- Religion patriotique
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Culte de la Raison et de l'Être suprême
Le culte de la Raison, le culte de l'Être Suprême, ou le théophilanthropisme sont, en France, un ensemble d'événements et fêtes civiques et religieux qui eurent lieu de fin 1792 à 1794 (surtout les ans II et III de la Révolution).
Sommaire
Contexte
Ces "cultes" se sont propagés dans le climat d'insécurité qui était celui de la menace d'agression extérieure, en particulier celui de l'invasion par les troupes prussiennes. Le manifeste de Brunswick du 25 juillet 1792 employait en effet des termes maladroits.
Ces "cultes" furent des éléments de la déchristianisation qui a accompagné la Révolution française. Ils trouvaient leur justification dans une certaine forme de résistance civique, la recherche de la défense des acquis de la Révolution française, notamment la liberté. Ces "cultes" eurent leur apogée pendant la Terreur, avec le "culte" de l'Être suprême.
Origines philosophiques
Philosophiquement, ces cultes de la Raison et de l'Être suprême procèdent du syncrétisme des Lumières, du déisme de Voltaire, et surtout des idées de Rousseau, dont s'inspirait Robespierre.
Ces cultes se voulaient une expression des idéaux des Lumières : liberté (d'expression, de pensée, etc.), égalité. Une nouvelle Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen fut mise en place en 1793, par rapport à celle de 1789; les lieux de culte furent fermés à partir de mai 1793.
Politiquement, on peut rapprocher ces cultes d'un jacobinisme radical, surtout dans le cas du culte de l'Être suprême.
Culte de la Raison
Après les massacres de septembre (2 septembre 1792), plusieurs églises furent transformées en temples de la Raison, notamment l'église Saint-Paul Saint-Louis dans le Marais. Le "culte" s'est manifesté en 1793 et 1794 (an II et III) par des cortèges carnavalesques, des dépouillements d'églises, des cérémonies iconoclastes, des cérémonies aux martyrs, etc. Le culte de la Raison a commencé à se développer en province, particulièrement à Lyon et dans le Centre, où il était organisé par des représentants en mission souvent proches de l'hébertisme. Le mouvement se radicalisa en arrivant à Paris avec la fête de la Liberté à la cathédrale Notre-Dame le 10 novembre 1793, organisé par Pierre-Gaspard Chaumette. Le "culte" était célébré par une beauté appelée déesse de la Raison. Joseph Fouché (dans la Nièvre et en Côte-d'Or) et Pierre-Gaspard Chaumette (à Paris) furent parmi les instigateurs de ces événements avec les hébertistes. Les églises furent fermées le 24 novembre 1793, et le culte catholique fut interdit. Les régions les plus touchées ont été la Bourgogne et les départements de l'actuelle région Centre, le bassin parisien, la région lyonnaise, le nord, et le nord du Languedoc. L'est, le grand-ouest, l'Aquitaine (sauf le Lot-et-Garonne) ont été relativement épargnés. La carte comporte certaines affinités avec la carte des prêtres assermentés de 1791 (Timothy Tackett).
Culte de l’Être suprême
Un décret du 18 floréal an II (7 mai 1794), adopté par la Convention montagnarde sur un rapport de Robespierre (Comité de salut public) instituait un calendrier de fêtes républicaines marquant les valeurs dont se réclamait la République et se substituant aux fêtes catholiques. En outre, elle établissait le culte à l'Être Suprême, qui se juxtaposait au culte de la Raison.
Robespierre, déiste, avait vivement attaqué les tendances athées et la politique de déchristianisation des ultra-révolutionnaires (hébertistes), qui avaient institué le Culte de la Raison fin 1793.
Il leur opposa une religion naturelle - reconnaissance de l'existence de l'Être suprême et de l'immortalité de l'âme[1]
- et un culte rationnel (institution des fêtes consacrées aux vertus civiques) dont le but était, selon lui, "de développer le civisme et la morale républicaine".
Le culte de l'Être Suprême était un culte déiste, influencé par la pensée des philosophes du Siècle des Lumières, et consistait en une "religion" qui n’interagissait pas avec le monde et n’intervenait pas dans la destinée des hommes.
Le culte de l'Être suprême se traduisait par une série de fêtes civiques, destinées à réunir périodiquement les citoyens et à « refonder » la Cité autour de l’idée divine, mais surtout à promouvoir des valeurs surtout sociales et abstraites comme l’Amitié, la Fraternité, le Genre Humain, l’Enfance, la Jeunesse ou le Bonheur.
La fête de l'Être suprême
La fête de l'Être suprême, célébrée le 20 prairial an II (8 juin 1794), est, pour quelques heures, la manifestation de cette unanimité mystique, morale et civique que Maximilien de Robespierre envisage pour l'avenir comme condition de la paix et du bonheur. La fête de l'Être suprême connut un grand succès à travers la France et fut celle dont on a conservé des traces visibles le plus longtemps. Les régions les plus touchées ont été le bassin parisien, la Normandie, le nord, la région lyonnaise, le Languedoc et la Provence, l'Aquitaine, la Bourgogne. Les régions épargnées furent le Haut-Rhin, et l'ouest dans une certaine mesure. Les fêtes civiques sont restées concentrées dans le bassin parisien et en Normandie, en région lyonnaise et dans le couloir rhodanien.
Déroulement de la fête
Ce jour-là, des Tuileries au Champ-de-Mars, l'hymne à l'Être suprême écrit par le poète révolutionnaire Théodore Desorgues est chanté par la foule sur une musique de Gossec. Robespierre précède les députés de la Convention dont il est le président. Il avance seul, et pour la circonstance il a revêtu un habit bleu céleste serré d'une écharpe tricolore. Il tient un bouquet de fleurs et d'épis à la main. La foule immense, venue communier aussi à ce grand spectacle, est ordonnancée par Jacques-Louis David. Devant la statue de la Sagesse, Robespierre met le feu aux mannequins qui symbolisent l'Athéisme, l'Ambition, l'Égoïsme et la fausse Simplicité.
Dans la troupe des députés de la Convention, pendant la cérémonie, on se moque, on bavarde, on refuse de marcher au pas. Malgré l'impression profonde produite par cette fête, le culte de l'Être suprême fut loin de créer l'unité morale entre les révolutionnaires et devait même susciter, peu après son instauration, une crise politique au sein du gouvernement révolutionnaire.
Postérité
Selon Raquel Capurro, le "culte" du Grand-Être développé par Auguste Comte et sa religion de l'humanité qu'il développa dans la phase dite religieuse du positivisme est un héritage du culte de la Raison et du culte de l'Être suprême.
Notes et références
- ↑ Michel Vovelle, Serge Bonin, 1793 : la révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, éd. Complexe, 1988, p. 45, 274
Bibliographie
Études historiques
- Jacques Le Goff et René Rémond (dir.),Histoire de la France religieuse, XVIIIe siècle - XIXe siècle, éd. Seuil, novembre 1991.
- Michel Vovelle et Serge Bonin, 1793 : la révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, éd. Complexe, 1988, extraits en ligne
- Timothy Tackett, La Révolution, l'Église, la France, éd. Cerf, 1986; préface de Michel Vovelle : Sur la question du serment à la constitution civile du clergé.
Littérature
- Philippe Sollers,Sade contre l'Être suprême, éd. Gallimard, 1991
Voir aussi
Liens internes
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