Principe de legalite en droit administratif

Principe de legalite en droit administratif

Principe de légalité en droit administratif français

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En matière administrative, laction de ladministration nest pas libre, mais elle peut être subordonnée à un certain nombre de règles, qui lhabilitent à agir, qui déterminent les procédures à suivre, qui fixent des conditions de fond à laction administrative, et en particulier, qui définissent les droits des administrés. L'administration doit respecter le droit, il existe donc un principe de légalité de l'action administrative.

Cette idée est le fondement de la construction juridique du droit administratif, mais elle ne sest pas imposée sans difficulté. Historiquement, lÉtat a manifesté une réelle réticence à être soumis au droit, et au contrôle dun juge[1]. Mais même aujourd'hui, il existe des zones de « non-droit », ladministration nest soumise quimparfaitement au respect de la règle de droit. Cest le cas, en droit administratif français, des actes de gouvernement, qui ont pour caractéristique de ne pas pouvoir être soumis au juge administratif, ou bien encore les mesures dordre intérieur.

Cependant, on a pu assister au cours du XXe siècle à une multiplication des sources du droit administratif, particulièrement en Europe. Jusqu'à la Seconde guerre mondiale, les systèmes juridiques nationaux s'inspiraient de la doctrine du légicentrisme ; cependant, ils ont par la suite adopté la doctrine du constitutionnalisme, avec un respect effectif et juridictionnalisé de la Constitution. Celle-ci intéressant notamment les rapports entre pouvoirs publics, les juges constitutionnels européens ont nécessairement eu à développer des racines constitutionnelles à l'action administrative. Par ailleurs, la coopération juridique internationale s'est particulièrement développée, notamment par le moyen des traités internationaux. L'intégration régionale européenne impose également à l'administration d'agir pour faire transposer des directives communautaires en droit national. Alors que dans les années 1920, la source exclusive du droit administratif était la loi, le droit international, voire européen ou communautaire, s'impose également de plus en plus à l'administration, et le juge administratif se retrouve corrélativement en position de faire respecter des normes juridiques transnationales à l'administration. Dès lors, face à une telle prolifération des sources du droit, certains auteurs ne nomment plus ce principe « principe de légalité », mais préfèrent l'appellation principe de juridicité de l'action administrative : la loi stricto sensu n'est plus la seule source exclusive du droit administratif, à supposer qu'elle l'ait jamais été ; ce qui importe, dans un État de droit, est que l'administration soit soumise à la règle de droit, qu'elle soit constitutionnelle, internationale, européenne, mais également jurisprudentielle. Cependant, l'expression principe de légalité reste encore aujourd'hui la plus utilisée, bien qu'amenée à être inexacte dans certains systèmes juridiques, dont le système français.

Sommaire

Le principe de la soumission de l'administration à la règle de droit

La soumission de l'administration à la règle de droit relève du « miracle »[2] selon Prosper Weil. En effet, qu'est-ce qui pourrait contraindre l'administration, déjà détentrice de la puissance publique ? Alors que cette puissance publique permet de soumettre les particuliers à l'autorité de la loi, on ne saurait retourner cette puissance, ce Léviathan juridique, contre son détenteur. Qu'est-ce qui peut alors fonder la soumission de l'administration à une règle de droit, qui suppose une autorité pour en sanctionner la violation ?

La doctrine allemande a développé la distinction entre État de droit et État de police.

Dans lÉtat de police, lÉtat est affranchi dune obligation de respecter le droit : cest un système dans lequel ladministration peut appliquer de manière discrétionnaire toutes les mesures quelle juge utile. Mais ce nest pas un gouvernement arbitraire ou despotique, car il existe une règle de droit ; en revanche, lÉtat peut changer à sa guise la règle de droit, quand celle-ci ne lui convient plus.

Au contraire, lÉtat de droit, dans ses relations avec les citoyens, se soumet à un régime de droit : au cœur de la relation entre lÉtat et les citoyens, il y a le principe que les différents organes de lÉtat ne peuvent agir quen vertu dune habilitation juridique spéciale. Ladministration ne peut faire usage de la force publique que dans les cas prévus par la règle de droit. La puissance se transforme ainsi en une compétence instituée et encadrée par le droit.

Cette règle de droit, dans un État de droit, suppose 2 caractéristiques bien précises :

  • Juridicisation des rapports entre ladministration et les administrés.

En particulier, les citoyens doivent avoir les moyens juridiques de forcer les autorités à respecter les règles de droit. Cela veut dire en particulier que lÉtat de droit suppose de pouvoir recourir à un juge indépendant pour faire sanctionner les abus des autorités publiques.

  • Extranéité des règles applicables à ladministration

Les règles appliquées à ladministration ne doivent pas avoir pour seules sources le pouvoir exécutif. Il faut quelles émanent dautorités extérieures à ladministration : le Parlement, les traités internationaux, les juridictions. Cest le modèle que lon retrouve dans la plupart des sociétés développées : comment est-on passé dun mouvement despotique à un État de droit ? Par exemple, le courant du droit naturel explique quil existe par nature des droits qui dépassent lÉtat. Cette thèse a notamment été reprise par les défenseurs des droits de lhomme.

Pour Léon Duguit, ce passage de létat despotique à un état de droit ne peut sexpliquer que dans son contexte économique et social : il va de pair avec le développement de la démocratie politique, qui soumet ladministration et les autorités nationales à la « conscience sociale » (que l'on pourrait appeler aujourd'hui opinion publique).

Les sources de la légalité administrative

Les sources de la légalité administrative sont les normes que le juge administratif peut utiliser pour contrôler les actes administratifs.

Historiquement, en vertu du principe de légalité, les actes devaient respecter la loi. Ce respect s'est étendu aux autres normes juridiques organisées hiérarchiquement.

Les sources écrites

Les sources constitutionnelles

Le juge administratif applique la Constitution de 1958 pour sanctionner tout acte administratif.

Il sanctionne également la violation aux autres normes de valeur constitutionnelles du bloc de constitutionnalité depuis larrêt "Dehaene" du CE du 7 juillet 1950.

Mais selon la théorie de lécran législatif, le Conseil dÉtat refuse de sanctionner un acte administratif contraire à la Constitution mais conforme à une loi car il estime que celle-ci fait écran. En effet, cela remettrait notamment en cause le principe de séparation des pouvoirs. Le CE a appliqué pour la première fois cette théorie dans l'arrêt "Arrighi" du 6 novembre 1936

Les sources internationales

Les traités internationaux

Le juge administratif applique les traités internationaux en vertu de larticle 55 de la Constitution qui leur donne une valeur supérieure à celles des lois (C.E 30 mai 1952 Dame Kirkwood). Par conséquent, le juge administratif se déclare compétent pour apprécier la légalité d'un acte administratif au regard de la norme conventionnelle internationale.

La question sest posée lorsque la loi était postérieure au traité. La jurisprudence administrative et judicaire ont admis la supériorité du traité même antérieur à la loi. Alors que la Cour de Cassation la admis dès 1975 (Arrêt Société Cafés Jacques Vabre), le Conseil dÉtat ne la fait quen 1989 avec larrêt Nicolo.

La coutume internationale peut également être invoquée mais selon larrêt Aquarone du C.E de 1997, sa valeur est inférieure à celle de la loi.

Traité et Constitution

Contrairement à la jurisprudence Costa de la CJCE, le Conseil dÉtat a affirmé avec larrêt Sarran, Levacher que la Constitution primait sur les traités. Il a été suivi par la Cour de Cassation avec son arrêt Fraisse.

Interprétation des traités

Linterprétation des traités revient au Conseil dÉtat depuis l'arrêt GISTI du 29 juin 1990. Il est donc mis fin à la précédente situation condamnée par la CEDH linterprétation était faite par le gouvernement.

Pour les traités européens, le Conseil dÉtat doit selon le traité de Rome demander linterprétation à la CJCE par un renvoi préjudiciel. Après avoir utilisé la théorie de lacte clair pour sy soustraire, le Conseil dÉtat accepte le renvoi préjudiciel en 1990 en conséquence de son revirement jurisprudentiel de l'arrêt Nicolo en 1989.

Le droit dérivé

Le droit dérivé est le droit pris par les organes institués par des traités internationaux. Il a selon larrêt Boisdet du Conseil dÉtat, la même valeur que celle des traités.

La question est plus compliquée pour le droit communautaire dérivé, divisé entre les règlements, les directives et les décisions individuelles.

Les directives communautaires

Les directives ne sont pas applicables directement. Leur effet, c'est-à-dire leur invocabilité nest pas interprétée de la même façon par la CJCE et le Conseil dÉtat.

Selon la jurisprudence Van Duyn de la Cour de Justice, les directives sont deffet direct à partir du moment elles sont inconditionnelles, et suffisamment claires et précises.

Le Conseil dÉtat, conformément au traité de Rome refuse leffet direct aux directives dans larrêt Cohn Bendit de 1978. Il va peu à peu contourner sa jurisprudence sans revirer complètement pour admettre linvocabilité des directives dans presque tous les cas, notamment en distinguant selon la nature de lacte et par le biais de lexception dillégalité.

Les règlements

Règlements et actes individuels

Les actes administratifs réglementaires ou règlements ont toujours une valeur supérieure à celle des actes administratifs individuels. Cela quelle que soit lautorité ayant pris lacte. Ainsi, lacte réglementaire dun préfet à une valeur supérieure celle de lacte individuel dun ministre.

Règlements et lois

Les règlements sont toujours inférieurs aux lois. Cependant, il faut distinguer entre les règlements autonomes et les règlements d'exécution. Les premiers interviennent dans un domaine réservé au gouvernement et ils ne peuvent donc être contrôlés que par rapport aux normes supra-législatives. Les seconds peuvent au contraire être contrôlés par rapport à la loi dont ils mettent en œuvre lapplication.

Les sources non écrites

La coutume

La question de savoir si la coutume peut être une source de légalité administrative a été très discutée. Défendue par Laubadère, Auby et Drago refusaient quant à eux dadmettre la coutume. Aujourdhui, toutes les coutumes ont été reprises par des sources écrites.

Les Principes Généraux du Droit

Les Principes Généraux du droit sont des normes dégagées par le Conseil dÉtat à partir dun texte.

Ils permettent un contrôle par le juge administratif notamment quand lacte nest pas soumis au contrôle de la loi (ordonnances, règlements autonomes).

Le juge administratif leur a donné une valeur supra-réglementaire et infra-législative. La doctrine est conflictuelle à ce sujet.

Les principes jurisprudentiels du Conseil constitutionnel

Exceptionnellement, le Conseil Constitutionnel a pu tirer de la philosophie qui inspire la Constitution des principes à valeur constitutionnelle, souvent inspirés de la jurisprudence du Conseil d'État. Seuls deux ont à ce jour été reconnus : le principe de continuité du service public et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

En outre, si le Conseil constitutionnel a créé des objectifs de valeur constitutionnels qui permettent de limiter la portée d'autres normes constitutionnelles, l'administration elle-même ne peut s'en prévaloir : CE, 2002, « Association de réinsertion sociale du Limousin ».

Le non respect du principe de légalité

Le principe de légalité subit deux exceptions en droit administratif français. La première concerne les actes de gouvernement, un ensemble d'acte dont le juge administratif ne contrôle pas la légalité. Le deuxième type d'acte concerne les mesures d'ordre intérieur (MOI), qui ne sont pas contrôlées, souvent considérés par le juge comme n'étant pas assez importante et ne modifiant pas l'ordonnancement juridique. Ces deux types de mesures semblent cependant en voie de diminution par l'utilisation par le juge de la théorie de l'"acte détachable".

Notes et références de l'article

  1. Voir Ordre administratif en France
  2. Prosper Weil, Dominique Pouyaud, Le droit administratif, PUF, coll. « Que sais-je ? », 127 p., p. 1isbn=978-2130554837 

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Yves Gaudemet, Traité de Droit administratif, 16, 2001 
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