Madame de Genlis

Madame de Genlis

Félicité de Genlis

Félicité de Genlis
Félicité de Genlis v. 1800
Félicité de Genlis v. 1800

Activité(s) femme de lettres
Naissance Issy-l'Évêque
1746
Décès 1830
Paris

Stéphanie Félicité du Crest de Saint-Aubin, par son mariage comtesse de Genlis, marquise de Sillery, née au château de Champcery à Issy-l'Évêque le 25 janvier 1746 et morte à Paris le 31 décembre 1830, est une femme de lettres française.

Biographie

Stéphanie-Félicité du Crest, comtesse de Genlis, marquise de Sillery, naquit dans une famille de noblesse d’épée originaire de Bourgogne, fille d’un ancien capitaine qui portait le titre de marquis de Saint-Aubin. Dans son enfance, conformément à un usage alors fréquent dans la noblesse de province, son père, après avoir fait preuve de huit quartiers de noblesse pour Félicité, la fit recevoir chanoinesse dans un des chapitres du Lyonnais. Lorsqu’il mourut en 1763, sa veuve, marquise de Saint Aubin, et ses deux enfants – Félicité et son frère – se trouvèrent soudain jetés, sinon dans la pauvreté comme on l’a dit, du moins dans une certaine gêne[1]. Comme chanoinesse, elle fut appelée « la comtesse Félicité de Lancy », parce que son père était Seigneur et Patron de cette petite ville. Pendant cette période elle acquit un savoir encyclopédique qui devait lui être utile par la suite.

La marquise de Saint-Aubin – mère de Félicité – eut l’habileté de s’introduire dans les salons des grands financiers du temps, où sa jeune fille se fit remarquer par son talent de harpiste. Ce furent ses concerts qui remirent à la mode cet instrument, qu’on avait cru oublié depuis la Renaissance. Quatre fois par semaine, la mère et la fille se rendaient à des dîners à l’issue desquels Félicité donnait son récital (On prétendit que c’était moyennant une rétribution convenue à l’avance). Toutefois, on trouve dans les mémoires de la marquise de Créquy un démenti formel, et fort argumenté : « On a dit et publié (par animosité contre Mme de Sillery) que sa mère avait eu l’indignité de lui faire jouer de la harpe à des concerts publics, et qu’on les faisait venir à nos soirées moyennant rétribution, ce qui n’est pas vrai le moins du monde. D’abord aucune personne comme il faut n’aurait voulu participer à cet avilissement d’une famille noble et d’une fille de condition ; ensuite Mme du Crest avait deux fortes pensions sur les états et le clergé de Bourgogne, sans compter l’argent qu’on allait solliciter pour elle et qu’on obtenait toujours de M. le Prince de Condé, gouverneur de Bourgogne. À ma connaissance, et jusqu’au mariage de sa fille, au moins, elle n’a jamais dépensé dans une année moins de quinze à dix-huit mille francs honorablement perçus. Enfin, son caractère était justement l’opposé d’une pareille conduite ; et quand nous avions donné quelque bagatelle à sa fille, elle ne manquait jamais de faire apporter chez nous un panier du crû de Montrachet, que nous appelions, à cause de cela, le vin des États de Bourgogne. — Vous me ruinez, nous disait-elle, avec vos cadeaux ; et si vous avez compassion de moi, ayez la bonté de ne jamais nous en faire !... »

Par l’entremise de sa tante, la marquise de Montesson[2], Félicité de Genlis rencontra Charles-Alexis Brûlart, comte de Genlis, filleul et héritier d’un ancien ministre d’État, Louis Philogène Brûlart de Sillery, marquis de Puisieulx, colonel des Grenadiers, qui devint par la suite marquis de Sillery. Félicité qui cherchait un mari aisé et bien portant sauta sur l’occasion. Les jeunes gens se marièrent en 1763 mais monsieur de Genlis n’interférera jamais dans les ambitions sociales de sa femme. Grâce à sa position dans la société, la comtesse de Genlis fut présentée à la cour deux ans après son mariage. En 1770, elle espérait entrer dans la maison de Marie-Joséphine de Savoie[3]. Les Brûlart, refusant de s’abaisser à en faire la demande à la comtesse du Barry, ainsi qu’il en était de rigueur à l’époque, Félicité dut se rabattre sur la maison d’Orléans.

Madame de Montesson la fit admettre au début de 1772 comme dame pour accompagner la duchesse de Chartres, belle-fille du duc d’Orléans, tandis que le comte de Genlis était nommé capitaine des gardes du duc de Chartres, futur Philippe Égalité. Ces deux postes comportaient le logement au Palais-Royal ainsi que des gages de 6 000 livres pour le mari et 4 000 pour la femme de celui-ci.

À peine arrivée, la comtesse de Genlis entame une liaison avec le duc de Chartres. Pendant l’été 1772, alors que la duchesse était partie en cure à Forges-les-Eaux[4] cette liaison tourna à la passion. Le plus extraordinaire est que Félicité de Genlis non seulement nia, sa vie durant, toute aventure avec le duc, mais fut pendant près de quinze ans la meilleure amie de la duchesse, qui ne se douta jamais de rien.

Pourtant, non contente d’être la maîtresse de son mari, la comtesse de Genlis parvint à supplanter la duchesse dans le cœur de ses propres enfants. Dès la naissance de Louis-Philippe en 1773, elle se mit à tramer des intrigues compliquées pour parvenir à être seule chargée de l’éducation des jeunes princes, ce qui était d’autant plus délicat que vers l’âge de sept ans, l’usage était que ceux-ci « passent aux hommes » pour être confiés aux soins d’un gouverneur assisté d’un sous-gouverneur. Félicité de Genlis parvint à ne pas faire nommer de gouverneur, de manière à diriger en sous-main l’éducation de Louis-Philippe jusqu’au moment où elle pourrait en être officiellement chargée. En attendant, il fut convenu avec la duchesse de Chartres qu’elle prendrait en main l’éducation des deux jumelles nées en 1777 et que, pour ce faire, elle s’installerait avec elles dans un couvent. En fait, elle alla s’établir dans un petit bâtiment appelé pavillon de Chartres ou pavillon de Bellechasse, spécialement construit sur un terrain dépendant du couvent des dames chanoinesses du Saint-Sépulcre au Faubourg Saint-Germain.

Le duc de Chartres la nomma « gouverneur » de ses enfants, au nombre desquels le futur Louis-Philippe, roi des Français, qui lui voua toute sa vie une adoration[5]. L’ensemble de ces princes et princesses la préférèrent d’ailleurs toujours à leur propre mère.

Félicité de Genlis se fit connaître par ses principes sur l’éducation des jeunes gens et par de nombreux ouvrages littéraires. Elle fut l’amie de Rousseau, de Charles-Pierre Claret de Fleurieu, de Bernardin de Saint-Pierre, de Talleyrand, de Juliette Récamier, et composa une œuvre riche de quelque cent quarante volumes.

Elle s’enfuit prudemment en Angleterre pour échapper aux excès de la Révolution française. Ceux-ci provoquèrent la perte de son mari, guillotiné pour ses activités politiques ainsi que Philippe Égalité, tandis que deux de ses pupilles, les frères de Louis-Philippe, croupirent si longtemps en prison qu’ils contractèrent une maladie de poitrine qui les emporta en 1807 et 1808. Sa fille, Pulchérie, mariée au général Jean-Baptiste Cyrus de Timbrune de Thiembronne, passa, elle aussi, très près de l’échafaud. En Angleterre, Félicité de Genlis maria une autre fille, Pamela Brûlart de Sillery qu’elle avait eue en secret du duc de Chartres, à Lord Fitzgerald, qui fut massacré lors de l’insurrection de Dublin en 1798.

En 1801, Bonaparte l’autorisa à rentrer en France, l’utilisa comme espionne, et la pensionna. Elle fut peut-être l’unique femme de lettres qu’il admira (ce qui ne fut pas le cas, par exemple, de son homologue Germaine de Staël).

Sa vie empira avec le retour des Bourbons en 1815. Elle n’a vécu financièrement que grâce aux droits d’auteur qu’elle tirait de ses romans et nouvelles.

Félicité de Genlis vécut juste assez longtemps pour voir celui qu’elle avait élevé devenir roi des Français. Elle laissait non seulement des mémoires appelés à devenir célèbres mais aussi de nombreux ouvrages édifiants à l’usage de la jeunesse.

Conformément à un vœu qu’elle avait souvent exprimé, elle fut inhumée au Père-Lachaise. Lors de son enterrement, le 4 janvier 1831, le doyen de la Faculté des Lettres de Paris déclara : « Pour honorer et célébrer dignement la mémoire de Mme de Genlis, ce seul mot doit suffire : son plus bel éloge est sur le trône de France ! »[6].

Œuvres

Félicité du Crest, comtesse de Genlis, peu avant sa mort
  • Adèle et Théodore ou lettres sur l’éducation contenant tous les principes relatifs à l’éducation des Princes, des jeunes personnes et des hommes, Paris, Lambert & F. J. Baudouin, 1792.
  • Alphonsine ou la tendresse maternelle, Paris, Lecointe et Durey 1825
  • Bélisaire, Paris, Maradan 1808
  • Maison rustique pour servir à l’éducation de la jeunesse ou Retour en France d’une famille émigrée, Paris, Maradan 1810
  • Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la Cour ou l’esprit des étiquettes et des usages anciens, Paris, E. Mongie, 1818
  • Les Parvenus, Paris, Ladvocat, 1819
  • Les Petits Émigrés, Ou Correspondance De Quelques Enfans : Ouvrage Fait Pour Servir À L’Education De La Jeunesse, Paris, Onfroy; Berlin, Legarde, 1798
  • Mémoires de la marquise de Bonchamps, Paris, s.n., 1823
  • Mémoires inédits sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours, Paris, Ladvocat, 1825.
  • Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, Paris, Maradan, 1806

Notes et références

  1. Le père de Félicité avait fait faillite et a laissé sa famille dans le besoin
  2. Maîtresse puis épouse morganatique du duc d’Orléans futur Philippe-Égalité
  3. Future épouse du comte de Provence, connu par la suite sous le nom de Louis XVIII
  4. Les eaux de cette station balnéaire aurait, pensait-on à l’époque, favorisé la fécondité
  5. Dans ses Mémoires, le roi Louis-Philippe raconte l’éducation spartiate que ses frères et sœurs ainsi que lui-même avaient reçue de Mme de Genlis. Ce qui ne les empêcha pas de lui vouer une adoration qu’ils ne ressentaient même pas pour leur mère.
  6. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 640

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Wikisource propose un ou plusieurs textes écrits par Félicité de Genlis.

Liens externes

Bibliographie

  • Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Fayard, 2002 (ISBN 2-213-59222-5)
  • Colonel Jacques G. Barthélémy, Stéphanie Félicité, comtesse de Genlis, Paris, la Société des écrivains, 2005 (ISBN 2-7480-2403-6)
  • Gabriel de Broglie, Madame de Genlis, Paris, Perrin, 1985

Iconographie

  • Olivier Blanc, Portraits de femmes, artistes et modèles à l’époque de Marie-Antoinette, Paris, Didier Carpentier, 2006
    Présente tous les portraits de la comtesse de Genlis dont 9 reproduits en noir et en couleur.
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