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Bien-être animal
Le bien-être animal est une notion associée au point de vue selon lequel toute souffrance animale inutile devrait être évitée. Ce point de vue concerne les "animaux domestiques", qu'ils soient exploités comme source de nourriture, comme force de travail, comme supports de recherche biologique ou encore comme animaux de compagnie.
Contrairement aux partisans des droits des animaux, les défenseurs du bien-être animal préfèrent mettre l'accent sur la moralité de l'action (ou inaction) de l'humain vis-à-vis de l'animal et non sur le statut, philosophique ou juridique, de ce dernier. Pour cette raison, les organisations de défense du bien-être animal utilisent parfois le mot humain dans leur nom ou dans l'affirmation de leur point de vue.
Sommaire
Histoire de la prise en compte du bien-être animal
La prise en compte systématique du bien-être des animaux non-humains est probablement apparue pour la première fois sous la forme d'un système idéologique dans la civilisation de la vallée de l'Indus à travers la croyance en une réincarnation des ancêtres sous forme animale, croyance dont il découle que les animaux doivent être traités avec le respect dû aux humains. Cette croyance est de nos jours illustrée par le jaïnisme et d'autres religions dharmiques. Le philosophe Arthur Schopenhauer constate cet état d'esprit et critique celle de la Bible qui ne considère l'animal, d'après lui, que comme un simple objet[1]. D'autres religions, notamment les religions abrahamiques, considèrent l'animal comme objet de propriété, car dénué d'âme, mais définissent néanmoins des règles encadrant leur entretien et leur abattage, basées essentiellement sur des préoccupations d'ordre sanitaire pour les humains.
De même que concernant la notion de droits des animaux, c'est au Royaume-Uni qu'émergent les premiers questionnements, politiques et actions non-religieux en faveur du bien-être animal. La révolution industrielle, précoce dans ce pays, y a en effet pour la première fois écarté l'élevage de l'expérience populaire des animaux, ouvrant ainsi une brèche pour une empathie populaire envers les animaux.
Au Royaume-Uni
Dès le début en 1822, lorsque le député Richard Martin fit passer au parlement britannique une loi protégeant bovins, ovins et chevaux de la cruauté (s'attachant ainsi le surnom de Humanity Dick), la défense du bien-être animal a pris pour point d'attaque central la moralité et le comportement humains. Martin fut l'un des fondateurs de la Société de prévention de la cruauté envers les animaux ou SPCA, en 1824. En 1840, la reine Victoria donna sa bénédiction à cette société, la rebaptisant RSPCA ( the Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals), sigle sous lequel elle est actuellement connue des britanniques. À l'aide de dons de ses membres la société employa un réseau croissant d'inspecteurs ayant pour mission d'identifier les maltraiteurs, de rassembler des preuves et de les transmettre aux autorités.
Jusqu'à ce jour, les défenseurs du bien-être animal intègrent souvent à leurs arguments le fait que la cruauté envers les animaux est un indice fiable d'autres faiblesses morales de l'agent cruel et donc un facteur de risque justifiant une intervention.
En Belgique
La loi du 22 mars mars 1929 punit les actes de cruauté envers les animaux. Pour la première fois dans une législation moderne, l'animal y est perçu comme devant être protégé pour lui-même[2].
En France
Au XIXe siècle, le débat sur le bien-être animal est bien présent, avec des groupes comme la « Ligue antivivisectionniste française » dont Victor Hugo devint président. Celui-ci fut d'ailleurs un des principaux promoteurs de la première loi de protection des animaux domestiques prévoyant des conséquences sur le plan pénal. Jacques Delmas de Grammont était député de la Loire et président de la SPA française.
« Seront punis d'une amende de 5 à 15 F et pourront l'être d'un à 5 jours de prison ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques.La peine de la prison sera toujours applicable en cas de récidive. L'article 483 du Code pénal sera toujours
applicable. »— Loi Grammont, 2 juillet 1850
En Allemagne nazie
Selon le philosophe français Luc Ferry, l'Allemagne nazie « promulgua les plus importantes législations qui soient à l'époque touchant la protection de la nature et des animaux »[3]. Loi sur la protection des animaux en 1933, sur la chasse en 1934 et sur la protection de la nature en 1935. La protection de l'animal serait cohérente avec l'inspiration « völkisch et romantique » de l'idéologie nationale-socialiste.
Pour l'historienne Élisabeth Hardouin-Fugier, cette protection de l'animal aurait été cependant essentiellement un outil de propagande pour le régime [4], les conceptions de bien-être animal seraient inconcevables pour les idéologues fascistes.
Le bien-être animal pour raisons gastronomiques
L'idée se répand de plus en plus parmi les grands chefs que la viande d'animaux élevés en parcours libre et bien traités est préférable pour la cuisine. Il ne s'agit pas tant d'une prise en compte éthique de l'animal que du constat que la viande d'un animal bien traité a meilleur goût.
Parmi les principaux cuisiniers prônant une viande de haute qualité, issue d'un élevage long, on peut citer Fergus Henderson[5], Raymond Blanc, Hugh Fearnley-Whittingstall. Ce dernier est connu pour élever et tuer lui-même ses animaux.
Le consommateur occidental contemporain peut désormais choisir entre viande produite en masse ou en libre parcours (entre autres modalités possibles), cette dernière coûtant généralement plusieurs fois le prix de la première.
Les détracteurs de ce mouvement font ce constat et reprochent aux défenseurs d'une viande de haute qualité de tenir leur discours du haut de leur richesse, en oubliant les gens moins privilégiés qui n'ont pas les moyens d'acheter une telle viande.
Il est cependant certainRéf. nécessaire, plus généralement, que la dépense alimentaire d'un ménage moyen actuel est moindre, en proportion, que celle de nos ancêtres. Un autre argument des promoteurs de la viande de haute qualité est que l'on peut toujours choisir les morceaux les moins chers d'une viande bien traitée, qui peuvent être goûteux, quoique peu tendres.
D'autres (des défenseurs d'une viande de haute qualité consommée avec parcimonie, mais aussi des défenseurs du végétarisme) mettent en avant le fait que la profusion actuelle de protéines bon marché est malsaine et que notre régime alimentaire actuel est trop riche en viande.
Le bien-être animal en pratique
Principe de bien-être
Le gouvernement du Royaume-Uni a missionné en 1965 le professeur Roger Brambell pour enquêter sur le bien-être des animaux de l'élevage intensif, en partie pour répondre aux problèmes soulevés dans le livre publié en 1964 par Ruth Harrison, Animal machines. Sur la base du rapport du professeur Roger Brambell, le gouvernement britannique a alors créé en 1967 le Farm Animal Welfare Advisory Committee (Comité consultatif sur le bien-être des animaux de ferme), qui devint le Farm Animal Welfare Council en 1979. Les premières lignes directrices du comité recommandèrent que les animaux aient la possibilité de se retourner, de se nettoyer, de se lever, de se coucher, et d'étendre leurs membres. C'est à partir de celles-ci qu'ont été élaborées depuis les cinq besoins fondamentaux de l'animal :
Les cinq besoins fondamentaux
- Absence de douleur, lésion ou maladie.
- Absence de stress climatique ou physique.
- Absence de faim, de soif ou de malnutrition.
- Absence de peur.
- Possibilité d’exprimer des comportements normaux, propres à chaque espèce.
'Bien-être animal' ou 'droits des animaux'
De nombreux défenseurs, soit du 'bien-être animal', soit de 'droits des animaux', distinguent nettement ces deux philosophies. Pour réclamer des 'droits pour les animaux', il faut partir d'une conception éthique générale basée sur la notion de droits. Pour réclamer un plus grand 'bien-être animal', un point de vue conséquentialiste suffit.
La plupart des défenseurs du bien-être animal jugent que le point de vue 'droits des animaux' va trop loin. Ils ne réclament généralement pas l'élimination complète de toute utilisation des animaux, notamment comme animaux de compagnies. Ils défendent souvent l'idée que les humains ont la responsabilité morale de ne pas être la cause de cruauté (définie comme souffrance inutile) à l'égard des animaux.
Le clivage entre conséquentialistes et défenseurs de 'droits' interfère avec un autre clivage : celui entre les abolitionnistes (qui veulent abolir toute forme d'exploitation des animaux, voir véganisme) et les réformistes (qui luttent pour améliorer la condition animale sans remettre en cause l'exploitation proprement dite des animaux). La défense du bien-être animal se confond souvent avec la position réformiste. Aussi certains défenseurs de 'droits des animaux' tels que Gary L. Francione considèrent-ils que le point de vue 'bien-être animal' est logiquement incohérent et moralement inadmissible.[6]
Certains groupes de défense de droits des animaux, tels que PETA, choisissent de soutenir les mesures prises en faveur du bien-être animal pour alléger la souffrance animale dans l'immédiat, en attendant le jour où il sera mis fin à toute forme d'exploitation animale.
Des principes visant le bien-être animal sont érigés en lois dans de nombreux pays. Aucun, par contre, ne reconnaît de droit animal.
Autres points de vue
Le moraliste canadien David Sztybel distingue six types de points de vue différents, au sujet du 'bien-être animal' :
- le 'bien-être animal' selon les exploitants d'animaux : la vérification, par ceux qui utilisent des animaux, qu'ils les traitent déjà bien.
- le 'bien-être animal' du point de vue populaire : le souci de la personne lambda d'éviter la cruauté et d'être gentil avec les animaux.
- un 'bien-être animal' responsabilisant : une opposition à la cruauté plus structurée en matière de règles de conduite, mais qui ne rejettent pas la plupart des pratiques de l'exploitation animale ( sauf peut-être l'exploitation d'animaux pour la fourrure ou pour le sport ( chasse, pêche )).
- le point de vue défendant une 'libération animale' : un point de vue qui cherche à minimiser la souffrance mais peut accepter une exploitation animale si elle semble servir le bonheur global, comme, par exemple, l'utilisation d'animaux pour certaines recherches médicales.
- le 'new welfarism', expression introduite par Gary L. Francione pour désigner l'opinion selon laquelle les mesures destinées à améliorer la condition des animaux utilisés par les humains conduira finalement à l'abolition de l'exploitation animale.
- des points de vue qui ne font pas de distinction entre 'bien-être animal' et 'droits animaux'.
Critiques de la notion de 'bien-être animal' ou de sa défense
Jadis, beaucoup de gens pensaient que les animaux ne pouvaient rien ressentir et qu'ils n'avaient donc pas d'intérêt. De nombreux cartésiens semblent avoir été de cet avis, bien que selon Cottingham, Descartes lui-même ne défendait pas un tel point de vue. Ce type de point de vue a pu être tenu également par certains comportementalistes, bien qu'il y ait une faille logique dans le passage de 'il n'y a aucune preuve scientifique que ces rats dans mon laboratoire, souffrent' à 'ces rats dans mon laboratoire, ne souffrent pas'. De plus le point de vue comportementaliste sur ce qui constitue une preuve scientifique rend impossible l'examen de problèmes concernant la souffrance.
D'autres jugent que l'on donne une importance trop grande au bien-être animal, alors même que le bien-être humain ou les droits humains fondamentaux ne sont toujours pas satisfaits pour beaucoup d'humains. Ils citent l'Afrique et de nombreuses autres parties du monde où la pauvreté et d'autres problèmes sont en progression. Ces critiques exigent parfois des défenseurs des animaux qu'avant de réclamer des droits pour les animaux, ils commencent par améliorer les conditions de vie de leurs congénères humains dont beaucoup vivent dans des conditions comparables à, voire pire que, celles de certains animaux. Cette critique est basée sur la prémisse que la souffrance humaine a une importance plus grande que la souffrance animale, or de nombreux défenseurs du bien-être animal rejettent ce point de vue.
Des critiques plus récents ont utilisé des arguments inspirés de Wittgenstein pour défendre l'idée que certains types de souffrance ou de joie ne sont accessibles qu'aux êtres capables d'utiliser un langage. Ils affirment que seuls les humains, les bonobos et les chimpanzés ont cette capacité linguistique. Mais logiquement le fait que les humains puissent ressentir certaines souffrances particulières ne signifie pas que les autres types de souffrance ne doivent pas êtres supprimées.
Notes et références
- ↑ Arthur Schopenhauer, paralipomena, paragraphe 177
- ↑ Le Croix Bleue, association de protection animal[1] et Luc Ferry, détracteur du bien-être animal, Le Point, 6 avril 2001
- ↑ Luc Ferry, Le Point, 6 avril 2001
- ↑ La protection législative de l'animal sous le nazisme - Un recyclage français de la propagande nazie (autour des ouvrages de Luc Ferry), Élisabeth Hardoin-Fugier, 151 p.
- ↑ (en) Interview de Fergus Henderson, Simon Tyler, viewlondon.co.uk, 2005
- ↑ Entretien avec le juriste Gary L. Francione sur l’abolitionnisme par opposition aux réformes pour le bien-être animal
Voir aussi
Articles connexes
- Droits des animaux
- Antispécisme
- Élevage
- Euthanasie animale
- Vivisection
- Utilitarisme
- Végétarisme, Végétalisme, Véganisme
- Fourrure
- Liste des conventions internationales relatives à la protection de l'animal
- One Voice, Société protectrice des animaux, Fondation Brigitte-Bardot
Bibliographie
- (en) Susan Armstrong et Richard Botzler, The Animal Ethics Reader, Londres, Routledge, 2003
- (en) Jonathan Balcombe, Pleasurable Kingdom: Animals and the Nature of Feeling Good, Palgrave Macmillan, 2007
- Florence Burgat et R. Dantzer, Les animaux d'élevage ont-ils droit au bien-être ?, INRA, 2001
- (en) John Cottingham, « "A Brute to the Brutes?" Descartes' Treatment of Animals », Philosophy, 53, 1978, pp. 551-559
- Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Éthique animale, PUF, 2008
- (en) Michael Leahy, Against Liberation - Putting Animals in Perspective, Londres, Routledge, 1991
- Jocelyne Porcher, Éleveurs et animaux, réinventer le lien, PUF, 2002 ; Bien-être animal et travail en élevage, INRA, 2004
- Peter Singer, Animal Liberation (1975), Ecco, 2001 ; traduction : La Libération animale, Paris, Grasset, 1993
- Peter Singer, Comment vivre avec les animaux ?, Les Empêcheurs de penser en rond, 2004
- (en) Adrian R. Morrison and al., Methods and Welfare Considerations in Behavioral Research with Animals, National institues of health workshop. Lire le document PDF
- E.D. Olfert et al. Manuel sur le soin et l'utilisation des animaux d'expérimentation. Conseil canadien de protection des animaux. Vol 1, 1993. ISBN: 0-919087-23-X Lire le document pdf en ligne, version html
Liens externes
- (fr) Catégorie Droits des animaux de l’annuaire dmoz
- Conseil canadien de protection des animaux (CCPA) : Liste des lignes directrices
- (fr) Société Protectrice des Animaux
- (fr) Fondation Brigitte Bardot
- (fr) One Voice
- (en) USDA, Animal Welfare Information Center
- (en) Animal Liberation Front
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