- Prêtre ouvrier
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Les prêtres ouvriers, plus tard dénommés prêtres au travail, sont des prêtres de l'Église catholique romaine insérés dans la vie professionnelle, et notamment travailleurs salariés. Initié dans les années 1940-50, ce mouvement fut qualifié par le dominicain Marie-Dominique Chenu comme le « plus grand événement religieux depuis la Révolution française »[1], avant d'être condamné par Pie XII en 1954. Après le concile Vatican II (1965), Paul VI autorisa à nouveau ces « établis ».
Sommaire
Histoire des prêtres ouvriers
Dès 1942, Charles Bolland, prêtre liégeois, est autorisé par Mgr Kerkhofs à travailler en usine. En 1943, deux prêtres, les abbés Henri Godin et Yves Daniel, publient un livre intitulé France, pays de mission ? qui constate la forte déchristianisation des milieux ouvriers en France. 100 000 exemplaires sont vendus en quatre ans[1]. Dans le même temps, des prêtres catholiques qui ont accompagné des travailleurs en Allemagne dans le cadre du STO témoignent de leur vie partagée avec les travailleurs.
Sur le modèle de la Mission de France, le cardinal Emmanuel Suhard crée en 1943 la Mission de Paris, destinée spécifiquement à former des prêtres pour la classe ouvrière parisienne.
Après 1945, un certain nombre de prêtres commencent à vivre leur ministère en usine. Ils ressentent leur présence dans ce milieu comme le moyen de rétablir le contact entre l'Église et les travailleurs. Épousant les espoirs et les combats de leurs collègues, ils s'engagent dans les associations, syndicats et même partis politiques, ce qui provoque la méfiance de Rome. Ils participent aux grèves et aux manifestations, et deux d'entre eux sont même arrêtés le 28 mai 1952 au cours de la manifestation contre Ridgway. Sur le même modèle que les prêtres ouvriers, dans les villes portuaires, des prêtres marins apparaissent. L'écrivain chrétien Gilbert Cesbron popularise la thématique des prêtres ouvriers dans son roman Les saints vont en enfer (1952), véritable succès de librairie.
Dans le contexte de la guerre froide, le pape Pie XII décide en 1954 d'arrêter l'expérience des prêtres ouvriers en leur demandant de se retirer des usines. Ils sont alors une centaine, et l'Église craint entre autres leur imprégnation par le Parti communiste français. La plupart obéissent et démissionnent de leurs emplois, mais quelques-uns restent au travail, en se mettant ainsi consciemment en faute vis-à-vis de l'Église. Et en 1959, c'est au tour des prêtres marins de la Mission de la mer d'être condamnés par le Vatican.
La situation se retourne complètement en 1965, après le concile Vatican II : le pape Paul VI autorise à nouveau aux prêtres le travail dans les chantiers et les usines. En 1976, ils atteignent le nombre de 800 en France. De façon saisissante, malgré la différence d'approche, cette expérience est analogue à celle des trotskystes ou, dans les années 1970, des maoïstes qui s'« établissent » en usine. Elle eut une certaine influence sur la théologie de la libération en Amérique latine.
Les prêtres au travail aujourd'hui
Reconnus par l'Église, les prêtres au travail agissent dans les années 2000 au sein d'organismes comme la Jeunesse ouvrière chrétienne, la Mission ouvrière[2], l'Action catholique ou encore la Communauté Mission de France : ce sont 500 hommes au sein d'équipes à travers la France et 11 autres pays. Ils engagent leurs vies dans la rencontre d’hommes et de femmes qui ne partagent pas leur foi. Cette rencontre se vit au quotidien, dans le travail, les engagements associatifs, politiques ou familiaux. Il s’agit d’être présent et attentif à ce qui se vit et se cherche. Prêtres, diacres et baptisés vivent cet engagement en équipe, où ils partagent leurs joies et leurs difficultés, portant ensemble la mission qui leur est confiée.
Ils cherchent souvent à améliorer l'image de l'Église dans le monde du travail, en vivant avec les travailleurs, et à évangéliser en témoignant de leur vie.
Ils sont toujours prioritairement dans des métiers industriels, mais se sont également diversifiés dans les autres secteurs d'activité, d'où leur nom actuel de prêtres au travail. Le monde ouvrier ayant considérablement changé depuis les années 1940, certains prêtres au travail se mettent au service des chômeurs, des victimes de la précarité, ou encore des sans domicile fixe.
Chronologie « Missionnaires au travail » Dates et événements marquants
- 1927 : Fondation de la JOC, en France.
- 1928 : Fondation de la JOCF
- 1933 : Madeleine Delbrel fonde une communauté de femmes laïques à Ivry-sur-Seine
- 1941 (juillet): Fondation du séminaire de la Mission de France. Louis Augros en est le supérieur
- 1942 : Mgr Louis-Joseph Kerkhofs, évêque de Liège autorise le travail en usine du premier prêtre ouvrier belge.
- 1942 (octobre): Ouverture du séminaire de la Mission de France à Lisieux
- 1943 (juillet) : Fondation de la Mission de Parispar le Cardinal Emmanuel Suhard
- 1943 (septembre) : Parution du livre d'Yvan Daniel et d'Henri Godin, La France, pays de mission ?
- 1943 (avril) : Monique Maunoury s'installe avec une équipe de femmes laïques dans la Zone à Ivry-sur-Seine
- 19 décembre 1943 au 15 janvier 1944 : Session de départ de la Mission de Paris
- 1944 (novembre) : Premières équipes (femmes laïques) de la Mission de France féminine à Paris (XIIIe) et au Kremlin-Bicêtre
- 1945 : Parution du livre d'Henri Perrin, Journal d'un prêtre-ouvrier en Allemagne
- 1949 : Un décret du Saint-Office frappe d'excommunication les communistes et leurs sympathisants
- 1949 (Mai) : Mort du cardinal Emmanuel Suhard et première réunion nationale des prêtres-ouvriers
- 1950 : Des dominicaines des campagnes décident de sortir de leur couvent pour travailler comme ouvrières agricoles
- 1950 (Mars): Le Mouvement de la Paix lance l'appel de Stockholm. Les missionnaires au travail participent à la campagne de signatures
- 1951 ( 4 février) : Henri Barreau, prêtre-ouvrier de la Mission de Paris, est élu au secrétariat de l'Union syndicale des travailleurs de la métallurgie de la Seine
- 1952 : André Depierre participe au congrès de la Paix à Vienne. Louis Augros est démis de sa fonction
- 1952 ( 28 mai) : Manifestation contre le général Ridgway : deux prêtres-ouvriers sont arrêtés. Parution du livre de Gilbert Cesbron, Les saints vont en enfer
- 1953 : Fermeture du séminaire de la Mission de France. Rappel des prêtres-ouvriers à Marseille. Des prêtres-ouvriers critiquent le rôle de la CFTC pendant les grèves de l'été 1953
- 1954 (Février): "Manifeste des 73", dénonçant le choix impossible auquel sont contraints les prêtres-ouvriers. Sanctions contre des dominicains dont le RP Chenu
- 1954 1er mars : Ultimatum : interdiction aux prêtres-ouvriers de travailler
- 1955 : Condamnation de La Quinzaine
- 1957 : Parution du livre de Madeleine Delbrel, Ville marxiste, terre de mission
- 1959 : Deuxième interdiction : aucun prêtre ne peut avoir un travail salarié. L'interdiction concerne aussi les prêtres de la Mission de la mer, embarqués à bord de navires.
- 1965 (octobre) : Les prêtres sont autorisés à travailler
- 1993 : Il y a 580 prêtres-ouvriers en France
Notes et références
- Qui a peur des curés rouges ?, L'Histoire n° 285 - 03/2004
- http://www.eglise.catholique.fr/actualites-et-evenements/dossiers/mission-ouvriere/histoire-de-la-mission-ouvriere.html Histoire de la Mission ouvrière [
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Qui a peur des curés rouges ?, L'Histoire n° 285 - 03/2004
- Site de la Mission de France
Bibliographie
- Roger Déliat, "Vingt ans OS chez Renault. L'évolution d'un enfant du peuple devenu prêtre-ouvrier". (1907 Tarbes - 1978 Boulogne-Billancourt)Prêtre « insoumis-soumis » en 1954.
- André Collonge, Le Scandale du XXe siècle et le drame des prêtres-ouvriers, Olivier Perrin, Paris, 1957.
- Madeleine Delbrel, Communistes et les chrétiens : alliance ou dialogue ? Paris, 1904-1933-1964, Le Cerf, 1990.
- Madeleine Delbrel, Ville marxiste, terre de mission, Paris, 1957, réédité en 1970, Le Cerf.
- Jean Giard, Cinquante ans aux frontières de l'Église. De la Mission de France aux équipes d'Ivry, Paris, 1994, L'Harmattan.
- Henri Godin, Yvan Daniel, La France, pays de mission ?, Lyon, 1943, Les Éditions de l'Abeille.
- Jean Guégen, Petite vie de Madeleine Delbrel, 1995, Desclée de Brouwer.
- Étienne Fouilloux, "Des chrétiens à Ivry-sur-Seine (1930-1960)", Banlieue Rouge, Autrement n° 18, octobre 1992.
- Michel Lémonon, Laurent ou l'itinéraire d'un prêtre-ouvrier, 2000, Karthala.
- François Leprieur, Quand Rome condamne, Paris, Plon/Le Cerf, 1989.
- Bernard Lecomte : Les secrets du Vatican (Perrin, 2009) - Chapitre 6 : "Le drame des prêtres-ouvriers" (p. 111-135).
- Maurice Montuclard, Jeunesse de l'Église (Revue fondée par).
- Jean Olhagaray, Ce mur il faut l'abattre. Prêtre ouvrier de la Mission de Paris, 1999, Atlantica éditions.
- Émile Poulat, Les prêtres ouvriers. Naissance et fin, 1999 (édition revue et complétée), Éditions du Cerf,.
- Michèle Rault, Nathalie Viet-Depaule, " Missionnaires au travail en banlieue parisienne ", Ouvriers en banlieue XIXe-XXe siècle, Paris, 1998, Les Éditions de l'Atelier.
- Yvon Tranvouez, Catholiques d'abord, approches du mouvement catholique en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Les Éditions ouvrières, 1988.
- Nathalie Viet-Depaule, " Contexte historique " in Fidèle insoumission de Jean-Marie Huret, Maurice Combe, 1999, Le Cerf.
- Nathalie Viet-Depaule, " Stratégies de présence : les prêtres au travail (1944-1965) " in Religion et action dans l'espace public, 2000, L'Harmattan.
- Robert Wattebled, Stratégies catholiques en monde ouvrier dans la France d'après-guerre,1990, Paris, Les Éditions ouvrières .
- Simone Weil, La Condition ouvrière 1951, Paris, Gallimard.
- Albert courtoy,deuxième prêtre ouvrier de Belgique, liège (1924-1997)
Filmographie
- Sophie Barreau-Nicod, Insoumis. Mémoires de prêtres-ouvriers, mars 1995
- Maurice Failevic, Journal d'un prêtre ouvrier, 1976
Littérature
- Gilbert Cesbron, Les saints vont en enfer, Paris, Laffont, 1952, 309 p.
- Pierre Hamp, Kilowatt La peine des hommes, Paris, Plon, 1957, 425 p.
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