- Succession hiérarchique
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Succession apostolique
La succession apostolique désigne la transmission, par les apôtres, à des successeurs, de l’autorité et des pouvoirs reçus de Jésus de Nazareth. De ce fait, ces successeurs s'estiment seuls habilités à enseigner et à gouverner leurs églises particulières. La succession apostolique se transmet au moyen des consécrations épiscopales dont certains canons définissent la validité. Ce concept ecclésiologique joue dans la non-reconnaissance par certaines Églises des ministres d'autres confessions chrétiennes ou de leur autorité.
On peut analyser la succession apostolique sous l'angle historique ou sous l'angle écclésiologique.
Sommaire
Le sens historique
Il se réfère à l'Église primitive, fondée par Jésus et ses apôtres, dont la structure hiérarchique constituée d'épiscopes, presbytres, diacres préfigurait la structure actuelle des églises épiscopaliennes. Cette structure est attestée dès la fin du 1er siècle dans certaines épitres d'Ignace d'Antioche.
La structure, « institution », se met en place comme fait de résistance et est particulièrement remarquable à Alexandrie où le métropolite Pierre se réfugie au désert [1]pour organiser la résistance de l'extérieur tandis que l'évêque Mélèce organise la résistance de l'intérieur avec formations théologiques pour tous.
Les chrétiens d'Alexandrie décerneront le titre de pape (à savoir père) à Pierre d'Alexandrie et c'est la première fois que le titre est attesté. Les relations entre Pierre et Mélèce se dégraderont fortement une fois la paix civile revenue. [2]
Le mot grec ἐκκλησία (ekklesia, du verbe ἐκκαλέω ekkaleô, convoquer, rassembler) ne prend le sens de « bâtiment » ou métaphoriquement d'« institution » qu'à partir du IIIe siècle.[3] Auparavant, il s'agit d'une assemblée réunie dans le but de prendre une décision qui sera ultérieurement appliquée comme c'est le cas dans l'Ecclésia, l'assemblée « nationale » de l'Athènes classique.
Le mythe de l'Église primitive prend corps avec Luther qui fonde sa Réforme sur l'idée de « retrouver la pureté de l'Église primitive et son organisation naturelle » au vu de l'organisation préconisée par Paul de Tarse. Luther n'avait pas idée de la recherche historique contemporaine. Son idée fut universellement adoptée et utilisée à toutes les fins possibles. [4]
Sont dites « épiscopaliennes » les Églises qui adoptent une structure hiérarchique :
- Communion anglicane, dont les Églises épiscopaliennes qui sont les Églises anglicanes hors du Royaume-Uni,
- Patriarcats orthodoxes,
- Églises luthériennes (mâtinées de presbytérianisme puisqu'elles usent aussi d'élection), dont l'Église évangélique luthérienne de France
- Église catholique romaine,
- Église vieille-catholique de l'Union d'Utrecht (Schisme de 1870).
Le sens ecclésiologique
Il apparaît dans l'acception qu'en retiennent toutes les Églises d'avant la Réforme, et les Églises dites épiscopales (Anglicans, Vieux-Catholiques, Luthériens). La succession apostolique est conférée à un évêque lors de son ordination par trois évêques régulièrement ordonnés (i.e. eux-mêmes par trois évêques régulièrement ordonnés). Il ne s'agit plus d'un dépôt de « foi » qui se transmettrait mais de la transmission d'une chaîne d'allégeance,[5] en l'espèce par l'intermédiaire d'une cérémonie publique, devenue sacrement dans certaines d'entre elles, celui de l'Ordre.
L'ordination, telle que préconisée ci-dessus, fait référence partiellement à un canon du Ier concile de Nicée qui prévoit que les évêques peuvent être élus par trois évêques seulement (au lieu de l'assemblée régionale des évêques) s'ils peuvent attester avoir l'assentiment de la majorité des autres. Cette disposition avait été prise du fait de l'élection irrégulière d'Athanase d'Alexandrie (celui de la Trinité) qui avait été élu par une assemblée secrète, en cela qu'il avait omis de convoquer ses opposants tant il convoitait ce poste, dans une démarche anti-mélécienne. À l'heure actuelle, aucun évêque ordonnant ne peut attester d'avoir l'assentiment de tous les autres si l'on considère l'ensemble des Églises adoptant cette structure hiérarchique et plus personne ne parle d'élections.
De plus, le concept de succession apostolique n'est invoqué par l'Église catholique que dans une seule situation [6].
Il s'agit alors de revendiquer un héritage que les autres Églises ne possèderaient pas. Ce fut le cas :
- lors de l'assemblée luthéro-catholique de Gratz en 1998, réunion de catholiques et de luthériens venus célébrer là la signature de l'accord luthéro-catholique sur la justification.
- dans la dernière encyclique sur l'eucharistie. Celle-ci récuse l'intercommunion, y compris avec les orthodoxes (auxquels l'Église catholique reconnaît pourtant la succession apostolique). Ceci revient à dire que seuls les ministres ordonnés par elle-même sont légitimes. Cette encyclique fut publiée trois semaines avant le Kirchentag/Katholiekentag qui avait lieu « ensemble » et de façon œcuménique. Il s'agissait de prévenir les intercommunions « naturelles » dans ce genre de circonstances. En témoigna la condamnation de deux prêtres et théologiens catholiques qui préconisaient ce type d'intercommunion dans ce genre de circonstances.
Actualité et devenir du concept
Les Églises catholiques "indépendantes" ou "parallèles" et les Episcopus Vagantes (Évêques errants, i.e. non-membres du collège romain des évêques) expliquent tous qu'il disposent de ladite succession apostolique. Ils dressent de longues listes d'évêques témoignant qu'elles remontent à l'un ou l'autre des évêques régulièrement ordonnés.
La réponse romaine consiste à dire que le schisme rend illégitime le pouvoir que s'attribuent ces évêques, tout en ne niant pas (dans la plupart des cas) leur qualité sacramentelle d'évêques. On peut citer le cas des prêtres ordonnés par Mgr Lefebvre ou par des évêques qu'il avait consacrés : ceux d'entre eux qui sont par la suite retournés dans le giron de Rome n'ont pas été réordonnés, l'Église catholique reconnaissant ainsi que ceux qui leur avaient donné le sacrement de l'ordre en avaient le pouvoir, à défaut d'en avoir le droit.
En revanche les évêques anglicans ne sont pas considérés comme de vrais évêques aux yeux de l'Église romaine ; la question longtemps en suspens a été tranchée sous Léon XIII (bulle Apostolicæ curæ du 18 septembre 1896). Les évêques luthériens semblent même ne l'avoir jamais été, à l'exception des évêques suédois pour lesquels on reste dans l'incertitude. Il faut dire que certains évêques anglicans, à la suite du mouvement ritualiste, ont eu eux-mêmes des doutes sur leur validité et se sont fait reconsacrer par des évêques vieux-catholiques, recouvrant ainsi la succession apostolique.
D'un point de vue catholique romain, cette question est en effet lourde de conséquences pour les croyants, car un évêque invalide ne peut ordonner valablement des prêtres et les fidèles ne recevront qu'une fausse communion et une fausse absolution en dépit de la doctrine affirmant que le sacrement agit de lui-même, à savoir ex opere operato[7]. Il peut cependant y avoir "suppléance". Du point de vue des autres églises, spécifiquement celles issues de la Réforme, chaque baptisé est prophète, prêtre et roi en sorte que cette supposée succession n'a aucune importance.
On comprend alors pourquoi l'Église catholique romaine reconnaît aux patriarcats orthodoxes la succession apostolique qu'elle dénie à tous les autres. Elle est elle-même issue d'un schisme (Grand schisme de 1054), d'avec les patriarcats orthodoxes. Garantissant la succession apostolique aux orthodoxes, elle leur reconnaît une antériorité à la sienne et par-là, elle garantit la sienne. Pour autant, elle ne reconnaît pas les ministres des patriarcats orthodoxes parce qu'ils ne reconnaissent pas l'autorité du pape (cf. la déclaration Dominus Jesus du cardinal Ratzinger, 6 août 2000). Les Églises orthodoxes ne veulent pas renoncer à la collégialité que leur offre l'autocéphalie. On comprend là que la succession apostolique est plus une chaîne d'allégeance qu'une chaîne de transmission d'un dépôt « de foi » et en cela, un concept plus politique que théologique. L'Église occidentale comme les Églises orientales se considèrent chacune elles-mêmes comme « la seule subsistance de l'Église fondée par Jésus». Historiquement, ceci relève de la fiction malgré la force du symbole asservi dans ce débat, à une lutte d'influences et d'intérêts particulièrement évidente avec le patriarcat de Moscou et les Églises grecques.
Dans les autres Églises
On constate un fort mouvement d'accords œcuméniques. Ce fut le cas en 2000 entre les luthériens et les épiscopaliens au Canada et aux États-Unis. Ces accords sont des accords d'intercommunion et conséquemment, de reconnaissance mutuelle des ministres des unes et des autres. Les Églises de la Communion anglicane se reconnaissent à elles-mêmes la succession apostolique et se sont mis en tête d'en reconnaître une aux évêques luthériens.
Si l'on se fonde sur la définition historique de la succession apostolique en reconnaissant, faute d'attestation historique, une valeur fortement symbolique à la chose, il est fort possible de déduire une succession apostolique aux Églises luthériennes germanophones ou d'origine danoise ou suédoise. En effet, le passage à la Réforme fut le fait du Prince selon le principe « cujus regio, ejus religio ». Des évêques qui s'endormirent catholiques romains se réveillèrent au matin luthériens. En ce qui concerne les petites Églises, on peut se demander pourquoi elles recherchent une validation de leur légitimité à exister selon des critères hétéronomes et fixés par l'Église catholique romaine.
La succession apostolique valide est aux Églises institutionnelles ce qu'est le suffrage universel à la république. Une succession apostolique valide légitime l'Église qui en retire sa suprématie. Nonobstant, la validité de certaines successions apostoliques et non des moindres est sujette à caution.
Autres Églises issues de la Réforme
Leur structure n'est pas hiérarchiquement basée sur une succession historique de pasteurs ou évêques mais souvent sur le gouvernement collégial des Anciens de l'Église locale (congrégationalisme) et sur des assemblées qui dirigent leurs unions (synodes). Dans ces cas, on parle de système presbytérien synodal. Pour elles, le caractère apostolique de l'Église s'évalue à la fidélité de la prédication à l'enseignement des apôtres (la Bible).
D'autres se réfèrent d'abord à un passage du livre des Nombres : Eldad et Meldad prophétisent alors qu'ils n'ont été investis par aucune autorité et continuent de prophétiser quand ceux expressément désignés pour ce faire se sont tus. L'application de ce texte à l'organisation des Églises n'est généralement faite qu'en cas de crise ou de scission (comme le fut la Réforme), ou bien dans le cadre d'une assemblée de type charismatique ou pentecôtiste.
Notes et références
- ↑ R.E. Rubenstein, le jour où Jésus devint Dieu, Bayard, 2000
- ↑ Richard E. Rubenstein, op.cit.
- ↑ Bailly
- ↑ R.Jallifier et H . Vast,, Histoire Des Temps Modernes Et Contemporains - - Garnier 1908
- ↑ Cf. la transmission dans le bouddhisme Soto, les chaînes exégétiques dans l'Islam sunnite, possiblement reprises de Procope de Gaza (pour ce dernier, voir Norelli et Pouderon, histoire de la littérature grecque chrétienne, CERF, 2008)
- ↑ Corpus d'encycliques publié sur Vatican.va, en particulier, Mortalium Animos, (1928) et déclaration Dominus Jesus (2000)
- ↑ comme le montrent les décrets à propos des lapsi, lors de l'hérésie donatiste
Voir aussi
- Liste des papes
- Transmission, Sôtô-shu, évêque
- Catholicisme, Réforme
- Évêque errant
Bibliographie
- Richard E. Rubenstein, Le jour où Jésus devint Dieu, Bayard, 2000
Liens externes
Sources
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