Perfluorocarbure

Perfluorocarbure
Formule type développée

Les perfluorocarbures (PFC) ou hydrocarbures perfluorés sont des composés halogénés gazeux de la famille des fluorocarbures (FC).
Ces gaz fluorés sont composés exclusivement d'atomes de carbone et de fluor (contrairement aux hydrofluorocarbures (HFC) ils sont totalement substitués).

Ces composés synthétiques ont la particularité de dissoudre de grandes quantités de gaz, comme le dioxygène (O2), le dioxyde de carbone (CO2), le diazote (N2), etc. Ils peuvent dissoudre jusqu'aux deux tiers de leur volume de gaz.

Ils ne sont pas réputés dangereux pour la couche d'ozone, mais les PFC sont des gaz à effet de serre (GES). Bien qu'émis en faible quantité dans l’air, ils participent activement au dérèglement climatique, en raison de leur potentiel élevé en matière de réchauffement planétaire (PRP - 100 ans) correspondant en moyenne à 7 600 fois celui du dioxyde de carbone (CO2), allant d'un facteur de 6 500 (CF4) à un facteur de 9 200 (C2F6). Ces grandes valeurs de potentiel de réchauffement planétaire sont notamment dues à leur grande durée de vie dans l’atmosphère, allant de 2 600 années (C3F8 et C4F10) à 50 000 années (CF4)[1],[2].

Les PFC font partie des six principaux gaz à effet de serre inscrits sur la liste du Protocole de Kyoto ainsi que dans la directive 2003/87/CE. Une diminution des émissions de PFC a été observée de 1990 à 2004 (-53% au Canada et -47% en France)[3],[4].

Sommaire

Principaux PFC

Usages

  • Les PFC étaient essentiellement utilisés dans les climatiseurs, certaines unités de réfrigération et certains extincteurs.
  • Ils sont de plus en plus utilisés comme agent antiadhésif (instruments de cuisson) et comme imperméabilisants ou agents anti-tache sur les textiles et tapis.
  • Ils sont parfois présents sur des emballages alimentaires (contenants de fast-food, emballages de pop corn prévus pour le four à micro-ondes)
  • Ophtalmologie : utilisé comme remplaçant temporaire de l'humeur vitreuse dans les chirurgies du détachement de la rétine.
  • Ventilation liquidienne
  • Substitut d'hémoglobine
  • Embolisation de tumeur[5]
  • Plongée sous-marine : il n'existe toujours pas de matériel de plongée sous-marine utilisant les perfluorocarbones, bien que des recherches soient menées depuis plusieurs années.

Produit dopant

Ce produit fait partie des substances interdites[6] dans les compétitions sportives : son usage constitue un dopage sanguin. Il permet de transporter l'oxygène sans modifier l'hématocrite. En revanche, son utilisation peut s'avérer très dangereuse pour la santé[7]. En 1998, Mauro Gianetti est resté trois jours dans le coma à la suite d'une telle utilisation lors du Tour de Romandie[8].

Utilisation comme fluide respiratoire

Les fluides respiratoires permettent une forme de respiration basée sur des liquides et non plus des gaz. C'est une idée née au milieu des années 1960, proposée par le docteur en physiologie J. Kylstra à l'Université d'État de New-York à Buffalo, USA. Ils permettent d'apporter aux organismes vivants de l'oxygène via un liquide saturé, habituellement à base de perfluorocarbone. Ils sont utilisés pour des traitements médicaux. Des essais sont menés pour les employer dans le cadre de la plongée sous-marine.

Un fluide respiratoire saturé en dioxygène est respiré par le sujet ; les échanges au niveau des alvéoles pulmonaires s'opérant d'une façon sensiblement comparable à celle d'une respiration par méthode gazeuse. Le fluide respiratoire rejeté est alors traité en externe pour en extraire le dioxyde de carbone et le re-saturer en oxygène. Le sujet et le système de traitement formant alors un circuit fermé convoyant le fluide respiratoire.

Les phases de démarrage et d'arrêt de la respiration d'un fluide sont éprouvantes pour le sujet, car il doit dans un cas se noyer pour commencer à respirer le fluide et dans un autre expulser tout le fluide respiratoire de ses poumons et de sa trachée. Ces phases sont génératrices de fort stress sur le sujet, ce qui peu conduire à des blocages d'ordre psychologique.

D'un point de vue physiologique, il n'a pas encore été mis en évidence que la méthode de respiration par perfluorocarbone était possible sur de longues périodes sans danger pour l'organisme du sujet.

Contamination environnementales

Le 10 juin 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) sur la base d'analyses faites par le laboratoire d'hydrologie de Nancy, a publié son premier premier état des lieux de la présence de composés perfluorés (PFOA, PFOS, réputés les plus courants mais aussi , PFHxS, PFBS, PFDA, PFNA, PFHpA, PFHxA, PFPeA et PFBA) dans les eaux en France. Lors de l'enquête publiée en 2011, parmi 450 échantillons, 25% présentaient des taux de perfluorés assez élevés pour être mesurés, les autres échantillons présentant des teneurs trop faibles pour être dosées. Dans les eaux brutes le PFOS, le PFHxS et le PFOA étaient les plus fréquents ,et le PFOS, le PFHxA et le PFHxS l'étaient dans les eaux traitées. Les valeurs réglementaires en vigueur aux États-Unis et Allemagne pour le PFOA et le PFOS (300 ng/L pour PFOA+PFOS en Allemagne) n'étaient pas dépassées en France pour les eaux traitées, mais approchées près d'usines produisant des produits. Le PFHxA et le PFHxS étaient souvent trouvés, plus qu'attendus et devraient donc faire une évaluation de risque par l'ANSES qui recommande en 2011 aux industriels de « rechercher une réduction à la source des rejets »[9].
L'ANSES préconise aussi de développer la recherche sur le « le devenir des composés perfluorés et de leurs précurseurs dans les filières de potabilisation »[9].

Impacts environnementaux et sanitaires

Ils sont mal connus à moyen et long terme, mais ils posent au moins quatre problèmes :

  • Effet de serre : une quantité significative de PFC sont perdus dans l'atmosphère ou l'environnement où ils posent différents problèmes, d’abord comme gaz à effet de serre extrêmement puissants et à très longue durée de vie (certains PFC pourraient perdurer 50 000 ans[10]). Une étude de 2003 a conclu que le PFC le plus abondant dans l’atmosphère était le tétrafluorométhane[10], dont le potentiel de réchauffement de la planète (PRP) est 6 500 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone, alors que le PRG de l’hexafluoroéthane est lui 9200 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone[11].
    Plusieurs gouvernements ont tenté d'initier des accords internationaux limitant leur utilisation avant qu'ils ne deviennent un problème pour le climat. Les PFC sont maintenant théoriquement suivis et réglementés dans le cadre du Protocole de Kyoto, sous la forme d’une large classe de PFC incluant les PFOS et PFOA, très persistants dans l'environnement.
  • Large contamination environnementale : Certains PFC (antiadhésifs et anti-tâche notamment) ont déjà largement contaminé l'environnement, via l'eau ou l'air (certains sont volatils et facilement emportés par les courants aériens jusqu'au pôle Nord, où ils peuvent encore se dégrader en d'autres substances bioaccumulables). La peau humaine y est relativement imperméable, mais par exemple, l'APFO en solution à 20% passe environ 34 fois plus vite dans l'organisme au travers de la peau du rat que de la peau humaine[12], ce qui laisse penser qu'une partie de la chaîne alimentaire peut être vulnérable aux PFC bioaccumulé par certains animaux.
Avec d'autres PFC, ils sont déjà et de plus en plus[13] détectés dans le sang des humains (dans le monde entier, y compris chez les enfants[14] et dans les don du sang[15]) et dans le corps de nombreux animaux (mammifères, mais aussi oiseaux, amphibiens et poissons, dont l’anguille, comme l'a montré une étude publiée en 2006 ayant porté sur des anguilles pêchées dans 21 rivières et lacs de onze pays de l'UE[16].
Des études écotoxicologiques récentes laissent penser que l'anguille pourrait transmettre à ses œufs et à la génération suivante une partie de sa charge en certains polluants persistants. Lorsque les adultes repartent pondre en mer, ils consomment leurs réserves de graisses, lesquelles avaient concentré de nombreux polluants, lesquels pourraient aussi interférer avec le développement de l'embryon et de la civelle.
Les PFC s'accumulent dans le foie (organe de détoxification), ce qui laisse penser qu'il pourraient présenter une certaine toxicité. On les trouve aussi dans le sang humain et ils passent de la mère à l'embryon et au fœtus via le cordon ombilical.
  • Perturbateur endocrinien : Une étude[17] publiée en 2009 a comparé les taux sanguins de 2 PFCs (sulfonate de perfluorooctane (PFOS) et perfluorooctanoate (PFOA)), chez 1.240 femmes nord-américaines enceintes, de 1996 à 2002, en demandant aux mamans de rapporter le temps qu’elles avaient mis pour être enceinte (Le critère d’infertilité retenu était un délai dépassant 12 mois pour une fécondation et une grossesse réussie et/ou la prise d'un traitement médicamenteux contre l’infertilité). Résultat : Les femmes dont le sang contenaient les plus hauts taux de PFC présentaient un risque d’infertilité (ou sous-fécondité) accru de 60 à 154% par rapport à celles ayant les taux les plus bas. Les auteurs ont conclu à une corrélation positive entre exposition aux PFC et troubles de la fertilité féminine, qui pourrait inviter à classer ces PFCs comme perturbateurs endocriniens avérés. Ils jugent ce problème préoccupant, car les taux sanguins de PFCs de ces mamans étaient tout à fait comparables aux taux moyens de la population générale des pays dits développés.
  • Impacts neurologiques : Les composés perfluorés (PFC) semblent fortement augmenter le risque de déficit de l’attention et d’hyperactivité (TDAH) qui semble en hausse chez les enfants, notamment aux États-Unis, selon une étude publiée dans la revue Environmental Health Perspectives (EHP) en 2010 (Dans ce pays, l'hyperactivité chez les enfants[18], le taux de TDAH chez les enfants et adolescents américains est passé de 7,8% à 9,5% entre 2003 et 2007, soit une hausse de 21,8% en 4 ans). Une étude[19] américaine basée sur plus de 10.500 enfants et adolescents vivant autour d'une usine ayant pollué l'eau (premier vecteur probable de contamination pour l'homme[20]) a mis en évidence de premiers indices de lien entre PFOA et hyperactivité chez l'enfant. En 2010, Cheryl Stein à la Mount Sinai School of Medicine de New York montre un lien très significatif entre hyperactivité et certains PFC. Quatre PFC ont été recherchés chez ces enfants : le PFOA (acide perfluorooctanoïque, bioaccumulés chez les mammifères marins[21], dont la toxicité est soupçonnée[22]), le PFOS (sulfonate de perfluorooctane), le PFHxS (sulfonate de perfluorohexane) et le PFNA (acide perfluorononanoïque). Le PFHxS semble en particulier fortement associé au syndrome d'hyperactivité (risque augmenté jusqu'à 59 % chez les enfants en ayant dans le sang. De même pour le PFOS ( jusqu'à 27% d'augmentation du risque). par contre, l'implication du PFOA et du PFNA n'est pas à ce jour démontrée, ni infirmée.
    Les riverains de l'usine DuPont de Washington Works (Virginie-Occidentale, USA) ont dans les années 2000 déposé une plainte groupée («class action») contre le producteur. Dans cette région 14,3% des 12-15 ans présentent des taux significatifs de PFC dans le sang, contre 8,4% dans le groupe étudié en 2010, jugé représenter la population moyenne[23].


En France, l'Anses est associée[9] dans le projet « Contreperf » (financé par l'Agence nationale de la recherche pour la période 2011-2013), visant à améliorer  :

  • le dosage de perfluorés dans des matrices alimentaires (poissons et lait maternel) ;
  • les connaissances sur le transfert mère - enfant (via des dosages sanguins maternels et du cordon ombilical) ;
  • les connaissances sur le métabolisme et les impacts toxicologiques et hormonaux ;
  • les connaissances sur l'exposition externe et ses liens avec l'imprégnation des femmes en âge de procréer.

Articles connexes

Bibliographie

Références

  1. A.A. Lindley, A. McCulloch, Regulating to reduce emissions of fluorinated greenhouse gases, J. Fluor. Chem.,126, 1457–1462 (2005).
  2. Environment Canada, - GHG - Rapport d'inventaire national 1990-2004 - Sources et puits de gaz à effet de serre au Canada
  3. Rapport d'inventaire national 1990-2004 - Sources et puits de gaz à effet de serre au Canada
  4. CITEPA, Citepa - Données annuelles nationales - GES - PFC, pour la France
  5. Christophe Olry, Des bulles de gaz pour lutter contre les tumeurs, futura-science.com, Juillet 2006.
  6. Voir la fiche du produit.
  7. Voir le lexique du dopage
  8. Ouest-France, 19 juillet 2008.
  9. a, b et c ANSES, Composés perfluorés : une première campagne nationale de mesure dans les eaux, 10 juin 2011
  10. a et b Aslam M, Khalil K, Rasmussen RA, Culbertson JA, Prins JM, Grimsrud EP, Shearer MJ, Atmospheric perfluorocarbons, Environ Sci Technol., 2003, vol. 37(19), pp. 4358-61. PMID 14572085
  11. Page de l’EPA(Agence américaine de protection de l’environnement), citant le GIEC, concernant le potentiel de différents gaz en termes de réchauffement climatique
  12. [Fasano WJ, Kennedy GL, Szostek B, et al. Penetration of ammonium perfluorooctanoate through rat and human skin in vitro. Drug Chem Toxicol. 2005;1:79–90. Résumé ]
  13. Olsen GW, Huang HY, Helzlsouer KJ, et al. Historical comparison of perfluorooctane, perfluorooctanoate, and other fluorochemicals in human blood. Environ Health Perspect. 2005;113:539–545 .
  14. Olsen GW, Church TR, Hausen KJ, et al. Quantitative evaluation of perfluorooctanesulfonate (PFOS) and other fluorochemicals in the serum of children. J. Children’s Health. 2004;2:53–76
  15. Olsen GW, Church TR, Miller JP, et al. Perfluorooctanesulfonate and other fluorochemicals in the serum of American Red Cross adult blood donors. Environ Health Perspect. 2003;111:1892–1901.
  16. Rapport d'étude commandé par Greenpeace, 2006, 32 pp. intitulé “Presence of perflorinated chemicals in eels from 11 european countries, Investigating the contamination of the European eel with PFCs,substances used to produce non-stick and water-repellant coatings for a multitude of products
  17. Étude «Maternal levels of perfluorinated chemicals and subfecundity», Chunyuan Fei et al., Human Reproduction, vol.1, n°1, pp.1-6 (publication en ligne le 28 janvier 2009), conduite par Chunyuan Fei de l’université de Californie (Télécharger l'article ; 6 pages)
  18. Increasing Prevalence of Parent-Reported Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Among Children - United States, 2003 and 2007 ; 2010/11/12 ; 59(44) ; 1439-14432010, CDC (Centre de contrôle et de prévention des maladies)
  19. Projet «C8 Health» (C8 est un des noms donnés au PFOA), lancée en 2005 pour étudier les impacts sur la santé du PFOA autour de l’usine de Washington Works qui a polluée l'eau
  20. Edward Anthony Emmett, Community Exposure to Perfluorooctanoate: Relationships Between Serum Concentrations and exposure Sources ; J Occup Environ Med. Author manuscript; in PMC 2011 February 14. Published in final edited form as: J Occup Environ Med. 2006 August; 48(8): 759–770. DOI:10.1097/01.jom.0000232486.07658.74, PMCID: PMC3038253 NIHMSID: NIHMS266192 (Résumé),
  21. Kannan K, Koistinen J, Beckman K, et al. Accumulation of perfluorooctane sulfonate in marine mammals. Environ Sci Technol. 2001;35:1593–1598 (Résumé)
  22. Kennedy GL, Butenhoff JL, Olsen GW, et al. The toxicology of perfluorooctanoate. Crit Rev Tox. 2004;34:351–384.
  23. Romain Loury, Des enfants surexcités par les perfluorés, 15 juin 2011

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