Responsabilité pénale en droit français

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Responsabilité pénale en France

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La responsabilité pénale est l'obligation de répondre des infractions commises et de subir la peine prévue par le texte qui les réprime[1].

Dans une démocratie, les citoyens ont des droits mais aussi des devoirs ; la liberté s'accompagne de la responsabilité.

À la différence de la responsabilité civile (qui est l'obligation de répondre du dommage que lon a causé en le réparant en nature ou par équivalent, par le versement de dommages-intérêts), la responsabilité pénale implique un recours par l'État contre un trouble à l'ordre public.

Cela englobe trois grand aspects :

  • La participation à une infraction
  • Les différentes formes que peut prendre cette responsabilité
  • Les cas d'exclusion de cette responsabilité

Sommaire

La participation

L'auteur et le coauteur

  • L'auteur matériel de l'infraction est celui qui commet matériellement les actes d'exécution de l'infraction. Ainsi dans le cas d'un meurtre ce sera celui qui donnera le coup mortel. Pour les infractions par omission ce sera celui qui ne bougera pas alors qu'il avait la possibilité de sauver quelqu'un. Sous l'Ancien Régime une responsabilité collective était prévue. Celle-ci a disparu dans les codes, bien que la jurisprudence utilise encore la faute commune, mais c'est surtout dans le cas d'association de malfaiteur (prévu par l'article 450-1[2] du code pénal) que cette notion est très vivace. En effet, en cas d'association de malfaiteurs, tous les participants au groupement sont considérés comme auteur principal de l'infraction.
  • Le coauteur est celui qui participe à l'action matériellement au côté de l'auteur principal, il encourt les peines prévues pour la même infraction et ceci même si l'auteur principal est finalement déclaré irresponsable, dans un cas de démence par exemple. Le coauteur peut malgré tout bénéficier de circonstances atténuantes, par exemple s'il est mineur ou aggravante par exemple en cas de récidive. Il ne faut pas confondre cette notion avec celle de complice, qui serait par exemple celui qui a fourni l'arme au tueur.
  • L'auteur moral est celui qui agit en coulisse pour faire commettre l'infraction, par exemple celui qui payerait pour faire tuer une autre personne ou pour faire dérober un objet. Il est aussi appelé parfois l'auteur intellectuel. Le droit français ne connait pas vraiment cette notion et la condamnation se fait au titre de la complicité. C'est ce qu'on appelle la complicité par provocation ou par instructions. Lors du passage du code pénal impérial au nouveau code pénal, la commission de réforme du code pénal avait réfléchi a la possibilité d'instaurer une responsabilité pénale autonome pour les auteurs intellectuels mais cette possibilité fut vite abandonnée face à la difficulté de préserver en même temps les libertés et & la difficulté de mise en œuvre d'une telle modification du code. Il est cependant certains cas l'auteur moral peut être poursuivi pour le délit lui-même, par exemple la provocation au suicide ou a la mendicité (le suicide et la mendicité eux-mêmes n'étant plus des délits). La loi dite « Perben 2 » de mars 2004 a créé une infraction spécifique d'instigation au crime, sanctionnant l'auteur moral de certains crimes, même lorsque l'instigation n'a pas été suivie d'effet.

La tentative

Le Code pénal déclare que l'auteur n'est pas seulement celui qui commet les faits incriminés, mais aussi celui qui, dans les cas prévus par la loi, tente de les commettre.

« La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement dexécution, elle na été suspendue ou na manqué son effet quen raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. »

— Code pénal français, article 121-5[3]

« Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

— Code pénal français, article 121-7[4]

Larticle 121-4[5] du Code pénal précise que la tentative de crime est punissable, la tentative de délit nétant punissable que lorsquun texte spécial le prévoit. Elle n'est jamais punissable en matière de contravention. Lauteur dune tentative est considéré comme auteur de linfraction[6], il encoure les mêmes peines que si linfraction était consommée.

Élément matériel

Le commencement d'exécution

La tentative doit être manifestée par un commencement dexécution de linfraction. Lagent ne se trouve plus au stade des actes préparatoires, mais na pas encore abouti entièrement à linfraction principale. Le commencement dexécution est défini par la jurisprudence comme le ou les actes « tendant directement et immédiatement à la consommation de linfraction ».

Exemple : arrêt Lacour, crim. 25 octobre 1962 : M. Lacour paye un individu pour le meurtre du fils adoptif de sa maîtresse. Le tueur à gages simule un enlèvement du fils adoptif, obtient son salaire avant de dénoncer M. Lacour à la police. Lacour est poursuivi notamment pour tentative de meurtre. Il est acquitté au motif que ses agissements ne tendent pas directement et immédiatement à la mort de la victime. Il sagit en réalité dune tentative non pas de meurtre mais de complicité de meurtre : quoi quil arrive, Lacour naurait jamais été meurtrier, seulement complice. Faute dactes tendant immédiatement et directement à la consommation de linfraction, il ny a pas de tentative punissable (le comportement de M. Lacour pouvant cependant être sanctionné sous d'autres qualifications).

La tentative descroquerie à lassurance a donné lieu à une jurisprudence importante : la simple simulation de sinistre nest quun acte préparatoire non punissable, car elle ne tend pas immédiatement et directement à la remise des sommes par lassurance. Par contre, la demande adressée à lassurance suite à une fausse déclaration aux services de police est constitutive de commencement dexécution. La fausse déclaration accompagnée de manœuvres frauduleuses, dune mise en scène, a pu également être considérée comme un commencement dexécution.

Labsence de désistement volontaire

La tentative est une infraction manquée contre la volonté de son auteur. Le désistement volontaire, antérieur à la consommation de linfraction, paralyse toute poursuite.

Ce mécanisme peut sexpliquer de différente façon. Lagent qui a volontairement renoncé à son entreprise infractionnelle a révélé quil nétait pas dangereux. La loi encourage le futur délinquant à renoncer à son geste, lui offrant limpunité en récompense. On peut également expliquer le mécanisme par la justification de la répression de la tentative : il sagit de punir lagent dont lintention délictueuse irrévocable na pas abouti à la consommation de linfraction. Lagent qui renonce fait ainsi la preuve que son intention nétait pas irrévocable : il ny a pas de tentative.

Si linfraction a manquée son but en dehors de la volonté de linfracteur (tir raté, passage inopiné dun passant ou des forces de lordre, désistement inopiné dun comparse, intervention de la police), parfois fait de la victime (fuite du kidnappeur en raison des cris de la victime : crim. 26 avril 2000), la tentative est punissable.

Labsence de désistement volontaire ne signifie pas forcément lintervention dune cause extérieure : Crim. 10 janvier 1996 considère établie la tentative de viol qui na pu aboutir à cause dune « panne sexuelle » du criminel.

Le problème peut se poser en ce qui concerne les causes de désistement mixtes ; par exemple, un ami moralisateur dissuade lagent de commettre le cambriolage projeté (crim. 20 mars 1974). Le désistement nest pas forcé par des circonstances extérieures, mais nest pas spontané non plus. Il suffit de se référer à la lettre de larticle 121-5[7] du Code pénal : la tentative est constituée lorsquelle na pas abouti quen raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. Les causes étrangères à la volonté doivent être exclusives, ou du moins déterminantes, pour que la tentative soit punissable.

Le problème de la fuite de lagent par peur, par exemple sil a entendu un bruit, est affaire dappréciation au cas par cas. Il semblerait que la jurisprudence penche généralement pour limpunité lorsque la peur est spontanée.

Le désistement volontaire doit intervenir avant consommation de linfraction pour être exonératoire de responsabilité. Quelques textes spéciaux récompensent toutefois le repentir actif après consommation de linfraction, comme par exemple en matière dassociation de malfaiteurs, mais cela reste une exception puisque le droit pénal ne considère pas le désistement volontaire postérieur (à la commission de l'infraction) comme tel mais comme un remords qui n'a donc aucune valeurjuridique.

Élément moral

Lauteur de la tentative doit avoir eu la volonté de consommer linfraction. Cet élément, qui nappelle pas de remarque particulière, est pourtant essentiel. Cest cette volonté infractionnelle qui justifie la répression de la tentative, en dehors de tout résultat, donc en dehors de tout troubles effectif à lordre public.

Un cas particulier de tentative : l'infraction impossible

On désigne comme infractions impossibles les comportements qui nont pas abouti à la consommation de linfraction en raison non pas dune maladresse ou dun évènement fortuit, mais en raison dune impossibilité objective de commettre linfraction.

Certaines infractions impossibles sont incriminées par le législateur : ainsi, lancien code prévoyait un délit davortement de femme supposée enceinte. On peut rapprocher cette incrimination des dispositions faisant référence à la qualité réelle ou supposée de certaines personnes, notamment en ce qui concerne les discriminations (article 225-1[8] du Code pénal). Il pourrait sembler impossible dêtre coupable dantisémitisme envers une personne non juive, mais le législateur réprime dans ce cas linfraction purement putative, infraction nexistant que dans lesprit de son auteur.

Il reste des hypothèses dinfractions impossibles non prévues par le législateur. La jurisprudence du XIXe siècle avait dabord considéré que, linfraction étant impossible, la répression était pareillement impossible.

Linfraction nayant pas été consommée, le seul terrain de répression envisageable est celui de la tentative.

Le raisonnement conduisant à limpunité sappuie sur la définition même de la tentative : le commencement dexécution étant constitué par des actes tendant directement et immédiatement à la consommation de linfraction, lorsque la consommation est impossible, il ne peut exister dactes y tendant directement et immédiatement. Il nexiste donc pas de tentative punissable. Il nexiste dailleurs pas de trouble à lordre public.

Ce raisonnement, qui a pour lui le principe de légalité et une certaine rationalité, laissait échapper à la répression des agents qui avaient pourtant fait la preuve de leur dangerosité, de lirrévocabilité de leur résolution criminelle.

Face à ce reproche, la jurisprudence a emprunté une voie médiane, sinspirant de propositions doctrinales qui distinguaient notamment entre impossibilité absolue et relative. Limpossibilité est absolue lorsque lobjet de linfraction nexiste pas, comme dans le meurtre dun cadavre, ou lorsque les moyens sont intrinsèquement inefficaces, comme dans lempoisonnement par une substance non toxique. Limpossibilité est relative lorsque lobjet existe mais est momentanément insusceptible dêtre atteint (pillage de tronc déglise vide) ou lorsque les moyens employés auraient pu être efficace (coup de feu mal tiré). La doctrine proposait également de distinguer impossibilité de fait (réprimable) et de droit (il manque un élément constitutif de linfraction, non réprimable).

Aucun de ces critères ne savèrent satisfaisant intellectuellement ni juridiquement.

La Cour de cassation a finalement opté pour la répression systématique des infractions impossibles dans son arrêt « Perdereau » du 16 janvier 1986.

Il sagissait en lespèce dune tentative de meurtre opérée sur un cadavre.

La Cour de cassation souligne que le décès préalable de la victime est une circonstance indépendante de la volonté de lauteur, qui sanalyse comme une absence de désistement volontaire ayant conduit à léchec de linfraction projetée.

Elle ajoute que les violences exercées contre le cadavre constituent un commencement dexécution du meurtre. Cet attendu ne correspond pas à la définition classique du commencement dexécution. En aucun cas des coups portés à un cadavre ne peuvent conduire directement et immédiatement, ni même indirectement ou à long terme, à la mort dune personne humaine.

Il sagit dune infraction putative, qui nexiste que dans lesprit de son auteur, mais qui est réprimée parce que les coups avaient pour objet de réaliser linfraction.

On constate que le commencement dexécution nest pas lélément principal de la tentative ; il sagirait plutôt dun moyen de prouver lintention irrévocable.

Depuis cet arrêt se pose la question de la survie de solutions classiques sur les infractions imaginaires : le détournement de mineur commis sur une personne majeure est-il une tentative de détournement de mineur ? Lassassinat commis par le moyen de sortilèges ou denvoûtements est-il une tentative dassassinat ? Le vol dun bien dont on est en réalité propriétaire est-il une tentative de vol ?

La doctrine exclut la répression de ces hypothèses au motif quelles ne correspondraient à aucune incrimination, contrairement à la tentative dinfraction impossible. On perçoit cependant mal la différence avec le cas du meurtre de cadavre.

Le danger est de tomber dans la répression de la simple volonté infractionnelle, ce qui revient à un délit dopinion.

Le complice

La complicité peut être définie comme une entente temporaire, momentanée entre des individus qui vont commettre ou tenter de commettre une ou plusieurs infractions. Plus simplement le complice est celui qui a participé à l'acte sans prendre part aux éléments constitutifs de l'infraction. Comme pour l'infraction la complicité répond a des éléments matériels et moraux ainsi qu'a un élément légal:

Élément matériel

Le législateur a défini précisément et de façon limitative les comportements pouvant être incriminés au titre de la complicité:

  • L'aide ou l'assistance: C'est l'aide apportée a la préparation ou a la commission de l'infraction, cela va de faire le guet à fournir des tampons pour des faux documents ou prêter une voiture.
  • La provocation ou l'instigation: C'est un comportement poussant l'auteur de l'infraction a la commettre, en utilisant des moyens prévu par le législateur ; ainsi toutes les formes d'incitation ne sont pas condamnables. Ne sont punissable que les incitations faites aux moyens :
    • du don ;
    • de la menace ;
    • de la promesse ;
    • de l'ordre ;
    • de l'abus d'autorité ou de pouvoir.
De plus quelle que soit la méthode utilisée il faut qu'elle soit suffisamment suggestive, individuelle et directe. Le simple conseil ou la simple suggestion ne saurait donc être condamnés. Par ailleurs cette incitation doit être suivie d'effet, si le meurtre est commis deux ans après et pour d'autres raisons cette incitation ne pourrait non plus être condamnée.
  • les instructions: ce sont des informations données pour faciliter ou permettre la réalisation de l'infraction, ainsi confier le plan d'une banque a un futur braqueur. Il faut pour qu'il y ait complicité pouvoir établir la causalité.

Le législateur a aussi défini un certain nombre de cas ou la complicité n'était pas punissable:

  • Le concours passif: Par principe l'abstention n'est jamais punissable, et ceci fait l'objet d'une jurisprudence relativement constante. Dans certain cas cependant, le juge a décidé que l'inaction pouvait être punissable en particulier quand la personne a un rôle protecteur vis a vis de l'auteur, par exemple les parents, ainsi que des personnes dont c'est le métier, policiers ou, gardien... Ainsi en 1989, une mère dominatrice a été condamné pour avoir laissé son arme a la disposition de son fils qui s'en servit pour tuer son père. La doctrine pense que le complice « par abstention » est punissable s'il avait connaissance de l'infraction, les moyens de s'y opposer et qu'il s'en est abstenu pour que l'infraction soit consommée.
  • Le concours postérieur: Par principe, les aides apportées après que l'action principale est effectuée ne sont pas condamnables au titre de la complicité mais encore dans certain cas le législateur a prévu des exceptions, incriminant certains comportements : le recel du produit d'une infraction, ou de l'auteur d'un crime, par exemple. La jurisprudence admet que l'aide postérieure soit constitutive de complicité si elle résulte d'un accord antérieur (mais on peut supposer que l'aide est en réalité constituée par l'accord lui-même ; en effet, c'est la promesse faite à l'infracteur de lui porter secours après l'infraction qui l'a décidé à passer à l'action). La Cour de cassation semble également approuver la condamnation de l'aide apportée a posteriori lorsque l'infracteur est un habitué du délit, et que cette aide l'encourage à réitérer son comportement.

Élément moral

L'élément matériel ne pourrait être le seul critère, cela engendrerait un climat de suspicion préjudiciable à la vie en société. C'est pour cela que ne peut être complice qu'une personne qui agit en connaissance de cause. Il faut que le complice soit au courant du but de celui qu'il aide et qu'il adhère à son projet. En outre si le projet qui a été présenté au complice diffère de celui effectivement réalisé, seule sera pris en compte vis a vis du complice le projet qu'il connaissait. Ainsi s'il prête une arme destinée à impressionner et non à tuer, il ne pourra être tenu responsable du meurtre, il faut pour cela aussi que la différence entre le projet et la réalité soit sensible, ainsi si le projet parlait d'un simple vol et qu'en fait c'est un vol avec effraction la sanction prendra en compte le vol avec effraction. Normalement il ne peut y avoir complicité pour une infraction non intentionnelle mais dans certain cas, en particulier les fautes d'imprudence, par exemple en incitant a brûler un feu rouge ou a conduire en état d'ivresse, la complicité peut être retenu.

Élément légal

Le droit pénal contrairement au droit civil, laisse très peu de liberté d'interprétation au juge et le législateur doit prévoir ce à quoi répondait légalement un acte de complicité et notamment la théorie de l'emprunt de criminalité:

  • Le fait principal doit être une infraction, ainsi l'on ne peut être poursuivi pour avoir aidé à la réalisation d'un acte qui n'est pas une infraction. Le cas de provocation au suicide mentionné plus haut est une infraction en soit, quoi que le suicide ne le soit pas.
  • Dans l'ancien code pénal il fallait que l'infraction ait une certaine gravité (au moins un délit) mais dans le nouveau des complicités peuvent être définies pour des contraventions.
  • Le fait principal doit avoir été commis : ainsi un complice qui irait jusqu'à tout organiser mais dont l'auteur principal ne commencerait pas l'exécution ne pourrait être poursuivi. Il faut qu'au moins l'infraction ait été tentée. Si un fait peut justifier l'infraction, la légitime défense par exemple, l'infraction disparaît et par conséquent la complicité aussi. En cas d'immunité, vol entre époux, le complice ne peut être poursuivi, sauf si le juge arrive à faire du complice un coauteur auquel cas celui-ci est toujours sous l'emprise de poursuite.

En procédure, le délai de prescription court à partir du même jour que pour l'auteur principal, le retrait de plainte par une victime met fin aux poursuites contre le complice aussi. Une amnistie réelle de l'infraction bénéficie aussi au complice.

Une autre question est de savoir si la complicité de complicité est condamnable, les textes ne précisent rien la dessus et la jurisprudence est plutôt sévère. Celle-ci condamne généralement la complicité jusqu'au troisième degré.

En outre, s'il faut que l'infraction soit punissable pour que la complicité le soit, il ne faut pas nécessairement que l'infraction soit punie. La condamnation du complice n'est pas liée à la sanction de l'auteur principal. Ainsi si l'auteur principal n'est pas poursuivi pour cause de démence le complice sera toujours lui passible de poursuite, de même si l'auteur principal est mort entre temps ou s'il n'a pu être arrêté.

Sanction encourue

Le principe est que le complice encourt les mêmes peines que l'auteur principal. L'ancien code pénal prévoyait qu'il soit condamné comme celui-ci. Dans le nouveau, il est prévu condamnable comme un auteur, donc comme s'il avait agi en tant qu'auteur mais pas forcément la même peine que l'auteur réel. De plus il faut qu'il ait pu commettre l'infraction pour qu'il puisse être condamné comme un auteur, ainsi une infraction ne pouvant être commise que par un dépositaire de la force publique alors que le complice n'est qu'un simple particulier. De plus désormais les circonstances personnelles pouvant jouer en la faveur ou la défaveur de l'auteur principal ne jouent plus pour le complice alors que les circonstances réelles de l'acte (effraction, port d'arme, provocation...) qui pourraient jouer en la défaveur ou la faveur de l'auteur jouent pour le complice. Les circonstances mixtes (personnelles et réelles) ne doivent normalement plus s'appliquer au complice. Par exemple le complice d'un parricide ne sera puni que comme un meurtrier simple. A contrario le fils complice du meurtre de son père encourra une peine pour parricide alors que l'auteur principal sera puni pour un meurtre simple.

Les personnes responsables : le principe de responsabilité du fait personnel

Les personnes physiques sujet de la responsabilité pénale

  • Selon l'article 121-1[9] du NCP: nul n'est responsable pénalement que de son propre fait. Cette règle n'était que jurisprudentielle dans l'ancien code. Il existe une exception, ce sont les actes commis par une personne étant placée sous l'autorité d'une autre. Dans ce cas précis, la personne ayant autorité peut être condamnée pour les actes commis par la personne placée sous son autorité. Ainsi en est-il d'un chef d'entreprise dont un employé provoquerait un accident alors qu'il était en livraison pour l'entreprise. Le chef d'entreprise peut échapper à cette responsabilité en prouvant qu'il y avait une délégation d'autorité antérieure à l'infraction. Auquel cas ce sera le dépositaire de l'autorité qui sera rendu responsable.

Cas du mineur

Article connexe : Justice des mineurs en France.

Normalement la qualité de la personne n'influe pas sur sa responsabilité pénale, sauf dans le cas il est mineur. Cette différenciation se base en partie sur une différence d'appréciation des fautes par l'enfant et par l'adulte. Le mineur bénéficie donc de tribunaux spécifiques, mais la procédure elle aussi connaîtra des différences ainsi que bien sûr les sanctions, qui ne sont pas tout à fait les mêmes.

Historique

Jusqu'en 1912, il n'existait pas de traitement spécifique des mineurs. Il était simplement prévu que dans le cas une peine était prononcée à l'encontre d'un mineur, ce dernier bénéficiait de l'excuse de minorité, qui réduisait normalement de moitié la peine encourue.

La loi du 22 juillet 1912 vient transformer le système avec la mise en place des tribunaux pour enfants, ainsi qu'une présomption absolue d'irresponsabilité pour les mineurs de moins de 13 ans. Sont aussi créées des peines spéciales comme la liberté surveillée, qui permet de placer le mineur dans une institution contrôlée par un délégué à la liberté surveillée et qui permet donc la rééducation.

Vient ensuite l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante, qui, bien que remaniée à de nombreuses reprises, demeure en vigueur aujourd'hui. Dans ce système, c'est la personnalité de l'auteur plus que l'acte lui-même qui rentre en compte.

C'est un système avant tout préventif qui vise plus à éviter la récidive qu'à sanctionner une faute. Malheureusement dans la pratique les mesure répressives sont plus souvent prononcées que les mesures éducatives.

Mise en œuvre de la responsabilité du mineur

En France, le mineur âgé de moins de 13 ans ne peut être condamné à une peine, mais il n'en est pas moins responsable de ses actes. Ainsi, l'article 122-8 du code pénal[10] dispose que "Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables (...)".

Bien que mal rédigé, cet article est sans appel : le mineur doté de discernement est responsable de ses actes. Cependant, la multiplicité des mesures qui lui sont applicables tendent à semer le doute parmi les praticiens du droit et certains ouvrages parlent encore de l'irresponsabilité du mineur délinquant.

Voici schématiquement les catégories de mineurs que l'on peut retrouver au sein de l'ordonnance du 2 février 1945[11] en fonction des mesures qu'elle prévoit à leur encontre :

  • Mineur âgé de moins de 10 ans et sans discernement : irresponsabilité pénale absolue.
  • Mineur âgé de moins de 13 ans et doté de discernement (appréciation souveraine du juge - 8 ans en moyenne: il encourt l'infliction de mesures éducatives[12]. Une distinction doit alors être faite entre les mineurs de 10 ans et les mineurs âgés de 10 à 13 ans qui eux encourent l'infliction de sanctions éducatives[13], mesures controversées puisqu'à la frontière entre peines et mesures éducatives, et dont la sanction de l'irrespect n'est autre que le placement dans une structure relevant des mesures éducatives...
  • Mineur âgé de 13 à 16 ans : en plus des mesures et sanctions éducatives, ils bénéficient d'une cause légale d'atténuation de la responsabilité et n'encourent que la moitié de la peine de droit commun, sans que celle-ci ne puisse dépasser 20 ans de réclusion[14] et 7500d'amende[15].
  • Mineur âgé de 16 à 18 ans : son cas est plus complexe. Bénéficiant toujours de l'excuse de minorité, celle-ci peut être écartée en principe en cas de seconde récidive de certains crimes et délits limitativement énumérés[16].

La responsabilité ès qualités (responsabilité des dirigeants et décideurs)

Le mécanisme de la responsabilité ès qualités

Afin dassurer le respect de certaines prescriptions légales ou réglementaires, le législateur a pris lhabitude, au cours du XXe siècle, de les assortir de sanctions pénales.

Il sagit en général dinfractions-obstacles, cest-à-dire dincriminations destinées à prévenir la survenance de dommages importants, par exemple en matière dhygiène et de sécurité au travail, denvironnement, de marchés publics, de libertés syndicales

Pour quune infraction puisse être qualifiée de préventive, elle doit incriminer non pas un comportement dommageable mais plutôt lomission dun comportement requis par la loi.

Comment imputer une infraction domission à une personne, dans le respect du principe de responsabilité personnelle ? Comment déterminer la personne qui na pas obéit aux prescriptions légales ?

Ce délinquant par omission sera, en toute logique, celui auquel la réglementation avait enjoint dagir : seul celui sur qui pèse une obligation de faire peut se voir reprocher de navoir pas agi.

Certaines des obligations légales dagir pèsent, individuellement, sur chaque citoyen : infraction de non assistance à personne en péril, homicides et blessures par imprudence

Dautres ont pour trait spécifique de ne pouvoir être commises que dans un cadre collectif : réglementation de certaines activités économiques, du travail salarié, des espaces ouverts au public

Cest alors au dirigeant de la collectivité intéressée que sadresse linjonction légale : président de S.A., maire de commune, président de conseil général, gérant de sociétéCest au dirigeant dutiliser ses pouvoirs afin de veiller au respect de la réglementation en vigueur, soit en obéissant aux obligations légales, soit en veillant à leur respect par ses subalternes.

En cas dirrespect de la réglementation relative à lactivité de ces groupements, cest naturellement le dirigeant, le décideur qui a décidé de ne pas respecter la loi, ou qui ne la pas fait respecter, qui encourra une sanction pénale.

Certains textes visent spécifiquement le dirigeant : ainsi, la responsabilité pénale pour avoir laissé des mineurs entrer dans une salle de cinéma en violation de la limite dâge prévue pour le film nest encourue que par le dirigeant de fait de la salle de cinéma. Linfraction est pourtant matériellement commise par le caissier ou louvreur.

La responsabilité du dirigeant ès qualités, c'est-à-dire non pas pour ce quil a fait ou non en tant que personne physique, mais pour ce qui lui incombait en tant que dirigeant, est acceptée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation depuis le milieu du XIXe siècle. Elle a expliqué le principe de cette responsabilité « remontant » du préposé qui na pas agi au dirigeant qui aurait lui ordonner dagir, la présentant comme une exception au principe de responsabilité personnelle dans un arrêt du 30 décembre 1892.

Si lélément moral de linfraction appartient sans doute au commettant, puisque le préposé na pas dautonomie, la perception de lélément matériel est plus problématique. Si le dirigeant avait respecté la loi, il aurait ordonné au préposé dagir ou de ne pas agir dune certaine manière ; il naurait pas respecté les prescriptions réglementaires, il les aurait fait respecter par un subalterne. Lorsquelles nont pas été respectées, le dirigeant apparaît non comme auteur matériel de linfraction mais comme un auteur moral, presque un complice. Sagissant souvent dinfractions domission, cependant, la distinction entre lauteur matériel et celui qui avait la simple volonté infractionnelle est ténue.

Cest pourquoi on peut reprocher au dirigeant qui devait respecter et faire respecter la réglementation applicable dy avoir manqué. Si linfraction est apparemment commise par un tiers subalterne, le décideur est bien responsable de ne pas avoir agi.

Cette responsabilité du décideur ne viole pas le principe de la responsabilité du fait personnel. Elle nexonère dailleurs pas le préposé de sa propre responsabilité pénale si lensemble des éléments dune infraction peut lui être imputé.

En outre, le dirigeant est en principe admis à rapporter la preuve de son absence de faute, même si cette preuve sera difficile à rapporter en pratique : le dirigeant est réputer connaître les règlements applicables à son activité, et on lui reproche le plus souvent de ne pas les avoir respectés ni fait respecter

Exemple : le maire est personnellement coupable de favoritisme car il a fixé lordre du jour et présidé la séance du Conseil municipal qui a attribué le marché en violation des prescriptions légales (Crim. 19 novembre 2003).

Lorsque le dirigeant de fait nest pas le dirigeant de droit, la Cour de cassation adopte une solution similaire à celle des juridictions civiles en pareille circonstance : les dirigeants sont coauteurs de linfraction, chacun peut être poursuivi comme sil était le seul dirigeant (Crim. 12 septembre 2000).

Ladministrateur judiciaire dune société, investit des pouvoirs du dirigeant, assume également sa responsabilité ès qualités.

Il est cependant apparu que dans les structures importantes, le dirigeant nétait pas, en pratique, en charge de lensemble des activités. Pire, le dirigeant ne peut matériellement respecter lensemble des obligations qui pèsent sur lui : le chef dentreprise devrait en permanence veiller au respect des consignes de sécurité par les ouvriers, des règles de comptabilité et de facturation par le service comptable, du respect du droit du travail par le service du personnel, des règles dhygiène par le personnel de restauration et dentretienIl ne semble ni juste ni opportun de lui imputer une infraction lorsque les pouvoirs de décision appartiennent à un tiers.

Cest le mécanisme de la délégation de pouvoirs :

La délégation de pouvoirs

La responsabilité pénale du dirigeant est liée aux pouvoirs quil détient sur le fonctionnement de lentreprise : ce sont ces pouvoirs qui permettent de lui reprocher ne navoir pas agi ou davoir laissé commettre une infraction.

On ne saurait dissocier cette responsabilité ès qualités des pouvoirs du décideur. Il en résulte que la délégation de pouvoirs à un tiers reporte sur ce tiers la responsabilité pénale.

Cette solution logique a été entérinée par la Cour de cassation dès le début du XXe siècle (Crim. 28 juin 1902).

La délégation de pouvoir est un acte consensuel entre le dirigeant délégant et son préposé délégataire ; lécrit nest utile quà titre de preuve. On peut envisager des sous-délégations dans les mêmes conditions de validité et defficacité que la délégation initiale. Par contre, toute « co-délégation » est exclue : le délégataire doit jouir dune autonomie, dun pouvoir incompatible avec lexercice collectif de la délégation.

La validité et lefficacité de la délégation de pouvoirs dépendent de plusieurs critères, dégagés par la jurisprudence :

a.La délégation nexonère que de la responsabilité ès qualités : en aucun cas, un dirigeant qui a pris personnellement part à la consommation de linfraction ne peut se prévaloir dune délégation. Le dirigeant qui prend personnellement part à linfraction est responsable de son fait personnel, et comme tout auteur matériel de linfraction il peut être puni. Seule la responsabilité encourue pour avoir manqué aux obligations incombant spécifiquement à ses fonctions peut bénéficier de la délégation de pouvoirs. Exemple : Crim. 17 septembre 2002, les stratégies de vente agressives, constitutives descroquerie, restent imputables au dirigeant malgré la délégation de pouvoir car il les concevait et les organisait lui-même.

b.La délégation de pouvoirs est rendue nécessaire par la structure de lentreprise : seul le dirigeant qui ne peut pas effectivement assumer ses obligations légales peut déléguer ses responsabilités à un tiers. Le mécanisme de la délégation de pouvoirs nest pas un moyen pour le dirigeant déchapper à sa responsabilité pénale mais un mécanisme visant à assurer leffectivité des prescriptions légales. Cest lorsque la taille ou lorganisation matérielle dune entreprise ne permet pas au dirigeant de faire face à ses obligations que la délégation de pouvoir est autorisée, et même souhaitée. Dans le même esprit, la délégation ne peut être générale mais doit concerner un secteur dactivité précis. Ce caractère spécial de la délégation est apprécié de manière stricte par les juges.

Exemple : Crim. 14 octobre 2003, la délégation de pouvoir en matière dhygiène et de sécurité faite à un cadre administratif, président du CHSCT, ne transfert pas la responsabilité pour non-consultation du CHSCT : le délit dentrave reste commis par le dirigeant de la société. La Cour de cassation semble distinguer la délégation en matière dhygiène et de sécurité « technique », concrète, et une délégation quant aux obligations « juridiques » ou « administratives » liées au fonctionnement du CHSCT.

c.Le délégataire est un membre de lentreprise pourvu de la compétence, de lautorité et des moyens nécessaires : le dirigeant doit désigner lun de ses subordonnés, éventuellement le dirigeant dune société fille dans un groupe de sociétés, qui a la compétence technique, lautorité et les moyens matériels lui permettant, en pratique, de mener à bien la mission qui lui est confiée par délégation.

Ces conditions sont destinées à éviter toute délégation fictive. Pour que le préposé assume la responsabilité pénale attachée à certaines responsabilités, encore faut-il que le dirigeant le mette en position dassurer le respect effectif de la loi. Le dirigeant qui procéderait à une délégation juridique sans transmettre effectivement ses pouvoirs resterait ainsi responsable pénalement ès qualités.

Lappréciation de lexistence et de la régularité dune délégation de pouvoirs relève du pouvoir souverain dappréciation des juges du fond, qui souvent se montrent assez sévères contre les dirigeant, se défiant des délégations fictives : Crim. 10 septembre 2002, p. ex., en matière damiante, qui juge irrégulière la délégation générale de surveillance et dorganisation de la sécurité sur les chantiers.

Leffet de cette responsabilité ès qualités associée au mécanisme de la délégation de pouvoir est de mettre à la charge des dirigeants un véritable devoir de déléguer leurs responsabilités dès lors quils ne peuvent les assumer eux-mêmes, ce qui assure une effectivité maximale à la réglementation de leur activité.

Les personnes morales sujet de la responsabilité pénale

Depuis les années 70-80, la mise en cause de plus en plus fréquente de la responsabilité pénale des dirigeants et décideurs a pu faire figure dinjustice, dans la mesure ils sont condamnés personnellement pour des fautes commises dans lexercice de leurs fonctions, le plus souvent dans lintérêt du groupement quils dirigent.

Lexemple du Président dAir France, condamné pour un accident survenu en Équateur, a décidé la commission de réforme du Code pénal à introduire dans son projet la possibilité dune responsabilité pénale des personnes morales ("RPPM") : article 121-2[17] du Code pénal :

« Les personnes morales, à lexclusion de lÉtat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. »

Cette responsabilité de la personne morale nest en aucun cas une cause légale dexonération pour le dirigeant ou tout autre auteur de linfraction : larticle 121-2, alinéa 3, indique : « La responsabilité pénale des personnes morales nexclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits. »

Limpunité des dirigeants résultera, le cas échéant, du choix du ministère public en termes dopportunités des poursuites.

Le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales (RPPM)

Ratione personae

Les personnes morales punissables sont, comme lindique larticle 121-2, alinéa 1, toutes les personnes morales à lexclusion de lÉtat.

La notion même de responsabilité pénale de lÉtat est en effet absurde : devant qui lÉtat répondrait-il de ses fautes ? Comment pourrait-il se punir lui-même ?

Larticle 121-2, alinéa 2, prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que pour les infractions commises dans lexercice dactivités susceptibles de faire lobjet de conventions de délégation de service public.

La RPPM suppose lexistence de la personnalité morale : une infraction commise avant limmatriculation, par exemple, ne peut en principe être imputée à la personne morale, sauf à employer dautres qualifications telles que le recel, ou à voir dans lacte de reprise une réitération de linfraction. Les groupements de fait et les sociétés en participation nencourent aucune responsabilité pénale. Le droit pénal se réfère aux règles du droit civil, du droit commercial ou du droit international privé pour déterminer quels groupements sont dotés de la personnalité morale.

La notion dactivité susceptible de faire lobjet dune convention de délégation de service public a été définie par la Cour de cassation comme : « lactivité ayant pour objet la gestion dun service public et pouvant être confiée à un délégataire public ou privé rémunéré pour une part substantielle en fonction des résultats de lexploitation » (Crim. 3 avril 2002, à propos de lexploitation dun théâtre, pouvant faire lobjet dune délégation au sens de larticle 121-2 alinéa 2).

Plus récemment, la Cour de cassation a pu juger que lorganisation des transports scolaires nétait pas une activité susceptible de délégation, contrairement à lexploitation du service de transport : Crim. 6 avril 2004.

En pratique, les collectivités territoriales ne sont pas responsables dans lexercice des prérogatives de puissance publique.

Ratione materiae

Larticle 121-2, dans sa rédaction entrée en vigueur le 1er mars 1994, prévoit que la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être recherchée que « dans les cas prévus par la loi ou le règlement » : cest le principe de spécialité. La RPPM ne sapplique que pour les incriminations le prévoyant expressément, y compris les infractions involontaires.

Curiosité : dans un arrêt du 5 février 2003, la Cour de cassation avait considéré que larticle 399 du Code des douanes était applicable aux personnes morales, alors quaucun texte ne le prévoit expressément. Ce texte visait « toute personne », mais on ne peut considérer que cette expression vise les personnes morales, car ce serait contraire à larticle 121-2 du Code pénal. Cette jurisprudence est probablement cantonnée au droit douanier.

La loi dite « Perben », du 9 mars 2004, a modifié le champ dapplication de la RPPM, qui pourra sappliquer à toutes les infractions commises à compter du 31 décembre 2005. La RPPM peut sappliquer, comme le prévoit larticle 121-2, alinéa 1, à la consommation dune infraction comme à sa tentative ou sa complicité :

« Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. »

— Code pénal français, article 121-2

La mise en œuvre de la RPPM

Pour engager la responsabilité de la personne morale, linfraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale par son organe ou son représentant.

Cest le mécanisme de la responsabilité par ricochet.

La personne morale nest pas considérée en droit pénal comme une personne autonome, dotée de son propre pouvoir de décision et de ses propres moyens daction, mais comme une personne abstraite incarnée par ses organes ou représentants.

La RPPM est un mécanisme dimputation à la personne morale dune infraction commise par une ou plusieurs personnes physiques : lorgane ou le représentant, cest-à-dire toute personne ayant le pouvoir légal, statutaire ou conventionnel dengager la personne morale, et notamment le délégataire dun organe disposant de la compétence, de lautorité et des moyens nécessaires à lexercice de sa mission.

Linfraction commise par une personne étrangère à la personne morale, ou à loccasion dactes étrangers aux pouvoirs de représentation, ou encore linfraction qui nest pas commise pour le compte de la personne morale (cest-à-dire dans son intérêt ou en son nom), ne peut être imputée à cette dernière.

Limputation dune infraction à une personne morale suppose la réunion de tous les éléments de linfraction, le plus souvent sur la tête dune personne physique identifiée, organe ou représentant de la personne morale. Les juges ne peuvent en aucun cas établir lexistence des éléments de linfraction directement dans le chef de la personne morale (Crim. 29 avril 2003).

Lidentification de la personne physique nest pas absolument nécessaire dès lors que lorgane ou le représentant fautif est identifié : la seule exigence légale tient à lexistence dune infraction matériellement commise par un organe ou représentant.

Si lorgane ayant commis linfraction est un organe collectif, il ne semble pas quil y ait dimpossibilité à poursuivre la personne morale, à condition toutefois que la nature de linfraction sy prête, notamment en ce qui concerne lintention.

Comme pour la complicité, la condamnation effective de lauteur matériel importe peu : cest lexistence dune infraction principale punissable qui est seule prise en compte. Labsence de poursuites contre lorgane ou le représentant nempêche pas la condamnation de la personne morale. Il se peut même que la relaxe du représentant nempêche pas la condamnation de la personne morale : cest le cas de la faute involontaire ayant un lien de causalité indirecte avec le dommage ; lapplication de lalinéa 4 de larticle 121-3[18] du Code pénal nempêche pas la condamnation de la personne pénale (exemple : Crim. 24 octobre 2000).

Une cause dirresponsabilité bénéficiant à lorgane ou au représentant empêche en principe la poursuite de la personne morale, même, semble-t-il, lorsquil sagit dune cause subjective dirresponsabilité, cause personnelle au représentant telle que la démence, bien que la solution ne soit pas certaine en droit positif.

En effet, la personne morale constitue une entité autonome dotée d'une personnalité juridique différente de celle des membres qui la composent. Comme rien ne permet, en théorie, d'appliquer à une personne une cause subjective d'irresponsabilité (propre à un tiers), il ne semble pas opportun de contrevenir à ce mécanisme dans l'hypothèse d'une personne morale, sauf à rompre l'égalité des justiciables devant la loi pénale.

La disparition de la personne morale met naturellement fin aux poursuites, et ce même en cas de disparition par fusion-absorption. Le principe de responsabilité du fait personnel soppose à ce que la personne absorbante soit responsable des infractions commises pour le compte de la société absorbée (Crim. 14 octobre 2003).

Les causes d'irresponsabilité pénale

La doctrine comme la jurisprudence opèrent une distinction qui n'apparaît pas dans le Code pénal entre les causes objectives d'irresponsabilité, ou faits justificaifs, et les causes subjectives d'irresponsabilité, ou causes de non imputabilité.

Les causes objectives dirresponsabilité

Les causes objectives dirresponsabilité pénale, appelées aussi faits justificatifs, font disparaître le caractère punissable de lacte. Limpunité de lauteur principal sétend dès lors au complice comme à la personne morale.

Ces faits justificatifs sont au nombre de trois : lautorisation de la loi ou lordre de lautorité légitime (article 122-4[19] du Code pénal), la légitime défense (articles 122-5[20] et 122-6[21] du Code pénal) et létat de nécessité (article 122-7[22] du Code pénal).

Autorisation de la loi et ordre de lautorité légitime

Lautorisation de la loi ou du règlement révèle une contrariété entre un texte pénal et un autre texte, quil soit de nature civile, administrative ou pénale. Lautorisation du règlement ne peut justifier quune contravention réglementaire, et non la violation dune loi pénale, tant en raison de la hiérarchie des normes quen raison de la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires.

Le principe libéral veut naturellement que, linterdiction étant toujours lexception par rapport à la liberté, lautorisation de la loi lemporte sur la prohibition édictée par un autre texte de même valeur.

Les applications les plus courantes de ce fait justificatif concernent lusage de la force par la police et la gendarmerie, les actes médicaux qui échappent à la qualification de violence sils sont le fait de médecins et ont un motif thérapeutique, ainsi que larticle 73 du Code de procédure pénale qui permet à tout citoyen darrêter lauteur dun crime ou délit flagrant et de le retenir le temps nécessaire à larrivée de la police.

Le 5 janvier 2000, la Cour de cassation a indiqué que le fait justificatif dautorisation de la loi sétend aux infractions involontaires commises au cours de lexécution dun acte autorisé par la loi (maladresse dun gendarme ayant entraîné la mort de la personne poursuivie), à condition bien sûr que les critères dapplication de lautorisation de la loi soient réunis (lusage de son arme par le gendarme était absolument nécessaire: Crim. 18 février 2003.

Cette décision confirme que lautorisation de la loi nest pas une cause subjective dirresponsabilité ; elle ne fait pas disparaître lélément moral de linfraction, sans quoi limprudence resterait punissable.

Lautorisation de la loi ne peut couvrir que les faits strictement autorisés par la loi. Ainsi, le devoir de cohabitation qui impose aux époux dentretenir des relations sexuelles nautorise pas lun deux à imposer de telles relations à lautre ; le droit darrêter et de retenir lauteur dun délit flagrant ne permet pas de le molester, de le fouiller ou de linterroger dans lattente de larrivée de la police.

Un avis de ladministration, ou lautorisation dexercer une activité, ne saurait non plus justifier une violation du droit pénal : les autorités administratives nont évidemment pas le pouvoir de faire échapper un comportement au champ droit pénal.

Il a été jugé par la Cour de cassation que le devoir de secours à personne en péril de larticle 223-6 du Code pénal ne justifiait pas le recel de malfaiteur commis par une infirmière dès lors que les services fournis au malfaiteur allaient au-delà de ce quexigeait strictement le péril auquel le malfaiteur était exposé (Crim. 17 septembre 2003).

A lautorisation de la loi, il convient dassocier la coutume qui permet des atteintes légères à la personne humaine sans que leur auteur puisse être inquiété : ainsi, le droit de correction des parents sur leur enfant, la pratique de sports violents ou la possibilité de réaliser des piercings et ou des tatouages sans être poursuivi pour violences volontaires.

La coutume nest cependant pas en principe une source du droit pénal, et ces solutions restent des exceptions sans légitimité juridique autre que le principe constitutionnel de nécessité qui prohibe lapplication inutile du droit pénal.

Lordre de lautorité légitime permet dassurer le respect des ordres donnés par les autorités publiques sans que ceux auxquels ils sadressent en mettent la légalité en cause.

Cest par exemple lhypothèse de la présence dun agent régulant la circulation en contradiction avec la signalisation en place ; cest encore le cas des ouvriers de la fourrière qui enlèvent les véhicules sur ordre de la police.

La personne qui obéit à un ordre de lautorité publique nest pas responsable des infractions quil commet dans ce cadre sauf si cet acte est manifestement illégal : larticle 122-4[23], alinéa 2, reprend la théorie dite des « baïonnettes intelligentes », le fait dobéir à un ordre ne doit pas ôter tout discernement.

Cest cette théorie qui a permis la condamnation de Maurice X. (Crim. 23 janvier 1997) au motif que « lillégalité dun ordre de lautorité légitime en matière de crime contre lhumanité étant toujours manifeste ».

Cette théorie permet également dexclure de larticle 122-4 les ordres donnés par des autorités manifestement incompétentes, cest-à-dire en dehors de leur champ de compétence.

La notion dautorité légitime a été précisée par la Cour de cassation, qui a indiqué que ce terme vise les personnes investies dun pouvoir de commandement au nom de la puissance publique : police, gendarmerieUn salarié qui a obéi aux ordres illégaux de son employeur ne peut en aucun cas se prévaloir de larticle 122-4 du Code pénal (Crim. 26 juin 2002). Tout au plus pourra-t-il fonder sa défense sur une contrainte psychologique, qui a peu de chance de prospérer, ou un état de nécessité de conserver son emploi, dont la preuve sera fort délicate.

Outre lautorisation de la loi ou de lautorité légitime, on a pu sinterroger sur lincidence du consentement de la victime sur lexistence ou le caractère punissable de linfraction.

Aucun texte ne prévoit le consentement de la victime comme cause dirresponsabilité. Par surcroît, le droit pénal protège prioritairement lintérêt général, la société dans son ensemble ; il semble naturel que sa mise en œuvre ne dépende pas de la décision dun particulier, fut-il la victime.

Cette indifférence du consentement de la victime trouve sa limite dans certaines infractions qui protègent des intérêts au caractère individuel plus marqué. Le principe de lindisponibilité du corps humain interdit de faire produire effet au consentement en matière de meurtre ou de violences. Par contre, des infractions prévoient labsence de consentement comme un de leurs éléments constitutifs : vol, viol, escroquerieDans ces hypothèses, le consentement fait disparaître lélément matériel de linfraction.

La légitime défense

La légitime défense est prévue à larticle 122-5[24] du Code pénal. Ce fait justificatif bénéficie à la personne qui, face à une atteinte injuste et actuelle contre une personne ou un bien, accompli un acte nécessaire, simultané et proportionné à la défense de cette personne ou de ce bien.

Il est précisé à lalinéa 2 que lorsque latteinte vise les biens, la riposte doit être strictement nécessaire, un homicide volontaire étant en tout état de cause exclu de limmunité pénale.

Les éléments de la légitime défense sont les suivants :

  • une atteinte injuste contre soi-même, autrui ou un bien. Le caractère injuste de latteinte exclut notamment la violence légitime telle que celle dun policier qui tente de protéger lordre public, ou des comportements tels que lIVG ou la détention de maïs transgénique lorsquils sont licites.
  • une atteinte actuelle, cest-à-dire une riposte concomitante à latteinte. Il est impossible de se prévaloir de la légitime défense pour couvrir une vengeance, par exemple dans lhypothèse la victime tire sur son agresseur qui prenait la fuite. Par contre, la défense préparée à lavance (pose de pièges, clôture électrifiée…) est valable dans la mesure elle ne sexécute que lorsque lagression est actuelle.
  • une riposte nécessaire, cest-à-dire que, pour contrer latteinte, la commission dun acte illicite est obligatoire ; il ny a pas dalternative licite à la riposte.
  • une riposte proportionnée à latteinte : la valeur sacrifiée doit être moindre que la valeur protégée ; la riposte doit engendrer un coût social moindre que laccomplissement de latteinte.

La jurisprudence a pu apporter quelques précisions quant aux conditions de mise en œuvre de la légitime défense.

Le caractère actuel et injuste de latteinte ne pose aucun problème sérieux dapplication. Précisons simplement que lorsque latteinte est le fait dune autorité publique, son caractère injuste pourra être reconnu en cas dillégalité manifeste (passage à tabac, saisie de nuit).

Le caractère nécessaire et proportionné de la riposte est quant à lui soumis à lappréciation des juges du fond, et fonction de lensemble des circonstances de fait. Le rapprochement de deux arrêts de la Cour de cassation des 6 décembre 1995 et 21 février 1996 révèle ainsi que la victime saisie au col de son vêtement par un agresseur a été condamnée pour avoir ripostée à coups de talons aiguilles mais sest vue reconnaître la légitime défense pour le tir dune balle en plein cœur.

Dans de nombreuses affaires se déroulant de nuit, on a pu constater que lappréciation du caractère nécessaire et proportionné de la riposte ne dépend nullement de la réalité de lagression mais de sa gravité telle que perçue par lauteur de la riposte.

Plutôt que de sinterroger sur la balance des intérêts réellement en présence, le juge pénal se demande si une personne raisonnable, placée dans la même situation, aurait réagi de la même façon.

Cette approche subjective, qui peut conduire à ladmission dune légitime défense purement putative, en réaction à une agression imaginaire, explique le refus de justifier par la légitime défense les infractions involontaires. Un homme prudent contrôle ses actes et réagi de manière proportionnée à lagression dont il est victime ; il ne commet pas dacte dimprudence ou de négligence entraînant des blessures ou la mort de son agresseur. Cette approche justifie aussi quon refuse le bénéfice de la légitime défense à celui qui ne se sait pas en situation de défense : par exemple la personne qui se joint à une rixe pour le plaisir du combat et qui rejoint par chance le groupe des victimes en état de légitime défense. La légitime défense viendrait donc protéger celui qui, bien que commettant un acte illicite, ne commet pas de faute ou révèle son absence de dangerosité sociale.

Cette approche subjective ne correspond pas à la nature classique de la légitime défense, fait justificatif et non cause subjective dirresponsabilité. Ladmission dune cause objective dirresponsabilité devrait correspondre à des critères objectifs ; cest ce qui permet détendre cette cause dirresponsabilité aux complices. Imaginons en effet quun tiers ait une meilleure connaissance de la situation que la victime de lagression ; que cette victime, se sentant par erreur agressé, lui demande une arme pour se défendre. Le tiers qui fournirait cette arme pourrait-il être condamné pour complicité ? Il savait quil nexistait pas réellement dagression, sa relaxe semble injuste ; pourtant, si lauteur principal bénéficie de la légitime défense, le caractère infractionnel de son acte disparaît et le complice ne peut être condamné !

On observe ici une incohérence du droit pénal qui conduit à des solutions injustes et illogiques. La jurisprudence devrait soit revenir sur lexclusion des infractions involontaires, soit traiter la légitime défense comme une cause subjective dirresponsabilité et condamner, le cas échéant, le complice ou la personne morale.

Il existe à larticle 122-6 des présomptions de légitime défense en faveur de la victime dune intrusion nocturne, par effraction violence ou ruse, dans un lieu habité ou ses dépendances directes telles quun jardin ou une terrasse ; ou encore en faveur de la victime de vols ou pillages exécutés avec violence.

La jurisprudence a eu loccasion de préciser que ces présomptions nétaient que des présomptions simples (ce qui est normal en matière pénale: la personne qui sait nêtre pas victime dune agression ne peut se prévaloir de la légitime défense, et le fait de se trouver dans lun des cas visés par larticle 122-6 ne permet pas de procéder à des actes disproportionnés ou non nécessaires. Exemple : Crim. 12 octobre 1993 : le père qui tire sur le prétendant de sa fille en toute connaissance de cause, alors que celui-ci sest introduit par ruse dans son domicile pour rendre visite à sa fille, ne peut se prévaloir de la présomption de légitime défense, latteinte dont il est victime ne pouvant justifier la réaction adoptée.

Létat de nécessité

Lautorisation de la loi, lordre de lautorité légitime comme la légitime défense laissent transparaître un conflit entre deux valeurs protégées par la société ; ces mécanismes conduisent en principe au sacrifice de la valeur moindre et à la sauvegarde de la valeur supérieure.

Il est apparu en pratique que dans certaines situations, le bon sens comme lintérêt général commandait le sacrifice de certains intérêts sans que les faits justificatifs légaux trouvent à sappliquer.

Le juge Magnaud, présidant le Tribunal Correctionnel de Château Thiéry, est entré dans lhistoire judiciaire en rendant un jugement le 4 mars 1898 par lequel il refuse de condamner pour vol de pain une jeune fille sans emploi et sans argent ayant sa mère et un enfant de deux ans à charge, nayant pas mangé depuis 36 heures au moment du vol. La Cour dappel dAmiens confirme ce jugement en considérant que la preuve de lintention coupable nest pas rapportée.

Cette décision marque la première esquisse de létat de nécessité en droit positif. En effet, le motif retenu par les juges dans cette affaire na pas de pertinence juridique : ils confondent lintention et le mobile.

La jurisprudence affinera au cours du XXe siècle les critères de létat de nécessité, lequel sera finalement légalisé à larticle 122-7 à loccasion de la réforme du Code pénal de 1994.

Létat de nécessité couvre la réaction nécessaire et proportionnée aux dangers actuels ou imminents.

Contrairement à la légitime défense, létat de nécessité concerne des situations de danger objectif, pas obligatoirement liées à une agression injuste.

Contrairement à la contrainte, la personne qui se trouve en état de nécessité ne perd pas sa volonté ; cest en toute liberté que lagent fait le choix de sacrifier une valeur moindre (ex : la propriété du pain) pour la sauvegarde dune valeur supérieure (ex : la santé de lenfant).

Létat de nécessité est retenu de manière restrictive par la Cour de cassation et la plupart des juges du fond. Ainsi, la mère qui vole de la viande pour « améliorer lordinaire » de ses enfants ne peut se prévaloir de létat de nécessité ; et ce dautant moins quil lui restait quelques milliers de francs déconomies à la banque (Poitiers, 11 avril 1997).

Létat de nécessité a également été refusé aux commandos anti-avortement : le délit dentrave à IVG ne peut être justifié par la nécessité de sauver la vie de lenfant à naître dans la mesure lIVG est autorisée par la loi (Crim. 31 janvier 1996). La destruction dOGM a également été exclue du champ de létat de nécessité (Crim., 18 février 2004).

Les juges du fond utilisent le mécanisme de létat de nécessité pour fonder des décisions déquité, telles que la relaxe dun « squatteur » de logement inoccupé qui sinstalle avec sa famille (TGI Paris, 28 novembre 2000) ou la culture de cannabis pour soulager les douleurs dune personne paraplégique (Papeete, 27 juin 2002). Ces décisions ne sont généralement pas satisfaisantes en droit, faute pour les juges de procéder à une véritable recherche du caractère nécessaire de linfraction (autres logements possibles, hébergement chez des amis, de la famille ; autres médicaments aussi efficaces…)

Létat de nécessité ne peut être invoqué par lagent qui sest, par sa faute, placé dans la situation de péril. Cette règle, qui transparaissait déjà dans la motivation du jugement de Château-Thiéry, a été affirmée par la jurisprudence notamment dans le cas dun camion sétant engagé sur un passage à niveau alors que le passage y était déjà interdit, et qui a du briser une barrière pour éviter la collision avec le train.

Létat de nécessité, véritable fait justificatif, couvre même les infractions involontaires : Crim. 16 juillet 1986 qui relaxe un gendarme qui, dans la nécessité dintimider un individu, a tiré un coup au sol qui la blessé par ricochet.

Le critère déterminant de la mise en œuvre de létat de nécessité sera la balance entre lintérêt protégé et lintérêt sacrifié.

Cest en ce sens que la nouvelle jurisprudence (Crim. 11 mai 2004) sur limpossibilité de poursuivre pour vol un salarié qui sest emparé de documents strictement nécessaires à la défense de ses intérêts devant la juridiction prudhomale a pu être rattachée à létat de nécessité. Il se pourrait également quconscient de ses actes soit privé de toute volonté et ainsi forcé à commettre un acte quil ne veut pas :

La contrainte

La contrainte est léquivalent pénal de la force majeure. Il sagit dune force irrésistible. Comme en droit civil, il existe un débat quant à la condition dimprévisibilité : est-ce une condition de mise en œuvre de la notion ou est-ce un corollaire de lirrésistibilité, les évènements prévisibles étant par nature résistibles ? La chambre criminelle semble exiger de la contrainte quelle soit imprévisible et irrésistible. Le texte pourtant ne se réfère quà lirrésistibilité.

La contrainte peut être physique ou morale ; le critère important est son caractère irrésistible et son lien de causalité avec linfraction. La contrainte est une cause de non imputabilité : elle doit avoir aboli le discernement de la victime pour être prise en compte.

Il pourra notamment sagir dun cataclysme naturel ou dune maladie de lagent : le malaise inopiné de lautomobiliste, lié à une maladie quil ignorait, lexonère de toute responsabilité pénale quant aux conséquences de laccident quil aura provoqué.

Lexemple classique de la contrainte morale est celle qui résulte de pressions ou de chantage ayant aboli le discernement de la victime. Il a pu être jugé par la Cour de cassation que les pressions alléguées des autorités allemandes doccupation sur la personne de Maurice Papon navaient pas aboli son libre arbitre et quil restait donc responsable de complicité de crime contre lhumanité (Crim. 23 janvier 1997).

La contrainte ne sera pas prise en compte si elle résulte dune faute ou dune imprudence de lagent.

Ainsi, la personne qui se sait sujette à des malaises mais qui conduirait tout de même, ou celle qui sassoupit alors quelle a pris la route en état de fatigue avancé, sont responsables pour homicide ou blessures involontaires en cas daccident.

Un arrêt très ancien, dit du « marin déserteur » (Crim. 21 janvier 1921) a retenu la responsabilité pénale du marin qui, arrêté et placé en cellule de dégrisement pour ivresse, a manqué le départ de son navire. Il se prévalait de la force majeure, cest-à-dire de la contrainte, mais les juges ont considéré que son arrestation ayant été déterminée par son ivresse volontaire, celle-ci nétait pas imprévisible ni invincible.

Cette jurisprudence est critiquable, car le délit de désertion est intentionnel, et ne peut se commettre par une simple imprudence comme en lespèce.

Lerreur de droit

"Nemo censetur ignorare iudicium", « Nul nest censé ignorer la loi » : ladage pose une fiction juridique (et non une présomption, simple règle de preuve) nécessaire au fonctionnement de tout système juridique.

En effet, le droit repose sur son caractère obligatoire et on ne peut envisager un système juridique dans lequel les individus pourraient se prévaloir de leur ignorance du droit pour échapper à son application.

A loccasion de la réforme du Code pénal, le législateur avait lambition, pour satisfaire aux impératifs de clarté et daccessibilité du droit, de rassembler les infractions « hors code » dans le cinquième livre du Code pénal. Il est apparu quil était impossible de recenser lintégralité des infractions existant en droit français, mais quon pouvait en évaluer le nombre à environ 10.000.

Cette impossibilité de connaître les contours exacts du droit pénal a conduit le législateur à atténuer la fiction de connaissance du droit par lintroduction de lerreur de droit comme cause dirresponsabilité.

Larticle 122-3 du Code pénal prévoit lirresponsabilité de la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit quelle nétait pas en mesure déviter, pouvoir légitimement accomplir lacte.

Il ne sagit pas de prouver son ignorance de la loi pénale, mais sa croyance dans la légalité de lacte accompli.

La Cour de cassation a appliqué cette cause dirresponsabilité de manière très restrictive, précisant par exemple que lerreur sur la portée dune décision de justice, provoquée par le conseil juridique de lintéressé, nest pas invincible, le juge pouvant être saisi dune requête en interprétation (Crim. 11 octobre 1995). Elle a également considéré que la société qui avait agrandi son hypermarché après quun avis ministériel lui eut indiqué quelle navait pas besoin dautorisation na pas commis derreur invincible, car elle aurait pu consulter des juristes qualifiés (Crim. 19 mars 1997). Elle a plus tard posé pour principe quun simple avis dun professionnel du droit ne peut constituer une erreur de droit (Crim. 7 janvier 2004).

Elle a par contre accepté lirresponsabilité du chef dentreprise qui navait fait quappliquer un accord collectif signé sous légide dun médiateur désigné par le Gouvernement (Crim. 24 novembre 1998).

Cette cause dirresponsabilité est utilisée plus largement par les juges du fond, en général censurés par la Cour de cassation, dans un souci déquité. Par exemple, la Cour dappel de Paris a considéré que la discordance des jurisprudences des chambres sociale et criminelle de la Cour de cassation quant à la légalité des documents photocopiés par le salariés en vue dêtre produits en justice avait conduit le salarié à une erreur de droit empêchant sa condamnation pour vol (CA Paris, 9 novembre 2000, Crim.11 mai 2004).

Outre ces trois causes subjectives dirresponsabilité, il existe des immunités tenant à une qualité personnelle du délinquant, comme par exemple, en application de larticle 311-12 du Code pénal, limmunité des conjoint, ascendant et descendant en matière de vol. Ces immunités sont des causes personnelles dirresponsabilité qui ne bénéficient pas au complice à la personne morale ; elles ne sont tout de fois pas assimilables à un défaut délément moral. En cela, elles se rapprochent des causes objectives dirresponsabilité.

La responsabilité pénale des politiques français

Président de la République

Ministres

Parlementaires

En France, les Parlementaires disposent d'une immunité et d'une inviolabilité.

Élus locaux

Les élus locaux ont disposé en 1974 d'un privilège de juridiction, à l'image notamment des préfets et des magistrats. Institué à la suite de l'affaire de l'incendie du dancing Le 5/7 et la condamnation du maire de St Laurent du Pont, qui avait eu un fort impact sur la classe politique, ce privilège permettait d'instruire les crimes et délits des élus dans une autre circonscription que la leur (afin d'éviter toute partialité de la part du juge) et fut aboli lors de la réforme du Code pénal en 1993.

La mise en place de la décentralisation a conduit à accroître sensiblement en une vingtaine d'années le corpus de normes (plus de 5000 textes répartis en 18 Codes) auxquels devait se soumettre les élus, qui ne disposaient pas toujours, dans les petites communes notamment, de l'expertise nécessaire pour les appliquer. Les domaines de l'urbanisme et de la sécurité des construction, de l'environnement ou des procédures de marché publics constituent ainsi autant de "niches à délits". De plus, le législateur a créé des délits non intentionnels, ce qui constitue une dérogation au principe qui veut qu« il ny a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (art. 121-3[25] du CP). Enfin, dans un contexte de crise économique et de concurrence entre les communes pour attirer les entreprises, certains maires ont été amenés à effectuer des montages juridiques périlleux.

Les maires ont pu se sentir "les boucs émissaires de la démocratie de proximité", selon l'expression du sénateur Hubert Haenel et être contraints à limiter les initiatives. La législation a donc tenté de mieux encadrer le phénomène, notamment par la loi Fauchon du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels.(...)

Exemples de mises en cause la responsabilité pénale des élus locaux

Voir aussi

Références

  1. Association Henri Capitant, sous la direction de Gérard Cornu, Vocabulaire juridique , « Responsabilité pénale »
  2. Article 450-1 du code pénal
  3. Article 121-5 du code pénal
  4. Article 121-7 du code pénal
  5. Article 121-4 du code pénal
  6. Article 121-6 du code pénal
  7. Article 121-5 du code pénal
  8. Article 225-1 du code pénal
  9. Article 121-1 du code pénal
  10. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417221&dateTexte=20081006
  11. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069158&dateTexte=20081006
  12. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=2BA05DF366407977DF26A1942BCC51D9.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006495309&cidTexte=LEGITEXT000006069158&dateTexte=20081006
  13. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=2BA05DF366407977DF26A1942BCC51D9.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006495311&cidTexte=LEGITEXT000006069158&dateTexte=20081006
  14. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=2BA05DF366407977DF26A1942BCC51D9.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006495329&cidTexte=LEGITEXT000006069158&dateTexte=20081006
  15. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=2BA05DF366407977DF26A1942BCC51D9.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006495332&cidTexte=LEGITEXT000006069158&dateTexte=20081006
  16. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=2BA05DF366407977DF26A1942BCC51D9.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006495329&cidTexte=LEGITEXT000006069158&dateTexte=20081006
  17. Article 121-2 du code pénal
  18. Article 121-3 du code pénal
  19. Article 122-4 du code pénal
  20. Article 122-5 du code pénal
  21. Article 122-6 du code pénal
  22. Article 122-7 du code pénal
  23. Article 122-4 du code pénal
  24. Article 122-5 du code pénal
  25. Article 121-3 du code pénal
  26. Marie-France Steinlé-Feuerbach (maître de conférences), CATASTROPHE DU DRAC: une décision très attendue, Journal des accidents et des catastrophes, CERDACC. Commentaire de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 12 décembre 2000.
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