Andree Putman

Andree Putman

Andrée Putman

Andrée Putman (née Andrée Christine Aynard le 23 décembre 1925 à Paris dans le VIe arrondissement, France) est une architecte d'intérieur et designer française.

Longtemps perçue par les Français comme une excentrique choquante, aimant défendre l’indéfendable, Andrée Putman doit en partie sa notoriété aux étrangers. Les New-Yorkais furent les premiers à la regarder comme une artiste, icône parisienne du goût français.

Sommaire

Les créations Andrée Putman

1978. Andrée Putman crée Écart, première agence à laquelle succédera vingt ans plus tard, l’Agence Andrée Putman qu’elle dirige toujours, à Paris dans le XIVème arrondissement. « Je suis ahurie de cette magnifique chance que j’ai d’avoir gardé la liberté, de ne pas avoir été la petite chérie de l’establishment, d’avoir échappé à l’abrutissement des récompenses et des honneurs », explique-t-elle pour justifier son parcours, hors norme. Inclassable par la diversité des expériences mais aussi par l’énergie, la longévité de sa créativité. Car c’est à 53 ans qu’Andrée Putman entamera véritablement la carrière qui l’a fait connaître de New York à Hong Kong.

Une esthétique désencombrée

En matière d’agencement d’espace, d’architecture d’intérieur, Andrée Putman a travaillé pour des hôtels, des boutiques, des bureaux, des particuliers (Arielle Dombasle et Bernard-Henri Lévy lui ont confié en 2007 l’aménagement d’une maison à Tanger) . À chaque fois on retrouve cette espèce d’esthétique désencombrée, de façon de ne pas vouloir dénaturer un lieu au point d’en révéler l’ossature, d’en mettre à nu les matériaux pour jouer de l’immatériel, des perspectives, des matières et des effets de lumière. On peut lire dans ses créations, tout ce qui fait sa personnalité : la volonté de casser les barrières, de réconcilier ce que les convenances ont banni, la volonté d’alléger la vie des autres, d’y apporter de la fantaisie sans jamais se laisser aller à la facilité.

« Les lieux bourrés, suffoquant de richesse, d’effets, de scintillements me sont insupportables. C’est en réaction au plein que je joue avec la lumière. J’aime revoir l’espace tel qu’il m’est livré, dans toute sa nudité. » Pour éviter les objets lumineux trop visibles, pour jouer avec poésie des contraintes, Andrée Putman a par exemple transformé un escalier : dessiné sur le modèle d’un collier qu’elle chérit, il est devenu entre ses mains une spectaculaire source lumineuse, sans bien sûr qu’aucun fil ou ampoule n’apparaissent (Gildo Pastor Center, Monte Carlo, 1996). La lumière lui permet de facéties : elle inverse les vides et les pleins, raccourci ou allonge l’espace, fait varier les couleurs intérieures en fonction de la lumière changeante du soleil… elle truque la réalité. Ainsi, dans l’immense espace vide du hall d’entrée d’un Sheraton (Aéroport Charles de Gaulle, 1996), une sorte de wagon de verre, improbable, strié de toute part, énorme nacelle lumineuse se dédoublant par réfléchissement sur le marbre du sol, structure l’espace, masque les ascenseurs et dissimule les locaux techniques.

Le goût des improvisations jubilatoires

« L’idée qui flotte derrière tout mon travail, c’est la réconciliation. Pour oublier toutes ces barrières entre les gens, toutes ces peurs effrayantes ». Un appétit de réconciliation qui va jusqu’aux matériaux. « Pauvre petit bout de ciment tu n’as jamais rencontré la mosaïque italienne dorée à l’or fin ? Vous allez être côte à côte dans la salle de bain. Et vous allez vous adorer car personne n’a osé vous présenter. Vous êtes l’histoire à l’envers l’un de l’autre ». Cette curiosité, cette absence de réticence va lancer sa carrière internationale : c’est l’histoire du carrelage noir et blanc utilisé pour l’aménagement de l’hôtel Morgans à New York (1984). Un simple grès cérame, utilisé parce qu’il était le moins cher, et décliné dans tout l’hôtel, sur les tapis, des descentes de lit, en frise dans les couloirs et jusque dans l’ascenseur. « Ces carreaux noir et blanc nous ont sauvé du rien », dira-t-elle.

Ses créations sont à ce point indatables, indémodables, que la réactualisation de l’hôtel Morgans n’a été confiée à l’Agence Andrée Putman qu’en 2008, soit vingt-quatre ans plus tard. L’inauguration s’est déroulée le 10 septembre de cette année. Le Morgans a ouvert la voie à de nombreuses collaborations hôtelières : Le saint James Club à Paris, Le Lac à Kobé, Im Wasserturm à Cologne, Sheraton à Roissy, Ritz Carlton à Wolfsburg, Pershing Hall à Paris… jusqu’au très récent hôtel du nom de sa créatrice, The Putman, à Hong Kong en 2007 ou la tour Hilliana, de 46 étages, à Dubaï dont la construction a débuté en 2008.

Andrée Putman a autant aimé réfléchir à la façon d’habiter les hôtels, « ce sont des refuges pour le jour et la nuit : il faut être bien dans sa chambre qu’elle que soit l’heure », qu’à celle des appartements. Et là encore, elle fait tomber les habitudes. Pourquoi dîner dans une salle manger, cuisiner dans une cuisine, dormir dans une chambre, quand on peut faire tomber les cloisons, changer les habitudes ? Le loft est né des mains d’Andrée Putman. Mais celle qui place le confort visuel au-dessus du confort physique (« Ma notion du confort est assez éloignée des coussinets pour théière. Le dodu d’un fauteuil m’importe peu. »), ne laisse pas le trivial gâcher un lieu. Stores, paravents, parois coulissantes, de verre, de métal, de bois… viennent cacher les éléments d’une cuisine ou d’une salle de bain. « Pourquoi les espaces seraient-ils accaparés par une fonction plutôt que de favoriser les sensations qu’ils nous offrent ? »

La diversité des lieux qu’elle investit

Andrée Putman collectionne les images, les matières, les histoires, les impressions comme autant de signes pour constituer son propre vocabulaire. Un vocabulaire qu’elle décline ensuite dans des lieux aussi divers qu’une boutique, un show room, un spa, un musée, un avion, un stade… En 2005, Guerlain désigne l’agence d’Andrée pour revoir l’aménagement de son espace historique, sur les Champs-Élysées. Le rez-de-chaussée est classé. Il abrite notamment des lustres de Diego Giacommetti. « J’ai cherché à préserver quelque chose de désuet, ce qui me paraît moderne. Mais ça m’a valu des remarques telles que: « Vous n’avez pas encore compris ce que vous aimiez puisque vous gardez des choses à l’ancienne dans le neuf ». Je trouve ça effrayant comme limite de penser qu’il faut la date de chaque chose pour voir si elles vont ensemble. » Des spas, dans des hôtels ou des boutiques de créateurs, il y en aura d’autres : celui de la boutique Anne Fontaine (Paris, 2007) où l’eau se fait fil d’Ariane pour conduire aux cabines ; celui de l’hôtel Bayerischer Hof, à Münich (2005) où l’on trouve un mur de pierres sculptées et ruisselant. Et les plus grands noms de la mode font appel à elle pour leurs boutiques : Yves Saint-Laurent, Alaïa, Balenciaga, Lagerfeld, Connoly…

Si hier, Andrée Putman travaille pour le Concorde (1990), où elle s’emploie à illustrer le luxe et la technologie par la sobriété, aujourd’hui elle vient de terminer les loges VIP du stade de France.

Les stands aussi, architecture éphémère qui doit contribuer à refléter l’image, forcément pérenne, d’une marque retiennent son attention. Une apparente contradiction faite pour l’amuser. En 2008, lors du Salon international du meuble de Milan, Andrée Putman a imaginé le stand de la marque Bisazza, pour laquelle elle a dessiné la collection « Entrevue ».

Les bureaux, comme les appartements qui doivent refléter la personnalité de ceux qui y habitent, attireront cette acharnée de travail. Comment penser un espace consacré à la concentration, l’efficacité, mais dont l’activité est aussi publique puisqu’on y reçoit et négocie ? Parmi les plus célèbres, il y a les bureaux de Jack Lang, au ministère de la culture (1985) au ministère de l’éducation nationale (1999), celui de Jacques Chaban-Delmas, à l’hôtel de région de Bordeaux, ceux du ministère des Finances (1989), du conseil général des Bouches du Rhône (1993), du Conseil général des deux Sèvres (2004).

Subtiles déclinaisons de couleurs

Andrée Putman aime s’amuser avec les milliers de déclinaisons d’une même teinte. Ainsi, pour répondre aux boiseries dorées du bureau ministériel de Jack Lang, elle choisit d’utiliser le beige, et d’en développer toutes les possibilités : le sycomore du mobilier, le cuir naturel et ses passepoil ivoire, le tapis d’un blanc laiteux, les rideaux d’un beige ensoleillé… les variations sont infinies. Dans son hôtel, le Putman (2007), elle s’amuse à la manière d’un illusionniste avec la lumière. Résultat : la couleur change selon les heures. On devine l’heure parce que l’atmosphère est devenue bleue, alors que plus tôt dans la journée, elle était jaune pâle. Puis, vient le soir, et la couleur se fait vert jade. Couleurs toujours, mais farceuses cette fois à La Bastide, un restaurant d’Hollywood (2003), où elle fait peindre chaque mur d’une couleur légèrement différente de la précédente, de telle sorte que l’on croit à la présence d’une ombre. Ainsi, elle fait passer 12 couleurs différentes pour une seule.

Objets curieux

Alors qu’elle travaille à modeler l’espace, sans jamais le trahir, Andrée Putman continue de dessiner des objets et du mobilier. Elle se moque des excès qui conduisent à vouloir absolument redessiner des objets parfaitement conçus par d’autres. « Il faut accepter que beaucoup de choses ne peuvent plus être touchées ou à peine. Si on les touche, il faut apporter une graine de plaisanterie, un recul, un humour. » Ainsi, pour Christofle, elle dessinera la ligne de couverts et d’objets Vertigo, remarquables pour la pureté de leur ligne et le petit anneau, légèrement tordu, asymétrique qui y est apposé. «  Le fait que cet anneau soit tordu, lui donne une vie : est-il tombé ? pourquoi est-il tordu ? L’imperfection fait partie de la vie. »

Parmi les dernières créations remarquées, Voie Lactée, un piano à queue, a été dessiné pour Pleyel et présenté en juin 2008. On y retrouve la sensibilité d’Andrée Putman, son goût pour les matériaux inusités dans le contexte qui lui est proposé : ici, l’intérieur du couvercle est paré d’une constellation d’étoiles, ses points cardinaux sont incrustés de nacre, le bâton de couvercle et le pupitre sont habillés d’un damier en Corian noir et blanc, et le capitonnage de la banquette est en crin de cheval.


Biographie

Enfance et jeunesse (1925-1944)

Andrée Putman naît dans une famille bourgeoise de banquiers et notables d'origine lyonnaise. Son grand-père, Édouard Aynard, est le fondateur de la banque Maison Aynard et fils; sa grand-mère et épouse d'Édouard est Rose de Montgolfier, descendante de la famille des frères inventeurs du ballon à air chaud.

Andrée grandit dans le VIe arrondissement de Paris, rue des Grands-Augustins. Enfant, elle passe la plupart de ses étés dans l'Abbaye de Fontenay, superbe édifice abritant jadis les ateliers des frères Montgolfier et racheté en 1906 par son grand-père Édouard. Cette première rencontre avec l'architecture va marquer durablement sa sensibilité artistique, forgeant son goût pour les espaces sobres, simples, voire austères.

Pourtant, l'éducation artistique d'Andrée Putman passe d'abord par la musique : sa mère, Louise Saint-René Taillandier, la pousse elle et sa sœur dans l'apprentissage du piano. Andrée sort à dix-neuf ans du conservatoire de Paris, en recevant le prix d'harmonie. Cependant la vie d'ascète et de reclue qu'implique une véritable carrière musicale la rebute. Andrée Putman cherche dès lors une voie plus à même de satisfaire sa curiosité.

Début de carrière (1945-1977)

C'est sur les conseils de sa grand-mère Madeleine Saint-René Taillandier qu'Andrée devient coursier pour la revue Femina, ce qui lui permet de côtoyer des personnalités artistiques tout en découvrant de nombreux lieux insolites de Paris. C'est grâce notamment à cette sensibilité pour l'espace qu'elle fait ses preuves dans la presse, comme styliste de plateaux (où sont photographiés les modèles de prêt-à-porter).

À la fin des années cinquante, Andrée Aynard épouse le collectionneur, éditeur et critique d'Art Jacques Putman, habitué du Café de Flore, avec qui elle fréquente des artistes contemporains, dont Pierre Alechinsky, Bram van Velde, Alberto Giacometti ou encore Niki de Saint Phalle. De leur union naissent deux enfants : le futur galeriste et écrivain[1] Cyrille Putman en 1962 et Olivia, sa cadette.

En 1958, à l'âge de 33 ans, Andrée Putman collabore avec la chaine Prisunic en tant que directrice artistique des rayons maison. Elle rencontre Michel Guy, avec qui elle découvre la vie noctambule parisienne, un ami sincère qui sera également un de ses premiers clients. Dès 1968 c'est dans l'agence de style Mafia qu'elle s'illustre. Elle est alors repérée par Didier Grumbach qui l'engage afin de créer une nouvelle société à l'origine orientée vers le développement du prêt-à-porter et du textile : Créateurs et Industriels.Elle sera par son intuition la revelatrice de nombreux talents, comme : Jean-Jacques Martelli, Rolland Chackal, Jean-Charles de Castelbajac, Michele Bruyere...

C'est à cette période qu'Andrée Putman s'essaye à l'architecture d'intérieur : elle aménage pour la société des bureaux dans d'anciens locaux SNCF, puis plus tard redécore l'appartement new-yorkais de Grumbach.

Les années quatre-vingt (1978-1995)

En 1978, Andrée Putman divorce, la société Créateurs et Industriel fait banqueroute. Michel Guy héberge Andrée Putman et la convainc de lancer sa propre société : Ecart International. En plus des quelques commandes de décoration qu'elle reçoit, l'agence Ecart va se concentrer sur ce qui va faire la véritable notoriété d'Andrée Putman, à savoir la réédition de mobilier. C'est donc davantage grâce à son goût pour le mobilier des années trente, jusqu'alors très rare dans les intérieurs bourgeois, que grâce à ses créations - elle-même n'en a par ailleurs jamais réellement fait - qu'elle va gagner une première reconnaissance sur le plan international. Andrée Putman acquiert peu à peu de nombreuses licences de prestigieux designers parfois oublié (à l'époque) tels que Jean-Michel Frank, Eileen Gray, Pierre Chareau ou encore Robert Mallet-Stevens, dont la réédition de sa fameuse chaise en fer a un retentissement majeur, encore visible aujourd'hui.

Son ex-mari Jacques Putman décède le 27 février 1994.

Notes et références

  • Bilan provisoire, édition Calman Lévy sortie janvier 2007
  1. Cyrille Putman, Premières pressions à froid, Paris, Robert Laffont, 2004

Références bibliographiques

  • Site internet de l’agence Andrée Putman [1]
  • Stéphane Gerschel, préfacé par Francois Russo, Le Style Putman, Paris, Assouline, 2005 (ISBN 978-2843236686)
  • Andrée Putman, Jack Lang, Francois Russo, Architecte d'intérieur, numéro 17 : Andrée Putman, Paris, Pyramid, 2003 (ISBN 978-2910565558)
  • Sophie Tasma-Anagyros, Andrée Putman, Paris, Éditions Norma, 1997 (ISBN 978-2909283289)
  • François-Olivier Rousseau, Andrée Putman, Paris, Éditions du Regard, 1991 (ISBN 978-2903370480)

Liens externes

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