Les organismes génétiquement modifiés et le commerce international

Les organismes génétiquement modifiés et le commerce international

Guerre commerciale au sujet des organismes génétiquement modifiés

L’Union européenne et les États-Unis sont en profond désaccord au sujet de la réglementation européenne sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Selon les Américains, elle viole les accords de libre-échange. Selon les Européens, un accord de libre-échange n'ayant pas été approuvé en toute connaissance de cause ne peut être considéré comme réellement libre.

Bien que sans rapport avec les OGM, la série de crises alimentaires qui ont frappé l’Europe dans les années 1990 ont entraîné certaines conséquences : la sécurité alimentaire est devenue une source d’inquiétude pour les consommateurs, la confiance de la population envers les systèmes publics de surveillance de l’industrie alimentaire s’est effritée et certains consommateurs sont devenus sceptiques quant aux garanties de sécurité offertes par la « science ».

Suite à cette série de crises, l’inquiétude envers les OGM s’est amplifiée et généralisée au sein de la population, qui s’interroge sur leurs éventuels risques pour l’environnement (en particulier la biodiversité) et pour la santé et la sécurité des consommateurs. Selon les opposants aux OGM, il existe des preuves que la culture des plantes transgéniques peut entraîner des changements environnementaux.[réf. souhaitée]

Beaucoup de consommateurs européens revendiquent le droit de pouvoir choisir en toute connaissance de cause de consommer ou non des OGM. Certains sondages indiquent que les Américains aussi seraient en faveur de leur étiquetage, mais cette question n’a pas encore pris une importance majeure chez eux. La nouvelle réglementation européenne devrait en principe exiger un étiquetage et une traçabilité strictes de tous les produits agricoles et alimentaires contenant plus de 0,5% d’OGM. De plus, les directives, comme celle du 2001/18/EC, par exemple, ont été conçues de manière à ce que les autorisations de mise en marché des OGM soient accordées en vertu du principe de précaution (voir aussi taxes, tarifs douaniers et commerce).

Selon un sondage réalisé en 2003 par le Pew Research Center, dans tous les pays sondés la majorité de la population estime que les OGM sont « mauvais ». Les résultats les plus faibles ont été enregistrés aux États-Unis et au Canada, où respectivement 55% et 63% de la population s’est prononcée contre, alors que les résultats les plus élevés ont été enregistrés en Allemagne et en France, avec 81% et 89% d’opinions défavorables. Le sondage révèle aussi que les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à s’opposer aux OGM.

En 2002, un vote sur un projet de loi tenu dans l’Oregon a offert aux électeurs de cet État américain l’une des premières occasions au pays de se prononcer directement sur ce problème. Cette loi, qui aurait obligé l’étiquetage des OGM, n’est finalement pas passée, dans une proportion de 7 contre 3.

Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, membre du parti Vert allemand et vice-président du Landwirtschaftsausschuss (comité de l’agriculture) de la Commission européenne, a affirmé le 1er juillet 2003 : « En Amérique, 55% des consommateurs sont contre les OGM et 90% en faveur d’un étiquetage clair ».

Sommaire

Moratoire européen

En 1999, un moratoire de quatre ans a été instauré sur les nouvelles cultures génétiquement modifiées. À la fin de l’année 2002, les ministres de l’environnement des 15 pays de l’Union européenne d’alors se sont mis d’accord sur un nouveau mode de contrôle des OGM qui pourrait éventuellement permettre leur réintroduction sur le marché européen. En vertu de cet accord, de nouvelles règles d’étiquetage exigeront que les OGM portent une séquence spéciale d’ADN (un genre de code-barres) identifiant l’origine des cultures, afin que les autorités de contrôle puissent identifier plus facilement les cultures ou produits alimentaires contaminés, et donc retirer les produits de la chaîne alimentaire en cas de problèmes. Une série de séquences d’ADN supplémentaires contenant des informations encryptées sur l’entreprise ou les processus de fabrication du produit pourrait aussi être ajoutée afin de fournir davantage de données (voir étiquetage obligatoire).

Marché des échanges agricoles entre les États-Unis et l’Europe

L’Union européenne et les États-Unis ont toujours été en profond désaccord au sujet du moratoire européen instauré sur la plupart des aliments génétiquement modifiés.

La valeur des échanges agricoles entre les États-Unis et l’Europe était estimée à 57 milliards de dollars au début des années 2000. Aux États-Unis, certains craignent, surtout les agriculteurs et les industriels de l’alimentation, que la nouvelle proposition de l’Union européenne mette un frein à la majeure partie de ces échanges.

Par exemple, la valeur des exportations de maïs américain dans les pays de l’Union européenne s’élevait à 63 millions de dollars en 1998, mais à seulement 12,5 millions de dollars en 2002.

Cette diminution pourrait aussi être attribuée à la baisse des prix des matières premières, à une demande moindre en raison de la récession, un dollar américain fort faisant perdre des parts de marché à l’étranger, ainsi qu’à la réaction de la population dans les pays importateurs face au projet d’intervention militaire en Irak. En Europe, une opposition similaire du public envers le traitement réservé aux Palestiniens par Israël avait déjà affecté les exportations israéliennes de produits alimentaires. Cependant, les avocats de l’industrie agricole américaine attribuent la baisse au moratoire.

Proposition de réglementation européenne sur les aliments génétiquement modifiés

La Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen a adopté dans le courant de l’été 2002 une proposition de réglementation devant entrer en vigueur en 2003. Cette proposition découle de spécificités culturelles profondément ancrées et difficilement compréhensibles pour le monde agricole américain. Elle rendrait obligatoire l’étiquetage et la traçabilité de tous les aliments contenant ou dérivés des OGM, y compris ceux destinés aux animaux. Cette obligation de traçabilité des produits issus de la biotechnologie impliquerait de documenter toutes les étapes de production, des semences au produit fini.

La nouvelle proposition de réglementation européenne affecterait particulièrement les exportations de maïs et de soja américains du fait qu’un pourcentage élevé de ces cultures sont génétiquement modifiées aux États-Unis (environ 25% du maïs et 65% du soja étaient transgéniques en 2002).

On pense généralement que la résolution définitive du conflit réside davantage dans l’étiquetage que dans les aides agricoles. Beaucoup de consommateurs européens demandent d'ailleurs que les aliments soient réglementés par un étiquetage identifiant les aliments qui ont été modifiés génétiquement, alors que l’industrie agricole américaine, qui milite pour le libre-échange, s’oppose fermement à l’étiquetage, affirmant qu’il donne une connotation négative à l’aliment.

Selon Lori Wallach, responsable de l’association Public Citizen's Global Watch, l’industrie agricole américaine « utilise les accords commerciaux pour déterminer des règles concernant la santé, la sécurité et l’environnement des pays, car elle craint qu’en commençant à distinguer les aliments génétiquement modifiés des autres, elle devra faire la distinction entre des normes énergétiques et toxiques différentes de celles que les Européens défendent ».

Pour les responsables du ministère américain de l’agriculture, puisque les États-Unis n’exigent pas l’étiquetage, l’Union européenne ne devrait pas l’exiger non plus. Selon eux, l’étiquetage pourrait laisser sous-entendre que quelque chose ne va pas avec les OGM, ce qui constituerait une entrave au commerce. Les lois américaines actuelles n’obligent pas l’étiquetage ou la traçabilité des cultures génétiquement modifiées, car les législateurs américains ne croient pas que les OGM posent un quelconque risque particulier par rapport aux cultures conventionnelles. Les Européens répliquent en affirmant que les obligations d’étiquetage et de traçabilité ne se limitent pas uniquement aux aliments modifiés génétiquement, mais concernent tous les produits agricoles.

L’industrie agricole américaine se plaint également des coûts engendrés par l’étiquetage.

Plainte officielle des États-Unis auprès de l’OMC

Certains Américains prétendent que le moratoire sur les produits agricoles de base issus des biotechnologies viole les règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). De plus, Robert Zoellick, le porte-parole américain pour le commerce, a déclaré que son gouvernement considérait la position européenne sur les OGM comme étant immorale puisqu’elle pourrait entraîner la famine dans les pays pauvres, situation observée dans certains pays menacés par la famine (par exemple en Zambie, au Zimbabwe et au Mozambique) qui refusent l’aide alimentaire américaine parce qu’elle contient des OGM.

Les détracteurs de Zoellick soutiennent que la préoccupation américaine pour la famine sert tout simplement à dissimuler d’autres enjeux. En effet, le gouvernement américain aide ses agriculteurs en utilisant, via le Programme alimentaire mondial (PAM), certains fonds de l’aide au développement pour acheter leur production excédentaire afin de l’offrir à cet organisme de l’ONU. Le scepticisme entourant les OGM vient contrecarrer cette procédure. Suite à leur passage aux OGM, les agriculteurs américains ont également perdu des parts de marché dans certains pays en raison de ce scepticisme des consommateurs.

À l’argument d’immoralité, les Européens ont également rétorqué que l’Union européenne dépense 7 fois plus que les États-Unis en aide au développement alors que la taille de son économie est pourtant moins de 10% plus importante et que son PIB par habitant est bien inférieur à celui des États-Unis.

En mai 2003, après un premier retard en raison de la guerre en Irak, l’administration Bush a officiellement accusé l’Union européenne de violation des accords internationaux de commerce en raison du blocage que son moratoire sur les OGM impose aux importations de produits agricoles américains depuis 1999. Après des mois de négociations pour tenter en vain de faire lever le moratoire volontairement, Robert Zoellick a annoncé le dépôt d’une plainte officielle devant l’OMC afin de le contester. Plusieurs autres pays se sont joints à la plainte : l’Argentine, le Canada, l’Égypte, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Chili, la Colombie, le Salvador, le Honduras, le Pérou et l’Uruguay. Cette plainte a été activement soutenue principalement par les géants américains des biotechnologies, comme Monsanto et Aventis, et par d’importants organismes du secteur agricole, tels la National Corn Growers Association (NCGA).

Les responsables européens contestent cette démarche, affirmant qu’elle nuira encore davantage à des relations commerciales bilatérales déjà tendues en raison de la décision américaine de déclencher une guerre en Irak malgré l’opposition des membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Les Européens ont interprété la démarche américaine comme une sanction contre eux en raison de leur requête pour faire mettre fin aux réductions illégales d’impôt consenties aux exportateurs américains ou de leurs menaces de sanctions commerciales de 4 milliards de dollars en représailles pour le non-respect par Washington de la décision de l’OMC ayant déclaré illégale cette loi sur l’impôt quatre ans auparavant.

Ratification du protocole de biosécurité par le Parlement européen

Le 2 juillet 2003, le Parlement européen a approuvé deux projets de loi devant permettre la levée du controversé moratoire sur les aliments génétiquement modifiés. La première loi rendra obligatoire l’étiquetage des aliments contenant plus de 0,9% d’OGM. Elle concerne tous les aliments, y compris ceux destinés aux animaux. Cependant, les animaux nourris avec des céréales transgéniques ne seront pas concernés par l’étiquetage. La seconde loi rendra obligatoire l’étiquetage de tous les aliments contenant des OGM non autorisés sur le marché européen à partir du seuil de 0,5%. Ces OGM non autorisés pourront circuler pendant trois ans. Une fois ce délai écoulé, tous les aliments contenant des OGM non autorisés seront interdits. De plus, la traçabilité des produits OGM devra être totale, des semences au produit fini. Le moratoire devait en principe être levé à l’automne 2003. Cependant, le 8 décembre 2003 la Commission européenne a refusé d’accorder une autorisation pour un maïs sucré génétiquement modifié faisant l’objet d’une controverse.

Jonas Sjoestedt, un député suédois de gauche au Parlement européen, affirme que « cette réglementation devrait aider l’Union européenne à contrer les récentes accusations de l’administration américaine lui attribuant la responsabilité du rejet par l’Afrique d’aide alimentaire contenant des OGM l’an dernier ».

Les États-Unis n’ont pas signé le protocole, affirmant qu’ils s’opposaient à l’étiquetage et qu’ils luttaient contre les embargos aux importations.

Levée du moratoire

Six pays se sont prononcés en faveur de ces lois avec 33 votes (Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Finlande, Suède, Irlande), trois se sont abstenus avec 25 votes (Allemagne, Belgique, Italie), et six pays se sont prononcés contre avec 29 votes (Danemark, Grèce, Luxembourg, Autriche, Portugal, France).

Produit par Syngenta, ce nouveau maïs sucré, le BT-11, a été modifié afin de produire son propre insecticide, mais est également résistant aux herbicides. L’autorisation a été refusée pour les raisons suivantes :

  • Les nouvelles règles d’étiquetage et de traçabilité ne sont pas encore en vigueur ;
  • La demande ne comprenait pas de procédure de surveillance des effets sur la santé une fois l’autorisation obtenue ;
  • Certains aspects concernant les risques n’ont pas été complètement traités.

Geert Ritesma, de l’association Les Amis de la Terre section Europe affirme : « Manifestement, il n’existe aucun consensus scientifique sur les risques entourant ce maïs transgénique. La décision de ne pas l’autoriser constitue une victoire pour la sécurité du public et le bon sens. La Commission européenne a actuellement l’occasion de repenser sa position sur les aliments OGM du fait que le public ne veut pas en consommer et que des incertitudes demeurent quant aux risques qu’ils représentent. La Commission doit faire passer la santé des citoyens européens et l’intégrité de leur environnement avant les intérêts commerciaux du gouvernement américain et de l’industrie des biotechnologies. »

L’autorisation de mise sur le marché de ce maïs transgénique aurait de fait officialisé la levée du moratoire sur les nouveaux aliments OGM. La décision de lever le moratoire pourrait être prise au printemps 2004.

Incidence des différences culturelles entre les Etats-Unis et l’Europe

Traditionnellement, la population américaine accorde une confiance considérable dans les systèmes de contrôle de la réglementation gérés par le Ministère de l’agriculture et ses différentes instances. En outre, il n’existe pas vraiment une culture consistant à entretenir des liens étroits avec la nourriture chez les Américains, l’écrasante majorité d’entre eux faisant leurs courses dans les supermarchés depuis bien des années. Cela dit, le sondage mené en 2003 par le Pew Research Center avait révélé que même dans ce pays 55% de la population considère les aliments génétiquement modifiés comme étant « mauvais ».

En Europe, et particulièrement au Royaume-Uni, la confiance envers les systèmes de contrôle des réglementations entourant la chaîne alimentaire est plus faible. Également, dans beaucoup de régions d’Europe les aliments sont produits en grande partie par de petits agriculteurs locaux utilisant des méthodes non intensives et biologiques (voir produits alimentaires locaux).

Décision importante attendue sous peu

Dans une décision préliminaire, l’Organisation mondiale du commerce a statué que les restrictions européennes sur les cultures transgéniques violaient les règles du commerce international. Les États-Unis, le Canada et l’Argentine produisent à elles seules 80% de toutes les cultures transgéniques commercialisées, donc soumises à la réglementation européenne. Ces pays soutiennent que le processus réglementaire de l’Union européenne est beaucoup trop lent et que les normes européennes sont excessivement sévères compte tenu de l’impressionnante somme d'études scientifiques ayant jugé les cultures sans risques.

Sources

Voir aussi

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