Le processus législatif en France , mode d’emploi

Le processus législatif en France , mode d’emploi

Processus législatif en France

Le processus législatif en France est l'ensemble des activités qui entourent la proposition, la discussion, les amendements, l'acceptation et la promulgation des lois en France.

Sommaire

Origine des textes

Les projets de loi

Les principaux textes de loi sont en général issus du Gouvernement ; on appelle alors le texte un projet de loi. Le projet est préparé par un ministre pilote qui le soumet pour avis aux ministres qui seront concernés par son application.

Après accord, le ministre le transmet au secrétariat général du gouvernement ; s'il n'y a pas accord, un arbitrage doit être rendu par le Premier ministre.

Le secrétaire général du Gouvernement (SGG) transmet ensuite le projet au Conseil d'État (section administrative compétente ou commission permanente s'il y a urgence), qui rend un avis au secrétariat. Après une éventuelle révision du projet pour tenir compte de cet avis, le SGG propose au Premier ministre et au président de la République l'inscription à l'ordre du jour du projet à un prochain conseil des ministres.

Après délibération en Conseil des ministres, le secrétaire général du Gouvernement va déposer le projet devant l'une des Assemblées[Constitution 1].

Les propositions de loi

Le Parlement adopte chaque année quelques textes, moins de 10 % des lois votées[1], déposés par ses propres parlementaires, députés ou sénateurs ; on appelle alors ce texte une proposition de loi.

On[Qui ?] critique cette initiative parlementaire, puisque les parlementaires peuvent alors parfois se soumettre à l'intérêt de particuliers ayant des groupes de pression forts (lobbies) et représentant une partie de la base électorale des parlementaires. Cela a été le cas par exemple lors du vote des différentes lois sur la chasse (les chasseurs ne représentant pourtant que 5% environ de la base électorale), où le Parlement a cédé aux pressions pour introduire des clauses très favorables aux chasseurs (parfois même en contradiction directe avec les normes de l'Union européenne), au détriment des autres intérêts généraux en présence.

D'un autre côté, ce mécanisme de proposition de loi permet également au Parlement de se défendre contre des empiètements du gouvernement sur ses prérogatives. On a pu voir ainsi que la nouvelle constitution financière de l'État, qui résulte de la loi du 1er août 2001 et qui procède d'un rééquilibrage des pouvoirs du Parlement en matière d'autorisation et de contrôle du projet de la loi de finance, était d'initiative parlementaire et qu'elle a été votée par le Parlement sans que le gouvernement n'ait pu s'y opposer. Cette loi a révisé l'ordonnance du 2 janvier 1959 (jamais soumise au contrôle du Parlement), qui, dans un souci de parlementarisme rationalisé, avait encadré strictement les pouvoirs du Parlement et consacré l'hégémonie du gouvernement en matière financière.

Parcours d’un projet ou d’une proposition de loi

Le Gouvernement dépose son projet de loi devant l’une des assemblées, ou un ou plusieurs parlementaires déposent une proposition de loi sur le bureau de leur assemblée. Les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat[Constitution 1].

Le vote de la loi passe par plusieurs phases définies avec précision par la Constitution et par les règlements des deux assemblées. Après avoir été déposé par le Gouvernement ou par le Parlement, un texte est examiné par une commission, qui désigne un rapporteur chargé de détailler les mesures proposées et éventuellement les amendements à y apporter, discuté en séance publique et enfin voté au cours d’une ou de plusieurs lectures dans chaque chambre.

L'examen du texte au cours de plusieurs lectures par chacune des chambres permet souvent d’améliorer le texte, soit en corrigeant des points techniques, soit en proposant des mesures supplémentaires par voie d’amendement, déposé par un parlementaire ou par le Gouvernement. Plus généralement, l’examen de la loi en séance publique par le Parlement est une garantie de transparence : après les annonces faites par le Gouvernement, il donne aux médias la possibilité et le temps de rendre compte au peuple français du contenu du texte tel qu’il est adopté.

Tout projet législatif est déposé devant le bureau qui décide quel jour il sera débattu. La procédure est similaire dans les deux assemblées.

Le bureau de l’assemblée saisie nomme une délégation qui examine la recevabilité financière des propositions de loi. Le bureau comprend un président de séance, suppléé par six vice-présidents, et, dans le contrôle des opérations de vote, assisté par douze secrétaires. Les trois questeurs jouent un rôle fondamental, car eux seuls peuvent engager les dépenses de l’assemblée concernée.

Examen en commission

Après son dépôt, le texte est transmis à l’une des six commissions parlementaires. Leurs rapports et propositions préparent la discussion des textes en séance publique.

Il y a deux types de commissions définies par la Constitution :

Dans la pratique, la plupart des textes sont examinés par les commissions permanentes. Ils sont toujours renvoyés à au moins une commission permanente saisie au fond, c’est-à-dire à titre principal, mais une ou plusieurs autres commissions permanentes peuvent demander à être saisies pour avis.

Amendements

Lors de la discussion parlementaire, le Gouvernement, une commission, un ou plusieurs parlementaires dans chacune des assemblées peuvent déposer des amendements pour modifier, supprimer ou ajouter un article du texte soumis.

Le nombre des amendements n’est pas limité, ce qui peut rallonger inutilement le débat, l’obscurcir et multiplier les incidents de procédure. C'est l’une des pratiques faisant partie de ce qu'on appelle l’obstruction parlementaire, une technique visant à retarder le plus possible l’adoption d’un texte à l’aide des moyens règlementaires. Une autre tactique dilatoire consiste à prononcer délibérément d’interminables discours pour faire obstruction à un débat.

En France, la « bataille d’amendements » consiste à déposer un nombre extrêmement important d’amendements presque semblables et à exiger la discussion de chacun d’entre eux devant le parlement. L’objectif de l’opposition est généralement de forcer le Premier ministre à intervenir en engageant la responsabilité du Gouvernement sur le texte, ce procédé étant généralement impopulaire jusque dans les rangs de la majorité, les députés, quels qu’ils soient, tenant aux prérogatives du Parlement.

En 1993, 3 075 amendements ont été déposés sur le projet de loi sur l’enseignement privé.

En février 2003, l’opposition de gauche et l’UDF avaient déposé 13 000 amendements pour tenter de contrer la réforme des modes de scrutin régional et européen.

En juin 2003, lors du débat sur le financement des retraites, le groupe communiste a déposé plus de 6 000 amendements en commission des lois.

Le record absolu est detenu depuis l'été 2006 par les socialistes et les communistes contre le projet de loi relatif au secteur de l’énergie, en déposant 137 537 amendements, dont 43 725 pour le Parti socialiste et 93 676 pour le Parti communiste français, soit six fois le nombre annuel d’amendements traités chaque année. Selon le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, il faudrait plus de cinq cent jours à l’Assemblée en siégant vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour tous les examiner. D’après la chaîne d'information i-Télé, le coût de la duplication de ces propositions d’amendements, afin que chaque député présent puisse avoir une copie, devait s’élever à environ 500 000 euros et représenter quatre fois la hauteur de la tour Eiffel. Pour obtenir autant d’amendement sans doublon, l’opposition parlementaire (PS et PCF) a généré automatiquement certains de ces amendements par des moyens informatiques. Cela se nomme le flibuste ou flibustage [2]

Discussion en séance publique

La discussion générale ouvre le débat sur un texte. Interviennent successivement :

  • l’audition éventuelle du Gouvernement ;
  • la présentation du rapport de la commission saisie au fond, et éventuellement de la ou des commissions saisies pour avis ;
  • éventuellement la discussion et le vote sur une motion de procédure ;
  • les orateurs inscrits.

Trois types de motions de procédure peuvent être opposées par les députés et les sénateurs :

  • L’exception d’irrecevabilité[3] fait reconnaître que des dispositions du texte ne sont pas constitutionnelles ; elle est débattue en séance publique au cours de la discussion générale, et son adoption entraîne le rejet du texte.
  • La question préalable[3] fait décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer. Elle est débattue dans les mêmes conditions que l’exception d’irrecevabilité et avec les mêmes conséquences.
  • La motion de renvoi en commission[4] est examinée après la clôture de la discussion générale. Son adoption entraîne la suspension du débat jusqu’à la présentation par la commission saisie au fond d’un nouveau rapport. En raison du fait majoritaire, les motions de renvoi sont rarement adoptées (vingt depuis 1958). Elles constituent en fait un moyen pour l’opposition de se voir attribuer un temps de parole supplémentaire et de manifester ainsi de façon solennelle son refus du texte.

Sous la Cinquième République, seuls trois textes ont été ainsi rejetés, dont le texte sur les OGM suite à une question préalable le 13 mai 2008[5],[6],[7]. , et le texte sur le PaCS le 9 octobre 1998[8].

Sauf si une motion de renvoi en commission est adoptée, s’engage alors l’examen des articles du texte en séance publique. Sur chaque article, les amendements sont mis successivement en discussion, en partant de l’amendement dont le texte est le plus éloigné de celui de l’article. Chaque amendement donne lieu à un vote. Chaque article est ensuite mis aux voix séparément. Après le vote du dernier article, il est procédé au vote sur l’ensemble du texte.

Avant tout scrutin, le Gouvernement peut demander un vote bloqué, c’est-à-dire un seul vote sur un ou plusieurs articles, ou sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui.

Les votes s’effectuent normalement à main levée et, en cas de doute, par assis et levé. Ils ne donnent lieu alors à aucun relevé nominatif. En cas de scrutin public demandé par le Gouvernement, par la commission saisie au fond ou par un groupe politique, ou décidé par le président de séance, les députés votent par procédé électronique à partir de claviers situés à leurs places. L’analyse nominative de chaque scrutin figure alors en annexe du compte rendu de séance au Journal officiel. Lorsque les voix se partagent également en pour et contre, la disposition mise aux voix n’est pas adoptée.

Navette parlementaire

Le vote de la loi en France repose sur le principe de l’accord sur un même texte entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Le texte effectue ainsi des « navettes » entre les deux assemblées jusqu’à l’adoption d’un texte identique. Chacun des examens successifs s’appelle une lecture.

En absence d'accord, le Gouvernement (pour un projet de loi) ou les présidents des deux assemblées (pour une proposition) peut demander la réunion d’une commission mixte paritaire[Constitution 2], composée de sept sénateurs et sept députés, et chargée de parvenir à une rédaction commune sur les dispositions d’un texte restant en discussion entre l’Assemblée et le Sénat au cours de la navette.

Par la suite le texte adopté par la commission doit être voté par les deux assemblées. Ce texte ne peut être modifié au cours de ce vote, sauf accord du gouvernement[Constitution 2].

Si les assemblées ne votent toujours par le texte, ou si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l'Assemblée Nationale et par le Sénat, demander à l'Assemblée Nationale de statuer définitivement. L'Assemblée Nationale peut alors reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat[Constitution 2].

Procédures accélérées

Des procédures particulières permettent au Gouvernement d’accélérer la discussion d’un texte.

Le Gouvernement peut, avant la discussion, déclarer l’urgence sur un texte ; dans ce cas, la réunion d’une commission mixte paritaire pourra avoir lieu après la première lecture et non après la deuxième. Il exerce souvent cette prérogative.

Le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement lors d’une lecture devant l’Assemblée nationale sur le vote d’« un texte » (ensemble du projet ou de la proposition de loi, un ou plusieurs articles, un ou plusieurs amendements ou sous-amendements), conformément à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.

  • Si aucune motion de censure n’est déposée dans les vingt-quatre heures, ou si une motion est déposée mais rejetée, le texte est considéré comme adopté sans discussion.
  • Si des députés déposent une motion de censure. Si une motion est déposée dans les vingt-quatre heures et adoptée, le texte est rejeté et le Premier ministre doit présenter au président de la République la démission du Gouvernement. Le cas ne s’est jamais produit.

Cette procédure ne peut être exercée devant le Sénat, car le Gouvernement n’est responsable que devant l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement peut demander le vote bloqué en application de l’article 44, alinéa 2 de la Constitution : un vote unique portera sur tout ou partie d’un texte avec les amendements qu’il a acceptés. Les amendements qu’il a refusés feront tout de même l'objet d'une discussion, bien qu’ils ne puissent être votés.

Un texte peut être abandonné à tout instant : il suffit pour le Gouvernement de ne plus l’inscrire à l’ordre du jour.

Sort des textes non adoptés

Un texte déposé n’est pas nécessairement discuté : si le Gouvernement et le bureau de l’assemblée auprès de laquelle il a été déposé ne décident pas de l’inscrire en séance, il ne fera jamais l’objet d'un examen et sera considéré comme caduc au bout de quelques années. C’est le cas d'un grand nombre de propositions de loi. Cela ne veut pas dire qu’elles sont inutiles : leur contenu est parfois repris plus tard par un parlementaire ou par le Gouvernement, par exemple sous forme d’amendement dans un autre texte.

Les textes non adoptés permettent aussi de faire avancer des dossiers, surtout lorsqu’ils sont repris sous forme d’amendement dans des textes ultérieurs.

Promulgation

Lorsque le texte est définitivement adopté, le président de la République dispose de quinze jours pour promulguer la loi. Toutefois, s’il le juge nécessaire, il peut dans ce délai demander une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.

Avant promulgation, la loi peut aussi être déférée par le président de la République, le Premier ministre, le président de l’un des deux assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs au Conseil constitutionnel pour avis sur la constitutionnalité de la loi. Une loi ou des articles de loi déclarés non conformes à la Constitution ne peuvent être promulgués. Par exemple, l’institution de quotas pour les femmes dans la loi sur l’élection des conseillers municipaux du 19 novembre 1982 a été déclarée non conforme par le Conseil.

La promulgation de la loi l’authentifie et lui donne force exécutoire. Elle est ensuite publiée au Journal officiel de la République française, dans l’édition « Lois et décrets ».

Procédures particulières

Lois organiques

Les lois organiques, s'il n'y a pas d'accords entre les deux assemblées, ne peuvent être adoptées par l'Assemblée Nationale en dernière lecture qu'à la majorité absolue de ses membres. Si elles concernent le Sénat, elles doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Enfin le contrôle de conformité à la Constitution par le Conseil Constitutionnel est obligatoire[Constitution 3].

Loi de finances

Les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale[Constitution 1]. Ils sont votées par le parlement dans les conditions prévues par la Loi organique relative aux lois de finances.

Si l'Assemblée Nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés[Constitution 4].

Loi de financement de la sécurité sociale

Les projets de Loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale[Constitution 1].

Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique. Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance[Constitution 5].

Les traités internationaux

La ratification des traités est faite par le Président de la République[Constitution 6]. Toutefois « ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire » sont voté sous la forme d’une loi par le Parlement[Constitution 7]. Celle-ci est débattue en séance publique au Sénat, mais peut faire l'objet d'une procédure simplifiée à l'Assemblée Nationale[9].

Notes et références

Constitution de 1958

La première source de l’article est la Constitution de 1958, disponible en ligne sur Légifrance notemment. Il est possible également de se reporter à l’article wikipédia Constitution française de 1958, aux articles sur chaque article de la constitution et aux références associées.

  1. a , b , c  et d Article 39 de la Constitution
  2. a , b  et c Article 45 de la Constitution
  3. Article 46 de la Constitution
  4. Article 47 de la Constitution
  5. Article 47-1 de la Constitution
  6. Article 52 de la Constitution
  7. Article 53 de la Constitution

Autres sources

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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