- Michel De Certeau
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Michel de Certeau
Michel de Certeau, né le 17 mai 1925 à Chambéry et mort à Paris le 9 janvier 1986, est un intellectuel jésuite français auteur d'études d'histoire religieuse (surtout la mystique des XVIe et XVIIe siècles) comme le montre son ouvrage La fable mystique, édité en 1982, et d'ouvrages de réflexion plus générale sur l'histoire, la psychanalyse, et le statut de la religion dans le monde moderne.
Sommaire
Biographie
Jésuite, il restera toujours fidèle à cette institution, bien qu'évoluant dans ses marges. Il est co-fondateur de l'École Freudienne de Paris, autour de Jacques Lacan. Il s'engage en faveur des étudiants en 1968[1]. Historien de la mystique et a minima « convaincu d'expériences », Michel de Certeau est une personnalité complexe dont l'œuvre traverse tous les champs des sciences sociales. En 1984, il est élu directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales avec comme intitulé général de ses séminaires : « Anthropologie historique des croyances, XIVe-XVIIIe siècles ».
L'influence psychanalytique se retrouve fortement dans son œuvre historiographique, où il analyse le « retour du refoulé » au travers des limites arbitraires de l'histoire officielle, et la survivance du « non dit » dans les marges de l'écrit. Il est une référence, souvent cité dans les recherches liées aux Cultural Studies[2].
L'analyse du « braconnage culturel »
De Certeau assimile les producteurs de sens à des propriétaires terriens qui imposent le sens des biens culturels aux consommateurs, grâce à la règlementation des usages et accès. Il compare alors les consommateurs à des « braconniers » sur ces terres, au travers des mailles du réseau imposé, mais recomposant par leur marche propre leur quotidien. De même la lecture répond à l'acte d'évidement, de mort de l'auteur, par une sélection active du fait du lecteur.
Les propriétaires élaborent des stratégies, des actions de contrôle de l'espace pour piéger les dominés qui, eux, mènent des actes de résistance (par exemple, zapper, débarrasser) consistant en des micro-libertés face au pouvoir, en une réappropriation de ce réseau imposé au consommateur, par l'intermédiaire de « ruses » ou « procédures ». Michel de Certeau élabore ainsi, en parallèle à la théorisation du système panoptique de Michel Foucault, surveillance et contrôle « par le haut » de la société, une théorie des tactiques de résistance au champ de l'autre, subversion mais de l'intérieur et de la base même du système. Si ceux qui écrivent semblent imposer leur pouvoir à ceux qui disent et font, de Certeau montre bien que les publics ne sont pas si dominés et restent actifs devant la réception des messages qu'on leur envoie, avec des paroxysmes critiques quand le « dire » s'écarte trop du « faire » (multiplication des épisodes mystiques du XVIIIe siècle; prise de parole de mai 1968; théologie de la libération en Amérique du Sud, pour citer les domaines dans lesquels il était plus particulièrement impliqué).
On retrouve à peu près à la même époque cette analyse de la culture de masse chez Edgar Morin (dans L'Esprit du temps, 1962) en France, ou chez Richard Hoggart (The Uses of Literacy, 1957; traduit en français sous le titre de La Culture du pauvre, 1970) et Stuart Hall en Grande-Bretagne ("Encodage, Décodage", 1977). De Certeau a contribué à développer l'étude des « médias-cultures » en France, alors délaissée, et sa contribution a plus tard été reprise par Éric Maigret et Éric Macé (dans Penser les médiacultures, 2005). Ces approches ont également été appropriées par l'histoire culturelle, notamment par les historiens modernistes Daniel Roche et Roger Chartier. Mais c'est surtout initialement aux États-Unis, où il enseigna, et où la « microhistoire » put s'épanouir dans le mouvement contre-culturel, que son œuvre connut d'emblée une réception très forte.
Ouvrages
- Guide spirituel pour la perfection de Jean-Joseph Surin, texte établi et présenté par M. de Certeau, Desclée de Brouwer, Paris, 1963.
- Mémorial du Bienheureux Pierre Favre, trad. et commenté par Michel de Certeau, Desclée de Brouwer, Paris, 1960.
- La Correspondance de Jean-Joseph Surin, texte établi et présenté par Michel de Certeau, Préface de Julien Green, Desclée de Brouwer, Paris, 1966, 1827 p.
- L'Étranger ou l'union dans la différence, coll. "Foi vivante" (n° 116), Desclée de Brouwer, Paris, 1969; nouvelle éd. établie et présentée par Luce Giard, 1991.
- L'Absent de l'histoire, Mame, Paris, 1973.
- Le Christianisme éclaté, Seuil, Paris, 1974.
- Une Politique de la langue : la Révolution française et les patois : l'enquête de Grégoire, en collab. avec Dominique Julia, Jacques Revel, Gallimard, Paris, 1975; rééd. 1986.
- L'Écriture de l'histoire, Gallimard, Paris, 1975.
- La Possession de Loudun : textes choisis et présentés par M. de Certeau, Julliard, Paris, 1978.
- La Fable mystique : XVIe et XVIIe siècle, Gallimard, Paris, 1982; rééd. 1995.
- L'Ordinaire de la communication, en collab. avec Luce Giard, Dalloz, Paris, 1983.
- Le Parler angélique. Figures pour une poétique de la langue, in Id. et al., La Linguistique fantastique, Clims et Denoël, Paris, 1985.
- La Faiblesse de croire, texte établi et présenté par Luce Giard, Seuil, Paris, 1987.
- Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Présentation de Luce Giard, Gallimard, Paris, 1987.
- Le Voyage mystique : Michel de Certeau, sous la dir. de Luce Giard, Recherches de sciences religieuses, Paris, 1988.
- L'Invention du quotidien, 1. Arts de faire et 2. Habiter, cuisiner, éd. établie et présentée par Luce Giard, Gallimard, Paris, 1990.
- La Culture au pluriel, recueil d'articles réunis sous la dir. de M. de Certeau en 1974; 3è éd. corrigée et présentée par Luce Giard, Seuil, Paris, 1993.
- La Prise de parole. Et autres écrits politiques, éd. établie et présentée par Luce Giard, Seuil, Paris, 1994.
- Le Lieu de l'autre - Histoire religieuse et mystique, Seuil, Paris, 2005.
Notes et références
- ↑ Michel de Certeau publia notamment en 1968 deux articles majeurs dans la revue Étvdes : « Pour une nouvelle culture : prendre la parole » dans le numéro de juin-juillet 1968, puis « Pour une nouvelle culture : Le pouvoir de parler » dans le numéro d'octobre.
- ↑ Voir L'invention du quotidien, 1. Arts de faire et 2. Habiter, cuisiner (co-auteurs : Luce Giard et Pierre Mayol), et en particulier le chapitre 12 du tome 1 : « Lire : un braconnage ».
Bibliographie
- (en) Jeremy Ahearne, Michel De Certeau : Interpretation and Its Other, Stanford University Press, 1996.
- (en) Ian Buchanan, Michel de Certeau : Cultural Theorist, Londres, Sage, 2000.
- Éric Maigret, « Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d'analyse de la modernité », Les Annales HSS, 54/3, 2000.
- Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Michel Trebitsch, Michel de Certeau. Les chemins de l'histoire, Bruxelles, Complexe, 2002.
- François Dosse, Michel de Certeau, le marcheur blessé, Paris, La Découverte, 2002.
- François Dosse, « Paul Ricœur, Michel de Certeau et l’Histoire : entre le dire et le faire », conférence à l'École nationale des chartes, mardi 22 avril 2003.
- Ignacio Garate Martinez, Conversations psychanalytiques avec M. de Certeau, etc., Éditions Hermann, coll. « Psychanalyse », 2008 (ISBN 2705667822).
- (it) Stella Morra, « Pas sans toi ». Testo parola e memoria verso una dinamica della esperienza ecclesiale negli scritti di Michel de Certeau, Rome, Pontificia Univ. Gregoriana, 2004.
- Philippe Poirrier, Les Enjeux de l'histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004.
- (it) Monica Quirico, La differenza della fede. Singolarità e storicità della forma cristiana nella ricerca di Michel de Certeau, Turin, Effatà, 2005.
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