Symbole (langue bretonne)

Symbole (langue bretonne)

Symbole (enseignement)

Le symbole (appelé également ar vuoc'h -la vache - en breton) était un objet que l'instituteur francophone dans les école publiques et privées de France au XIXe siècle et XXe siècle remettait en signe de punition à un élève surpris à parler dans sa langue régionale.[1]

Généralement l'élève devait ensuite surprendre un autre de ses camarades dans la même situation et lui remettre l'objet. L'élève qui avait l'objet en sa possession à la fin de la récréation, de la demi-journée, ou de la journée était puni (corvées, devoirs supplémentaires, punitions corporelles, retenues, séance de moquerie générale organisée par l'instituteur...).

Sommaire

France

Nature de l'objet

Il s'agissait parfois :

  • d'un sabot de bois ordinaire, parfois non creusé, à porter au cou,
  • d'une ardoise à porter au cou (à l'école publique de Plouaret entre 1943 et 1949 l'élève devait écrire sur l'ardoise "je parle breton" )
  • d'un objet à tenir en poche (buchette, petit sabot, bouton).

Le procédé était utilisé afin :

  • d'exclure de l'école toute autre langue que le français, y compris pendant les récréations ;
  • d'attirer les moqueries sur celui qui n'appliquait pas la règle linguistique fixée ;
  • accessoirement d'entretenir la délation entre les élèves et empêcher la solidarité de groupe.

Utilisation métropolitaine

« Les écoles de la République imposent de même aux élèves pris en flagrant délit de péché linguistique le port d'un « symbole » (appelé « vache » en Bretagne) qui peut être un bout de carton, une planche, une barre de bois ou un bâton, comme dans les Pyrénées Orientales; une cheville comme dans le Cantal, un ruban de papier ou un objet métallique comme en Flandre , ou une brique tenue à bout de bras comme en Corrèze. »

— Pierre Giolitto, Abécédaire et férule, Imago, 1986

Empire colonial français

Le procédé, avec des variantes locales, était également utilisé dans les écoles françaises de l'empire colonial français pour favoriser l'apprentissage du français.

Le but était d'assimiler les "indigènes".

L'utilisation de ces procédés s'est parfois maintenue quelque temps dans les États indépendants choisissant le français comme langue officielle, comme au Togo où cet objet est appelé le signe.

« Défense de cracher par terre et de parler breton »

Il a récemment été diffusés sur divers sites autonomistes et nationalistes bretons l'information que des affiches portant la formule : « interdit de cracher par terre et de parler breton » auraient été utilisées en Bretagne[réf. nécessaire].

Pierre-Jakez Hélias, dans son livre Le Cheval d’orgueil, écrit :

« Dans la cour du lycée la Tour d'Auvergne, à Quimper, en 1925, il est interdit de cracher par terre et de parler breton »

— Pierre Jakez Hélias, Le cheval d'orgueil, Collection Terre Humaine, Plon (poche 3000), p. 236-237

Ce texte n'indique toutefois pas l'existence d'un affichage portant une telle mention.

L'existence de cette affiche mise en doute

Mais à ce jour, aucune affiche interdisant aux élèves « de parler breton et de cracher à terre » n'a été découverte. Les allégations affirmant qu'une telle affiche fut conservée au "Musée Rural de l'Éducation de Bothoa" à Saint-Nicolas-du-Pélem dans les Côtes-d'Armor, ont été réfutées par le président de l'association gérant ce musée[réf. nécessaire][2]. De la même manière une affiche de ce type était censée se trouver dans le Musée de l'École Rurale de Trégarvan. Celle-ci s'est avérée ne jamais avoir existé non plus après les recherches de Fanch Broudig[réf. nécessaire] [3].

L'absence de preuves tangibles quant à l'existence de cette affiche amène à mettre en doute l'existence même d'une telle expression et d'un tel affichage.

Selon Fañch Broudic qui a mené une étude sur le sujet[4] il s'agit d'une extrapolation :

« Autant le principe édicté en 1897 par l'Inspecteur d'Académie du Finistère, Dosimont, selon lequel pas un mot de breton ne devait être prononcé ni en classe ni dans les cours de récréation est couramment référencé, autant il est difficile de retrouver trace de l'interdiction « de cracher par terre et de parler breton » [...] Il apparaît clairement désormais que la formule-choc selon laquelle ' il est interdit de cracher par terre et de parler breton ' est, telle quelle, une invention. " »

Fañch Broudig cite Pierre-Jakez Hélias, qui dans son livre Le Cheval d’orgueil, expose la réalité qu'il connaît dans sa commune, du point de vue de l'essentiel de la population parlant breton, et qui a fait le choix d’éduquer leurs enfants en français, après la Libération :

« Le tout n’est pas d’avoir été puni à l’école pour avoir parlé breton : une seconde punition attendait les enfants coupables de bretonner, à leur retour à la maison. Les parents, qui ne savaient pas toujours eux-mêmes le français, considéraient en effet qu’ils faisaient alors " le sacrifice d’envoyer leurs enfants à l’école pour apprendre le français oral ou écrit alors qu’ils en ont souvent besoin à la maison pour garder les vaches ou les frères et sœurs. Le travail des petits est donc de s’appliquer au français. En parlant breton, ils boudent ce travail, ils rechignent à la peine, ils s’amusent. Que mérite quelqu’un qui s’amuse au lieu de travailler, s’il vous plaît ? Une bonne correction, pour lui apprendre à vivre... »

— Pierre-Jakez Hélias, Le cheval d’Orgueil, p 213, cité dans La pratique du breton de l’Ancien Régime à nos jours, Fañch Broudig, Presses Universitaires de Rennes, 1995, p. 314

En 2006, dans l'introduction des Mélanges offerts à Yann-Ber Piriou, qui a publié une anthologie de poèmes bilingues politiquement engagés en 1971, sous ce titre « Défense de cracher par terre et de parler breton », Francis Favereau affirme qu'il s'agit d'un "ancien écriteau avéré".[5]

Efficacité du procédé

Quel rôle a joué le symbole dans ce remplacement ?

Dans la pratique de la langue, cette politique eut peu de succès et n'entama pas l'utilisation du breton. Paradoxalement, c'est dans les années 50 que l'abandon massif du breton commença, alors même que les restrictions à l'enseignement des langues régionales disparaissaient :

« Dans le cas de la Basse-Bretagne, le changement de langue n'a pu se faire en particulier que parce qu'un profond mouvement d'opinion s'est, à un moment donné, prononcé dans ce sens. Le pouvoir d'État, à lui seul, ne pouvait l'imposer : les violentes réactions provoquées par les décisions d'Émile Combes en 1902 le prouvent d'abondance. À peine 50 ans plus tard, la jeunesse féminine opte ostensiblement pour le français et les familles décident de ne plus élever leurs enfants en breton : aucune injonction ne leur avait été adressée en ce sens [6]. »

Selon l'auteur, c'est en définitive le désir de modernité et de changements économiques qui a conduit à l'adoption volontaire du français. Ce remplacement de langue sur quelques décennies, en favorisant les échanges, a eu pour effet de stimuler l'économie de la Bretagne et a profondément changé la société[7].

Pour certains, le symbole a accéléré l'assimilation des Bretons à la société française. Pour d'autres, il a participé à la destruction de l'identité bretonne et aux ethnocides menés par l'État français tant en Métropole que dans l'empire colonial français.[réf. nécessaire]

Certains ont mis en doute l'importance du symbole en le replaçant dans le contexte éducatif de l'époque :

« On parle du symbole, ce bout de bois… qu’on donnait aux enfants surpris à parler breton, comme s’il s’agissait d’une mesure sadique dirigée contre les Bretons – mais il y avait tellement de punitions du même genre, bonnet d’âne, coups de règle… Tout un arsenal de père Fouettard…[8] »

D'aucuns considèrent qu'il s'agit d'un essai d'application des méthodes du négationnisme au domaine culturel, puisqu'il s'agit de nier l'œuvre d'assimilation du "peuple breton" effectuée par l'État français, par ce qu'on appelle soit un linguicide, ou "ethnocide", ou encore un "génocide culturel".[réf. nécessaire]

Autres pays

De la même façon, on utilisait le Welsh Not au Pays de Galles contre les enfants parlant gallois. Un procédé similaire a été utilisé en Irlande contre le gaélique.

Contre les langues indiennes aux États-Unis on forçait les enfants à manger du savon, tentative d'introduire (physiquement comme moralement) en eux l'association de leur culture avec la saleté.

Les punitions corporelles étaient communes dans les écoles de Louisiane pour interdire aux enfants de parler français.

En Wallonie (Belgique), un procédé semblable à celui du symbole a été utilisé, de façon ponctuelle plutôt que systématique. L'élève surpris à parler wallon devait arborer un bouton noir ("noer boton") et le passer à un autre élève parlant wallon. Le dernier à porter le bouton en fin de journée était puni. Le titre de la revue wallonne "Nwêr boton" (aujourd'hui "Lë Sauvèrdia") rappelait cette pratique.

Un procédé similaire a existé en Bretagne, les enfants surpris à parler breton doivent se laver la bouche avec l'eau du seau servant à nettoyer le tableau (Angèle Jacq, Ma langue au chat, Palémon, 2002).

Voir aussi

Sources

  • Taldir Jaffrennou. Eñvorennoù. Moulladurioù Hor Yezh.
  • Yves Person, Impérialisme linguistique et colonialisme, Les Temps Modernes, 1973
  • Louis-Jean Calvet, Linguistique et colonialisme, Payot 1974
  • Claude an Du, Histoire d'un interdit. Le breton à l'école, Hor Yezh, 2000, ISBN 2-910699-41-2
  • Sur les langues maternelles: [1]
  • Polémique sur l'utilisation du symbole dans les écoles de Basse-Bretagne, Fañch Broudic, [2], publication dans les Mélanges offerts à Fañch Roudaut sous le titre "Langues de l'histoire, langues de la vie", une étude sur "Une polémique entre bretonnants en 1908 sur l'usage du "symbole"".
  • Défense de cracher par terre et de parler breton ? [3]), Fañch Broudic, publié dans dans le tome CXXX du "Bulletin de la Société Archéologique du Finistère" (année 2001, p.363-370), et tome CXXXI (daté 2002, p. 449-452).
  • La langue bretonne et l'école républicaine : témoignages de mémorialistes . Yves Griffon. - Lannion : TIR ; Rennes : CRBC lec'hienn Roazhon-2, Skol-Veur European Breizh = Publication du site CRBC Rennes 2, Université européenne de Bretagne, impr. 2008 (29-Brest : Impr. Ouestélio). - 1 vol. (201 p.) : carte, couv. ill. ; 21 cm.

Bibliogr. p.195-201. Notes bibliogr. - DLE-20081106-59677. - 306.446 09441 (22) . - ISBN 978-2-917681-00-8

Notes et références

  1. Articles CET OBSCUR SENTIMENT QU'EST LA HONTE, André Polard
  2. Confirmation de l'absence d'une telle affiche par M. Michel Sohier, président de l'association gérant le musée, le 20 mai 2008.[réf. nécessaire]
  3. Message de confirmation adressé par les responsables du Musée de l'École Rurale de Trégarvan au webmestre du site L'Idée Bretonne qui présentait cette affiche: Vous présentez sur votre site un document - « Aux élèves des écoles » - sur lequel figure en 1°) l'interdiction « de parler breton et de cracher à terre ». Le musée de Trégarvan ne conserve pas ce document qui, à notre connaissance, n'a jamais existé autrement qu'avec la seule mention de : 1°) « de cracher à terre ». Aussi voulez-vous faire le nécessaire afin de supprimer cette erreur, qui n'enlève rien au poids de la répression de l'usage de la langue bretonne à l'école comme en ont avéré les faits. L'emploi du conditionnel (« serait conservée »), la teneur du présent message et l'infirmation liée vous permettront aisément de rétablir la justesse du propos dans les meilleurs délais.[réf. nécessaire]
  4. Publiée dans le "Bulletin de la Société archéologique du Finistère". Tome CXXX, daté 2001.
  5. Francis Favereau et Hervé Le Bihan (dir.), "Littératures de Bretagne. Mélanges offerts à Yann-Ber Piriou", Collection : Hors coll. (langues et civilisations), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, 380 pages (ISBN : 2-7535-0209-9).
  6. Fañch Broudig, La Pratique du breton de l’Ancien Régime à nos jours
  7. Fañch Broudig, La Pratique du breton de l’Ancien Régime à nos jours
  8. Françoise Morvan, dans son livre Le Monde comme si, donne son point de vue sur le symbole et l'interdiction du breton à l'école :
    • …et cette manière de faire croire que le breton était interdit parce que la langue de l’école était le français… ” (Le Monde comme si, p 328)
    • Aurait-il fallu que l’école soit faite en deux langues ? On se dit que oui. Seulement ça ne s’est pas fait.
    • “ ”
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