Plafond de la chapelle Sixtine

Plafond de la chapelle Sixtine
Détail de La Création d'Adam. Représentation iconique de la main de Dieu qui donne la vie à Adam.

La fresque du plafond de la chapelle Sixtine, peinte par Michel-Ange entre 1508 et 1512, est un chef-d’œuvre de la peinture de la Renaissance italienne. Elle recouvre l'intégralité du plafond de la chapelle Sixtine, construite au Vatican sous le pape Sixte IV, entre 1508 et 1512. Chapelle des papes, elle abrite en particulier les conclaves.

Le thème central en est la Genèse. Cette représentation de Dieu donnant la vie à Adam a acquis un statut iconique au même rang que la La Joconde de Léonard de Vinci.

Sommaire

Commande

La décoration du plafond de la chapelle Sixtine est commandée par le pape Jules II suite aux dégâts engendrés par la construction de la basilique Saint-Pierre et de la tour Borgia au début de son pontificat. En 1504, la statique de la chapelle est affectée par les travaux voisins et une longue fissure cause des dégâts si importants que le pape charge Michel-Ange de refaire la décoration. Les murs latéraux sont alors déjà recouverts de fresques représentant la vie du Christ et celle de Moïse par les plus illustres artistes du temps, Le Pérugin, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio, Pinturicchio et Cosimo Rosselli. Le programme, établi par le pape en 1506, est retardé par les campagnes militaires que le pape entreprend alors pour prendre Pérouse aux Baglioni et Bologne à Bentivoglio.

En mai 1508, l'artiste signe le contrat prévoyant la réalisation de fresques représentant les douze apôtres dans les pendentifs et des motifs ornementaux dans les parties restantes. Sur la requête de Michel-Ange qui juge le sujet trop pauvre, et aidé par les théologiens de la cour papale, il réalise les fresques des neuf histoires centrales représentant les épisodes de la Genèse, commençant avec la séparation de la lumière des ténèbres et se poursuivant avec la très célèbre Création d'Adam, où Dieu effleure la main tendue d'Adam pour lui donner la vie, suivi de la tentation et d’autres épisodes spectaculaires.

Réalisation

Le plafond de la chapelle Sixtine, une « réalisation artistique sans précédent[1]. »

Afin d'atteindre le plafond, Michel-Ange conçoit un échafaudage qui, plutôt que de monter du sol (ce qui exigerait une énorme base, la chapelle faisant vingt-et-un mètres de haut), s'appuie sur des tenons dans le haut des murs, en dessous des lunettes [ces pans de murs dédiés à l'échafaudage reprendront du service lors de la campagne de restauration (1981-1989)]. Sa structure occupe un tiers de la surface totale du plafond et est successivement démontée et remontée en trois phases.

Michel-Ange se représentant en train de peindre le plafond de la Sixtine.

Ascanio Condivi, son élève et biographe, rapporte qu'un filet de toile était tendu sous l'échafaudage, afin que les gouttes de plâtre et de peinture ne tombassent pas au sol. Contrairement à ce qui se dit souvent, Michel-Ange ne travaillait pas couché mais debout. Il le décrivit dans un sonnet assez humoristique, accompagné d'un croquis :

«  À travailler tordu j’ai attrapé un goitre […]
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.

Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.

Mes lombes sont allées se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette[2]. »

Architecture et trompe-l’œil

La chapelle Sixtine fait 40,5 mètres de long sur 14 de large et la voûte s'élève à 20 mètres. Son jeu complexe de voussures n'était pas censé servir la sophistication michelangelienne : le projet initial prévoyait un ciel bleu étoilé d'or comme à l'église de l'Arena de Padoue, décorée de fresques par Giotto.

La structure de la voûte présente six lunettes, ou demi-lunes, verticales au-dessus des fenêtres latérales séparées par des pendentifs qui définissent des intrados triangulaire et concaves au-dessus des lunettes. Par-dessus les pendentifs, la voûte se fait presque plate.

Sur cette base, Michel-Ange va concevoir une architecture de trompe-l’œil qui servent la structure réelle avec des arcs de travertin rejoignant les pendentifs. Il fait courir deux corniches, l'une au niveau du haut des lunettes, l'autre au niveau de la pointe des intrados, divisant ainsi fortement l'espace offert par la voûte. On y voit l'influence de Melozzo da Forlì.

Plan des éléments architecturaux.

Iconographie

Le thème iconographique de la chapelle Sixtine est le salut de l’humanité offert par Dieu au travers de son fils, Jésus. L’ancienne alliance passée entre Dieu et le peuple d’Israël, par l’entremise de Moïse, ainsi que la nouvelle alliance passée entre Dieu et l’humanité tout entière, par l’entremise de Jésus-Christ, sont représentées sur les murs latéraux de la chapelle. La partie centrale du plafond représente la Création, l’épisode du paradis terrestre puis la chute de l’humanité, Adam et Ève et le péché originel qui sépare l'humanité de Dieu. Entourant ce thème central, les prophètes et les sybilles, messagers de Dieu chargés, tout au long de l’histoire, de rappeler aux hommes que Dieu offre le salut, sont là pour illustrer que Dieu n’a jamais vraiment abandonné les hommes. Plus autour, l’iconographie de la lignée qui d’Adam en passant par le roi David mène à Jésus-Christ, le sauveur de l’humanité, doit être perçue comme l’évident rappel du « plan divin » qui dès la chute du paradis terrestre, inclut la possibilité du salut. Tel est dans les grandes lignes le programme iconographique du plafond[3].

Schéma des éléments iconographiques.

Mais il y a plus. Le Cinquecento se passionne pour l’humanisme et pas plus Michel-Ange que son commanditaire, Jules II, ne sont étrangers à cette passion pour l’Homme. On peut voir dans le David de Michel-Ange, le symbole de la république florentine, frondeuse, fragile mais invaincue, c’est surtout l’icônique représentation de l’avènement de l’Homme, fragile mais indomptable vis-à-vis de la puissance spirituelle de l’Église et temporelle d’une féodalité dont le déclin commence alors. Cette vision humaniste n’est pas incompatible avec la doctrine de l’Église qui voit en l’Homme un être fragile et pécheur qui doit rechercher son salut. Là où la vision diverge est que pour la doctrine catholique, il n’est point de salut hors de l’Église, intermédiaire indispensable, alors que pour l’humaniste, un contact direct avec Dieu est possible.

Michel-Ange, avec la Création d’Adam, figure centrale du plafond, représente cet idéal humaniste du lien direct entre l’Homme et Dieu.

Neuf scènes de la Genèse

Les neuf scènes centrales du plafond de la chapelle Sixtine sont divisibles en trois sous-parties, la première décrit la création du monde, la seconde celle d’Adam et le paradis terrestre, la troisième l’histoire de Noé.

La création du monde représente successivement la séparation de la lumière et des ténèbres, la création des planètes avec le soleil, la lune et la Terre, et la séparation des eaux et de la terre. Ces trois scènes, premières dans l’ordre chronologique du récit biblique ont été réalisé en dernier et sont les plus dynamiques. Vasari souligne dans Le Vite que « Michel-Ange dépeint Dieu séparant la lumière des ténèbres, le montrant dans toute Sa majesté, flottant avec ses bras ouverts en une révélation de Son amour et de Son pouvoir créateur. »

La section centrale, en trois images fortes, montre l’histoire d’Adam et Ève avec la célèbrissime création d’Adam, celle d’Ève qui sort de la côte d’Adam endormi et l’expulsion du paradis terrestre. Les contemporains de Michel-ange ont immédiatement reconnu le caractère exceptionnel de ce chef d’œuvre et Vasari écrit « c’est une figure [Adam] dont la beauté, la pose et les contours sont tels qu’ils semblent être issu de cet instant même où Dieu créa Adam et de la main du Créateur suprême lui-même plutôt que du dessin et de la brosse d’un mortel. »

Prophètes et sibylles

La sybille lybique.

Les personnages les plus larges, les plus visibles du plafond, sont les prophètes et les sibylles, représentés ici pour avoir annoncé la venue du Christ. Ces figures comportent sept prophètes d’Israël, tous des hommes, et des sibylles du monde antique, identifiés par des cartouches soutenus par des puttis.

Jonas (IONAS) est placé au-dessus de l’autel, sur sa gauche (à droite de l’autel pour le spectateur) et successivement, sont représentés Jérémie (HIEREMIAS), la sibylle persique (PERSICHA), Ézéchiel (EZECHIEL), la sibylle d'Érythrées (ERITHRAEA), et Joël (IOEL). Au-dessus de la porte d’entrée de la chapelle et face à Jonas se trouve Zacharie qui a annoncé la venue du Messie et la conversion de nombreux peuples. Sur le côté gauche, se succèdent, à partir de l’entrée, la sibylle delphique (DELPHICA) Isaïe (ESAIAS), La sibylle de Cumes, près de Naples (CVMAEA), Daniel (DANIEL) et la sybille lybique (LIBICA).

Ignudi

Ignudo 03.jpg

Vingt ignudi[4], de jeunes hommes athlétiques, sont placés aux coins des scènes centrales. Ils portent ou s'enroulent avec nombre de choses dont un ruban rose, une guirlande de glands[5], un coussin vert, etc.

Se souvenant du déroulement chronologique de la peinture du plafond, Michel-Ange commençant au-dessus de l'autel avec l'histoire de Noé et progressant en trois phases vers la porte et la création du monde, on ne peut qu'être frappé par la liberté progressive dans la pose des ignudi qui sont tout d'abord sagement assis et symétrique, de part et d'autre de la scène qu'ils encadrent, pour devenir de plus en plus animés, presque dansant. Ils sont une démonstration éclatante de la puissance créatrice de Michel-Ange.

Dans un cadre aussi religieux, à l’iconographie si soigneusement planifiée, le moins que l’on puisse dire est qu’ils détonnent. Par le passé, ils suscitèrent la réprobation. Citons à ce sujet le pape Adrien VI qui en souhaitait la destruction, ne voyant qu'« un pot-au-feu de corps nus » au plafond.

Selon la bible, si les séraphins et les chérubins sont des créatures ailées, les anges ne le sont pas et ont une apparence d'hommes. Le Jugement dernier au-dessus de l’autel de la Sixtine comporte quarante personnages nus, qui, portant la croix, sonnant la trompette, appelant les morts à la résurrection, ne peuvent être que des anges. Certains[6] en ont conclu que les ignudi sont bel et bien des anges. Et si ce sont des anges, ils sont les messagers divins, omniprésents et impavides devant le destin de l’humanité, et participent au programme iconographique global du plafond de la chapelle Sixtine.

Lunettes et pendentifs

Dans les lunettes, les ancêtres de Jésus-Christ sont représentés de part et d'autre de la fenêtre, celle-ci étant surmontée d'un pannonceau qui porte le nom des personnages. Le tout est un peu désordonné puisque certaines lunettes comportent un ancêtre, d'autre deux, certaines trois voire quatre et que la succession autour du bâtiment est loin de suivre un ordre chronologique.

En raison du contre-jour, et du fait que ces fresques, placées autour des fenêtres ouvertes (pour ventiler) sur les poussières de la ville, étaient les plus sales, elles étaient les plus méconnues et les moins appréciées. La restauration entreprise dans les années 1980 les a révélées au monde.

Perspective anatomique

Plusieurs auteurs ont suggéré que Michel Ange a représenté dans la Création d'Adam ou la Séparation de la lumière et des ténèbres des détails anatomiques relatifs au cerveau, voire à l'uterus humain (voir l'article La Création d'Adam).


Restauration

Superposition des états « avant / après » de la chute et expulsion d’Adam et Ève du paradis terrestre. La partie supérieure gauche montre l'état antérieur et la partie inférieure droite la version restaurée.

Une grande opération de restauration a eu lieu dans la chapelle Sixtine de 1981 à 1989. Cette restauration fut financée par la Nippon Television en échange de droits sur les images. À la place des tons assombris par la fumée des encens, le suif des chandelles, la pollution atmosphérique (en particulier au-dessus des fenêtres, souvent ouvertes pour ventiler) et le temps qui avaient valu à Michel-Ange le surnom de « terrible souverain de l'ombre », la restauration a révélé des couleurs tour à tour pastels ou acides.

L'instabilité de la statique du bâtiment avait provoqué des crevasses dans les fresques et une opération de comblage pour rétablir l'intégrité visuelle des fresques semblait nécessaire.

Il a également fallu compenser les effets des restaurations antérieures qui, tentant de supprimer le blanchiment dû à la salinisation, avaient appliqué une couche de graisse animale et végétale qui, rendant les sels transparents, constituait une couche collante sur laquelle s'accumulait la poussière et la saleté.

Une polémique a commencé quant au bien-fondé de la restauration. En effet, la restauration a cherché à enlever les dépots carboniques accumulés au cours du temps, le suif notamment, mais a également ôté les ombres ajoutées par Michel-Ange lui-même à l'aide de noir de charbon appliqué à la surface de la fresque, plutôt que dans la pâte colorée qui la compose.

Notes et références

  1. Gabriele Bartz et Eberhard König, Michelangelo, 1998
  2. Michelangelo Buonarroti, Rime, in Anthologie de la poésie italienne, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, pp. 498-499 ; sonnet complet
  3. John O'Malley, The Theology behind Michelangelo's Ceiling in The Sistine Chapel, Massimo Giacometti, editor, 1986.
  4. Pluriel de l'italien ignudo (« nus »). Le vocabulaire artistique parle d’« académie » pour une représentation dessinée d'un homme nu et de kouros pour une sculpture d'un jeune homme nu. Un « nu » décrit pour sa part, le plus souvent, la représentation d'une femme dénudée.
  5. Les glands rappellent le blason des Della Rovere et de Jules II, le commanditaire du plafond.
  6. George L. Hersey, High Renaissance Art in St. Peter's and the Vatican, University of Chicago Press, (1993) (ISBN 0226327825)

Bibliographie

Liens internes

Liens externes

Chapelle Sixtine, vue 3D panoramique


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