Rabindranath Tagore

Rabindranath Tagore

Rabîndranâth Tagore

Rabindranâth Tagore

Rabindranâth Thâkur dit Tagore (রবীন্দ্রনাথ ঠাকুর en bengali Prononciation du titre dans sa version originale})(6 mai 1861 - 7 août 1941), connu aussi sous le surnom de Gurudev est un compositeur, écrivain, dramaturge et philosophe indien dont l'œuvre a eu une profonde influence sur la littérature et la musique du Bengale à l'orée du XXe siècle et a été couronnée par le Prix Nobel de littérature en 1913.

Issu de la caste des brahmanes pirali de Calcutta, Tagore compose ses premiers poèmes à l'âge de huit ans. À 16 ans, il publie ses premières poésies substantielles sous le pseudonyme de Bhanushingho ("le lion du soleil"), et écrit ses premières nouvelles et drames à partir de 1877. Son instruction à domicile, la vie à Shilaidaha (où son grand-père a construit une maison de campagne) ainsi que les voyages font de Tagore un non-conformiste et un pragmatique. Il fait partie des voix qui se sont élevées contre le Raj britannique et il a soutenu le mouvement pour l'indépendance de l'Inde ainsi que Mohandas Karamchand Gandhi. Sa vie est tragique - il perd quasiment toute sa famille et est profondément affligé d'être le témoin du déclin du Bengale - mais ses œuvres lui survivent, sous la forme de poésies ainsi que de l'institution qu'il a fondée, l'Université de Visva-Bharati.

Tagore a écrit des romans, des nouvelles, des chansons, des drames dansés ainsi que des essais sur des sujets politiques et privés. Gitanjali (L'offrande lyrique), Gora (Visage-pâle), et Ghare-Baire (La maison et le monde) sont parmi ses œuvres les plus connues. Ses vers, nouvelles et romans - dans lesquels il a fréquemment recours au lyrisme rythmique, au langage familier, au naturalisme méditatif et à la contemplation philosophique - ont reçu un accueil enthousiaste dans le monde entier. Tagore fut aussi un réformateur culturel et un polymathe qui modernisa l'art bengali en rejetant les restrictions qui le liaient aux formes indiennes classiques. Deux chants de son canon rabindrasangeet sont devenus hymnes nationaux respectifs du Bangladesh et de l'Inde : Amar Shonar Bangla et Jana Gana Mana.

Sommaire

Biographie

Jeunes années (1861-1901)

Rabindranath et sa femme Mrinalini Devi vers 1883

Tagore (surnommé "Rabi") est le plus jeune des treize enfants survivants de Debendranath Tagore et Sarada Devde. Il voit le jour à la résidence familiale de Jorasanko à Calcutta. Fils d'un des fondateurs du mouvement Brahmo Samaj, et petit-fils de Dvârkânâth Tagore, Tagore a été élevé dans une famille d'artistes et de réformateurs sociaux et religieux opposés au système des castes et favorables à une amélioration de la condition de la femme indienne.

Après la cérémonie de l'Upanayanam (imposition du cordon brahmanique) à l'âge de 11 ans, Tagore et son père quittent Calcutta le 14 février 1873 pour un voyage de plusieurs mois en Inde. Ils visitent le domaine paternel de Santiniketan et Amritsar avant de gagner Dalhousie, au pied de l'Himalaya. Là, Tagore lit des biographies, étudie l'histoire, l'astronomie, la science moderne et le sanscrit, et se plonge dans les poèmes classiques de Kālidāsa. En 1877, il accède à la notabilité en composant plusieurs œuvres, parmi lesquelles un long poème dans le style Maithili, exploré par Vidyapati. Pour plaisanter, il soutient qu'il s'agit des œuvres perdues de Bhānusiṃha, un poête vaiṣṇava du XVIIe siècle récemment découvert. Il écrit aussi Bhikharini (1877 ; "La gueuse" — première nouvelle en langue bengalie) et Sandhya Sangit (1882) — dont fait partie le célèbre poème Nirjharer Swapnabhanga ("L'enthousiasme de la cascade").

Envisageant de devenir avocat, Tagore s'inscrit en 1878 dans un établissement secondaire privé de Brighton en Angleterre. Il étudie le droit à l'University College de Londres, mais rentre au Bengale en 1880 avant d'avoir obtenu son diplôme. Le 9 décembre 1883, il épouse Mrinalini Devi (née Bhabatarini, 1873–1902). De cette union naîtront cinq enfants, dont deux mourront avant d'atteindre l'âge adulte. En 1890, Tagore commence à administrer le domaine familial de Shilaidaha (une zone qui appartient désormais au Bangladesh). Il y est rejoint par sa femme et ses enfants en 1898. Surnommé "Zamindar Babu", Tagore vit sur la luxueuse péniche familiale, la Padma, et parcourt le grand domaine pour collecter les redevances (essentiellement des gages) des paysans et se consacrer à eux. En retour, les villageois organisent des fêtes en son honneur. Ces années, qui constituent la période Sadhana de Tagore (de 1891 à 1895), ainsi baptisée d'après un de ses magazines, sont parmi ses plus fécondes sur le plan littéraire. Il y écrit plus de la moitié des 84 histoires de son ouvrage Galpaguchchha en trois tomes. Elles dépeignent avec ironie et émotion un large éventail de modes de vies, en particulier des villageois.

Santiniketan (1901–1932)

En 1901, Tagore quitte Shilaidaha et déménage à Santiniketan (Bengale occidental) pour fonder un ashram, qui par la suite prendra de l'importance et comprendra une salle de prière dallée de marbre ("le Mandir"), une école expérimentale, des pépinières, des jardins et une bibliothèque. C'est là que meurent la femme de Tagore ainsi que deux de ses enfants. Son père meurt le 19 janvier 1905, et il commence à percevoir des versements mensuels de sa part d'héritage. Il reçoit également un revenu supplémentaire du Maharaja de Tripura, vend une partie des bijoux de famille, son bungalow au bord de la mer à Purî et perçoit de minces droits d'auteur pour ses œuvres (2 000 Rs.).
Ces travaux lui valent un large soutien des lecteurs bengalis aussi bien qu'à l'étranger. Il publie ainsi Naivedya en 1901 et Kheya en 1906, tout en traduisant ses poèmes en vers libres. Le 14 novembre 1913, Tagore apprend qu'il a remporté le prix Nobel de littérature. Selon l'académie suédoise, ce prix lui a été attribué pour le caractère idéaliste - et accessible aux lecteurs occidentaux - d'une petite partie de son œuvre traduite, dont Gitanjali (L'offrande lyrique) parue en 1912. En 1915, Tagore accepte d'être fait chevalier de la couronne britannique.

En 1921, Tagore et l'économiste agricole Leonard Elmhirst fondent l'Institut pour la reconstruction rurale (qui sera par la suite renommé par Tagore en Maison de la Paix), à Surul, un village voisin de l'ashram de Santiniketan. Par ce moyen, Tagore pense procurer une alternative au symbole du mouvement de Gandhi, basé sur la revendication, qu'il désapprouve. Il recrute des spécialistes, des donateurs et des soutiens officiels de nombreux pays pour aider l'institut à mettre en œuvre la scolarisation comme moyen de "libération des villages des fers de l'impuissance et de l'ignorance" en "revitalisant le savoir".
Au début des années 1930, il se préoccupe davantage de "l'anormale conscience de caste" en Inde et du sort des intouchables, faisant des cours sur ces maux, écrivant des poèmes et des drames avec des protagonistes intouchables et appelant les autorités du temple de Gurovayoor à admettre les Dalits.

Crépuscule (1932–1941)

Au cours de sa dernière décennie ici-bas, Tagore continue de rester sous les feux de la rampe, reprochant publiquement à Gandhi d'avoir présenté le tremblement de terre de Bihar survenu le 15 janvier 1934 comme un châtiment divin pour l'oppression des Dalits. Il déplore également le début du déclin socio-économique du Bengale et la pauvreté endémique de Calcutta. Il compose son dernier poème en prose. Dans cette œuvre de cent vers, il utilise une diplopie dépouillée qui préfigure le film de Satyajit Ray Apur Sansar.

Tagore rassemble aussi 15 compilations de ses écrits, dont les poèmes en prose Punashcha (1932), Shes Saptak (1935), et Patraput (1936). Il poursuit ses expérimentations littéraires en composant des chants en prose et des drames dansés dont Chitrangada (1914), Shyama (1939), et Chandalika (1938). Il écrit également des romans : Dui Bon (1933), Malancha (1934), et Char Adhyay (1934).
Dans ses dernières années, Tagore se prend d'intérêt pour les sciences, et écrit Visva-Parichay (une série d'essais) en 1937. Ses explorations de la biologie, de la physique et de l'astronomie ont des conséquences sur sa poésie, qui souvent fait une large place au naturalisme, et souligne son respect pour les lois scientifiques. Ainsi, il décrit la démarche scientifique (y compris des histoires de scientifiques) dans de nombreuses nouvelles parues dans des volumes tels que Se (1937), Tin Sangi (1940), and Galpasalpa (1941).

Les quatre dernières années de la vie de Tagore sont marquées par la douleur chronique et deux longs épisodes de maladie. Cela débute quand Tagore perd conscience fin 1937 : il reste dans le coma au seuil de la mort pendant une longue période. Trois ans plus tard, fin 1940, un épisode similaire survient, dont il ne se remettra jamais. La poésie qu'il compose au cours de ces trois années compte parmi sa meilleure, et se distingue par sa préoccupation pour la mort. Après de grandes souffrances, Tagore meurt le 7 août 1941 (22 Shravan 1348 dans le calendrier bengali) dans une chambre à l'étage de sa demeure de Jorasanko où il a grandi. L'anniversaire de sa mort est un jour de deuil dans l'administration partout dans le monde bengalophone.

Voyages

Tagore (au centre à droite) rend visite à des universitaires chinois à l'Université Tsinghua en 1924.

Animé d'une remarquable soif de voyages, Tagore a visité plus de trente pays sur les cinq continents entre 1878 et 1932. Nombre de ces déplacements furent primordiaux pour familiariser des publics non-indiens à ses travaux et pour diffuser ses idées politiques. En 1912, il apporte en Angleterre un échantillon de ses œuvres traduites, où elles impressionnent le missionnaire et protégé de Ghandi Charles F. Andrews, le poète anglo-irlandais William Butler Yeats, Ezra Pound, Robert Bridges, Ernest Rhys, Thomas Sturge Moore, et bien d'autres.
Ainsi, Yeats signe la préface de la traduction anglaise de Gitanjali, tandis qu'Andrews rejoint Tagore à Santiniketan. Le 10 novembre 1912, il part pour les États-Unis et le Royaume-Uni, où il résidera à Butterton dans le Staffordshire avec des ecclésiastiques amis d'Andrews. Du 3 mai 1916 à avril 1917, Tagore poursuit ses tournées de lectures au Japon et aux États-Unis, durant lesquelles il fustige le nationalisme, en particulier celui du Japon et des États-Unis. Il écrit aussi l'essai intitulé "Nationalisme en Inde", qui lui vaut à la fois dérision et éloges (ces derniers de la part de pacifistes, parmi lesquels Romain Rolland).

Peu avant de rentrer en Inde, âgé de 63 ans, Tagore se rend au Pérou à l'invitation du gouvernement péruvien, et visite le Mexique dans la foulée. Les deux gouvernements accordent à l'école Visva-Barati à Shantiniketan une donation de 100 000 $ en commémoration de sa venue. Une semaine après son arrivée, le 6 novembre 1924, à Buenos Aires en Argentine, c'est un Tagore malade qui déménage à la Villa Miralrío sur l'insistance de Victoria Ocampo. Il repartira pour l'Inde en juin 1925. Le 30 mai 1926, Tagore rallie Naples en Italie. Il rencontre le dictateur fasciste Benito Mussolini à Rome le jour suivant. Leurs rapports cordiaux prennent fin avec l'allocution du 20 juillet 1926 de Tagore contre Mussolini.

Tagore (premier rang, troisième personnage depuis la droite) rencontre des membres du Majlis d'Iran à Téhéran en avril ou mai 1932. Tagore visita Shiraz au cours de la même année.

Le 14 juillet 1927, Tagore et deux compagnons entament un périple de quatre mois en Asie du Sud-Est, passant par Bali, Java, Kuala Lumpur, Melaka, Penang, Siam, et Singapour. Les notes de voyage de Tagore sont compilées dans l'ouvrage "Jatri". Au début de 1930, il quitte le Bengale pour un voyage de près d'un an en Europe et aux États-Unis. Une fois revenu au Royaume-Uni, tandis que ses peintures sont exposées à Paris et à Londres, il séjourne dans la communauté des Amis à Birmingham. Là il rédige une conférence Hibbert pour l'Université d'Oxford (qui traite de "l'idée de l'humanité de notre Dieu, ou la divinité de l'Homme éternel") et s'exprime lors du rassemblement annuel des Quakers à Londres. Là (au sujet des relations entre Britanniques et Indiens, un sujet auquel il se collètera durant les deux années suivantes), Tagore parle d'un "sombre fossé de séparation". Il rend plus tard visite à Aga Khan III, résidant à Dartington Hall, puis part pour le Danemark, la Suisse et l'Allemagne de juin à mi-septembre, et enfin se rend en Union soviétique. En avril 1932, Tagore — qui a eu connaissance des légendes et des œuvres du mystique perse Hafez - est invité en tant qu'hôte personnel du Shah d'Iran Reza Shah Pahlavi.
Tant de voyages approfondis permettent à Tagore d'interagir avec nombre de ses contemporains célèbres, parmi lesquels Henri Bergson, Albert Einstein, Robert Frost, Thomas Mann, George Bernard Shaw, H.G. Wells et Romain Rolland. Les derniers voyages de Tagore à l'étranger, dont la visite de la Perse et de l'Irak en 1932, puis de Ceylan en 1933 affineront seulement ses opinions au sujet des divisions humaines et du nationalisme.

Œuvres

Les initiales de Tagore en bengali, inscrites dans un sceau de bois, montrent de proches similitudes avec les motifs employés dans les sculptures traditionnelles haida. Tagore agrémentait souvent ses manuscrits de telles figures.

La réputation littéraire de Tagore est influencée de manière disproportionnée par la considération dont jouissent ses poèmes. Toutefois il a aussi écrit des romans, des essais, des nouvelles, des journaux de voyage, des drames et des milliers de chansons. Parmi ses œuvres en prose, ce sont sans doute les nouvelles qui recueillent le plus d'estime ; on lui doit certes la genèse du genre en langue bengalie. Ces œuvres sont fréquemment remarquées pour leur nature rythmée, optimiste et lyrique. De telles histoires s'inspirent de sujets trompeusement simples : la vie de gens ordinaires.

Romans et littérature non romanesque

Tagore a écrit huit romans et quatre novellas, parmi lesquelles Chaturanga, Shesher Kobita, Char Odhay, et Noukadubi. Ghare Baire (La maison et le monde) dénonce - à travers le prisme du zamindar idéaliste Nikhil - l'émergence du nationalisme indien, le terrorisme, le zèle religieux dans le mouvement Swadeshi. C'est une franche expression des sentiments conflictueux de Tagore, qui ressortirent après un accès de dépression en 1914. Quoi qu'il en soit, ce roman se termine sur une scène de violence sectaire entre musulmans et hindous, et la blessure (probablement mortelle) de Nikhil.
D'une certaine manière, Gora partage le même thème, en amplifiant les questions controversées au sujet de l'identité indienne. Comme dans Ghore Baire, les questions de l'identité personnelle jāti, de la liberté individuelle et de la religion sont développées autour d'une histoire familiale et d'un triangle amoureux.
Jogajog (Liaison), est une autre grande histoire, dans laquelle l'héroïne Kumudini, liée par l'idéal de Shiva-Sâti (Dâkshâyani) est déchirée entre la pitié pour la faillite de son frère aîné progressiste et compatissant et son mari, exploiteur, avare et patriarcal. Tagore montre là ses vues féministes, usant du pathos pour dépeindre la situation critique des femmes bengalies, piégées par la grossesse, le devoir et l'honneur familial. Simultanément, il évoque la décadence de l'oligarchie des propriétaires terriens.

D'autres romans sont plus réjouissants : Shesher Kobita constitue son roman le plus lyrique, entrecoupé de poèmes et de passages rythmés composés par le personnage principal (un poète). Il contient toutefois des éléments de satire et de post-modernisme. Des personnages-types s'en prennent unanimement à la réputation d'un vieux poète démodé à la renommée accablante qui incidemment passe par le nom de Rabindranath Tagore. Pourtant ces romans demeurent parmi les moins appréciées de ces œuvres. Elles ont cependant bénéficié d'un regain d'intérêt à travers les adaptations cinématographiques de réalisateurs comme Satyajit Ray ; c'est le cas pour Chokher Bali et Ghare Baire. Dans leurs bandes originales figurent des extraits de son Rabindra sangeet.
Tagore est aussi sorti du champ de la fiction et a écrit sur des sujets aussi variés que l'histoire de l'Inde ou la linguistique. À côté de ses œuvres autobiographiques, ses journaux de voyages, essais et conférences ont été compilés dans de nombreux volumes, au nombre desquels on peut citer Iurop Jatrir Patro (Lettres d'Europe) et Manusher Dhormo (La religion de l'Homme).

Musique et peinture

"Dancing Girl", une encre sur papier non datée de Tagore

Tagore a été un musicien prolifique doublé d'un peintre, compositeur d'environ 2 230 morceaux. Au nombre desquels son rabindrasangit (রবীন্দ্র সংগীত—"Chant de Tagore"), désormais partie intégrante de la culture bengalie. Sa musique est indissociable de son œuvre littéraire, puisque les paroles de ses chansons sont très souvent des extraits de ses romans, histoires ou pièces. D'abord influencées par le style thumrî de la musique classique hindoustanie, elles explorent toute la gamme des émotions humaines, de ses premiers chants funèbres - tels que les hymnes de dévotion Brahmo - jusqu'à des compositions quasi-érotiques. Elles empruntent la couleur tonale des ragas classiques dans des proportions variables. Dans certains cas, ces chansons adoptent scrupuleusement la mélodie et le rythme d'un raga donné, dans d'autres il se permet d'assembler des éléments de différents types de ragas pour créer des formes novatrices.

Pour les Bengalis, l'attrait de ces chansons, produit par l'effet conjugué de leur puissance émotive et de leur beauté, surpasse même la poésie de Tagore. Au point que le magazine londonien Modern Rewiew fait observer qu'« au Bengale il n'y a pas un foyer cultivé où les chansons de Tagore ne sont pas chantées ou au moins tentées de l'être... Même les villageois illettrés les entonnent ». Le critique musical Arthur Strangways de The Observer est le premier à introduire des non-Bengalis au rabindrasangeet avec son livre The Music of Hindostan (La musique de l'Hindoustan), où il le décrit comme le "médium d'une personnalité... [qui] va puiser dans l'arrière-plan de tel ou tel système musical, pour transporter à une telle beauté du son qui surpasse tous les systèmes." Avec l'hymne national du Bangladesh Amar Shonar Bangla (আমার সোনার বাঙলা) et celui de l'Inde Jana Gana Mana (জন গণ মন), Tagore est le seul à avoir jamais écrit les hymnes nationaux de deux pays. À son tour, le rabindrasangeet a influencé la manière de jouer de musiciens tels que le grand maître de la sitar Vilayat Khan, et les sarodiyas Buddhadev Dasgupta et Amjad Ali Khan.

Fichier:Rabindranath Tagore Rabindra Bhavana collection 2155 pastel mask.jpg
La plupart des œuvres picturales de Tagore ont à voir avec le primitivisme, comme par exemple cette reproduction d'un masque de Malanggan du Nord de la Nouvelle-Irlande.

Âgé de soixante ans, Tagore se remet au dessin et à la peinture. Plusieurs expositions réussies de ses œuvres ont lieu en Europe, d'abord à Paris, encouragé par des artistes rencontrés dans le Sud de la France. Tagore, qui était probablement atteint de pronatopie ("daltonisme"), ou d'une déficience partielle dans le discernement des couleurs (rouge-vert dans le cas de Tagore), peignait dans un style caractérisé par des singularités dans les ordonnancements esthétiques et picturaux. Néanmoins Tagore puisa son inspiration dans de nombreux genres, dont l'art du peuple Malanggan du Nord de la Nouvelle-Irlande, les sculptures haida de la côte ouest du Canada et les gravures sur bois de Max Pechstein. Tagore employait également son œil artistique pour sa propre calligraphie, embellissant les gribouillis, les rayures et la disposition des mots de ses manuscrits avec de simples leitmotivs artistiques, dont des motifs purement rythmiques.

Pièces de théâtre

Âgé de 16 ans, Tagore expérimente pour la première fois le théâtre en tenant le rôle principal dans une adaptation par son frère Jyotirindranath du Bourgeois Gentilhomme de Molière. À 20 ans, il écrit son premier opéra dramatique Valmiki Pratibha (Le Génie de Valkimi), qui relate comment le bandit Valkimi amende son comportement, est béni par Sarasvatī et compose le Rāmāyana. À travers cette œuvre, Tagore explore avec vigueur un large palette de style et d'émotion dramatiques, recyclant par exemple des kirtans et des adaptations de mélodies populaires anglaises et irlandaises comme des chansons à boire. Une autre pièce célèbre, Dak Ghar (Le Bureau de Poste), raconte comment un enfant qui s'efforce d'échapper à un étouffant confinement finit par "tomber endormi" (ce qui suggère sa mort physique). Cette histoire remporta un succès international, recevant des critiques enthousiastes en Europe, traite avec les mots de Tagore de "liberté spirituelle" dans "un monde d'abondance thésaurisée et de croyances certifiées". Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le médecin et éducateur polonais Janusz Korczak choisit de monter "Le bureau de Poste" avec les orphelins dont il s'occupe dans le ghetto de Varsovie. Cela se passe le 18 juillet, moins de trois semaines avant leur déportation dans le camp de la mort de Treblinka. Selon son principal biographe en anglais, Betty Jean Lifton, dans le livre Le Roi des Enfants, le Dr Korszak avait en haute estime la capacité de chacun à déterminer le moment et la manière de mourir. Il est possible qu'il ait essayé de trouver avec cette pièce de théâtre un moyen pour les enfants de son orphelinat d'accepter la mort.

Ses autres pièces, mêlant étroitement courant lyrique et rythme émotionnel chevillés à une idée centrale, diffèrent de tous les drames bengalis antérieurs. Elles cherchent à articuler, selon les propres mots de Tagore « le jeu des sentiments et non de l'action ». En 1890 il compose Visarjan (Sacrifice), considéré comme son meilleur drame. Les premiers drames composés en langue bengalie comportent des intrigues secondaires et des monologues étendus. Par la suite, ils explorent davantage des thèmes philosophiques et allégoriques, comme par exemple Dak Ghar. De même Chandalika (Jeune fille intouchable), est construit d'après une ancienne légende bouddhiste, dans laquelle Ananda (le disciple de Gautama Bouddha demande de l'eau à une jeune fille Adivasi ("intouchable"). Enfin Raktakaravi (Les lauriers-roses rouges) compte parmi ses plus fameux drames : c'est l'histoire d'un roi kleptocrate qui s'enrichit en obligeant ses sujets à extraire des minerais. Nandini, l'héroïne, parvient finalement à rallier les gens ordinaires pour détruire les symboles de l'assujettissement. Parmi les autres pièces de Tagore on peut citer Chitrangada, Raja, et Mayar Khela. Les drames dansés tirés des pièces de Tagore sont couramment désignés comme les rabindra nritya natyas.

Nouvelles

Un dessin de Nandalall Bose, illustration de la nouvelle de Tagore "Le Héros" dans une traduction en anglais parue chez Macmillan en 1913.

La période "Sadhana" de Tagore, qui court de 1891 à 1895, tient son nom d'un des magazines de l'artiste. C'est une des plus fécondes, au cours de laquelle sont écrites plus de la moitié des histoires contenues dans le recueil en trois volumes Galpaguchchha, recueil qui en comprend 84. Ces histoires sont souvent prétexte à Tagore pour des réflexions sur son environnement, sur des idées modernes et à la mode, ou encore sur des jeux de l'esprit (auxquels Tagore s'adonnait pour tester son intelligence). Tagore associait ses premières histoires (comme celles de la période "Sadhana"), avec une exubérance de vitalité et de spontanéité : ces caractéristiques sont intimement reliées à sa vie dans les petits villages de Patisar, Shajadpur et Shidala, entre autres, tandis qu'il administrait les grands domaines familiaux. Là, il contemplait la vie des pauvres et des gens ordinaires. Il porte alors un regard pénétrant dans l'examen de ces vies, une singularité dans la littérature indienne jusqu'alors.

Dans "Le vendeur de fruits de Kaboul", Tagore s'exprime à la première personne, comme citadin et romancier qui rencontre par hasard le marchand afghan. Il tente d'instiller le sentiment de nostalgie ressenti par ceux retenus longtemps prisonniers du confinement mondain et tâtonnant de la vie urbaine en Inde, rêvant d'une autre vie dans les montagnes lointaines et sauvages. « C'était des matins d'automne, à l'époque des conquêtes des rois d'antan ; et moi, frissonnant depuis mon petit quartier de Calcutta, je laissais vagabonder mon esprit à travers le vaste monde. Au simple nom d'un autre pays, mon coeur bondissait vers lui... Il me fallait m'abandonner au tissage d'un trame onirique : les montagnes, les vallées, la forêt... » De nombreuses autres histoires de Galpaguchchha sont écrites durant la période Sabuj Patra, de 1914 à 1917, ainsi nommée d'après un des magazines de Tagore.

Golpoguchchho (Bouquet d'histoires) demeure une des oeuvres les plus populaires de la littérature bengalie, inspirant de nombreux films à succès et pièces de théâtre. Ainsi Charulata, le film de Satyajit Ray, tire son scénario de la nouvelle controversée de Tagore : Nastanirh (Le nid brisé). Dans Atithi (également adapté au cinéma), le jeune brahmane Tarapada est accueilli à bord du bateau d'un zamindar (propriétaire terrien) en croisière d'agrément. Le garçon révèle qu'il a fui sa maison pour entamer une longue errance. Le prenant en pitié et s'attachant à lui, le zamindar l'adopte et va jusqu'à arranger quelques mois plus tard, le mariage avec sa propre fille. Mais la nuit qui précède la noce, Tarapada fugue à nouveau. Strir Patra (La lettre de l'épouse) est au sein de la littérature bengalie une des premières descriptions de l'émancipation montante des femmes. Mrinal, l'héroïne, mariée à un bourgeois bengali patriarcal typique rédige une lettre tandis qu'elle est en voyage. Dans sa lettre (qui constitue la nouvelle), elle détaille la petitesse de sa condition et ses luttes. Elle conclut en déclarant qu'elle ne retournera pas au domicile conjugal par ces mots : Amio bachbo. Ei bachlum, c'est à dire "Et je veux vivre. Là, je vis".

Dans Haimanti, Tagore s'en prend au mariage hindou et à la morne existence des femmes mariées bengalies, à l'hypocrisie qui afflige la bourgeoisie indienne. Haimati, une jeune femme sensible, doit se résoudre à sacrifier sa vie, à cause de sa liberté de penser. Dans le dernier passage, Tagore attaque directement la coutume indienne de glorifier la tentative d'auto-immolation de Sita pour se disculper aux yeux de son époux Rama. Il décrit aussi les tensions entre hindous et musulmans dans Musalmani Didi, un texte qui à bien des titres résume l'essence de l'humanisme de Tagore. Dans un tout autre registre Darpaharan met en avant la tendance de Tagore à l'introspection, en décrivant un jeune-homme nourrissant des ambitions littéraires. Bien qu'aimant sa femme, il souhaite étouffer sa carrière littéraire, la jugeant peu féminine. Il semble que Tagore ait lui-même eu de telles vues dans sa jeunesse. Darpaharan décrit l'humiliation finale de l'homme à travers l'acceptation des talents de son épouse. Jibito o Mrito a donné aux Bengalis un de leurs épigrammes les plus en usage : Kadombini moriya proman korilo she more nai ("Kadombini est morte, prouvant ainsi que non").

Poésie

Œuvres traduites en français
  • L’Offrande Lyrique (Gitanjali, traduction d’André Gide, 1913)
  • La Demeure de la Paix
  • La Religion de l'homme
  • Gora, Le Serpent à plume
  • La Maison et le monde, Payot
  • La Petite Mariée suivi de Nuage et soleil, Gallimard, Folio
  • Le Naufrage, Gallimard
  • Le Vagabond et autres histoires, Gallimard
  • Souvenirs d'enfance, Gallimard
  • Epousailles et autres histoires, Félin
  • Mashi, Gallimard, Connaissance de l'orient
  • Souvenirs, Gallimard, Connaissance de l'orient
  • Quatre chapitres, 1934 ; Zulma, 2007, traduction France Bhattacharya ; ce roman a donné lieu à des adaptations au théâtre et au cinéma
  • Histoires de fantômes indiens, Arléa, 2008, traduit du bengali par Ketaki Dutt-Paul et Emmanuel Pierrat
  • Les oiseaux de Passage, Le Noroît, 2008, traduit de l'anglais et présenté par Normand Baillargeon

Références

The Indian Runner de Sean Penn (1981).La phrase de Tagore "Every new born child brings the message that God is not yet discouraged of man" est citée avant le générique.

Lien interne

Lien externe


Précédé de :
Gerhart Johann Robert Hauptmann
Prix Nobel de littérature
1913
Suivi de :
Romain Rolland


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