Om mani padme hum

Om mani padme hum
Ce mantra en tibétain.
Ce mantra, à sept syllabes.

Om mani padme hum (dérivé du sanskrit, devanāgarī ॐ मणि पद्मे हूँ, oṃ maṇi padme huṃ, parfois suivi d'une septième syllabe, hrih), ayant pour diminutif mani, est un des plus célèbres mantra du bouddhisme. C'est le mantra des six syllabes du boddhisatva de la compassion Avalokiteśvara (Guanyin en chinois, Kannon en japonais, Chenrezig en tibétain). Il est donc également nommé mantra de la grande compassion (mahākarunā).

Son rayonnement est universel dans le bouddhisme mahāyāna mais il est également un mantra national du Tibet,

La septième syllabe optionnelle, HRIH, est un « bija », ou syllabe germe, laquelle condense dans la théorie des mantras[1] la compassion d'Avalokiteshvara.

Sommaire

Texte original en sanskrit

Om maņi padme hûm.
Mahājñāna cittotpāda,
cittasya na-vitarka,
sarvārtha bhūri siddhaka,
na-purāņa na-pratyutpanna.
Namo Lokeśvarāya svāhā.

Ses transcriptions

Voici ses diverses transcritions, suivies de leur romanisation:

  • Chinois : 唵嘛呢叭咪吽, pinyin: ǎn mání bāmī hōng (an mani pami hong)
  • Coréen : 옴마니반메훔, Om Ma Ni Ban Mae Hum
  • Devanagari : ॐ मणि पद्मे हूँ; IAST: Oṃ Maṇi-Padme Hūṃ (om mani padmé houm)
  • Japonais : On Mani Handoma Un
  • Tibetain : ཨོཾ་མ་ཎི་པ་དྨེ་ཧཱུྃ་ Om Ma Ni Pe Me Hung (aom mani pèmé houng)
    • voir l'image.

On a retrouvé en Chine une pierre datant de 1348, sous la dynastie Yuan, de nationalité mongole, sur laquelle est inscrit ce texte dans six des langues de l'Empire chinois d'alors (Han, tibétain, lanydza, ouïghour, Phagspa et tangoute[2]. Il existe de nombreuses autres pierres gravées de ce mantra dans toute l'Asie[3].

De Tsaparang où il se trouve Antonio de Andrade est le premier à mentionner dans une lettre (16 août 1626) cette invocation qui l'intrigue car «il n'est personne qui ne la répète continuellement, et c'est ce qu'ils récitent habituellement avec leur chapelet»[4] Il en demande l'explication à quelques lamas de Tsaparang mais n'obtient rien de satisfaisant. Un autre missionnaire jésuite, en résidence à Lhassa de 1716 à 1721, Ippolito Desideri, en propose une explication. Il a appris le tibétain et ayant vécu en Inde il connaît suffisamment de sanskrit pour saisir le sens de Om mani padme hum. Il écrit: «Om est un terme sans signification; c'est un ornement de style verbal, un mot de charme ouvrant une phrase. Le second mot, Mani, signifie 'joyau' tel qu'une perle, un diamant ou autre pierre précieuse. Le troisième, Padme, est un mot composé, Padma-E, 'Padma' étant la fleur de lotus et 'E' un simple vocatif (O, Lotus!). Quant au dernier mot, Hum, comme le premier il n'a pas de signification propre. Il est ornement verbal terminant toute parole magique.»[5]

Pratique et signification

Sa récitation se fait en concurrence avec une visualisation très détaillée du mandala d'Avalokiteshvara, c'est-à-dire de l'assemblée des déités qui l'accompagne. Chacun des éléments de cette représentation, ornement, objet rituel, est lui-même symbolique. Ainsi chacun de ses quatre bras représente un des quatre incommensurables.

De syntaxe imprécise, le sens du mantra comporte de nombreuses dimensions, mais signifie grosso modo hommage au joyau du lotus et plus précisément "le joyau dans le lotus", ces deux termes étant eux-mêmes de profonds symboles, que le méditant tient à l'esprit. Un joyau est évidemment précieux; ici on réfère au joyau-qui-accomplit-tous-les-souhaits (sank. citānmani[6], tib. yishin norbu[7]), une sorte de pierre philosophale orientale dont le symbolisme est transmuté au niveau spirituel: il s'agit de notre sagesse innée, la nature-de-bouddha ou tathagatagarbha, mais aussi du guru qui nous en transmet la reconnaissance. Parmi les gemmes, le diamant ou vajra occupe une place spéciale dans le vajrayāna. Par exemple le vajradhātu est la sphère du diamant, inaltérable, claire et brillante, à l'instar de la réalité ultime. Son mandala est extrêmement élaboré et inclut les déités que les syllabes du mantra représentent.

Quant au lotus il surgit de la boue pour fleurir au soleil sans être lui-même entaché, symbolisant par là la pureté et la beauté. Encore ici la nature essentielle ne subit pas les distorsions adventices du samsāra, tout comme l'être qui a assimilé les sagesses de la vacuité et de la non-dualité. Les citations ci-dessous donnent encore d'autres dimensions de ces symboles.

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De plus, chacune de ses syllabes est le bīja, l'essence-semence de libération de chacun des domaines ou règnes d'existence, des paradis des devas jusqu'aux enfers. C'est donc envers l'univers entier que le pratiquant envoie sa compassion. On peut aussi faire du mantra l'invocation du muni (sage) ou bouddha de chacun de ces domaines. Et encore, chacune des syllabes représente une des six vertus transcendantes, ou pāramitās de la pensée du mahāyāna, que le pratiquant cherche à actualiser en lui-même. Voici le tableau de ces correspondances[8].

Syllabe (Bija) Vertu (Pāramitā) Sagesse (Jñāna)[9] Distorsion type (Klesha) Domaine samsarique Couleur[10]
Om Générosité (Dāna) De l'Égalité Orgueil Dieux (Devas) Blanc
Ma Éthique (Shīla) Tout-accomplissante Envie Titans (Asuras) Vert
Ni Tolérance (Kshānti) --- Passion Humains Jaune
Pad Persévérance (Vīrya) Tout-embrassante Torpeur Animaux Bleu ciel
Concentration (Dhyāna) Discriminante Avidité Fantômes (Preta) Rouge
Hum Discernement (Prajñā) Semblable-au-miroir Haine Enfers Bleu nuit ou noir

Donald Lopez de l'Université de Chicago, auteur et spécialiste du vajrayāna, prétend, dans un livre par ailleurs contesté par les associations de défense du Tibet[interprétation personnelle] [Qui ?], que Manipadmé serait un vocatif interpellant Manipadmā, donc un autre nom d'Avalokiteshvara, sous forme féminine[11]. Il pourrait cependant s'agir d'une personnification tardive du Joyau-Lotus.

Il dénonce aussi une autre interprétation racoleuse: En effet dans le langage codé, dit « crépusculaire », du tantrisme, le lotus réfère au vagin, alors que le mani ou le vajra désigne le pénis. Ces connotations ne sont pas évoquées ici, et ne justifient pas une traduction telle que « Hommage au joyau dans le lotus »: « en se basant sur les sources tibétaines et sur une analyse de la grammaire, il apparaît que le mantra ne peut pas signifier le joyau dans le lotus et que les infinies variations de cette mésinterprétation sont seulement fantaisistes[12]. »

Quant à Alexander Studholme, de l'Université de Cambridge, il soutient dans un récent livre sur ce mantra[13], que dans le contexte du Kāraṇḍavyūha-sūtra, Manipadmé serait un locatif signifiant « dans le Joyau-Lotus », et désignant le mode de naissance dans la « Terre Pure » du Bouddha Amitabha, où le récitant aspire à renaître. Il confirme aussi que ce serait un nom d'Avalokiteśvara ou de sa parèdre, et que ce mantra condense plusieurs niveaux d'intention spirituelle.

« Dans la religion du Bhoutan, comme dans celle du Tibet, il existe une formule sacrée dont les mots hom-ma-ni-pê-mé-houm sont de nature à ne pouvoir être traduits d'une manière satisfaisante à cause de leur sens abstrait et mystique. .. Toute la doctrine lamaïte se résume dans cette formule : hom adoucit les tribulations du peuple ; ma apaise les angoisses des lamas ; ni soulage les chagrins et les afflictions des hommes ; pe diminue les douleurs des animaux ; houm enfin tempère les souffrances et les peines des damnés. Cette célèbre formule est répétée par tous les religieux ; elle est écrite en tous lieux, sur les bannières, sur les temples, sur les casques des chefs, sur les murailles des habitations et sur les montagnes : quelques unes de celles-ci la présentent formée avec de grosses pierres fixées dans le sol, de manière qu'on peut la lire d'une très grande distance.» [14]

Notes et références

  1. Autre exemple, DHI est le bīja de Manjushri, bodhisattva de sagesse.
  2. (zh)莫高窟造像碑 pierre gravée représentant le texte dans les différentes langues de l'Empire chinois.
  3. (en)mani stones in many scripts (pierres mani dans différentes écritures) sur Babelstone.
  4. Hugues Didier, Les Portugais au Tibet, Ed. Chandeigne, Paris, 1996, p.99.
  5. C. Wessels, Early Jesuit travellers in Central Asia, The Hague, 1926, p.265.
  6. Joyau de Brahmā
  7. yid bzhin nor bu
  8. Ce tableau est un condensé de plusieurs sources internautiques et livresques, souvent contradictoires. Ce n'est cependant pas le lieu d'en donner une discussion ou une compréhension plus élaborée.
  9. Voir: Les cinq sagesses et Cinq dhyani bouddhas.
  10. d'après Philippe Cornu Dictionnaire encyclopédique du Bouddhime.Éditions du Seuil,Paris,2001. 843 p./p.58 ISBN 2-02-036234-1
  11. Donald S. Lopez Jr., Fascination tibétaine: Du bouddhisme, de l'occident. Traduction: Natalie Münter-Guiu, préface: Katia Buffetrille. Autrement, 2003. 284p./ Ch.4, p.153. ISBN : 2746703440
  12. « the endless variations on this misreading are merely fanciful. » -Donald S. Lopez Jr., Prisonners of Shangri-la: Tibetan Buddhism and the West. Universty of Chicago Press,Chicago,1998. 283p./ Ch.4, p.133. ISBN : 0226493113. -L'ensemble du chapitre expose les mésaventures occidentales du mantra, non sans humour: « À partir de ce moment [H.J. von Klaproth, 1831], fixé par la science académique, le joyau demeura fermement dans le lotus [p.119] » et l'interprétation sexualisée fit son chemin...
  13. Alexander Studholme, The Origins of Oṁ Maṇipadme Hūṁ: A Study of the Kāraṇḍhavyūha-​sūtra. Albany: State University of New York Press, 2002. 222 p.(Chapitre 6, p.105 à 118, notamment p.116). Critique et résumé, en anglais, dans le Journal de l'Association Internationale d'Études Tibétaines: JIATS
  14. Géographie universelle ou Description de toutes les parties du monde, par Victor Adolphe Malte-Brun

Voir aussi

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