Repos dominical en France

Repos dominical en France

Le repos dominical en France est la pratique, en France, d'observer un jour de repos le dimanche. Par repos, on entend absence de travail.

Sommaire

Histoire

Ouvrant son Histoire du dimanche de 1700 à nos jours par un chapitre Ier intitulé : « Quand dimanche était jour du Seigneur », l’historien Robert Beck montre bien dans quelle mesure le repos hebdomadaire est issu de la tradition chrétienne, même si le dimanche se caractérise à l’origine comme le premier jour de la semaine tant dans la tradition judaïque que dans la tradition gréco-latine. Il y rappelle notamment que « l’assistance à la messe, obligatoire, constitue la pierre angulaire de l’édifice de sanctification du dimanche » : au cours du Moyen Âge et de la Renaissance, plusieurs conciles confirment en effet le devoir de se rendre à la grand-messe dominicale (qui contraste avec l'austérité de l'office des églises réformées). A la fin du XVIIe siècle, la quasi totalité des Français se rend alors à l’église le dimanche.

Il décrit également de quelle façon « vers la fin de l’Ancien régime (…) le dimanche commence à changer sensiblement de caractère pour prendre de plus en plus celui d’un jour de fête, à laquelle les classes populaires des villes et des campagnes participent ». De plus, le discours des Lumières (particulièrement Montesquieu condamnant ce jour oisif au nom de la morale et Voltaire au nom de l'économie) contribue notamment à l'inobservance de la règle du repos dominical dans le commerce, l'artisanat mais aussi les campagnes. L'État désacralise aussi ce jour en faisant de plus en plus appel au curé pour annoncer des règlements ou festivités officielles. Ainsi, les vêpres se voient concurrencer par les professions qui travaillent ou par une fréquentation accrue des cabarets, bals et guinguettes (développées particulièrement pour les artisans parisiens chômant le « Saint lundi »). Seules les femmes de la bourgeoisie, reléguées au rang d'« ilotes de la République », sont exclues de ces réjouissances et se retrouvent en majorité à la messe dominicale.

Durant la Révolution française

En France, le calendrier grégorien fut supprimé, sous la Convention nationale, par une commission spécialisée, pendant le pontificat de Pie VI. Expérience relativement unique, fut mis en place un calendrier républicain, avec des semaines de dix jours. Le dimanche était donc supprimé. Cela posa des problèmes de repos dans les campagnes, puisqu'on n'avait qu'un jour sur dix pour se reposer. Cela causa aussi des difficultés dans les régions frontalières, pour les échanges économiques[réf. nécessaire].

Robert Beck revient sur la période de la « tourmente révolutionnaire » et l’invention d’un « nouveau dimanche », le décadi, aux termes du calendrier entré en vigueur avec la publication du décret du 5 octobre 1793. Mais il montre aussi comment le culte décadaire décline après le 30 prairial an VII : les citoyens seront entièrement libres de choisir leur jour de repos à partir du 7 thermidor an VIII. En effet, avec ce nouveau calendrier, il n'y avait plus que 36 jours chômés et 5 fêtes contre 52 dimanches et 25 fêtes religieuses précédemment.

Ensuite

Le calendrier grégorien et le dimanche furent rétablis en 1806.

L’ordonnance publiée le 7 juin 1814 sous Louis XVIII interdit ensuite de travailler ou de faire travailler, d’ouvrir les boutiques ou d’étaler les marchandises le jour du Seigneur. Cette ordonnance sera en partie reprise par la loi du 18 novembre de la même année mais elle avortera, les gens tenant trop à leur liberté de choisir. La révolution industrielle (encouragée par des entrepreneurs favorables au libéralisme économique) et la baisse de la pratique religieuse (à nuancer selon les régions françaises) sont à l'origine de l'essor du travail dominical, particulièrement pour le monde ouvrier. Le catholicisme social de Charles de Montalembert encourage Alfred de Falloux à voter une loi sur le repos dominical en 1848 mais elle aussi échoue.

Au début de la Troisième république, le contexte de crise et de chômage redéveloppe le mouvement social en faveur du repos hebdomadaire. Des manifestations sont organisées dans plusieurs villes par les travailleurs privés de repos hebdomadaire, notamment des garçons-coiffeurs et employés de grands magasins travaillant jusqu'à 70 heures par semaine. C’est la loi du 12 juillet 1880 qui abroge la loi de 1814 et ouvre une période que l’historien Robert Beck dénomme celle du dimanche comme « jour du repos et de la famille ». Il relève que cette loi « établit une des conditions préalables pour dynamiser le débat sur le repos hebdomadaire ». Après les lois de 1852, 1874, 1892 et 1900, consacrées respectivement au travail des fonctionnaires, des enfants, des femmes et des salariés, et qui ont posé la règle du repos dominical, c’est la loi du 13 juillet 1906 (votée, suite à la catastrophe de Courrières, par une chambre républicaine et anticléricale qui refuse la fatalité du début du XXe siècle : 45% des employés avaient une espérance de vie inférieure à 40 ans) qui l'impose définitivement. Cependant, cette loi de portée générale prévoit de nombreuses dérogations (domestique, ouvrier agricole) qu'accordent facilement les préfets aux employeurs du commerce et ne s'imposera qu'après la Première Guerre mondiale, en même temps que la journée des 8 heures introduite en 1919.

Actuellement, le repos dominical est la règle en France car, selon Robert Beck, « cette loi de 1906 reste en vigueur parce qu'elle est fondée autour de deux valeurs : le repos et la famille ». Il constitue une restriction du principe de liberté du commerce et de l'industrie, au profit, selon le Conseil constitutionnel, de la santé et du bien-être publics[1]. Il existe des exceptions, limitées par le code du travail (articles L. 3132-1 et suivants, et R. 3132-1 et suivants). La proposition de loi de Richard Mallié visant à définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires, n° 1254, déposée le 12 novembre 2008, a commencé à être discutée le 17 décembre 2008 ; la suite de la discussion a été renvoyée à une autre séance. Le gouvernement a déclaré l'urgence sur cette proposition de loi le 5 décembre 2008. Ceci a abouti finalement à la « Loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ».

Rétablissement du repos dominical

La loi du repos dominical du 13 juillet 1906 a consacré le dimanche comme jour de repos en France.

En mars 1993, Michel Giraud, le nouveau ministre du Travail du gouvernement Balladur, proposa une loi votée en décembre 1993 autorisant l’ouverture le dimanche des magasins spécialisés dans la culture.

De ce fait, la question du travail et de l’ouverture des magasins le dimanche est strictement encadrée par le code du travail et par les tribunaux : les juges doivent donc appliquer la loi de 1906 et à la convention de l'OIT.

L'employeur et sa famille ont le droit d'ouvrir un commerce le dimanche, mais n'ont pas le droit d'y faire travailler d'autres personne[2].

En 2007, des exceptions existent, notamment les dérogations dites de plein droit. Les dérogations de plein droit[3] concernent notamment les hôpitaux, les hôtels et les musées. D'autres dérogations concernent les zones touristiques et d'animation culturelle. Par ailleurs, le préfet peut, dans certains cas, autoriser l'ouverture de magasins le dimanche ; le maire et l'inspection du travail peuvent également accorder des autorisations exceptionnelles. Pour l'UMP, ces justifications sont aléatoires : telle enseigne sera autorisée à ouvrir, telle autre non.

Jusque 2007, en France, le travail le dimanche est compensé par un jour de repos hebdomadaire, mais peut ne pas être payé plus qu'un autre jour[4].

Rétablissement du travail dominical

Conflits médiatisés

Affichette de la CFTC dans une rue de Paris en 2010

De nombreux conflits entre employeurs, État et salariés ont été médiatisés, notamment dans les années 2007-2008, afin de pouvoir justifier la modification de la législation sur le travail le dimanche.

Le « préjudice au public » se manifeste le dimanche. Le type de commerce est un critère, mais bricolage, moquettes, habillement et électroménager n'ont pas été considérés comme motifs suffisant par la jurisprudence, dans la mesure où ces produits peuvent être achetés un autre jour. Pour ces commerçants, l'ouverture le dimanche est un enjeu important, dans la mesure où ils réalisent 30 à 35 % de leur chiffre d'affaires ce jour de repos. Toutefois, les syndicats de salariés sont opposés à l'ouverture le dimanche.

En 2008, à Thiais, en Val-de-Marne, certains magasins de Thiais-Village peuvent ouvrir le dimanche, alors que d'autres non. Pour 21 commerçants, un juge des référés de Créteil a interdit l'emploi de salariés le dimanche, mais 12 d'entre eux ont obtenu du préfet une dérogation. Toutefois, des dérogations préfectorales sur l'ouverture le dimanche ont déjà été jugées illégales et donc annulées, notamment par le tribunal administratif de Cergy dans le Val-d'Oise en 2007.

Certains consommateurs estiment au contraire qu'il ne faut pas respecter la loi : « Tant que le salarié n'est pas forcé, les syndicats (de salariés) n'ont pas à se mêler de ça. » Certaines salariées veulent travailler le dimanche, lorsque le salaire est doublé ce jour-là.

L'ouverture le dimanche se fait parfois sans autorisation, mais certains magasins n'ouvrent pas ce jour, pour ne pas avoir à payer une amende de 1 000 euros par employé[5].

Le Conseil économique et social, après avoir été saisi par le premier ministre en octobre 2006 sur la question du travail le dimanche, recommande, dans un avis rendu public le 2 mars 2007, de « ne pas banaliser cette journée en généralisant l’ouverture des commerces et de maintenir le principe du repos dominical ». Le CES propose de modifier la législation, notamment pour les commerces alimentaires qui pourraient ouvrir jusqu’à 13 heures le dimanche. Le CES recommande d'actualiser la délimitation des zones et des périodes touristiques. Le CES propose également pour tous les commerces, une « dérogation exceptionnelle de cinq dimanches de plein droit ».

Septembre 2011, six caissières d’un supermarché ED-Dia à Albertville sont en grève (le dimanche) depuis 2 ans[6].

Affrontement idéologique

Politiquement, l'ouverture des magasins le dimanche est promu par le président de la République, qui a notamment donné, par trois fois, ses arguments télévisés dans lequel il dénonce que les magasins soient ouverts d'un côté de la rue de l'Élysée, alors qu'ils sont fermés de l'autre. Dans cette intervention, le chef de l'État constate que certaines salariées sont contentes de travailler le dimanche. Pour lui, l'administration est responsable de cette situation. Ce discours pourrait signifier le soutien du CES sur l'actualisation de la délimitation des zones et des périodes touristiques.

Au contraire, au niveau européen, la Fédération des Verts, ainsi que les églises catholiques et protestantes, ont organisé à Berlin, le 4 juin 2008, une conférence sur le sauvegarde du dimanche comme jour de repos dominical.

En 2006, le député Pierre Lellouche a présenté à l'assemblée nationale la proposition de loi n° 3262 « visant à modifier l'article L. 221-5 du code du travail afin de permettre l'ouverture des commerces le dimanche »[7].

Impact économique

Les deux principales raisons invoquées pour justifier le travail le dimanche sont d'une part une augmentation supposée du PIB ou de la croissance du PIB, et d'autre part, la possibilité envisagée pour les salariés travaillant le dimanche de bénéficier d'un salaire horaire supérieur à celui des salariés ne travaillant pas le dimanche.

Pour Richard Mallié, député UMP, président du groupe de travail parlementaire, « dans certaines zones de chalandise engorgées, l’ouverture le dimanche permettrait d’améliorer la fluidité et donc de générer de la consommation. Elle créerait aussi du pouvoir d’achat pour les salariés majorés ce jour-là. »

Pour les opposants à l’ouverture des magasins le dimanche, la consommation des jours de semaine serait simplement reportée vers la journée du dimanche, et favoriserait la grande distribution, sans augmenter le PIB[8].

Les crèches

Le 25 juillet 2008, une crèche dans la commune de Chanteloup-les-Vignes, le Baby-Loup, est autorisée à ouvrir le dimanche par la préfecture des Yvelines, sur intervention de Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la Famille. En avril 2008, l’inspection du travail avait estimé que l'emploi de salariés le dimanche par une crèche serait illégal. Pour Nadine Morano, « c’est une question de pragmatisme et de bon sens car cette crèche permet aux parents de travailler et crée des emplois. Ce qui a été fait ici mérite d’être développé au plan national[9]. »

Notes et références

Articles connexes

Liens externes


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