Assassinat de Benazir Bhutto

Assassinat de Benazir Bhutto

33° 36′ 26″ N 73° 03′ 48″ E / 33.6073, 73.0633

Benazir Bhutto en 2004.

L’assassinat de Benazir Bhutto a eu lieu lors d’un attentat le 27 décembre 2007 à Rawalpindi, près d’Islamabad[1]. Benazir Bhutto, ancienne Premier ministre du Pakistan, et alors chef de l'opposition, participait à un meeting de son parti, le Parti du peuple pakistanais. Elle faisait campagne pour les élections législatives de 2008 qui devaient se dérouler le 8 janvier 2008, soit 13 jours plus tard.

L'attentat fait au total 13 morts, et Benazir Bhutto, transférée vers l'hôpital le Rawalpindi General Hospital, décède officiellement à 18 h 16 heure locale, soit 13 h 16 UTC. Elle avait échappé à un attentat similaire le 18 octobre 2007 à Karachi, qui fit lui plus de 100 morts, le jour même de son retour au Pakistan. Partie en exil à Dubaï puis à Londres à partir de 1998, elle était revenue dans son pays suite à un accord avec le président Pervez Musharraf.

La responsabilité de l'attentat et les causes exactes de la mort de Benazir Bhutto sont sujets à polémique. Selon le gouvernement du président Pervez Musharraf, Al-Qaida aurait revendiqué l'attentat, mais les intéressés auraient ensuite démenti. Selon les proches de Bhutto, les services de renseignement pakistanais de l'Inter-Services Intelligence seraient liés à l'attentat, dont le contrôle échappe au gouvernement pakistanais. Dans son rapport d'enquête sur les faits et les circonstances du décès de Benazir Bhutto, l'ONU remet en cause le gouvernement pakistanais de l'époque de ne pas avoir pris les mesures de sécurité que s'imposaient.

Sommaire

Contexte

Après une amnistie accordée par le président Pervez Musharraf, Benazir Bhutto était rentrée à Karachi d’un exil de huit ans à Dubaï et Londres, le 18 octobre 2007 afin de préparer les élections nationales de 2008. Elle venait d'échapper à un attentat-suicide contre son convoi blindé au cours de ce retour. Cet attentat avait provoqué la mort de plus de 130 personnes et blessé environ 450 autres. Parmi les morts on pouvait dénombrer plus de 50 hommes chargés de la sécurité du Parti du peuple pakistanais (PPP), qui avaient créé une chaîne humaine autour du cortège pour le protéger d'éventuels kamikazes. Bhutto fut alors escortée, indemne, hors du lieu de l'explosion[2].

Après ce premier attentat, Bhutto et son mari demandèrent à Pervez Musharraf de pouvoir disposer d'une sécurité renforcée : vitres teintées pour les véhicules, brouilleurs de bombes, garde rapprochée et quatre véhicules de police en protection. Cette demande fut relayée par trois sénateurs américains qui écrivirent à Musharraf. Cette sécurité lui fut finalement accordée après débat entre les partisans du PPP et ceux du gouvernement[3]. Le journal israélien Maariv rapporta que Bhutto avait demandé pour sa protection le soutien de la CIA, de Scotland Yard et du Mossad, quelques semaines avant sa mort. Ces services refusèrent cette requête de peur de froisser les gouvernements pakistanais et indien[4].

L'assassinat

Les faits

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Alors que Benazir Bhutto venait juste de participer à un meeting du Parti du peuple pakistanais (PPP) dans la ville de Rawalpindi une détonation a retenti. Le rapport de police initial déclarait qu’un ou plusieurs assassins avait tirés sur la Toyota Land Cruiser blindée de Benazir Bhutto alors qu’elle était sur le point de quitter le meeting[5]. Un Attentat-suicide déclenchant une bombe suivit[6]. Selon le photographe de Getty Images, John Moore, Bhutto était debout à travers le toit ouvrant de son véhicule pour saluer ses supporters quand les coups de feu ont retenti[7]. The Times of India a diffuse une vidéo amateur montrant un assassin tirant 4 coups de feu sur Bhutto avant la détonation[8]. Les derniers mots de Benazir Bhutto furent « Longue vie à Bhutto »[9].

À la suite de l’incident, Bhutto fut conduite inconsciente au Rawalpindi General Hospital à 17 h 35, heure locale[10] où les docteurs, sous la responsabilité de Mohammad Musaddiq Khan tentèrent de la réanimer en pratiquant une thoracotomie antérolatéral gauche pour un massage cardiaque ouvert[11]. Bien que Farhatullah Babar, le porte parole du PPP, l’avait déclaré hors de danger, Bhutto fut déclarée décédée à 18 h 16, heure locale (13 h 16 UTC)[12].

Interrogations sur les circonstances de sa mort

Les circonstances précises de la mort de Benazir Bhutto n'ont pu être clairement établies, car le mari de la victime, Asif Zardari, a refusé qu'une autopsie soit pratiquée. Selon le gouvernement pakistanais, elle serait décédée des suites d'un traumatisme crânien dû au souffle de l'explosion, ce qui a été confirmé par un rapport de Scotland Yard publié le 8 février 2008[13]. Mais des vidéos amateurs montrent que juste avant celle-ci, un homme portant des lunettes noires a tiré sur l'ancien premier ministre pakistanais, quelques secondes avant l'explosion. « Le fait qu’un tueur armé ait pu s’approcher si près de son véhicule et dégainer ainsi son arme à quelques mètres est très embarrassant », a estimé un analyste politique pakistanais[14].

Selon la version officielle donnée par Pervez Musharraf, la mort de Benazir Bhutto serait due à une « fracture du crâne après un choc contre le toit ouvrant de la voiture ». Dans une interview à CBS diffusée le 5 janvier 2008, il estime qu'elle est responsable de sa mort pour s'être levée hors de la voiture blindée. Sur la question de la protection demandée par Benazir Bhutto, il affirme que le gouvernement a fait tout ce qui était nécessaire : « Elle a reçu plus de sécurité que n'importe qui d'autre ». Une équipe de Scotland Yard a été sollicitée par Pervez Musharraf pour tenter de mettre fin aux polémiques sur cet événement ; les partisans de Benazir Bhutto demandent, quant à eux, une enquête des Nations Unies[15] et a rendu son rapport le 8 février 2008.

Le 11 janvier 2008, Pervez Musharraf se déclare favorable à une exhumation du corps de Benazir Bhutto et à une autopsie afin de déterminer, une fois pour toutes, si elle a été tuée par balle. La famille de Benazir Bhutto a demandé en contrepartie que soit acceptée l'ouverture d'une enquête de l'ONU sur sa mort, enquête pour l'instant refusée par Pervez Musharraf[16].

Réactions

Gouvernement Musharraf

Selon la télévision nationale, Musharraf aurait tenu une réunion du cabinet aussitôt qu’il aurait entendu la nouvelle de l’explosion. Il s’est adressé à la nation en disant « Nous ne nous reposerons que lorsque nous aurons vaincu ce problème et éliminé tous les terroristes. C’est de cette seule façon que la nation pourra aller de l’avant, sinon ce sera le plus gros obstacle sur notre route »[17]. La police pakistanaise a demandé à chacun de rester chez lui, craignant un regain de violence[18].

Mahmud Ali Durrani, l’ambassadeur du Pakistan aux États-Unis a fait référence à l’attentat comme « une tragédie nationale » et a déclaré que « …nous avons perdu un de nos, et j’insisterais, leader libéral, important, très important »[18].

Dans un message télévisé, le président Pervez Musharraf a publiquement condamné l’attentat et a proclamé trois jours de deuil national[19].

Réactions internationales

  • Drapeau du Canada Canada : le Premier ministre canadien a fait la déclaration qui suit : « Nous condamnons cet attentat dans les termes les plus vifs. Il s’agit d’un acte de terreur odieux. Nous espérons que le gouvernement du Pakistan poursuivra les auteurs en justice et que cela ne retardera pas les efforts déployés pour rétablir la pleine démocratie, que le peuple pakistanais attend depuis trop longtemps ».
  • Drapeau des États-Unis États-Unis : un responsable de la Maison Blanche a déclaré que « cet attentat montre qu’il y a toujours des gens au Pakistan qui cherchent à saper la réconciliation et les progrès démocratiques ».
  • Drapeau de France France : Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, a qualifié l’assassinat « d’acte odieux ». Il a également réaffirmé l’attachement de la France à la stabilité du Pakistan et à sa démocratie. Le président Nicolas Sarkozy a envoyé une lettre à Pervez Musharraf[20] d’Égypte où il était en vacances.
  • Drapeau Nations unies : le Conseil de Sécurité a abordé le sujet lors d’un meeting, quelques heures seulement après l’assassinat. Sa décision n’a pas encore été rendue publique.
  • Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni : le Premier ministre Gordon Brown a déclaré : « Benazir Bhutto semble avoir été tuée par des terroristes mais on ne peut laisser les terroristes tuer la démocratie au Pakistan et cette atrocité renforce notre certitude que les terroristes ne gagneront pas ici ou autre part dans le monde. » Brown déclara ensuite que les coupables avaient « peur de la démocratie » et que le gouvernement britannique « travaillerait avec l’ensemble de la communauté pakistanaise en Grande Bretagne et partout ailleurs dans le monde, afin de maintenir un Pakistan pacifique, en sécurité et démocratique. » David Miliband, ministre des Affaires étrangères, déclare quant à lui : « En ciblant Benazir Bhutto, les groupes extrêmistes ont des vues sur l’ensemble du processus démocratique au Pakistan. Ils ne peuvent et ne doivent pas gagner. C’est un temps pour les contraintes mais aussi pour l’unité. » Il se dit également « profondément choqué. »

Responsabilité et enquête

Revendications

Le 28 décembre 2007, le gouvernement pakistanais, par la voix de son porte-parole, a indiqué que l'attentat aurait été revendiqué par Al Qaïda[21], ce que les intéressés ont démenti le lendemain, accusant à leur tour le gouvernement et les services secrets pakistanais d'avoir commandité l'assassinat de Benazir Bhutto[22].

Enquête des autorités pakistanaises

Le 1er mars 2008, la justice pakistanaise inculpe le chef du TTP, Baitullah Mehsud de l'assassinat.

Enquête de L'ONU

Le gouvernement pakistanais issu du Parti du peuple pakistanais a chargé l'ONU de mener une enquête sur « les faits et les circonstances » de l'assassinat. Le rapport transmis au gouvernement le 15 avril 2010 remet en cause la gestion de la sécurité autour de Benazir Bhutto, et déclare notamment que « l'assassinat de Mme Bhutto aurait pu être évité si des mesures de sécurité adéquates avaient été prises ».

Conséquences

Déroulement des élections

L'assassinat de Benazir Bhutto à dix jours du début des élections législatives pakistanaises et la période d'émeutes qui a suivi, ont poussé les partisans du Parti du peuple pakistanais (PPP) de Benazir Bhutto à demander que le scrutin ait lieu à la date prévue. Ils ont désignés le fils de Benazir Bhutto, Bilawal Bhutto Zardari, âgé de 19 ans et étudiant à l'université Oxford, comme nouveau chef du parti. Le mari de Benazir, pressenti pour ce rôle, a préféré se désister au profit de son fils, malgré les souhaits posthumes de Benazir, qui le désignait pour reprendre le flambeau s'il venait à lui arriver quelque chose.

Le parti de Nawaz Sharif, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) a décidé dans un premier temps de boycotter les élections législatives puis s'est rallié aux autres partis pour y participer l'annonce par la commission électorale du report des dates des élections législatives et provinciales du 8 janvier 2008 au 18 février 2008[23].

Violences urbaines

Notes et références

  1. Article d’Aljazeera.net du 27 décembre 2007
  2. (en) Graham Bowley, New York Times, 20 octobre 2007
  3. (en) Article sur CNN.com du 28 décembre 2007
  4. (en) Israel National News, 30 décembre 2007
  5. (en) Can Musharraf Survive?, Newsweek, 2007-12-28. Consulté le 2007-12-28
  6. Bhutto killed in suicide attack, Al Jazeera, 2007-12-27. Consulté le 2007-12-27
  7. The Assassination of Benazir Bhutto, NYTimes, Photography by John Moore, Audio Interview of John Moore by Patrick Witty, 27 décembre, 2-2007
  8. Visuals of attack on Benazir
  9. 'Long live Bhutto' were Benazir's last words: adviser, Agence France-Presse, 2007-12-30. Consulté le 2007-12-30
  10. Resuscitation bid failed, Dawn, 2007-12-28. Consulté le 2007-12-28
  11. Pak govt reveals how Benazir was killed, IBNlive.com, 2007-12-28. Consulté le 2007-12-28
  12. Benazir Bhutto killed in attack, BBC, 2007-12-27. Consulté le 2007-12-27
  13. n:Le décès de Benazhir Bhutto est dû au souffle de la bombe
  14. Dont les propos ont été rapportés par Célia Mercier, in « La polémique enfle sur les circonstances de la mort de « B.B. » », Libération, 3 janvier 2008
  15. Libération, 7 janvier 2008
  16. AFP: Pakistan: Musharraf souhaite l'exhumation du corps de Benazir Bhutto
  17. Reactions to Bhutto assassination, BBC, 2007-12-27. Consulté le 2007-12-27
  18. a et b (en) Bhutto's death heightens democracy concerns, CNN, 2007-12-28. Consulté le 2007-12-27
  19. 'Musharraf Condemns Bhutto's Killing, Announces 3-Day Mourning, Bloomberg.com, 2007-12-27. Consulté le 2007-12-27
  20. « La communauté internationale n'a pas de mots assez durs pour condamner l'attentat » sur lemonde.fr, 27 décembre 2007
  21. « Une foule immense enterre Benazir Bhutto », Yahoo, 28 décembre 2007
  22. « Al-Qaïda au Pakistan dément avoir fait tuer Benazir Bhutto », Libération, 29 décembre 2007
  23. Pakistan: le parti de Benazir Bhutto participera aux législatives

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Assassinat de Benazir Bhutto de Wikipédia en français (auteurs)

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