- Paresse
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La paresse (du latin pigritia) est une propension à ne rien faire, une répugnance au travail ou à l'effort. Considérée comme un péché dans la religion catholique, elle est élevée au rang de valeur par certains courants idéologiques contestataires.
Sommaire
Une brève histoire de la paresse
Les Romains et les chrétiens
La paresse ne doit pas être confondue avec l'otium (le loisir) que les Romains opposaient au negotium (le commerce). L'otium est une vertu du lettré défendue par Cicéron et Sénèque et, surtout, un privilège indispensable pour exercer les activités du citoyen, participer à la vie de la cité et au brassage des idées, et que seule la possession de terres peut assurer.
La paresse, en revanche, consiste à ne pas avoir envie de faire ce qu'il serait en principe nécessaire que l'on fît, pour soi ou pour les autres, afin en général de mieux vivre. Le terme prend alors une connotation négative jusqu'à désigner un péché.
La paresse ne doit pas non plus être confondue avec le repos réparateur ou même, simplement, le repos propice à la réflexion et à l'introspection, qui a été loué en son temps par Thomas d'Aquin. Les Évangiles sont d’ailleurs parsemés d’incitations à ne pas perdre sa vie terrestre en futilités mais à gagner, par le renoncement, sa vie dans l'au-delà[1].
Paresse et acédie
Dans la tradition catholique, la paresse est souvent assimilée à l'un des sept péchés capitaux. En réalité, le catéchisme de l'Église catholique mentionne ce péché capital comme « paresse ou acédie ». Le mot « acédie », très peu utilisé de nos jours, et qui a même disparu de la plupart des dictionnaires, est pourtant le terme historique utilisé dans la tradition[2] monastique (d'Évagre le Pontique à saint Thomas d'Aquin et jusqu'à la fin du Moyen Âge). Le terme acédie correspond à de la paresse spirituelle, ce qui est bien différent du sens moderne donné à ce péché par l'emploi du simple mot paresse (= procrastination) au sein des 7 péchés capitaux.
Approches contemporaines
La paresse en tant que pathologie
En faisant abstraction de toute notion religieuse, morale ou d'utilité sociale, la paresse peut aussi se rapprocher de l'envie de ne rien faire puis du manque d'envie de faire quelque chose. Ce manque d'appétit à agir peut être lié à un manque de mobiles, une absence ou une perte de « raisons de vivre ». Dans cette optique, le paresseux n'est pas enviable, il est généralement conscient de son état, sait ce qu'il devrait faire pour en sortir mais ne le fait pas, agir lui semble un effort titanesque qu'il convertit en intentions sans suite et en culpabilité de ne pas avoir fait ce qu'il s'était promis de faire.La paresse, en ce sens, n'est pas sans relation avec la procrastination. Ce n'est pas la fatigue qui empêche le paresseux d'agir mais plutôt le transfert des actes dans l'imaginaire qui finit par convertir la volonté elle-même en vague projet. Le paresseux finit par être épuisé par ce combat intérieur.
Ce type de paresse est souvent lié à l'isolement social comme cause ou comme effet. Le « paresseux chronique » n'est pas totalement inactif, mais il va privilégier les activités non productives qui l'aident à se déconnecter du réel, c'est une paresse en forme de fuite, de fuite statique, c'est un boulimique du divertissement économique. On peut alors parler de paresse addictive.[réf. nécessaire]
La paresse comme subversion politique
Face au point de vue qui consiste à considérer le travail comme une valeur, le culte de la paresse et de l'oisiveté apparaît comme une attitude réellement subversive : si chacun arrêtait d’occuper son emploi, ou du moins d'en faire le centre de son activité, les conséquences sociales, économiques et culturelles seraient considérables.
Ce point de vue consistant à faire l'éloge de la paresse trouve un écho chez de multiples auteurs, parmi lesquels Paul Lafargue, Bertrand Russell ou, de nos jours, quelqu'un comme Gébé. Il a été revendiqué, notamment, par les acteurs des courants contestataires occidentaux nés dans les années 1940 et 1950 (tel Bob Black), à commencer par les hippies ou les soixante-huitards.
Bibliographie
- Bob Black, L'Abolition du travail, 1985
- Denis de Casabianca, Pourquoi paresser, Lyon, Aléas, 2007
- Denis de Casabianca, Un petit manuel de l'apprenti paresseux[3], Lyon Aléas, 2008
- Cyril Frey, Le Livre de la paresse, Éditions n° 1, 2000
- Cyril Frey, Sagesse de la paresse, First Document, 2010
- Gébé, L'An 01, 1970
- Jerome K. Jerome, Pensées paresseuses d'un paresseux, Paris, Arléa, 1886
- Samuel Johnson, Le Paresseux, Paris, Allia, 2000
- Jack Chaboud Le Petit Livre de la paresse, Le Rocher, 1998
- Paul Lafargue, Le Droit à la paresse (Réfutation du « Droit au travail » de 1848), 1883 (nouvelle édition) Édition numérique disponible sur wikisource
- Kazimir Malevitch, La Paresse comme vérité effective de l'Homme, Paris, Allia, 1997
- Corinne Maier, Bonjour paresse. De l'art et de la nécessité d'en faire le moins possible en entreprise, Michalon, 2004
- Clément Pansaers, L'Apologie de la paresse, Paris, Allia, 1996
- Bertrand Russell, Éloge de l'oisiveté, Allia, 2002
Voir aussi
Liens internes
- Mélancolie
- « Oblomovisme » (référence à la paresse légendaire d’Oblomov, le héros du roman d'Ivan Gontcharov)
Lien externe
- « L'art de glander au bureau »[4] dans Libération du 29/01/2001
Notes
- Matthieu 10.39 : « Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. » C'est par exemple le sens de ce que l'on peut lire dans
- acédie dans le dynamisme de l'agir. Jean-Charles Nault, La Saveur de Dieu, l'
- Site de la paresse.fr.
- « désopilant » par Libé, semble ne plus exister... Mais le site Glande à fond, présenté comme
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