- Péché de chair
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Luxure
La luxure désigne un penchant immodéré pour la pratique des plaisirs sexuels. Elle renvoie aussi à une sexualité désordonnée ou incontrôlée. Le mot provient du latin luxuria, qui date de 1119.
Sommaire
Formes religieuses
Religion catholique
Pour le catholicisme, c'est l'un des sept péchés capitaux. Les actes relevant de la luxure sont nombreux, on peut citer différentes espèces de luxure : la fornication, le stupre, le rapt, l'adultère, l'inceste, le sacrilège, la bestialité, la sodomie, l'onanisme, l'impureté.
La luxure impliquerait cécité spirituelle, précipitation, attachement au présent, horreur ou désespoir de l'avenir.
Dante évoque la luxure dans ses cercles infernaux. Dans sa représentation, il place les luxurieux au deuxième cercle de l'Enfer. Il les décrit comme tourmentés par la bourrasque infernale : "Et je compris qu'un tel tourment était le sort des pécheurs charnels,/qui soumettent la raison aux appétits."[1]
Anciennes religions
Les religions anciennes ne concevaient pas le vice luxurieux. Au contraire, certaines religions très répandues pratiquaient parfois des actes luxurieux dans le cadre de leurs rituels, comme les Bacchanales, dont les excès amenèrent le Sénat romain à les interdire à Rome en 186 av. J.-C.. On trouve aussi des célébrations dionysiaques qui pratiquaient collectivement ce genre d'excès, sous l'emprise de drogues et d'alcool (Temple de Dionysos à Baalbeck), et aussi des prostitutions sacrées. Voir Mont Éryx en Sicile, par exemple.
Dans la mythologie, il y eut des dieux de la luxure dans bien des cultures :
- Anouket en Égypte
- Venus à Rome
- Aphrodite en Grèce
- Lilith à Babylone
- Tlazolteotl pour les Mexicas
- Freya pour les Nordiques
- Kâma pour l'hindouisme. Dans ce cas c'est un dieu, et de son nom provient le Kama Sutra
Certaines de ces figures étaient aussi considérées comme étant des dieux de l'amour.
Socialement et moralement
Faire de la recherche du plaisir sexuel un but à part entière n'est pas systématiquement perçu d'un mauvais œil. L'hédonisme et le Kâmasûtra peuvent illustrer ce propos.
De nos jours, les aventures sexuelles prémaritales multiples sont courantes, tout comme le concubinage. On peut citer aussi certaines pratiques sexuelles, encore marginales, comme l'échangisme, la sexualité de groupe, le voyeurisme ou l'exhibitionnisme, parfois sanctionnées par la loi quand elles s'exposent au public.
Bien que l'évolution des mœurs tende à banaliser certaines pratiques sexuelles et à taxer parfois ceux que cela choque de fermeture d'esprit, le sexe suscite de nombreuses problématiques qui ne peuvent pas être traitées avec autant de légèreté que les libertins le voudraient, notamment sur les questions du consentement et des conséquences psychologiques et affectives des actes.
Il est difficile de mesurer les effets sociologiques d'une banalisation des pratiques sexuelles car les sondages et témoignages recueillis, se heurtant à l'intimité, reposent sur des faits invérifiables, amplifiables ou dissimulables selon l'image que le témoin veut donner de lui (envers les autres et parfois envers lui-même, jusque dans l'anonymat).[2]
La pornographie entre pleinement dans le champ de la luxure lorsqu'elle pousse à l'extrême et à l'excès ses représentations, notamment lorsqu'elle fait preuve de violence. Elle est parfois accusée d'incitation au viol, de déformer le sens des réalités de ses consommateurs, d'imposer un imaginaire normatif et réducteur de la sexualité [3], et de banaliser les comportements sexuels marginaux. Des études ont relevé une corrélation significative entre la légalisation de la pornographie et l'augmentation de la criminalité sexuelle (dont le nombre de viols), d'autres montrent, avec le soutien de psychiatres, que la dépendance à la pornographie jouait un rôle indéniable dans le passage à l'acte de nombreux délinquants sexuels.[4]
De fortes critiques portent sur les valeurs mêmes véhiculées par la pornographie qui réduirait les femmes à n’être que des « objets » et ramènerait les relations amoureuses à de simples rapports sexuels. Dans ce dernier cas ceci affecte le rapport amoureux de l'homme et donc remet en question son bonheur, d'où le problème de la luxure, indépendamment de toute considération religieuse.
En matière d'éducation des enfants, les effets du visionnage d’images pornographiques sont très appréhendés.
En philosophie
La luxure est une problématique fortement liée à la question du rapport amoureux.
À ce sujet Schopenhauer évoque la misère qui peut surgir d'un rapport amoureux. Selon lui ceci explique directement le sentiment de honte et de tristesse qui suit, chez l’espèce humaine, l’acte sexuel. La seule chose qui règne, c’est le désir inextinguible de vivre à tout prix, l’amour aveugle de l’existence, sans représentation d’une quelconque finalité. Il estime ainsi que le génie de l’espèce est un industriel qui ne veut que produire et n’a qu’une pensée, pensée positive et sans poésie, c’est la durée du genre humain. Le thème de l’amour chez Schopenhauer est donc à mettre en rapport avec l’horreur devant la vie : il apparaît d’abord comme un objet d’effroi.
Artistiquement
Littérature
La littérature regorge de récits (autobiographiques ou non) dont les protagonistes font face à des expériences sexuelles luxurieuses. Outre les paillardises de certains auteurs (comme Courtilz de Sandras, Mérimée et Catulle de Mendès), Georges Bataille nous décrit une succession de scènes de bordel et rejoint les transgressions de Casanova, Verlaine, Huysmans et Boudard, en ne s'attaquant pas à la respectabilité des actes luxurieux mais à la pulsion de vie et de mort, cette dernière étant la source d'un profond mal-être que la violence et l'absurdité des circonstances amplifient.[1]
Dans l'appendice de 1984, exposant les principes du Novlangue, Georges Orwell écrit que la vie sexuelle des membres du parti était minutieusement réglée par les deux mots novlangue : crimesex (immoralité sexuelle) et biensex (chasteté). Il fait ainsi référence à la notion de luxure sans en emprunter le terme original.[5] Le roman décrit, entre autres, une société où les rapports sexuels entre membres du parti sont strictement interdits, la reproduction étant assurée par insémination artificielle ; le parti se montre plus clément à l'égard des membres ayant eu des rapports sexuels avec une prostituée.
Chanson
On retrouve aussi ce mal-être postcoïtal dans la chanson L'Espace d'une fille de Jacques Dutronc.[6]
Cinéma
Le film américain THX 1138 est une science-fiction décrivant une société où les rapports sexuels sont interdits, sous peine de prison ou de mort. La religion y est représentée : les prêtres y ont le visage caché, encapuchonné, et les citoyens s'y confessent à des machines aux paroles « bienveillantes ».
En psychologie
Si le concept de luxure n'y est pas évoqué en tant que tel, de nombreuses problématiques liées au contrôle de soi, de ses pulsions, du désir, font l'objet d'une attention particulière des experts en psychologie.
Désir et religion
Des recherches ont été réalisées dans les années 1980 au sujet de l'éventuelle influence que pourrait avoir la religion sur la sexualité.[7] Le doute émis sur le sujet a été de savoir si la religion ou si les croyances non permissives en matière de sexe qui s'en inspirent pouvaient engendrer des schèmes de pensée entrant en conflit avec la manifestation du désir, et ainsi avoir des effets négatifs sur celui-ci en le cloisonnant aux frontières de la procréation sous peine de susciter un sentiment de culpabilité. L'étude initiale a été menée sur 747 clients suivant une thérapie en raison de leur trouble de baisse du désir. Les deux chercheurs à l'origine de cette étude ont suggéré que le « catholicisme » formait partie des facteurs les plus souvent liés à ces troubles, mais après seconde étude des résultats obtenus il s'est avéré que ceux-ci ne présentaient aucune différence significative entre les deux groupes témoins. Une autre étude menée sur un sujet similaire, plus précisément sur l'influence de la religion en bas âge sur le désir sexuel à l'âge adulte, a confirmé que la première n'affectait pas le second.
Malgré ces résultats, certains soutenaient encore l'inverse en partant du postulat de la facilité avec laquelle les hommes peuvent cultiver des tabous, éprouver de la culpabilité, et se faire de fausses idées au sujet de la sexualité, à cause de certains dogmes religieux. D'autres encore ont estimé que la religion était l'une des sources des cognitions négatives face à la sexualité que sont les « voix internes ». Ces dernières provoquent un sentiment de culpabilité pendant la concrétisation d'un comportement sexuel, et réduisent progressivement le désir sexuel. [7]
Malgré un défaut de consensus sur le point précédent, il y a des questions sur lesquelles les avis des psychologues convergent, notamment sur le fait que des traumatismes et abus sexuels vécus dans l'enfance et l'adolescence peuvent être impliqués dans la baisse de désir. En résumé, toute expérience négative en matière de sexualité provoquerait des attitudes sexuelles négatives et favoriserait un problème de désir.[7]
Sexualité déviante ou criminelle
En psychiatrie, le domaine de la sexualité (criminelle et/ou pathologique) n'est pas négligé. Il existe des thérapies visant à aider les patients à diminuer leurs intérêts sexuels déviants, leurs fantaisies envers des objets sexuels inadéquats (comme des enfants) ou des scénarios sexuels inadéquats (dont le viol). Par exemple, le recours à la restructuration cognitive intervient dans le cas de patients présentant des croyances et des attitudes face aux agressions sexuelles qui pourraient conduire au passage à l’acte. La sexualité peut se construire autour de croyances impertinentes comme par exemple le fait de croire que les femmes apprécient l’expérience du viol, que les enfants ne sont pas marqués par des contacts sexuels, qu’il est normal qu’un homme insiste violemment si une femme rejette une première demande, ou que des rapports sexuels avec les animaux sont sans danger pour le psychisme. Cette méthode permet le remplacement des distorsions cognitives par des pensées plus appropriées. L'éducation sexuelle et l'apprentissage des habiletés sociales lorsqu'elles font défaut, permettent aussi de réduire les manifestations de troubles comportementaux d'ordre sexuel.[8]
Notes et références
- ↑ a et b Sébastien Lapaque, Les sept péchés capitaux : Luxure, Librio, 2000 (ISBN 2290307564)
- ↑ (fr) Interview d'un sociologue (Philippe Combessie) évoquant la difficulté de mesure autour de la sexualité.. Consulté le 7 juin 2008
- ↑ Michela Marzano et Claude Rozier, Alice au pays du porno, Éditions Ramsay, 2005
- ↑ Laurent Guyénot, Le livre noir de l'industrie rose, Imago, 2000
- ↑ Georges Orwell, 1984
- ↑ (fr) Jacques Dutronc, « L'espace d'une fille (paroles) ». Consulté le 7 juin 2008
- ↑ a , b et c Gilles Trudel et Sylvie Aubin, La baisse du désir sexuel, Masson, 2003 (réimpr. 2003), 233 p. (ISBN 2294009991), partie Variables cognitives dans la baisse du désir sexuel, chap. 1-2, p. 24-25-31
- ↑ (fr) Martine Jacob et André McKibben, « Les adolescents agresseurs sexuels », NA, p. 8-9. Consulté le 8 juin 2008
- Uta Ranke-Heinemann (théologienne allemande), Des Eunuques pour le royaume des cieux : L'Église catholique et la Sexualité, traduction de Monique Thiollet, collection Pluriel, Paris, Ed. Robert Laffont 1990 ISBN 2010190068 (Original en allemand, 1988)
Voir aussi
Articles connexes
- Paganisme
- Dépendance à la pornographie
- Mérimin, l'ange de la luxure.
- Les autres péchés capitaux : l'avarice, la colère, l'envie, la gourmandise, la paresse, l'orgueil
- Schopenhauer, au sujet de la pulsion de vie et de mort, du vouloir-vivre.
- La Luxure est une chanson du groupe Trust, sortie en 1983 sur l'album Trust_IV
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