant son projet sur La Route du Tôkaidô que Thierry Girard retrouve le fil perdu de la street photography, renouant par là-même avec ce qui avait fondé son rapport au monde à travers la photographie, trouvant un équilibre entre un travail strict sur le paysage et des « situations » (y compris les portraits) qu'il souhaitait réinstaller à part entière dans sa photographie. « Situations urbaines », c’est peut-être le terme le plus approprié pour cerner le rapport de Thierry Girard à la street photography. Ces concepts, qu'il continue d'utiliser dans sa photographie actuelle (où la question du portrait devient par ailleurs de plus en plus prégnante), le ramènent vers une photographie plus documentaire, où le regard se fait plus intellectuel, plus analytique, plus distancié. Il en résulte malgré tout des images parfois énigmatiques, qu'il relie entre elles par ce fil conducteur/prétexte de l'itinéraire.
En août 2011, il retourne au Japon, à l'invitation de l'Institut français de Tokyo, pour photographier les paysages dévastés dans le Tōhoku et réaliser des portraits des survivants six mois après la triple catastrophe (tremblement de terre, tsunami et accident nucléaire) qui a frappé le nord du Japon le 11 mars 2011. Avec une approche à la fois empathique et distanciée, sans pour autant négliger un certain nombre de vues incontournables qui montrent l'extrême violence du phénomène, Thierry Girard réinscrit le paysage de la catastrophe dans une vision plus large du paysage du Japon. Une exposition de ce travail, intitulée Après le fracas et le silence est présentée dès le mois de novembre à Fukuoka et à Tokyo.
Au fil des années, Thierry Girard est parvenu à intéresser de plus en plus de commanditaires, auxquels il a su imposer sa vision du paysage et qui lui ont fait confiance en finançant les projets personnels qu'il leur soumet.
À propos du travail de Thierry Girard
À propos de son travail, Thierry Girard écrit dans la présentation qu'il fait de lui sur son blog : « Mon travail photographique peut se définir ainsi : une expérience de la traversée du monde qui s’articule en une sorte de tension dialectique entre le déplacement géographique et le voyage intérieur. »
Thierry Girard est représenté en France par la galerie Agathe Gaillard. Sa galeriste, Agathe Gaillard dit à propos de ses photos :
« Il photographie le paysage tel qu'il se présente, tel que nous le faisons en y vivant, sans fard, sans conventions de pittoresque. Et paradoxalement, grâce à son talent magique, la France est telle que nous l'aimons le plus. Nous avons dans nos souvenirs, notre inconscient même, liés à ces photos, des sensations de bonheur. Ces images froides deviennent très affectives et une vraie grande beauté apparaît. »
En mars 2006, dans un petit texte de présentation de son travail à l'occasion de l'exposition Histoire de limites à la galerie Agathe Gaillard, Thierry Girard a exprimé son approche photographique : « Dans la grande tradition documentaire à laquelle je me réfère (d’Eugène Atget à Thomas Struth, en passant par Walker Evans, Lee Friedlander ou Robert Adams, sans écarter non plus les citations picturales et les « tableaux documentaires » d’un Jeff Wall), mon principe est de photographier la simple réalité des choses avec une certaine distance et une certaine neutralité. »
À propos d'un travail récent regroupant des portraits et des paysages, Guy Tortosa écrit :
« Les photographies de Thierry Girard sont des bulletins de cette météorologie du corps et de l’âme de notre société. Profondément humanistes, elles hésitent entre empathie et constat, proximité et inventaire. Le plus souvent, les habitants sont absents des lieux (villages, prés, bois, chemins, etc.) qu’il photographie. L’abandon en constitue le principal sujet. Ici c’est sensiblement différent. Des rencontres ont eu lieu. On pense au réalisme de Courbet, de Zola, d’August Sander, de Bernanos, de Straub et Huillet, ou de Raymond Depardon. La marche habituelle de l’artiste s’est simplement muée en entrevue. Y-eut-il rencontre ? On ne sait. Seule chose certaine, ce que disent ces portraits est ce que disaient déjà les paysages : le pays est comme l’homme, présent à son absence. »
Prix et récompenses
Thierry Girard a reçu le Prix Niépce en 1984, a été lauréat de la Villa Médicis hors les murs en 1985, de la Bourse Léonard de Vinci en 1989 et de la Villa Kujoyama au Japon en 1997. Il a reçu des aides à la création du Ministère de la Culture en 1983, 1990 et 1998, a bénéficié d'une commande publique du Fnac en 2002, ainsi qu'une aide à l’écriture du Centre national du Livre en 2000.
Expositions
Le travail de Thierry Girard est régulièrement exposé en France et à l'étranger et ses photographies sont présentes dans les grandes collections publiques et privées.
En 2005, ses photographies de Guadeloupe, du Mont Saint-Michel et de Dunkerque, réalisées spécialement pour l'occasion, sont exposées à l'entrée du Pavillon français de l'exposition universelle d'Aichi au Japon.
En 2006, il est l'un des photographes exposés dans le cadre de l'exposition Les Peintres de la vie moderne au Centre Georges Pompidou, à Paris.
En avril 2011, son travail Women in Shanghai est exposé pour la première fois dans le cadre du Caochangdi Photospring Festival à Pékin.
Bibliographie (sélection)
Ouvrages collectifs
- L'Usine (Fastenaekens, Girard, Kalvar, Vink), Paris : Contrejour, 1987
- Pétra, le dit des pierres (Elkoury, Girard, B.Guillot, Reverdot, Sagnes / textes de Le Clézio, Tahar Ben Jelloun, Abdelwahab Meddeb, Adonis, Claude Ollier, Michel Butor etc.), Arles : Actes-Sud, 1993
- Littoral (Batho, Depardon, Girard, Plossu, Sagnes, Sénadji etc.), Paris : Marval, 1994
- Au Maramures (Claass, Dessert, Girard / textes de Blangenois, Fournel, Jouanard), collection Hôtel du grand miroir chez Fata morgana, 1996
- Médina, médinas (Barrada, Girard, Rondeau etc.) Métamorphoses, Marseille, 1999
- Sophie Howarth & Stephen McLaren, Street Photography Now (Christophe Agou • Bruce Gilden • Thierry Girard • Martin Kollar • Joel Meyerowitz • Trent Parke • Martin Parr • Gus Powell • Alexey Titarenko • Lars Tunbjörk • Alex Webb • Michael Wolf, etc.), 240 pages, Thames & Hudson, 2010 (ISBN 2-87811-360-0)
- Voyages contemporains : 1, voyage de la lenteur, Lettres modernes Minard, Caen 2010. Ouvrage collectif sous la direction de Philippe Antoine avec un texte de Danièle Méaux.
Ouvrages personnels
- Far-Westhoek (texte de l'auteur), Zuydcoote, 1982
- La Terre entre deux / Le Milieu du fleuve (textes de l'auteur), Paris : Admira, 1988
- La Ligne de partage (textes de Bernard Werber et Vincent Cordebard), Paris : Admira, 1988 (ISBN 2-907658-01-8)
- La Pallice (texte de Raymond Bozier), Paris : C. Geiss éd. 1990
- Peter Handke, les lieux de l'écrit (texte de Fabienne Durand-Bogaert), Paris : Marval, 1991
- Au Seuil du Neuvième pays (texte de Jure Mikuz et de l'auteur), Ljubljana : Moderna galerija, 1992
- Brouage(texte de l'auteur), Paris : Marval, 1993
- Mémoire blanche(texte de l'auteur), Charleville : Musée Rimbaud-Musée de l'Ardenne, 1993
- Langlade, Miquelon, Saint-Pierre (texte de l'auteur), Saint-Pierre et Miquelon : Centre Culturel, 1994
- Un voyage en Saintonge (texte de l'auteur), Saintes : Ccr de l'Abbaye aux Dames, 1995
- Thierry Girard (texte de Michel Dieuzaide), Catalogue de l'exposition à la Galerie du château d'eau, Toulouse, 1997
- Un Sentiment atlantique / au Maroc, Institut français de Casablanca, 1997
- La Route du Tôkaidô (textes de Yuko Hasegawa, Nagahiro Kinoshita et Philippe Bata), Paris : Marval, 1999
- Jours ordinaires en Chine, (texte de l'auteur), Nice : Théâtre de la photographie, 2001.
- D’une mer l’autre, (texte de l’auteur), Paris : Marval, 2002
- Meilleurs souvenirs, Châtellerault, Cardinaux, 2003
- Vosges du Nord, l’observatoire photographique du paysage , Les Imaginayres, 2004 (ISBN 2914416172)
- Les Cinq voies de Vassivière, (texte de l’auteur), Centre national d’art et du paysage de Vassivière , Les Imaginayres, 2005 (ISBN 2-914416-22-9)
- Carnet de voyages en Eure-et-Loir, volume I/La Ferté-Vidame (textes de Henri-Pierre Jeudy, Brigitte Féret et alii), Les Éditions du Hurloir, 2007
- Voyage au pays du Réel, (texte de Christian Doumet), Paris: Marval, 2007 (ISBN 2-8623-4407-2)
- Un hiver d'Oise, (texte de l'auteur), Paris : l'atelier d'édition/Filigranes, 2008 (ISBN 2-3504-6153-3)
- Carnet de voyages en Eure-et-Loir, volume 4/Bonneval, Les Éditions du Hurloir, 2010
- Jours tranquilles à Bègles, (texte de l'auteur, préface de Noël Mamère), Paris : Trans Photographic Press, 2010 (ISBN 2-913176-837)
- Carnet de voyages en Eure-et-Loir, volume 5/Cloyes-sur-le-Loir, Éditions du Hurloir, Chartres 2011
Liens externes
- Site officiel de Thierry Girard
- Des images et des mots, le blog de Thierry Girard
- En cours/in progress, le blog d'actualités de Thierry Girard
- Voir quelques photographies de Thierry Girard (de son exposition Histoires de Limites) sur le site de la galerie Agathe Gaillard
- (de) La Grande diagonale sur le site de la galerie Claudia Delank, Cologne
- (en) Courte biographie et trois photographies du Danube sur le site du Musée hongrois de la photographie
Catégories :- Naissance à Nantes
- Photographe français
- Photographe de paysage
- Élève de l'Institut d'études politiques de Paris
- Naissance en 1951
Wikimedia Foundation. 2010.