Leuques

Leuques
Carte des peuples gaulois.
Camp celtique de la Bure

Les Leuques, désignés par les auteurs latins sous le vocable Leuci, appartiennent à la province de Gaule Belgique (une des trois provinces gauloises créées par Auguste), à laquelle ils ont été officiellement intégrés vers 20 av. J.-C.

Sommaire

Histoire

Étymologie

Les origines légendaires des peuples belges, Leuques, Trévires et Médiomatriques, affirment que ceux-ci sont engendrés par le Rhin, c'est-à-dire que leurs premières assemblées d'hommes libres se sont formées sur les rives rhénanes avant leurs migrations guerrières ou pacifiques[réf. nécessaire].

Le nom des « leuques » est dérivé du celtique leucos, variation leucet(i)o-, signifiant 'clair', 'brillant' d'où 'éclair'. Les leuci seraient donc « les fulgurants ». La racine leuc- est fréquemment attestée dans l'onomastique gauloise, ainsi les noms de personnes Leucus, Leuca, Leucanus, Leuconius, Leucimara; le théonyme Leucetius épithète de Mars dans des dédicaces et des noms de lieux Lioux, Lieuche de Leuca. La même racine celtique se retrouve dans le gallois llug, le vieil irlandais luach 'brillant'. L'indo-européen *leuk- 'brillant, clair', dont elle est issue, se perpétue également dans le grec leukos 'blanc', le germanique *leuk-ta (anglais light, allemand Licht), les mots latin lux et luna (*louk-snā, *louk variante phonétique de *leuk)[1], etc..

Occurrences dans les textes antiques

César

  • César dans La guerre des Gaules est le premier à mentionner ce peuple :

« ... du blé, les Séquanes, les Leuques, les Lingons en fournissaient, et les moissons étaient déjà mures dans les champs. »[2]

Le paragraphe 40 dont il est question s'intitule "Discours de César" et succède à un paragraphe consacré à la "Panique de l'armée romaine". Le contexte de cette citation permet de comprendre la situation politique chez les Leuques en 58 av. J.-C.: Arioviste, chef Germain du peuple Suève,fut d'abord l'allié des Séquanes, voisins méridionaux des Leuques, contre les Eduens. Mais après avoir défait les Eduens, Arioviste s'installe et occupe un tiers du territoire des Séquanes. Il se livre alors à des razzias et des opérations de harcèlement contre les peuples voisins, et donc, nécessairement, contre les Leuques. Ce peuple fait probablement partie des tribus qui délèguent des ambassades vers César pour lui demander de l'aide. A ce titre, lorsque César en fait la demande, les Leuques lui livrent le blé nécessaire à ravitailler ses troupes.

Il est par ailleurs notable qu'aucune monnaie Républicaine de la décade 59-50 av. J.-C. n'a été répertoriée sur l'oppidum des Leuques, alors que les décades précédentes et suivantes sont bien représentées[3]. Il serait possible que l'aide des Leuques ait été offerte à César, et non vendue.

Cette aide est déterminante pour César et intervient dans un contexte où des troubles éclatent dans l'armée. Cette mention des Leuques dans le texte de César peut avoir engendré des conséquences favorables importantes pour ce peuple. Après la conquête, les faveurs des romains se portent donc naturellement vers ces peuples amicaux qui n'ont, de surcroit, jamais porté les armes contre Rome.

Lucain

  • Lucain dans La Pharsale cite également les leuques ainsi :

« ... le Leuque et le Rémois habiles à darder le javelot »[4].

La Pharsale raconte de manière épique et poétique la guerre civile entre César et Pompée, d'où son véritable titre Bellum Civile. Il cite côte à côte Rèmes et Leuques, pour cette habileté de combattant dans l'emploi des javelots, javelines et autres lances.

Tacite

  • Tacite dans Histoire mentionne les leuques lors des troubles civils de l'an 69 ap. J.C., l'année des quatre empereurs.

« La nouvelle de l'assassinat de Galba et de l'élévation d'Othon parvint à Valens dans le pays des Leuques »[5].

Fabius Valens est un commandant de légion romaine, légat de Gaule en 69. Le 2 janvier 69, il entre à Cologne où il salue, avec la cavalerie légionnaire, Vitellius empereur. Ce dernier le charge, avec Alienus Caecina, de traverser la Gaule et de fondre sur Rome pour renverser Galba. Valens est à la tête de l'élite de la Germanie inférieure avec l'aigle de la cinquième légion augmentée de cohortes auxiliaires et des ailes (corps de cavalerie auxiliaire recruté par des engagements volontaires, citoyens romains ou provinciaux), soit environ 40000 hommes. Tacite décrit l'expédition de Fabius Valens comme émaillée d'exactions contre la population de Gaule. Divodurum (Metz), capitale des Médiomatriques (peuple voisin des Leuques au nord), eut à déplorer le massacre de 4000 personnes selon l'auteur latin[6]. A la suite de ce massacre, les populations des Gaules ont précédé les armées de Fabius Valens pour demander grâce au général et éviter d'autres carnages dans leurs cités[7]. Situés sur l'itinéraire de la troupe, immédiatement au sud du territoire médiomatrique, les Leuques, alarmés par les massacres, ont probablement agi ainsi que le mentionne Tacite pour protéger leurs populations et envoyé leurs magistrats au-devant des légions. La troupe traversa le territoire Leuque pour ensuite se diriger dans la cité des Lingons. Pour se rendre à Andematunum (Langres) depuis Metz, l'itinéraire des légions suit les grandes voies du Rhin : Trèves, Metz, puis Toul et Langres. Entre Tullum et Andematum, les troupes apprennent la mort de Galba qu'elles étaient parties combattre, et l'élévation d'Othon, qui devient de ce fait leur nouvel adversaire. Tacite indique qu'alors, Valens est encore en territoire Leuque, mais que la cité la plus proche est celle des Lingons.

Il est notable qu'aucune monnaie datée de cette période troublée n'ait été découverte sur Toul, alors que 1,55% du numéraire découvert sur Nasium date de l'année 69 ap. J.-C[8].

Martial

  • Martial dans les Epigrammes, fait allusion à plusieurs reprises à l'artisanat textile des Leuques en parlant de la "bourre leuconique" et des "laines leuconiques" :

"CLIX. - LA BOURRE LEUCONIQUE

La plume, sous le poids de ton corps, te laisse-t-elle sentir de trop près la sangle, pends cette bourre tondue sur les laines leuconiques.

CLX. - LA BOURRE DU CIRQUE

On appelle bourre du Cirque le jonc de nos marais : au pauvre elle tient lieu de la bourre leuconique[9]."

L'adjectif employé est Leuconicus : à la suite des celtisants, il convient de voir en Leuconicus un adjectif dérivé de Leucones, autre forme de Leuci, sur le modèle bien attesté qui a donné à la fois les Picti de l'Ecosse et les Pictones gaulois (le Poitou)[10].

Pline l'ancien

  • Pline l'ancien dans son Histoire Naturelle précise le statut des leuques :

"Les Leuques, libres[11]."

Selon Pline l’Ancien, les Leuques avaient le privilège d’être liberi, libres, c’est-à-dire de ne pas être soumis à la juridiction du gouverneur de la Province dont relevait la civitas. De plus, ils échappaient au paiement du tribut. Cette distinction prit, dès Tibère (14-37 apr. J.-C.), une forme purement honorifique, ne dispensant pas les Leuques des obligations fiscales communes à toutes les civitates.

Ptolémée

  • Ptolémée, dans sa Géographie, cite les Leuques et leurs deux villes que sont Toul et Nasium :

" Plus au midi, les Médiomatrices dont la ville est Divodurum. Au-dessous d'eux et des Rèmes, les Leuces, et leurs villes Tullum Nasium[12]."

Ptolémée a composé son ouvrage entre 130 et 160 ap. J.C. mais on estime que les sources dont il s'inspire pour sa description remontent au principat de Tibère[13]. La mention de deux villes pour un peuple n'est pas rare chez Ptolémée, bien que minoritaire. La signification de cette double mention reste sujette à interprétations[14].

Claudius Marius Victor

"… post falsus Apollo imposuit sedesque dehinc mutare coactus
Leucorum factus medicus nunc Gallia rura
transmittens profugus Germanas fraude nocenti
sollicitat gentes et barbara (pectora) fallit[15]."

" L'Apollon trompeur, devenu le médecin des Leuques, va des campagnes gauloises en Germanie où il trompe les habitants et les barbares."

Claudius Marius Victor ou Victorinus transpose dans ce texte la parole chrétienne sous la forme littéraire classique, latine et noble au sens littéraire du terme, de l'épopée. Le texte présente Apollon comme le médecin des leuques (leucorum medicus). Cette mention montre que le culte apollinien a perduré longuement chez ce peuple[16]. Le sanctuaire de Grand (Andesina), consacré à Apollon Grannus, était un lieu saint de l'occident romain réputé avoir reçu la visite de deux empereurs. Claudius Marius Victor reprend dans son épopée le mythe des errances d'Apollon en Gaule de l'Est et son refuge chez les Leuques. L'auteur se réfère à une tradition locale destinée à intégrer le sanctuaire au cycle légendaire des voyages d'Apollon[17]. Les pratiques médicales sont également bien attestées chez les Leuques.

Assise territoriale

A l'origine, les Leuques et les Médiomatriques ne sont pas cités parmi les peuples qualifiés de Belges par César, mais appartiennent vraisemblablement à la Gaule Celtique[18]. Certains spécialistes supposent[19] qu'ils appartenaient à la zone dite du "denier", zone économique du centre-est de la Gaule correspondant en partie à la sphère d'influence de Rome avant la conquête.

Cette province augustéenne de la Gaule Belgique était délimitée au sud par la Seine et à l'ouest par la Marne et s'étendait jusqu'au Rhin ; elle englobait les trois cités mosellanes (Leuques, Médiomatriques, Trévires) et leurs voisins occidentaux, les Rèmes. Les voisins méridionaux des Leuques, Lingons et Séquanes, d'abord rattachés à la province de la Gaule Lyonnaise ont été incorporés à la Belgique sans doute en 10 ou en 8 avant Jésus Christ.

Le manque de sources historiques disponibles pour l’époque gauloise nous réduit à extrapoler l’assise du territoire des Leuques à partir des découpages postérieurs. Aussi, leurs limites territoriales, comme la plupart des peuples de la Gaule, sont définies de façon théorique à partir de la cartographie des diocèses antiques, ceux-ci étant considérés par les historiens comme émanant des limites des cités gallo-romaines. Le territoire qui découle de cette analyse régressive se caractérise par sa forme très allongée. Il est limité à l’est par la ligne des sommets vosgiens, et à l’ouest par la vallée de la Meuse. Au nord et au sud, la détermination de l’assise territoriale de la cité des Leuques repose sur les toponymes d’origine antique et ceux de signification frontalière, corrélés aux limites diocésaines[20].

Il est possible, selon l'hypothèse de M. Burnand[21], que les Leuques aient porté dès l'origine le statut de Cité alliée de Rome, jouissant en principe d'une autonomie totale, contrairement à leurs voisins médiomatriques qui ont acquis ce titre seulement après l'époque augustéenne. Ces différences de statut pourraient avoir eu des conséquences sur le développement précoce des cités.

L'oppidum de Nasium à Boviolles (département de la Meuse) semble avoir été un centre politique leuque important, probable capitale au moment de la conquête romaine.

Plusieurs données confortent cette hypothèse :

Monnaie de la tribu des Leuques.
  • La découverte d'un atelier monétaire au XIXe siècle[22] et le grand nombre de monnaies répertoriées sur le site (plus d'un millier actuellement)[23] signalent une fonction économique de premier plan pour ce site.
  • D'une superficie de 60 à 80 hectares, cet oppidum est le plus étendu des leuques.
  • Immédiatement après la conquête romaine, le site a profité d'une extension et de libéralités romaines exceptionnelles et incomparables sur l'ensemble du territoire leuque. En contrebas de l'oppidum, ex-nihilo, les romains construisirent la ville de Nasium qui, à son apogée, atteindra 120 hectares. C'est, avec Metz (Divodurum), la ville antique la plus étendue de Lorraine. Elle possède, entre autres, un ensemble monumental, pouvant être assimilé à un forum dans lequel un bâtiment à plan basilical (dont la fonction fait encore débat aujourd'hui) a été fouillé en 2007 et 2009, des thermes ainsi qu'un ensemble cultuel constitué d'une vingtaine de temples : l'apparat monumental classique des grandes villes romaines (la présence d'un édifice de spectacle est également avancée).
  • Les répartitions des trouvailles monétaires sur le territoire des leuques, et plus particulièrement des statères et des bronzes frappés attribués sans contestation aux leuques[24] sont concentrées presque exclusivement autour et sur l'oppidum de Boviolles[25], ce qui le place au coeur non seulement du pouvoir économique, mais également politique de ce peuple.

Le site de hauteur de Boviolles a été abandonné au profit de la ville de Nasium au cours de la période romaine.

L'entité héritière, la cité de Tullum s'étendait du bassin de la Saulx au versant occidental des Vosges, au sud de la Lorraine actuelle. Ces anciennes limites préservées sans aucun bornage connu par le diocèse de Toul des temps mérovingiens ont pu être retrouvées par des marqueurs ethnologiques.

Oppida celtiques en territoire leuque

De nombreux sites fortifiés sont présents dans cette vaste région, sans qu’il soit toutefois possible d’établir à chaque fois leur caractère contemporain. Plusieurs catégories peuvent toutefois être définies à partir de la surface. Les enceintes de moins de 10 hectares forment un groupe bien défini, particulièrement bien représenté dans la partie sud-est du territoire attribué aux Leuques, correspondant aux premiers reliefs du massif vosgien. Les enceintes de plus de 10 hectares et celles qui dépassent les 20 hectares forment deux autres catégories représentées dans tout le territoire leuque. Leur implantation peut également être mise en relation avec les principales vallées qu’elles semblent contrôler.

  • L’enceinte de Sion (Meurthe-et-Moselle) a livré de nombreux indices témoignant d’un commerce actif avec la péninsule italique (céramiques campaniennes, amphores, vaisselle métallique…). Elle constitue vraisemblablement un site majeur de la vallée du Madon implanté sur l’axe nord-sud reliant la Saône à la Moselle.
  • L’enceinte de la Butte-Sainte-Geneviève à Essey-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle), d’une superficie de 20 hectares, est située sur ce même axe.

Plus à l’ouest, on retrouve des enceintes sur chaque bassin fluvial :

  • Sorcy-Saint-Martin sur la vallée de la Meuse,
  • Boviolles sur l’Ornain
  • Gourzon sur la Marne. Si cette enceinte, située aujourd’hui dans le département de la Haute-Marne, n’est généralement pas considérée comme appartenant au territoire leuque, l’analyse des nombreuses découvertes réalisées depuis le XIXe siècle interpelle. En effet, la présence massive sur l’oppidum du Châtelet à Gourzon de types de monnaies fréquents à Boviolles suggère au minimum des liens économiques entre les deux enceintes implantées à moins de trente kilomètres l’une de l’autre.

Capitales administratives, culturelles, religieuses

Toul (en latin Tullum) fut la capitale administrative des Leuques au moins à partir de la deuxième moitié du premier siècle. Une inscription découverte sur tabula cerata à Valkenburg et datée de 40-42 ap. J.-C. d'après le contexte archéologique, mentionne "Tulo Loucoru Albano medico", c'est-à-dire : "De Toul des Leuques, à Albanus médecin[26]". Il s'agit d'une correspondance privée envoyée de Toul à un médecin militaire romain en service à Valkenburg, et portant le nom d'Albanus. Cette inscription sur tablette de bois est la première apparition connue du nom officiel de la ville de Toul et témoignant d'une position administrative privilégiée.

Si Toul est bien attestée au cours de l'époque gallo-romaine comme chef-lieu de la cité des Leuques, elle n'apparaît pas avant le milieu du premier siècle selon la documentation archéologique, contrairement aux découvertes faites à Nasium. Les arguments en faveur d'un déplacement de chef-lieu de Nasium vers Toul à partir du premier siècle après J.-C. reposent sur les données archéologiques suivantes :

  • différence et inégale importance des découvertes connues sur Toul et Nasium immédiatement après la conquête. Cette impression fut déjà défendue par Camille Jullian au XIXe siècle[27]. Les traces d'une chronologie précoce du développement sont très abondantes pour Nasium, mais totalement absentes pour Toul. Le premier fanum attesté sur Mazeroie (site de Nasium, commune de Saint Amand sur Ornain) a pu être daté du dernier tiers du premier siècle avant Jésus-Christ[28]. Une phase d'occupation contemporaine entre l'oppidum et le site de plaine, s'est conclue par un déperchement accompli dans les deux dernières décennies du Ier siècle av. J.‑C.. Les rues de la ville tracent alors un quadrillage orienté par rapport à la voie Reims Toul.
  • L'importance du site de Boviolles pour les Leuques :

A l'époque laténienne finale, l'oppidum de Boviolles tenait chez ce peuple un rang prééminent.

  1. son rôle économique majeur est prouvé par les nombreuses activités artisanales qui y ont été reconnues[29].
  2. les découvertes monétaires attestent son ancrage dans la "zone denier", qui unit les Leuques et leurs voisins du centre est de la Gaule, dans des échanges à longues distances par l'axe Rhônes-Saône[30]. De même, les découvertes d'amphores à vin provenant d'Italie et les céramiques campaniennes[31].
  3. La taille et les fonctions économiques du Mont Châtel de Boviolles sont incomparables sur l'ensemble du territoire des Leuques.

L'oppidum fut encore occupé dans la seconde partie du premier siècle avant Jésus-Christ.

Nasium remplit la fonction de chef lieu de la cité gallo-romaine des Leuques durant les dernières décennies du premier siècle av. J.-C. et les premières décennies du siècle suivant, au moins jusqu'à la fin du principat de Tibère en 37 ap. J.-C.[32]. La mention conjointe de Tullum et Nasium dans la Géographie de Ptolémée (voir supra) corrobore la présence de deux chefs lieux pour les Leuques à l'époque tibérienne.

Le déplacement du chef lieu de cité s'explique essentiellement pour des raisons économiques. Toul, plus centrale dans la cité des Leuques est mieux située sur les grands axes de communication : la voie de Lyon au Rhin, via Metz et Trèves, majeure non seulement pour la Gaule, mais aussi pour l'Occident romain passe par Toul. De plus, la ville est baignée par la Moselle, voie importante pour le commerce fluvial.

Noms et personnages Leuques

Noms gaulois

MATUGENOS ou MATUGIINOS

Les monnaies de bronze épigraphes, à légende MATUGIINOS sont attribuées aux Leuques : plus de 60 % des découvertes de ces monnaies ont été faites sur et autour de l'oppidum de Boviolles, dans la Meuse[33]. Elles portent sur le droit une tête casquée à gauche, avec la légende MATUGIINOS devant, et tout autour, des grenetis. Sur le revers, elles portent un cheval à gauche, surmonté par un oiseau, et avec, au-dessous, un poisson et une rosace, et encore, la légende MATUGIINOS. Le terme MATUGIINOS est vraisemblablement un nom. Quoique typiquement celtique, ce mot pose un souci de traduction. Le terme matu- ayant deux significations, soit "l'ours", soit ce qui est "bon, favorable". Matu-geno peut très bien être : "celui de la lignée de l'ours", ou "celui qui est de bonne naissance[34]". Il n’est pas possible de préciser qui était cet homme ou quelle pouvait être sa fonction. Cependant, sa représentation et sa mention sur une monnaie le situent simplement comme "personnalité humaine ou divine" importante pour les leuques : l'ours est un animal emblématique de la souveraineté et de la royauté chez les peuples celtes[35]. Ces monnaies sont datées du premier siècle avant J.-C., mais cette datation n'est pour le moment pas assurée.

BRATVLOS

Une inscription découverte dans le lit de l'Ornain en 2001, sous le pont actuel de la commune de Naix aux Forges, porte l'inscription suivante : BRATVLOS IEVRV RATII NASIIA, c'est-à-dire "Bratulos a offert le gué de Nasium[36]". Bratulos est un nom gaulois, de même que le verbe IEVRV, un des mots les plus attestés du vocabulaire gaulois[37]. L'épigraphie gallo-latine s'est développée en Gaule de la conquête jusqu'au milieu du premier siècle après J.-C.

Notes et références

  1. Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, editions errance 2003. p. 199.
  2. De Bello Gallico, livre 1, paragraphe 40, trad L.-A. Constans, ed. Les Belles Lettres, coll. Budé.
  3. Pierre Damien Manisse, "La circulation Monétaire à Nasium", 2009.
  4. Lucain, "La Pharsale" (livre I)
  5. Histoire, livre I, 64 http://remacle.org/bloodwolf/historiens/tacite/histoires1.htm.
  6. Tacite, Histoire, I, 63 : "A Divodurum, ville des Médiomatriques, malgré l'accueil le plus obligeant, une terreur subite emporta les courages, et l'on courut aux armes pour égorger un peuple innocent. [...]Sans les prières du général qui les calmèrent enfin, la ville était anéantie. Encore n'y eut-il pas moins de quatre mille hommes massacrés."
  7. Tacite, Histoire, I, 63 : "Un tel effroi s'empara des Gaules, qu'à l'approche de l'armée les populations entières accouraient avec leurs magistrats pour demander grâce. On ne voyait que femmes et enfants prosternés sur la route"
  8. Pierre Damien Manisse, La circulation monétaire à Nasium, (2009)
  9. Martial, Epigrammes, XI, 21 et 59, et XIV, 159-160
  10. Interprétation d'Yves Burnand, dans l'Histoire de la Lorraine. Certaines interprétations divergent cependant : on a pu considérer qu'il s'agissait de Leuconum, petite ville de Pannonie inférieure, ou corriger le texte du poète en Lingonicus.
  11. Pline l'Ancien, Histoire Naturelle, Livre 4, XXXI, 2 http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre4.htm#21a
  12. Ptolémée, Géographie, II, 9, 7 http://remacle.org/bloodwolf/livres/cougny/ptolemee.htm#82a
  13. Paul Marie Duval dans La gaule jusqu'au milieu du Ve siècle (Les sources de l'Histoire de France des origines à la fin de du XVe siècle, 1), Paris, 1971, II, p. 142 L'auteur précise que les sources de Ptolémée comprennent Marinos de Tyr, géographe grec du Ier siècle, dont les renseignements remontent aux décennies précédentes.
  14. Y Burnand, A propos du chef lieu de la cité gallo-romaine des Leuques : nouveautés archéologiques et réexamen de quelques textes Pouvoir et religion dans le monde romain, PUPS, 2006. L'auteur de l'étude estime qu'il faut interpréter cette double mention comme le glissement d'un ancien chef lieu vers un nouveau, c'est-à-dire de Nasium (ancien chef lieu) vers Toul (nouveau).
  15. Claudius Marius Victor, La Vérité 3, v. 205-209,dans P.-M. Duval, « Un texte du Ve s. relatif au sanctuaire apollinien des Leuci », dans Bulletin de la Sociéte des Antiquaires de France 1967, p. 256-261
  16. Paul Marie Duval, op. Cit. p 256-261
  17. Roger Billoret La ville sanctuaire de Grand et le problème d'Andesina in Hommages à Lucien Lerat par Lucien Lerat, Hélène Walter, Presses Univ. Franche-Comté, 1984 p. 114
  18. Christian Goudineau, Regard sur la Gaule, éditions errance 1998.
  19. Th. Dechezleprêtre, Nasium, ville des Leuques, 2004. p. 118.
  20. Civitas Leucorum sive Pagus Tullensis, aujourdhui le Diocèse de Toul, pour servir à l'Histoire de ce Diocèse. Par Guillaume de l'Isle. A Amsterdam, chez J. Covens et C. Mortier. 1742
  21. Y. Burnand, 1991, p. 3-4.
  22. Maxe-Werly, 1877, p. 267-292 ; Scheers 1977, p. 446.
  23. T Dechezleprêtre, Nasium Ville des Leuques, p 106.
  24. Statères d'or au cheval à la tête retournée, bronzes frappés MATVGIINOS
  25. Cl. Féliu, 2007.
  26. AE, 1975, 634 ; voir aussi J. E. Bogaers in Zweimal Valkenburg (Prov. Zuid Holland), I ALBANO MIIDICO p 123 L'inscription est conservée au Rijksmuseum van Oudheden, Leiden et peut être visualisée ici : http://www.cultuurwijzer.nl/sites/cultuurwijzer.nl/contents/i000763/plankje%20met%20inscriptie%20rmo-verkleind.jpg
  27. Camille Jullian, Histoire de la Gaule, VI, Paris, 1920, p. 470, n.8 : "Il est même fort possible [...] que Naix ait été métropole dans les premiers temps de l'Empire." ; p. 471 : "Centre sacré des Leuques, qui faillit enlever à Toul son rang de métropole."
  28. F. Mourot et Cl. Gilquin "Les composantes du centre monumental" dans 'Nasium' P. 156-158
  29. Th Dechezleprêtre, "Les fonctions de l'oppidum" dans 'Nasium ville des Leuques', Bar le Duc, 2004 ; M Leroy et P Merluzzo "Quelques indices d'activité métallurgique", dans 'Nasium' p. 110-113
  30. Jean-paul Lagadec et Abel Liéger, "Lacirculation monétaire celtique en Lorraine", 'Archaelogia Mosellana', 3, 1998, p. 38-40.
  31. B. Bonaventure, "La céramique : pots de tous les jours et vaisselle de luxe", dans 'Nasium' p. 100-105
  32. Y Burnand Pouvoir et religion dans le monde romain (Paris, PUPS, 2006) p 447 : 'Cela permet de conclure à la probabilité pour Nasium d'avoir rempli la fonction de chef-lieu de la cité gallo-romaine des Leuques durant les dernières décennies du premier siècle av. J.-C. et les premières décennies du siècle suivant, au moins jusqu'au principat de Tibère inclus.'
  33. Clément Féliu, "Leuques et Médiomatriques à La Tène moyenne et finale Organisation sociale et territoriale de l’habitat dans deux cités du nord-est de la Gaule du IIIe au Ier siècle avant notre ère", page 45
  34. X. Delamarre, Op. cité
  35. Guyonvarc'h et Le Roux rapprochent ce Matugenos de l'irlandais Mathgen, un druide des Tuatha Dé Danann, dans le récit du Cath Maighe Tuireadh. Mais il convient de signaler que des mentions d'un (autre ?) Matugiinos ont été découvertes : à Bordeaux (France), Baron (France), Fréjus (France), Narbonne (France), Langres (France), Saintes (France), Avila (espagne) et Donai (Espagne) (in X. Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Errance, Paris, 2003).
  36. Y BURNAND et PY LAMBERT Découverte récente d'une inscription gallo-latine sur pierre à Nasium - Naix aux Forges (Meuse), académie des Inscriptions et belles lettres, comptes rendus des séances de l'année 2004, avril - juin, P 683
  37. Michel Lejeune Le dossier gaulois IEVRV, Recherches de Linguisitique. Hommage à Maurice Leroy, Bruxelles, 1980, P. 110-118

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Lien externe


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