- Pierre Louis Maupertuis
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Pierre Louis Moreau de Maupertuis
Pierre Louis Moreau de Maupertuis, né le 7 juillet 1698 à Saint-Malo et mort à Bâle le 27 juillet 1759, est un mathématicien et astronome français.
Sommaire
Sa vie
Principe de moindre action
Il a énoncé le principe de moindre action. On lui doit, après Lucrèce, d’avoir eu l’intuition de ce principe. Plus d’un siècle et demi avant la révolution quantique, il ouvre la voie conceptuelle de l’intégrale des chemins de Feynman et de l’électrodynamique quantique.
Origine et parcours
Il est le fils d’un corsaire malouin anobli par Louis XIV, commerçant. À l’âge de vingt ans son père, avec lequel il a une relation très proche, lui offre un régiment de cavalerie (mousquetaires gris) dont il est lieutenant mais il préfère étudier les mathématiques et devient membre de l’académie des sciences en 1723. Il publie divers travaux de mécanique et d’astronomie mais aussi des « observations et expériences » sur des animaux encore mal connus à l’époque, comme les salamandres et les scorpions, ce qui montre déjà ses talents de biologiste.
Londres
En 1728 il visite Londres et est élu membre de la Royal Society. Ce voyage marque un tournant décisif dans sa carrière. Il y découvre les idées de Newton, en particulier l’attraction universelle, dont il va devenir un ardent propagandiste en France. Il a quelque mérite à le faire car, à l’époque, c’est la théorie cartésienne des « tourbillons » qui tient lieu de doctrine officielle pour expliquer le fonctionnement de l’univers. Cette conception de Descartes stipulait que les mouvements des planètes étaient dus à leur entraînement par des « tourbillons d’une matière subtile occupant les espaces intersidéraux ». Par des considérations théoriques, Newton avait trouvé que la terre devait avoir la forme d’un ellipsoïde de révolution, aplati aux pôles, contrairement à Jacques Cassini qui affirmait qu’elle était allongée aux pôles. Cette controverse entre newtoniens et cassiniens occupa une grande partie des dissertations scientifiques de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. Seules des mesures directes pouvaient trancher le débat.
L’arc polaire
Deux expéditions furent donc organisées par l’Académie des Sciences de Paris pour régler ce problème. Cette grande expédition géodésique avait pour but de mesurer la longueur d’un arc polaire et d’un arc équatorial pour déterminer la forme de la Terre. Une controverse scientifique s’établit alors, notamment entre Jacques Cassini et Maupertuis. La première, est celle de Laponie, qui dura de 1736 à 1737. Dirigée par Maupertuis, elle confirma la théorie de Newton. Il en fut de même de la seconde expédition menée au Pérou par Godin, Bouguer et La Condamine. En 1736 il agit donc comme chef de l’expédition envoyée par Louis XV en Laponie pour mesurer la longueur d’un degré du méridien, et à son retour il devint membre de presque toutes les sociétés scientifiques d’Europe. Le doute sera levé en 1756. Cassini avait tort, Maupertuis avait raison. Les résultats des mesures confirment pleinement les vues de Newton et permettent de décrire la véritable « forme de la Terre ». Il est auréolé de gloire et Voltaire lui rend hommage[1] :
- Héros de la physique, Argonautes nouveaux
- Qui franchissez les monts, qui traversez les eaux
- Dont le travail immense et l’exacte mesure
- De la terre étonnée ont fixé la figure.
- Dévoilez ces ressorts, qui font la pesanteur.
- Vous connaissez les lois qu’établit son auteur.
ainsi que D’Alembert, qui dans le Discours préliminaire à l’Encyclopédie, écrit[2] :
- Le premier qui ait osé parmi nous se déclarer ouvertement newtonien, est l’auteur du Discours sur la figure des astres[...]. Maupertuis a cru qu’on pouvait être bon citoyen sans adopter aveuglément la physique de son pays, et pour attaquer cette physique, il a eu besoin d’un courage dont on doit lui savoir gré.
Il a une relation proche avec Émilie du Châtelet.
Berlin
En 1740 Maupertuis se rend à Berlin à l’invitation de Frédéric II de Prusse et prend part à la bataille de Mollwitz où il est fait prisonnier par les Autrichiens. À sa libération il retourne à Berlin puis à Paris où il est admis à l’Académie française. Maupertuis devient la cible des philosophes et Voltaire, désormais jaloux de son amitié avec Frédéric II, se brouille avec lui et devient un de ses plus virulents ennemis[3]. Le roi prend la défense de Maupertuis et c’est Voltaire qui doit quitter Berlin, disgracié, tandis qu’on brûle sur la place publique ses libelles les plus sarcastiques comme l’impitoyable caricature Micromégas.
Épilogue
Après être resté quelque temps dans le sud de la France pour soigner sa santé déclinante il meurt à Bâle. Son caractère ombrageux le fit se quereller, notamment avec Samuel König.
Comme nombre de savants de l’époque, Maupertuis ne se cantonne pas à une discipline étroite mais s’illustre tour à tour en tant que mathématicien, astronome, géographe, naturaliste. Il se préoccupe également de philosophie. Il fait des propositions pour améliorer l’organisation de la médecine et d’autres sciences appliquées.
Son œuvre
Travaux en génétique
Dans Vénus physique, Maupertuis s’oppose en 1745 à la théorie de la préformation de l’embryon alors en vogue, en affirmant que le père et la mère ont une influence égale sur l’hérédité. Il tente d’expliquer les phénomènes génétiques par une théorie d’attraction physico-chimique. Le volume contient deux dissertations, l’une sur l’origine des hommes et des animaux, l’autre sur l’origine des noirs. La Dissertation Physique à l’occasion du Nègre Blanc avait été publiée séparément l’année précédente et contient également d’importantes contributions à la théorie génétique. Les points suivants se dégagent: la couleur blanche du nègre est une anomalie héréditaire. Maupertuis insiste sur un fait que nous appelons, aujourd’hui, mutation 488. L’abbé Pichon fera paraître en 1765 une réfutation de l’hypothèse de Maupertuis. Jean Rostand, dans un ouvrage publié chez Gallimard, en 1966, Hommes d’hier et d’aujourd’hui, qualifie Maupertuis d’étonnant précurseur de la génétique. Dix ans avant, Bentley Glass, de l’université de Baltimore, a publié un ouvrage intitulé Maupertuis, A forgotten genius. L’évidence était que Maupertuis est en avance sur son temps.
Travaux en biologie
Maupertuis était mathématicien et fin connaisseur des théories de Newton et de Leibniz, mais il avait compris que les théories physiques de Newton étaient insuffisantes pour expliquer les phénomènes biologiques. En ce sens, il fut l’un des penseurs les plus en avance sur leur temps, car il s’opposait au préformisme, au déterminisme newtonien et même au créationnisme. C’est suite à l’exposition d’un Noir albinos qu’il s’intéresse à ce qui sera l’un de ses sujets de prédilection : l’hérédité et spécialement les mutations héréditaires. En effet, à ce niveau il fut l’un des précurseurs de la génétique moderne.
Pour lui, la nature était beaucoup trop diversifiée et hétérogène pour que le monde ait été créé par dessein. On ne sait s’il était déiste ou athée. Quoi qu’il en fut, son attitude matérialiste, due à sa connaissance des théories newtoniennes, et son intérêt pour l’hérédité lui permirent de développer une théorie de la vie s’apparentant étrangement au mutationnisme de Hugo de Vries. Il considérait que les premières formes de vie étaient apparues par génération spontanée à partir de combinaisons au hasard de matières inertes, molécules ou germes – effectuant ainsi un retour aux auteurs antiques tel que Lucrèce. En effet, l’invention du microscope conduisit à l’observation d’organismes minuscules et inconnus réduisant la distance entre organisme vivant et nature inanimée, ce qui apporta un puissant soutien à l’hypothèse de la génération spontanée à partir de combinaisons au hasard de matières inertes.
Longtemps on crut que les organismes microscopiques, notamment les infusoires, pouvaient être engendrés à partir de matière inorganique. Donc à partir des premières formes de vie apparues par génération spontanée, Maupertuis considérait qu’une série de mutations fortuites – car à chaque fois qu’un nouveau-né était différent de sa mère et de son père cela provoquait l’apparition d’une nouvelle espèce – répétées au cours du temps pouvait engendrer une multiplication toujours croissante d’espèces expliquant ainsi, selon lui, la grande diversité de toutes les espèces de la Terre. Il alla même jusqu’à formuler l’élimination des mutants déficients. Cependant, Maupertuis était essentialiste, c’est-à-dire qu’il posait a priori chaque espèce comme étant nettement distincte de ses voisines au plan taxinomique et même s’il pouvait concevoir la production de nouvelles essences, il fut incapable d’imaginer une évolution continue et graduelle des populations par la sélection des individus les mieux adaptés.
Ses publications
Ses travaux les plus importants :
- La Figure de la Terre, déterminée par les Observations de Messieurs Maupertuis, Clairaut, Camus, Le Monnier & de M. l’Abbé Outhier, accompagnés de M. Celsius. (Paris, 1738)
- Discours sur la parallaxe de la Lune, pour perfectionner la Théorie de la Lune et celle de la Terre. (Paris, 1741).
- Discours sur la figure des astres (Paris, 1732)
- Éléments de la géographie (Paris, 1742). Méthode et résultats démontrant la sphéricité et aplatissement du globe aux pôles, rejoignant les théories de Newton.
- Lettre sur la comète de 1742 (Paris, 1742)
- Astronomie nautique ou élémens d’Astronomie, tant pour un observatoire fixe, que pour un observatoire mobile. (Paris, 1743, 1745 et 1746)
- Vénus physique (Paris, 1745).
- Essai de Philosophie Morale. Berlin, 1749. Leyde, Luzac, 1751. Il est, avec celui intitulé "Essai de Cosmologie", le principal texte philosophique de Maupertuis.
- Essai de cosmologie (Amsterdam, 1750, Imp. Luzac Leyde, 1751).
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- Dissertatio inauguralis metaphysica, de universali naturae systemate, pro gradu doctoris habita (Erlangen, 1751) Sous le faux nom de Doctor Baumann.
- Essai sur la formation de corps organisés (Paris, 1754, mais imprimé à Berlin). Traduction de la "Dissertatio"
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Ses œuvres furent publiées en 1752 à Dresde et en 1756 à Lyon.
- Ouvrages divers... Elemens de Géographie. Discours sur les différentes figures des Corps Célestes. Discours sur le Parallaxe de la Lune et Lettre sur la Comète, Amsterdam, 1744.
Quelques textes en ligne
Notes et références
- ↑ Voltaire, Discours en vers sur l’homme, quatrième discours, De la modération en tout, dans l’étude, dans l’ambition, dans les plaisirs. A la suite de sa brouille avec Maupertuis, Voltaire modifiera les vers en : Courriers de la physique, Argonautes nouveaux, - Qui franchissez les monts, qui traversez les eaux, - Ramenez des climats soumis aux trois couronnes - Vos perches, vos secteurs, et surtout deux Lapones, - Vous avez confirmé dans ces lieux pleins d’ennui - Ce que Newton connut sans sortir de chez lui.
- ↑ D’Alembert : Discours préliminaire à l’Encyclopédie, IIe partie (1751), p. 114
- ↑ Lire par exemple la Diatribe du docteur Akakia [1], où Voltaire se moque des théories scientifiques de Maupertuis
Bibliographie secondaire
- Elisabeth Badinter, Les Passions intellectuelles – Désirs de gloire (1735-1751), Fayard, 1999. Ce livre relate l’ambiance des salons parisiens au XVIIIe siècle, où brilla Maupertuis.
- David Beeson, Maupertuis: An Intellectual Biography, Voltaire Foundation, Oxford, 1992.
- Michel Valentin, Maupertuis : Un savant oublié, La découvrance, 1998.
Précédé par
Charles-Irénée Castel de Saint-PierreFauteuil 8 de l’Académie française
1743-1759Suivi par
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