Quatre communes

Quatre communes
Gorée
Colonial Saint-Louis c. 1900. Rue du Liban.
Dakar en 1888
Rufisque « La ville de l'arachide » (1912)

Les quatre communes sont Saint Louis, Gorée, Dakar et Rufisque. La particularité de ces quatre communes du Sénégal (quatre vieilles) est que ses habitants ont été citoyens français et ont envoyé un député à l'Assemblée nationale (France) de la République Française jusqu'à l'indépendance du Sénégal. Blaise Diagne, assimilationniste et homme politique français, les qualifiait de « Berceau de la France Africaine »[1]. Les indigènes de l'Île Saint-Louis et de l'Île de Gorée se voient accorder la citoyenneté française par l'Assemblée nationale législative de la Première République Française le 4 avril 1792, soit à la période où le concept de citoyenneté française voit le jour, ils font donc partie des premiers citoyens français.

Sommaire

Un droit de vote pour les Parlements de la République

La députation, un acquis de la République (1848/1879)

Le statut des habitants de Saint-Louis est posé par la Révolution de 1789 (Lamiral, un envoyé porteur du cahier de doléances des notables, européens et mulâtres, se fait plus ou moins accepter dans les couloirs des États généraux, sans statut défini). Il s'y est créé progressivement un statut de Français citoyen auquel le code civil est appliqué partiellement pour tenir compte des particularités juridiques musulmanes.

En 1848, la Révolution accepte (27 avril) l'envoi d'un député au parlement de la Seconde République (Barthélémy Durand Valentin, réélu en août 1849) pour les ports de Saint-Louis et de Gorée, tous les habitants depuis plus de cinq ans pouvant voter (4 706 votants le 31 octobre 1848, dont des noirs et des métis).

Napoléon III retire ce droit le 2 avril 1852, qui est rétabli le 1er février 1871 (élu Lafont de Fongauffier)[2].

L’administration locale craignant l’influence du député, il est à nouveau retiré par la loi organique du 30 décembre 1875, sur l'élection des députés, dont l'article 21 réservait ce droit aux quatre colonies — la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et les Établissements français de l'Inde — auxquelles l'article 2 de la loi du 24 février 1875, relative à l'organisation du Sénat, avait attribué des sénateurs.

La représentation du Sénégal à la Chambre des députés est rétablie, sous la présidence de Jules Grévy, par la loi du 8 avril 1879[3].

Elle est confirmée par les lois ultérieures.

Le tableau annexé à loi du 16 juin 1885 attribue au Sénégal l'élection d'un des dix députés attribués aux colonies[4].

Une vie politique locale fondée sur les clans

Avant la première guerre mondiale, la vie politique des quatre communes est liée au petit nombre d'électeurs, à l'isolement relatif (les nouvelles prennent du temps pour aller et venir de métropoles), et prend donc un tour local où c'est moins le parti que le "clan" qui fait l'élection. Les Députés sont en général soit des officiers de la marine nationale, soit des mulâtres. Le clan des commerçants Bordelais, le rôle de l'église, et le clan des commerçants locaux se disputent en général les suffrages. C'est la lassitude de ce système paralysant qui conduit à la montée d'une nouvelle génération de noirs partiellement acculturés qui à partir de 1900, s'investissent dans un jeu politique jusque là tenu par les mulâtres et les coloniaux. La victoire de Blaise Diagne en 1914, premier noir élu député, débouche sur un élargissement de la citoyenneté au-delà des quatre communes.

Liste des députés

Arrivée de B. Diagne, député du Sénégal, haut commissaire du gouvernement pour le recrutement des troupes noires à Dakar en mars 1918.

La citoyenneté au-delà du droit de vote

Le « statut civil réservé »

Les originaires des communes de plein exercice de Dakar, Goré, Rufisque et Saint-Louis étaient régis par un « statut local ». Mais, à l'égard de ceux-ci, le domaine d'application du « statut local » était limité à certaines matières : l'état des personnes, le mariage, les successions, donations et testaments. Ces matières faisaient l'objet de leur « statut civil réservé », d'abord défini, sous le Premier Empire, par un décret du 20 mai 1857[5], puis, sous la IIIème République, par un décret du 20 novembre 1932[6]. Dans les autres matières, notamment dans celle des obligations, les originaires des communes de plein exercice étaient soumis au « statut civil français ». Il s'agissait d'une situation exceptionnelle qui ne s'expliquait que par l'ancienneté des Établissements français du Sénégal, auxquels le territoire des quatre commune de plein exercice était réputé correspondre.

Il en résultait que les originaires des communes de plein exercice relevaient, en principe, des juridictions dites « de droit français ». Ce n'est que pour juger les affaires intéressant leur « statut civil réservé » que des juridictions dites « de droit local » avaient été créées. Pour les musulmans, il s'agissait de juridictions dites de droit musulman, tenues par des « cadis ». Pour les non-musulmans, la juridiction spéciale était constitué par la juridiction de droit français, complétée par l'adjonction d'un assesseur appartenant à leur coutume. L'appel était portée devant la cour d'appel de Dakar, assistée, pour les musulmans, d'un « cadi » ou, pour les non-musulmans, d'un « notable ».

Les originaires des communes de plein exercice, qui ne conservaient leur « statut local » qu'en matière de « statut civil réservé », étaient soumis au régime répressif français. Il en résultait qu'ils n'étaient pas soumis au régime dit de l'indigénat, lequel permettait à l'autorité administrative certaines peines de police.

La qualité de « citoyen français »

Le « statut intermédiaire »

La pleine citoyenneté

Une loi du 29 septembre 1916 disposait : « Les originaires des communes de plein exercice du Sénégal et leurs descendants sont et demeurent des citoyens français soumis aux obligations militaires prévues par la loi du 19 octobre 1915 ».

Des communes et des citoyens de plein exercice

Le député Lafont de Gauffiller impose au gouverneur, un décret du 10 août 1872 que Saint louis et Gorée (avec Dakar Guet Ndar, Ndar Toute Sor, et en 1884, Gokhoumbaye) deviennent des communes de droit, avec respectivement 16 et 14 conseillers municipaux (Dakar est séparée de Gorée en 1878) et le même statut est accordé à Rufisque (avec Diokoul, Mérina et Tiawlène) en juin 1880. De plus, un conseil général est rétabli en 1879 (il avait été mis en place mais seulement pour les commerçants avant 1850). Cela donne une citoyenneté partielle aux habitants des quatre communes, que le député Blaise Diagne (premier député noir) réussit à rendre complète en 1916 par une négociation permettant d'établir la conscription dans les quatre communes en échange d'une citoyenneté française (accordée aux parents y compris aux épouses des polygames dans certains cas). C'est ce statut qui permet à Galandou Diouf puis à Lamine Gueye et dans le cadre de la réforme de 1944 Leopold Sedar Senghor d'être députés.

Liste des maires

Gorée

Saint Louis

Dakar

Jean Alexandre premier maire le 9 décembre 1887

Rufisque

Limite et portée du statut

Les quatre communes comptent une population d’environ 26 000 individus en 1870. Le droit de vote ne concerne donc, jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, que 5% des habitants du futur territoire du Sénégal. Il n'est étendu pour le Conseil général qu'aux citoyens français hors quatre communes (métropolitains et anciens soldats) qu'avec la réforme Sarraut et les commissions municipales des « communes mixtes » (les autres communes côtières) ne sont élues qu'à partir de 1939.

De plus, les barrières sociales et légales, même dans les quatre communes, ne disparaissent que très progressivement entre 1848 et la décolonisation. Ainsi la distinction entre "originaires" (ressortissants des tribunaux coutumiers et islamiques en raison du statut personnel) et "évolués" (individus scolarisés, acculturés ayant renoncé à la protection du statut personnel) dure jusqu'en 1916 pour le droit de vote.

Malgré ces limites, toutefois, contrairement aux autres Africains qui n'ont eu de député que sous la Quatrième République, les Sénégalais pouvaient se réclamer d'une citoyenneté ancienne. Cela peut partiellement expliquer les différences d'attitude du personnel politique entre 1946 et 1960, en particulier la faible implantation du Rassemblement démocratique africain.

Les historiens contemporains (Mamadou Diouf) affirment que ce statut particulier, a priori assimilationiste, montre que la République s'est posée la question de particularismes dans la citoyenneté (en particulier sur le droit coutumier musulman, ou l'extension de la citoyenneté à une communauté et non au seul individu).

Notes et références

  1. Base de données des députés français depuis 1789 - Blaise DIAGNE
  2. Gerti Hesseling, Histoire politique du Sénégal : institutions, droit et société (traduction Catherine Miginiac), Karthala, 2000, 437 p. (ISBN 2865371182)
  3. Loi du 8 avril 1879, qui rétablit la représentation des colonies de la Guyane et du Sénégal à la Chambre des députés, publiée au Journal officiel de la République française le 9 avril 1879 [lire en ligne]
  4. Loi du 16 juin 1885, qui modifie la loi électorale, publiée au Journal officiel de la République française le 17 juin 1885 [lire en ligne], avec le tableau y annexé [lire en ligne]
  5. Décret du 20 mai 1857, sur l'organisation de la justice musulmane au Sénégal, publié au Bulletin des lois de l'Empire français du 6 juin 1857 [lire en ligne].
  6. Décret du 20 novembre 1932, concernant la justice musulmane et l'assessorat indigène auprès des juridictions de droit français en Afrique occidentale française, publiée au Journal officiel de la République française du 20 novembre 1932.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) Catherine Coquery-Vidrovitch, « Nationalité et citoyenneté en Afrique occidentale française : originaires et citoyens dans le Sénégal colonial », in The Journal of African History, n° 42, 2001, p. 285-305
  • (fr) Mamadou Diouf, « Les Quatre Communes, histoire d'une assimilation particulière », in Histoire du Sénégal : le modèle islamo-wolof et ses périphéries, Maisonneuve & Larose, 2001, p. 135-156 (ISBN 9782706815034)
  • G. Wesley Johnson, Jr. The Emergence of Black Politics in Senegal: The Struggle for Power in the Four Communes, 1900–1920 (1972).
  • (fr) G. Wesley Johnson, Jr., « L'accession des Africains au pouvoir dans les Quatre Communes », in Naissance du Sénégal contemporain : aux origines de la vie politique moderne (1900-1920) (trad. François Manchuelle), Karthala, Paris, 1991, chap. XI, p. 243-260 (ISBN 9782865372775)
  • (fr) Boubacar Sissokho, La vie politique dans les quatre communes du Sénégal entre les deux guerres, Paris VII, Université de Paris VII, 1979, 67 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • James F. Searing. Senegal: Colonial Period: Four Communes: Dakar, Saint-Louis, Gorée, and Rufisque, in Kevin Shillington (editor), Encyclopedia of African History, (New York, 2005): 3 Volumes, 3, 1334–35.
  • (fr) François Zuccarelli, « Les Maires de Saint-Louis et de Gorée de 1816 à 1872 », in Bulletin de l'IFAN, série B, n° 3, 1973, p. 551-573

Liens externes


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