Anti-France

Anti-France

L'Anti-France désigne les groupes politiques, sociaux ou religieux accusés de trahir la nation. Ce néologisme politique est utilisé par l'extrême droite en France depuis l'Affaire Dreyfus. Cette expression a un sens proche de « cinquième colonne », d'« ennemi de l'intérieur » et de « parti de l'étranger ».

Sommaire

Naissance de l'expression et premiers emplois

Pour l'historien Raoul Girardet, l'expression apparaît à la fin du XIXe siècle et fait référence au complot judéo-maçonnique :

« Juifs et francs-maçons vont représenter à leur tour le “parti de l'étranger”, l'incarnation même de ce que l'on va prendre l'habitude de désigner l'Anti-France. La formule doit être comprise en l'occurrence comme chargée de tout un poids, et singulièrement lourd, de frayeurs ancestrales. Jésuites, Juifs et franc-maçons ne sont pas seulement appréhendés comme les agents d'exécution privilégiés des desseins hostiles de certains États rivaux. La menace qu'ils représente est celle qui n'a jamais cessé de hanter les rêves des cités paisibles. Celle du vagabond, du nomade qui rôde autour des maisons heureuses (“Une invasion de gens, dit Michelet, qui ont passé un à un”). Celle du voyageur sans nom qui porte avec lui la maladie ou l'épidémie, dont l'arrivée fait pourrir les moissons et périr le bétail. Celle de l'intrus qui s'introduit dans les foyers prospères pour y apporter le trouble et la ruine. L'insécurité et la peur commencent avec le passage des inconnus qui errent dans la nuit[1]. »

Le 17 janvier 1898, les ligues antisémites manifestent dans toute la France et convoquent à Paris un meeting « contre les agissements du syndicat de la trahison et flétrir les insulteurs de l’armée ». Le meeting qui rassemble 6000 personnes est perturbé par les anarchistes[2].

Charles Maurras emploie l'expression les « quatre États confédérés » en la définissant comme les « quatre États confédérés des protestants, Juifs, francs-maçons, et métèques[3] ».

En 1918, Léon Daudet publie L'avant-guerre : études et documents sur l'espionnage juif-allemand en France depuis l'affaire Dreyfus dans lequel il écrit : « Il faut qu'on le dise : l'affaire du traître Dreyfus a eu comme premier résultat une première invasion, la formation chez nous d'une anti-France[4]. »

En 1922, paraissent Les Cahiers de l'Anti-France, une revue signée sous le pseudonyme Jean Maxe, présenté comme un universitaire. Le deuxième numéro dénonce les pacifistes de la Première Guerre mondiale qui se sont regroupés en Suisse autour de Romain Rolland ou lors de la Conférence de Zimmerwald : « l'Alliance du Défaitisme et du Bolchévisme en Suisse (1914-1919) »[5]. L'éditeur présente ainsi l'auteur : « Seul, il est remonté à la source intellectuelle et occulte de la trahison, du défaitisme, des doctrines révolutionnaires du bolchevisme bolchevisant. »

Rhétorique du Régime de Vichy

Sous le régime de Vichy, le maréchal Pétain emploie cette expression pour qualifier ceux à qui il attribue la défaite de 1940 : les Juifs, les communistes et les francs-maçons.

Pour les autorités de Vichy, la défaite de 1940 est la conséquence de la « décomposition de la société française ». Celle-ci a commencé cent cinquante ans auparavant, avec la Révolution française. C'est un thème classique de l'extrême droite en France depuis l'Affaire Dreyfus. En conséquence, il n'y a pas à blâmer les erreurs militaires ni de s'opposer à l'Occupation puisque celle ci n'est qu'un symptôme de la crise et non la cause. Cette « décomposition » provient d'un complot des « forces de l’anti-France » (le communiste, le Juif, le franc-maçon et l'étranger). L'historien Denis Peschanski note qu'« il faut, pour régénérer la société française de l’intérieur, les exclure. D’où l’importance du camp d’internement qui va être “au cœur” même du dispositif d’exclusion de Vichy ». L'expression « forces de l'Anti-France » fait la synthèse de l'anticommunisme, de l'antisémitisme, de l'antimaçonnisme et de la xénophobie. Elle caractérise les communistes, les juifs, les francs-maçons ou les étrangers d'ennemis de l'intérieur, c'est-à-dire comme des éléments qui ne seraient pas solidaires de la communauté nationale. Les Protestants n'y sont plus visés[6].

À partir de 1940, le régime met en œuvre « une politique répressive au nom de l'ordre et de la lutte contre l'Anti-France[7] ».

Controverse autour du défilé militaire du 14 Juillet

Le 14 juillet 2011, Eva Joly, candidate Europe Écologie – Les Verts à l'élection présidentielle de 2012, propose de remplacer le défilé militaire par un « défilé citoyen où nous verrions les enfants des écoles, où nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d'être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent »[8], suscitant de vives réactions[9]. Le député UMP et président de la Commission de la défense nationale et des forces armées Guy Teissier déclare ainsi sur France Info :

« Je souhaiterais qu'un jour Madame Eva Joly se trouve dans la situation de vos deux confrères que nos militaires sont allés libérer pour qu'elle trouve peut-être quelques vertus à nos soldats et à des défilés, fussent-ils guerriers. Voilà, je suis consterné d'entendre de telles déclarations qui me rappellent aussi de sinistre mémoire les années d'avant la dernière guerre mondiale où les pacifistes et les antimilitaristes nous ont amenés à cette triste défaite de 1940. Je suis consterné qu'il puisse encore exister, comme on appelait autrefois, des “Anti-France”[10],[11]. »

Usage dans la culture populaire

Logo de l'Anti-France dans la bande dessinée Superdupont.

L'Anti-France est l'entité représentant les méchants dans la série humoristique de bande dessinée Superdupont.

Il s'agit d'une sorte de mouvement sectaire et terroriste caricatural, combattu sans relâche par Superdupont. L'Anti-France s'en prend à tout ce qui constitue « les vraies valeurs de la vraie France » : l'hymne national, la tour Eiffel, le vin français, etc. Ses agents parlent en mélangeant divers mots et accents étrangers. De plus l'Anti-France sabote aussi bien l'industrie que les administrations françaises.

L'Anti-France est une caricature de la thèse selon laquelle les problèmes de la France sont dus aux étrangers. Jacques Lob et Marcel Gotlib tournent en ridicule la paranoïa et la xénophobie de certains Français qui considèrent l'étranger et l'inconnu comme une menace pour la France.

Bibliographie

Voir aussi

Notes et références

  1. Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, éditions du Seuil, 1986, p. 43.
  2. « Les anarchistes, quoiqu’en minorité, restent maîtres du terrain », Le Temps, 19 janvier 1898.
  3. Lazare de Gérin-Ricard et Louis Truc, Histoire de l'Action française, Fournier Valdès, 1949, p. 51
  4. Léon Daudet, L'avant-guerre, 1918, p. 6.
  5. Jean Maxe, Les Cahiers de l'Anti-France, Éditions Bossard, 1922.
  6. Denis Peschanski, « Mémoire des lieux - lieux de mémoire », Traverses92, 21 mai 2005.
  7. Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, Perrin, 1997 ; édition 2004, Perrin, coll. « Tempus », p. 191-193.
  8. « Eva Joly propose la suppression du défilé militaire du 14 juillet », lci.tf1.fr, 14 juillet 2011.
  9. « Défilé du 14 juillet : Joly seule contre tous... Fillon seul contre la gauche », lci.tf1.fr, 15 juillet 2011.
  10. « Un défilé du 14 juillet sous le signe des opérations extérieures. Guy Teissier, président UMP de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale, réagit très violemment aux propos d’Eva Joly. Il l’accuse d’être “anti-France” », France Info, 14 juillet 2011.
  11. Pascal Riché, « Défilé militaire : mais pourquoi tant de rage contre Eva Joly ? », Rue89, 14 juillet 2011.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Anti-France de Wikipédia en français (auteurs)

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