Sociologie de la famille

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La sociologie de la famille est une des branches de la sociologie. Son objet d'étude concerne aussi bien les composantes que les évolutions de l'institution qu'est la famille.

La famille constitue une unité élémentaire fondamentale de la vie en société dans le sens où elle permet une large part de la reproduction sociale. Il s'agit souvent du premier groupe dans lequel les individus se socialisent et apprennent à vivre en société. La famille est aussi une unité de base dans le cadre duquel sont réalisées une grande part de ces opérations quotidiennes essentielles des individus que sont leur nourriture, leur repos, leurs loisirs et, enfin, leurs activités sexuelles. Dans les siècles précédents, il s'agissait aussi de l'unité qui permettait l'essentiel des activités de production, qu'elles soient agricole, artisanale ou commerciale. Constater que ce rôle a fortement diminué dans les sociétés modernes montre à quel point la famille est en constante évolution et en interaction permanente avec le mouvement historique.

Sommaire

Comment définir la famille ?

« Essayons d'abord de définir la famille, non pas en intégrant toutes les observations recueillies au sein de différentes sociétés, ni même en nous limitant à la situation qui prédomine dans la nôtre, mais en construisant le modèle que nous avons présent à l'esprit quand nous utilisons le mot « famille ». Il semble que ce terme désigne un groupe social offrant au moins trois caractéristiques :

  1. Il a son origine dans le mariage.
  2. Il comprend mari, femme, et enfants nés de leur union, bien que l'on puisse concevoir la présence d'autres parents agglutinés à ce noyau.
  3. Les membres de la famille sont unis par des liens légaux ; par des droits et obligations de nature économique, religieuse ou autre ; par un réseau précis de droits et interdits sexuels, et un ensemble variable et diversifié de sentiments psychologiques tels que l'amour, l'affection, le respect, la crainte, etc. »

(Claude Lévi-Strauss, Textes de et sur Lévi-Strauss, coll. Idées, Gallimard, 1979.)

De façon plus contemporaine, on peut définir la famille comme l'articulation des liens d'union, de parenté et de germanité. Cette définition de la famille en tant que fonction permet de ne pas préétablir le contenu d'une famille : aujourd'hui une famille ne prend pas nécessairement son origine dans le mariage (union libre), elle peut réunir des gens de même sexe ou des recompositions de famille.

La famille est à la fois un groupement et une institution sociale (au sens de ce qui fonde le lien et des représentations sociales préexistantes)

Article détaillé : Famille.

Quelques précisions de vocabulaire

Une erreur à ne pas commettre est de confondre « ménage » et « famille ». En effet, un ménage n'est pas toujours une famille, car selon l'INSEE, il est constitué de l'ensemble des personnes qui vivent dans le même foyer, même si elles n'ont aucune relation de parenté. Il peut même s'agir d'une personne seule (on parle alors de « personne isolée »). Dans un exemple chiffré, nous avons vu que seuls 70 % des ménages sont des familles, et que les 30 % restants sont composés soit d'un homme seul, soit d'une femme seule. Pour former une famille (au sens étroit), il faut donc non seulement vivre ensemble mais aussi avoir des liens de parenté : on parle alors de « famille nucléaire » ou « groupe domestique »

Si les individus n'ont que des liens de parenté, mais qu'ils ne vivent pas ensemble, on parlera de « famille au sens large », appelée encore « parentèle ». Le terme de famille au sens étroit désigne au contraire un ensemble de personne vivant dans le même foyer et possédant des liens de parenté.

La définition de l'INSEE

L'INSEE est un organisme statistique qui définit la famille - dans un sens comptable étroit - comme la partie d'un ménage composée soit :

  • d'un couple, marié ou non, de personnes de sexes différents ou non, et accompagnés ou non d'enfants, lesquels peuvent être nés d'une précédente union (ce qui forme dans ce dernier cas une famille recomposée);
  • d'un parent seul avec au moins un enfant non marié (c'est une famille monoparentale).

Les multiples dimensions de la parenté : filiation, alliance et germanité

La définition précédente insiste sur une double dimension de la parenté :

  • le lien socialement reconnu (mariage, concubinage - qu'il soit ou non légitimé par un PACS-) qui unit les conjoints est appelé « alliance » ;
  • le lien socialement reconnu (enfants reconnus à la naissance, adoption,...) qui unit un ascendant à ses descendants est appelé « filiation » ;
  • on peut également considérer qu'un troisième type de liens, appelé « germanité», unit frères et sœurs.

L'alliance

Un mariage civil en Allemagne en 2005

Le mariage dans les sociétés traditionnelles

Claude Lévi-Strauss éloigné (1983) , la création d'une nouvelle famille a pour condition absolue l'existence préalable de deux autres familles, prêtes à fournir qui un homme, qui une femme, du mariage desquels naîtra une troisième famille, et ainsi de suite indéfiniment. [...] Une famille ne saurait exister s'il n'y avait d'abord une société : pluralité de familles qui reconnaissent l'existence de liens autres que la consanguinité, et que le procès naturel de la filiation ne peut suivre son cours qu'intégré au procès social de l'alliance ».

Différentes règles organisent l'alliance dans la société traditionnelle. Elles sont variables selon les objectifs que chaque société souhaite atteindre :

  • pour favoriser les échanges sociaux entre groupes, on peut obliger un individu à trouver son conjoint à l'extérieur de son propre groupe social (village, famille, clan, tribu) : c'est la règle d'exogamie.
  • pour renforcer la cohésion sociale d'un groupe, on peut à l'inverse obliger un individu à trouver son conjoint à l'intérieur de son propre groupe social (aristocratie, groupes religieux, castes) : c'est la règle d'endogamie.
  • pour faciliter la transmission d'un patrimoine ou pour le rendre plus important, on peut même recourir aux « mariages arrangés » grâce auquel les parents utilisent l'union de leurs enfants pour atteindre leurs propres objectifs économiques ou sociaux.

Le mariage « n'est pas, n'a jamais été, ne peut être une affaire privée », comme le dit encore Lévi-Strauss ; il était et reste motivé par des préoccupations d'ordre culturel ou économique : chez les Baruyas (société tribale de Nouvelle-Guinée), la richesse est un principe d'échange matrimonial et seul un faible nombre de pays ne connait pas de coutume de dot (dans cet échange de biens entre deux familles, soit l'épouse est dotée par sa famille, soit l'époux est tenu de donner un bien à sa femme ou à son beau-père). Enfin, dans les cas extrêmes, les Nuers du Soudan n'hésitent pas à célébrer des « mariages fantômes ». Lorsque le dernier descendant d'une lignée (la lignée étant l'ensemble de ceux qui descendent d'un même ancêtre) meurt sans avoir d'enfants, il épouse à titre posthume une femme qui va concevoir des enfants avec un géniteur tiers, et ceux-ci seront les enfants du mort.

Les formes de l'union en France contemporaine

Trois formes d'union coexistent aujourd'hui en France : le mariage civil, le concubinage, et le PACS.

Le mariage est la forme d'union la plus codifiée (c'est-à-dire organisée par des règles strictes, encadré par de nombreuses normes). Il doit être célébré par un officier d'état civil, et seul un juge peut prononcer sa rupture par le divorce. Des conditions strictes portant sur l'âge, le sexe, et l'absence de parenté des futurs conjoints sont exigées. En contrepartie, il offre aux mariés de larges droits ainsi qu'une protection réelle du conjoint le plus faible en cas de séparation.

À l'opposé, le concubinage est beaucoup plus souple car il n'est qu'une union de fait reposant sur l'existence d'une vie commune stable et continue. Mais il ne propose aux concubins que peu d'avantages et pose parfois problème en cas de rupture involontaire (mésentente, décès).

Le PACS est donc une situation intermédiaire plus souple que le mariage, mais plus protecteur que le concubinage :

  • le PACS peut être créé par une simple déclaration d'un contrat auprès du tribunal d'instance, et la simple volonté d'un des deux conjoints suffit à y mettre fin. De plus, il est ouvert aux personnes de même sexe, de sorte que certains ont pu y voir une étape vers le « mariage homosexuel » (même si actuellement plus de 75 % des pacsés sont des couples hétérosexuels) ;
  • les « pacsés » bénéficient de droit plus larges que ceux des concubins : imposition commune après un an, héritage moins lourdement taxé, droit au bail immédiat, prise des congés en commun. En contrepartie, les « pacsés » seront solidairement responsables des dettes du couple.

Enfin, il faut remarquer que rien n'est prévu concernant les enfants.

Certains sociologues comme Irène Théry, sont donc assez critiques vis-à-vis du PACS qu'ils qualifient d'union de seconde zone.

« Les couples en union libre avaient obtenu des droits sociaux. Ils ne peuvent espérer en avoir davantage. On dira qu'ils n'ont qu'à se pacser comme on dit maintenant qu'ils n'ont qu'à se marier.

Quant aux homosexuels, qui réclamaient l'égalité, ils se retrouveront avec un lien dont le contenu est strictement matériel, et bien inférieur à celui des couples hétérosexuels lorsqu'ils se marient : peu de protection juridique en cas de rupture et pas de statut d'héritiers. Quand on se marie, on a tout de suite des droits. Quand on se « pacsera », il faudra attendre des années : n'est-il pas humiliant de signer un contrat qui n'ouvre des droits qu'après plusieurs années de probation ? Et qu'elle est la valeur d'un contrat résiliable unilatéralement ? L'infériorité apparaît dans toute sa crudité au moment des successions : les taux et les tranches de la fiscalité sur l'héritage ont été calculées de façon à ne jamais égaler ce dont bénéficient les gens mariés.

Pour résumer : est-ce que cela valait la peine de disqualifier les valeurs de l'union libre, avec ses risques et sa noblesse, pour inventer un contrat d'union de deuxième zone ? »

(Irène Théry, dans l'Express du 11 mars 1999)

L'influence de contraintes sociales fortes

Avec l'endogamie et l'exogamie, nous avons vu que des règles obligatoires pouvaient contraindre le choix du conjoint dans les sociétés traditionnelles. Dans les sociétés modernes, il n'existe officiellement aucun obstacle aux unions ; pourtant, les sociologues constatent que l'environnement familial et social pèse fortement sur le choix des partenaires.

Ainsi, malgré la liberté de choix dont chacun dispose, de multiples influences sociales se conjuguent pour éloigner certains individus les uns des autres alors qu'elles en rapprochent d'autres : en définitive, ceci aboutit à une très nette « homogamie sociale » : les conjoints ont tendance à se ressembler sur le plan social, culturel ou professionnel.

Ce phénomène ne signifie pas que les individus recherchent systématiquement et consciemment un conjoint qui leur ressemble. Selon le sociologue François de Singly, il désigne plutôt un résultat d’ensemble car « en raison des courants d'échanges privilégiés entre certains groupes de l'espace social, et en raison des répulsions qui font que même dans une société en mouvement certaines trajectoires ne se croisent jamais », les semblables (ou du moins ceux qui partagent une même culture de groupe) s'assemblent plus fréquemment.

C'est pourquoi n'importe qui « n’épouse » pas n'importe qui, parce que n’importe qui ne rencontre pas n'importe qui. Les sociologues Michel Bozon et François Héran ont remarqué que les membres des milieux populaires se rencontrent plutôt dans les « lieux publics » (fêtes, foires, bal, rue, café, centre commercial) ; les classes supérieures à capital intellectuel dans les « lieux réservés » dont l'accès est symboliquement ou matériellement contrôlé (association, lieux d'études, boîte, animation culturelle, sport) ; les cadres du privé, patron ou professions libérales dans les « lieux privés » (domicile, près de famille, entre amis). La fréquentation d'un lieu définit donc nos fréquentations...

La filiation

La filiation est la reconnaissance sociale de liens entre individus qui descendent les uns des autres. Mais si toute société reconnaît la filiation, certaines lui accordent plus d'importance que d'autres et toutes ne la définissent pas de la même manière.

En France, trois types de filiation sont reconnus : la filiation légitime (enfants nés de parents mariés ), naturelle (couple non marié ) et adoptive. Dans les sociétés modernes, la mémoire généalogique (en remontant vers nos ancêtres) est relativement courte car elle dépasse rarement les trois générations. Nous lui accordons peu d'importance car la position sociale d'un individu dépend davantage de son métier que de sa parenté.

Au contraire, dans les sociétés traditionnelles, la filiation tient un rôle d'importance. Certaines sociétés peu nombreuses se servent de la filiation pour élargir le choix des partenaires, en excluant une des deux lignées de la parenté. Dans les systèmes matrilinéaires (Trobriandais dans le Pacifique occidental, Indiens Hopi dans l'Arizona), seul le lien mère-enfant est reconnu, et c'est le frère de la mère (l'oncle materne) qui élève les enfants et détient l'autorité sur eux. Le mari n'a qu'un rôle de géniteur, et les enfants de sa sœur n'ont pas de lien de parenté avec les enfants de sa femme : ils pourraient donc se marier entre eux (alors qu'ils seraient cousins dans notre propre société). La filiation est dite patrilinéaire lorsque seuls sont reconnus les parents du côté du pere. Elle est dite indifférenciée quand la parenté est transmise des deux côtés.

Bibliographie

  • Émile Durkheim, « Introduction à la sociologie de la famille » Extrait des Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, 10, 1888, pp. 257 à 281, Lire en ligne ([pdf], 24 pages de 148 KB)
  • Émile Durkheim (1892), « La famille conjugale » Extrait de la Revue philosophique, 90, 1921, pp. 2 à 14 Lire en ligne ([pdf], 14 pages de 124 KB)

Voir aussi

Articles connexes

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