Sédévacantistes

Sédévacantistes

Sédévacantisme

Le sédévacantisme (de l'expression latine sede vacante, « le trône de saint Pierre étant vacant », utilisée entre la mort d'un pape et l'élection de son successeur) est une position religieuse tenue par certains catholiques, qui soutient que depuis la mort de Pie XII, le siège de Pierre est vacant et que, par voie de conséquence, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II et Benoît XVI ne seraient que des usurpateurs.

Sommaire

Diversité

Le sédévacantisme actuel est un terme générique qui regroupe plusieurs tendances :

Les sédévacantistes, qui ne sont pas tous du rite catholique romain (il y a aussi des sédévacantistes dans les rites catholiques orientaux), ne reconnaissent pas la légitimité et donc l'autorité des pontifes régnant à Rome actuellement en raison de leur supposée défaillance dans la Foi catholique. Ils estiment que l'assistance du Saint-Esprit dont le Souverain pontife jouit le préserve de toute errance dans l'enseignement des vérités catholiques ; ce qui est d'ailleurs un dogme de la foi catholique. Pour eux, la ratification des décrets du IIe concile du Vatican et en particulier celui sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ serait incompatible avec la possession du Souverain pontificat car cette doctrine aurait été précédemment explicitement condamnée par Pie IX dans son encyclique Quanta Cura. Nostra Ætate, le nouveau Code de Droit canon — qui aurait procédé à l'inversion des fins du mariages — ainsi que certains actes (réunions œcuméniques) sont considérés par les sédévacantistes comme scandaleux et relevant du schisme, de l'hérésie, de l'apostasie pour Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI.

Pie XII, ou Pastor angelicus, dernier Pape reconnu par les sédévacantistes

Les sédévacantistes reconnaissent tous en Pie XII le dernier Pontife de la Sainte Église. La plupart émettent des doutes sur la légitimité de Jean XXIII. Le critère permettant de distinguer ceux qui admettent la légitimité de Jean XXIII est leur acceptation du Missel de 1962. En raison notamment de l'ambiguïté de l'encyclique Pacem in Terris et de certains témoignages évoquant son hétérodoxie éventuelle la majorité le rejette donc tout à fait et estime que son élection en 1958 est douteuse.

Les sédévacantistes ne reconnaissent donc ni Paul VI ni ses successeurs, puisqu'à leurs yeux, ils enseigneraient l'hérésie, ce qui est impossible à un véritable Vicaire de Jésus-Christ.

Les sédévacantistes complets et les sédéprivatistes

On distingue habituellement les sédévacantistes complets qui considèrent celui qui est sur le trône de Pierre comme un imposteur. Ils se réfèrent aux écrits de saint Robert Bellarmin qui fut un grand défenseur de la papauté et qui écrivit différents traités, dont l'un est particulièrement célèbre et apprécié des sédévacantistes complets : De Romano Pontifice. Cet ouvrage en latin n'a jamais été traduit ni publié dans une autre langue[1]

Les sédéprivatistes pensent que les successeurs de Pie XII sont papes matériellement, mais non formellement. Ces derniers (qu'on appelle aussi guérardiens ou cassiciacumistes) adhèrent à la Thèse de Cassiciacum, élaborée par le dominicain Guérard des Lauriers pour tenter d'expliquer l'actuelle vacance du siège apostolique.

Pour certains, cette thèse serait battue en brèche par la bulle du Pape Paul IV Cum ex Apostolatus. Les notions philosophiques qu'emploie cette thèse comporte aussi au moins un problème que ses défenseurs ne semblent pas pouvoir résoudre : celui que la matière du pape est, précisément, un homme catholique, de telle sorte que la possession matérielle du Souverain pontificat — c'est le cas de celui qui aurait été élu et qui n'aurait pas encore prononcé son acceptation — n'est possible qu'à un catholique. Un non-catholique est, de part le droit divin et la constitution même de l'Église absolument inapte aux suffrages de l'Église, et à plus forte raison à toute possession — même materialiter — d'un office ecclésiastique.

D'autre part, comment celui qui n'est pas membre de l'Église pourrait en être la tête ?

Syllogisme

Le raisonnement sédévacantiste procède du syllogisme suivant :

  1. L'Église catholique ne peut se tromper dans l'enseignement de la foi et des mœurs, dans la promulgation des rites liturgiques, de la discipline, du code de droit canonique, dans son magistère ordinaire, on ne peut le nier (majeure).
  2. Or celui qui est assis sur le Siège de Pierre enseignerait, défendrait et propagerait des choses condamnées antérieurement par l'Église (mineure).
  • donc ce dernier ne serait pas un pape légitime.

Certains s'appuient sur la bulle Cum ex Apostolatus du Pape Paul IV, qui énonce en 1559 : « S'il apparaissait (...) qu'un Souverain Pontife lui-même, avant sa promotion et élévation au cardinalat ou au souverain pontificat, déviant de la foi Catholique est tombé en quelque hérésie, sa promotion ou élévation, même si elle a eu lieu dans la concorde et avec l'assentiment unanime de tous les Cardinaux, est nulle, sans valeur, non avenue. » En effet, comment celui qui n'est pas membre de l'Église catholique pourrait en même temps en être la tête ?

Messe "non una cum"

Dans la première prière du canon de la messe de saint Pie V le nom du Pape régnant est mentionné. C'est une prière qui demande à Notre-Seigneur Jésus-Christ d'agréer les offrandes, le sacrifice de la messe, afin qu'Il gouverne l'Eglise par toute la terre, qu'il la gouverne unie avec (una cum) le Pape, les évêques et tous ceux qui professent la foi catholique. Cette prière signifie donc que le Pape régnant fait l'unité de l'Eglise en tant qu'instrument de Jésus-Christ qui gouverne l'Eglise. Or l'ensemble des sédévacantistes reconnait que puisque les occupants du Saint Siège au moins après Paul VI enseigneraient objectivement l'erreur et même l'hérésie, ils ne pourraient avoir le charisme d'infaillibilité qui les unit au Christ dans le gouvernement de l'Eglise, donc ils ne pourraient être ceux qui font l'unité de l'Eglise. C'est donc pour les sédévacantistes un sacrilège et une hérésie que de mentionner le nom de l'occupant actuel du Saint-Siège au canon de la messe. Ainsi contrairement aux autres traditionalistes les sédévacantistes refusent d'être en communion avec la hiérarchie de l'Eglise qui pour eux serait une fausse hiérarchie.

Génèse du sédévacantisme

Les sédévacantistes considèrent le concile Vatican II comme une rupture avec la Tradition de l'Église : en effet, jamais un concile de l'Église catholique ne pourrait promouvoir des doctrines pernicieuses pour la foi, et antérieurement condamnées infailliblement donc à perpétuité. Jean-Paul II et aujourd'hui Benoît XVI sont unanimement rejetés par les sédévacantistes, qui les regardent comme des imposteurs, des usurpateurs et des hérétiques ainsi que des schismatiques.

Des sédévacantistes étayent leur position par l'existence d'un plan, ou complot, ourdi par la Franc-maçonnerie et différentes sociétés secrètes, ayant pour but la destruction du pouvoir temporel et spirituel de la papauté. Ce complot fut très tôt dénoncé : Clément XII condamna la Franc-maçonnerie par la bulle In eminenti de 1738. D'autre part, des travaux comme ceux de l'abbé Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du Jacobinisme, mirent au jour un grand nombre de documents inconnus jusqu'alors, tels des correspondances privées entre différents membres de la secte des Illuminés de Bavière. Les papiers secrets de la Haute Vente des Carbonari tombés entre les mains du pape Grégoire XVI évoquent des intentions perverses des Francs-maçons : « Vous aurez prêché une révolution en tiare et en chape, marchant avec la croix et la bannière, une révolution qui n'aura besoin que d'être un tout petit peu aiguillonnée pour mettre le feu aux quatre coins du monde. »

La plupart des sédévacantistes se basent sur ces études pour renforcer leur thèse, ainsi que sur la notion d'infaillibilité du magistère de l'Eglise.

En août 1971, le jésuite mexicain Joaquin Saenz y Arriaga publie un livre La Nouvelle Église Montinienne dont la conclusion est que le pape Paul VI avait fondé une nouvelle religion, distincte du catholicisme romain traditionnel. En 1973, il publie un autre travail, Sede Vacante où il affirme nettement que Paul VI, ayant versé dans l'hérésie, avait perdu son autorité papale en vertu de la bulle de Paul IV Cum ex Apostolatus reprise dans le code de droit canon de 1917. Les sédévacantistes s'appuient sur le secret de La Salette, pour justifier leurs positions[2].

Les écrits de Saenz donnèrent naissance au mouvement sédévacantiste, mené au Mexique par les pères Saenz, Carmona et Zamora, aux États-Unis par les Pères François E. Fenton et Burton Fraser, et en France par le Père Guérard des Lauriers (dominicain, qui a développé la thèse dite de Cassiciacum), le Père Barbara.

Tous rejettent les réformes du concile vatican II. En conséquence, ils refusent aussi les nouvelles règles disciplinaires du Code de droit canonique de 1983, les nouveaux rituels, invalides selon eux, des sacrements promulgués par Paul VI, et tous les enseignements postérieurs au concile Vatican II.

Les sédévacantistes considèrent le rituel des sacres épiscopaux institué par Paul VI en 1968, comme tout à fait invalide, tout comme le nouveau rituel des ordinations sacerdotales ou de la « nouvelle messe » : ce qui ferait de « l'église conciliaire » une église de laïcs comme la secte anglicane, en rupture avec la Sainte Église Apostolique.

Certains y ajoutent le rejet de certains enseignements antérieurs à la mort de Pie XII, comme les modifications apportées au rite de la Semaine Sainte entre 1955 et 1960, ou les réformes du Bréviaire entérinées par Saint Pie X, les considérant comme les prémisses du bouleversement des années 1970 et la marque des influences néfastes au sein de l'Église.

Différences avec la Fraternité Saint-Pie-X

Quoique réfractaires au conciliabule Vatican II, comme ils le nomment, les sédévacantistes ne sont pas pour autant favorables à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). En effet, si les origines des ces mouvements sont communes, la FSSPX refuse d'admettre la vacance du Saint-Siège, et fait de l'adhésion formelle aux thèses sédévacantistes un motif d'exclusion. Pour elle, il faut reconnaître l’autorité du pape régnant, sans pour autant lui obéir en tout et a fortiori le suivre dans ses erreurs supposées.

Pour les sédévacantistes, cette "politique" porte en elle une contradiction interne : pour l'évêque sédévacantiste Mgr Dolan,[3] « la FSSPX s'est opposée à l’apostasie conciliaire non pas avec une réponse vraiment catholique mais plutôt avec la réponse du jugement privé par lequel les doctrines, les décrets et les disciplines universelles de ce qu’ils pensent être l’Eglise sont sujets à leurs avis privés. » position qu'il estime condamnée par L'Eglise, notamment par la bulle Unam sanctam : "En conséquence nous déclarons, disons et définissons qu'il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d'être soumise au pontife romain."

De plus la Fraternité Saint Pie X s'estime en communion avec la hiérarchie actuelle de l'Eglise, bien qu'elle n'impose pas la messe una cum car elle considère le una cum comme une simple prière pour le Pape et pour le salut de son âme, ce qui serait à l'opposé de la théologie catholique.

Mgr Ngô Dinh Thuc et le sédévacantisme

L'archevêque de Hué, Mgr Pierre-Martin Ngô Dinh Thuc, fut le seul évêque de l'Église catholique romaine auquel on attribua avec persistance des sentiments sédévacantistes. En effet, les nombreuses consécrations épiscopales illicites, qu'il conféra à différents candidats sédévacantistes, pourraient le laisser penser. Cependant, différents éléments mettent en relief qu'il n'embrassa probablement pas les positions dont on[Qui ?] voudrait le faire l'ardent défenseur aujourd'hui :

  • En 1976, il est excommunié pour consécrations et ordinations illicites à Palmar de Troya près de Séville,
  • En 1978, il fait amende honorable,
  • En 1981, il est excommunié pour la consécration de Mgr Jean Laborie (de l'église latine de Toulouse),
  • En 1981 il consacre les prêtres Guérard des Lauriers O.P., Moises Carmona Rivera et Alfredo Zamora, à l'épiscopat, puis en 1982 il consacra les prêtres Louis-Irénée Boni f.c. et Jean-Gérard Roux f.c. Pour ces consécrations épiscopales, Mgr Thuc est publiquement excommunié par le Cardinal Joseph Ratzinger par un mandat de Jean-Paul II en 1983. Mais contrairement à Mgr Lefebvre, son nom n'a jamais été supprimé de l'annuaire pontifical qui recense les évêques catholiques. Malgré la déclaration dans laquelle il proclamait son sédévacantisme, Mgr Ngô Dinh Thuc continua à concélébrer occasionnellement avec l'évêque de Toulon dans le nouveau rite de la messe.
  • En 1984, quatre mois avant sa mort, Mgr Thuc fait amende honorable, exhortant Mgr Laborie à se rallier à Rome, ainsi que la communauté de Palmar de Troya (Espagne), où en 1976 lui-même avait consacré Mgr Dominguez ; ce dernier se proclama « pape » (Grégoire XVII) en 1978.

Le père Guérard des Lauriers était prêtre dominicain, adviseur sur le dogme de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, et ancien professeur renommé de l'Université pontificale du Latran à Rome. Le Père Guérard des Lauriers consacra à son tour quelques prêtres sédévacantistes ou sédéprivationistes.

Deux évêques particulièrement connus sillonnent l'Amérique et l'Europe en conférant les ordres sacrés : Mgr Daniel Lytle Dolan et Mgr Donald Sanborn de l'association sacerdotale Instauratio Catholica. Leurs lignées respectives remontent aussi à Mgr Thuc.

Toujours aux États-Unis en 1993 l'évêque-émérite catholique de Arecibo (Porto Rico), Mgr Alfredo José Isaac Cecilio Francesco Méndez-Gonzalez C.S.C. consacra le père Clarence Kelly à l'épiscopat pour la Fraternité Sacerdotale Saint Pie V (SSPV). La FSSPV est une fraternité de quelques prêtres sédévacantistes, originellement issus de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X créée par Mgr Marcel Lefebvre. Cette FSSPV maintient un séminaire près de New York.

Fin des temps

D'autres tel que le diacre Vincent Zins, renvoyé du séminaire de la Fraternité Saint Pie X pour son comportement, pensent que nous sommes à l'aube de la venue de l'antéchrist, qui arriverait, selon les commentaires des Pères de l'Église, dans une période où l'Église serait sans chef, et où le Saint Sacrifice de la Messe aurait cessé faisant écho aux Saintes Ecritures. La restauration aurait lieu après la chute de l'antéchrist, et Dieu accorderait, une période plus ou moins longue de paix et de prospérité pour l'Église, où les hommes auraient le temps de faire une ultime pénitence avant le Jugement général de l'humanité, et la fin des temps.

Notes et références

  1. Il existe sous http://www.fisheaters.com/bellarmine.html une traduction en anglais de l'important chapitre 30 du livre II. On peut en lire ici le début de la traduction française :
    La quatrième opinion est celle de Cajetan, pour qui le pape manifestement hérétique n'est pas ipso facto destitué, mais peut et doit être déposé par l'Église. A mon avis, une telle opinion est indéfendable. En premier lieu, en effet, il est prouvé par des arguments d'autorité et de raison que l'hérétique manifeste est ipso facto destitué. L'argument d'autorité se fonde sur saint Paul (Tite, c. 3), qui stipule que l'hérétique doit être évité après avoir été deux fois averti, donc après s'être montré manifestement obstiné, et ainsi avant toute excommunication ou sentence judiciaire. Et c'est ce que saint Jérôme écrit quand il ajoute que les autres pécheurs sont exclus de l'Église par une sentence d'excommunication, mais que c'est de leur propre fait que les hérétiques s'exilent et se séparent eux-mêmes du corps du Christ. Or, un Pape qui reste Pape ne peut pas être évité, car comment pourrait-on nous demander d'éviter notre propre tête? Comment pouvons-nous nous séparer d'un membre qui nous est uni ?
    Ce principe est le plus sûr. Le non-chrétien ne peut en aucun cas être pape, comme Cajetan l'admet lui-même (ib. c. 26). La raison en est qu'il ne peut pas être la tête puisqu'il n'est pas membre, or celui qui n'est pas chrétien n'est pas membre de l'Église, et un hérétique manifeste n'est pas un chrétien, comme l'enseignent clairement saint Cyprien (lib. 4, Epist. 2), saint Athanase (Scr. 2 cont. Arian.), saint Augustin (Lib. De Grat. Christ. cap. 20), saint Jérôme (contra Lucifer) et d'autres ; l'hérétique manifeste ne peut pas donc être pape.
  2. (en) site sédévacantiste sur « les prédictions de fin des temps de la Vierge Marie »
  3. Conférence de Mgr Dolan

Voir aussi

Bibliographie

Thèses sédévacantistes
  • sur la vacance du Siège apostolique auteur collectif, Carmel Sancta Maria, 4790 Reuland 143, Belgique, 332 pages
  • L’Eglise éclipsée ? Auteur collectif, les Amis du Christ Roi, éditions Delacroix, B.P. 18, 35430 Chateauneuf, 298 pages.
  • Petrus es tu ? Abbé Fransceco-Maria Paladino, éditions Delacroix.

Liens internes

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