- La petite église des Deux-Sèvres
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Petite Église des Deux-Sèvres
La Petite Église des Deux-Sèvres, également appelée Petite Église de Vendée, est une Église anticoncordataire née des suites de la Révolution française. Phénomène religieux peu étendu géographiquement, il se concentre aujourd'hui dans le Nord-ouest des Deux-Sèvres, essentiellement à Courlay, Cirières et Montigny. Elle compte toujours plusieurs centaines de fidèles de nos jours.
Cependant ce culte, dont les membres sont désignés sous le nom de « dissidents », a participé depuis plus de 200 ans à l'histoire du Bocage laissant son empreinte au niveau de la mentalité, de la culture locale comme de la politique.
Sommaire
Origine
L'origine de cette Église se trouve dans la politique religieuse de Napoléon Bonaparte, alors Premier consul. Ayant besoin de la paix religieuse, il signe en 1801, un Concordat qui met fin à l'anarchie qui règne depuis la Révolution française dans l'Église de France, partagée entre prêtres constitutionnels et prêtres insermentés ou réfractaires.
Le pape Pie VII reconnaît la République française et le gouvernement reconnaît le catholicisme comme la religion « de la grande majorité des français ». Le Saint-Siège laisse à Napoléon la possibilité de nommer lui même les évêques et archevêques qui devront prêter serment de fidélité au gouvernement établi. On procède également à une nouvelle distribution des diocèses.
Certains villages entrent donc en dissidence religieuse, soutenus par quelques évêques d'Ancien Régime, pour la plupart en exil. Ainsi Jean Charles de Coucy, évêque de La Rochelle émigré en Espagne, ou Alexandre de Lauzières-Thémines, évêque de Blois, refusent-ils le concordat et s'opposent-ils à plusieurs changements induits par ce concordat :
- L'intégration des curés constitutionnels dans le clergé.
- La réduction des fêtes d'obligation et des jours chômés, passant d'environ trente avant la Révolution à quatre seulement.
- La bénédiction nuptiale donnée après le passage par le mariage à la mairie.
- La conservation des biens nationaux, y compris ecclésiastiques, par leurs acheteurs.
- Le fait que les curés doivent prêter allégeance aux préfets.
- Le nouveau découpage des diocèses, qui fait par exemple disparaître le diocèse de La Rochelle en l'intégrant aux diocèses avoisinants.
L'idée que la Religion était « changée » se répand alors rapidement dans le Bocage qui passe sous l'autorité de l'évêque de Poitiers selon les nouvelles dispositions concordataires. Le clergé réfractaire et ses fidèles « composés de métayers et de bordiers, pauvres agriculteurs qui labourent les champs d'autrui » selon le préfet Dupin, soutenus par Mgr Themines, évêque de Blois (1776 - 1801), s'enfoncent résolument dans l'opposition. Des communautés de dissidents se localisent dans les cantons de Cerizay, Bressuire, Moncoutant, Mauléon, Argenton-Château. Forte d'une communauté de 20 000 personnes en 1820, la « Petite Église » voit le nombre de ses fidèles diminuer au fur et à mesure des décès successifs du clergé dissident.
En 1830 la mort de leur dernier prêtre va provoquer un bouleversement spirituel et culturel considérable. En effet, les dissidents vont désespérément rechercher des prêtres capables de conduire leur communauté. Après de malheureuses expériences : prêtres aux mœurs douteuses, alcooliques, abbés aventuriers, ils décident de confier la gestion des offices à des responsables issus de la communauté des laïcs.
La laïcisation du culte est une des particularités essentielles de cette Église à partir de 1847. Les critères de sélection des responsables de la communauté se basent non sur la richesse ou des quartiers de noblesse mais sur la dévotion religieuse, les liens familiaux et l'instruction. Ainsi les responsables de Courlay sont systématiquement choisis dans la famille Texier du fait de sa parenté avec le dernier prêtre dissident : l'abbé Pierre Texier (1758 - 1826). Les femmes « les sœurs » ont également des responsabilités dans les écoles dissidentes mais également au niveau de culte comme Thérèse Drochon à Cirières vers 1850.
La particularité de la Petite Église est de ne pas essayer de recruter de nouveau adeptes et les tracasseries administratives, les pressions, les persécutions morales de la part des différents gouvernements vont entraîner une baisse régulière des effectifs.
La dissidence en 1958 ne concerne dans le Bocage qu'environ 3 150 personnes et n'est plus majoritaire qu'à Courlay, dans le quartier de la Plainelière. Cette communauté va se replier sur elle même et sa survie nécessite le refus de toute influence étrangère. C'est l'esprit conservateur, l'anonymat et la discrétion qui vont lui permettre de se maintenir jusqu'à aujourd'hui.
Les cérémonies religieuses
Le culte se pratique dans les chapelles pour ce qui est des cérémonies de groupe mais il est possible de les faire chez soi en famille dans les maisons particulières. Il se prépare sans consécration d'hosties depuis la disparition des prêtres. Le responsable de la communauté se place à coté de l'autel, lit la messe en latin d'après l'ancien rituel. Elle dure environ 2 heures. Les dissidents suivent la messe le dimanche et célèbrent toutes les fêtes supprimées lors du Concordat. La Fête-Dieu en l'honneur du Saint sacrement est particulièrement respectée.
Ils respectent rigoureusement le jeûne du Carême (sans viande du lendemain du mardi-gras à Pâques, soit 7 semaines, et sans œuf la dernière semaine dite sainte, ce qui permet le rite des brioches aux oeufs pour Pâques puisqu'il y a du stock). La rigueur vestimentaire lors des cérémonies est recommandée. À l'image de la Vierge pour laquelle les dissidents vouent un culte particulier, et qui portait un voile, les femmes n'entrent dans une chapelle qu'avec la tête couverte. Pour tous, il est interdit d'être jambes et bras nus.
Les sacrements
- Le baptême est le seul vrai sacrement donné par le responsable de la communauté.
- Depuis le XIXe siècle, le gouvernement français tolère que le mariage religieux dissident soit célébré avant le mariage civil. Aujourd'hui célébré dans la chapelle de la Plainelière, seuls les mariés, leurs parents et les témoins pénètrent dans la sacristie pour échanger leurs consentements devant le responsable.
- La confession se fait directement à Dieu et les dissidents s'imposent eux-mêmes la pénitence.
- Le jeune dissident apprend les principes de sa religion à l'occasion du catéchisme à partir du « Petit catéchisme du diocèse de la Rochelle d'avant 1789 ». Il dure environ un mois avant la communion durant lequel les enfants ne fréquentent plus l'école. La communion a lieu le jeudi de la Fête-Dieu
- Pour les enterrements, dans les communes où la communauté dissidente est importante, le cimetière est divisé en deux parties : une pour les catholiques et l'autre pour les dissidents. Les tombes ne sont pas orientées de la même façon, celles des dissidents sont tournées vers l'ouest (les monuments peuvent avoir la même orientation, mais pour les morts dissidents, les pieds sont vers l'est).
Les dissidents sont différents des catholiques car ils pratiquent un culte tel qu'il existait avant la Révolution française mais cette distinction se retrouvait également dans la vie sociale, culturelle et politique. L'opposition aux concordataires comme l'esprit communautaire étaient forts et poussaient les dissidents à envoyer leurs enfants à l'école publique. Le groupe exerçait des pressions sur ceux qui voulaient quitter ses rangs, assimilés à des traîtres (se changer). Les mariages, les fêtes, les loisirs, le travail, les achats, les locations de fermes se faisaient au sein du groupe. Les partis de gauche avaient leurs suffrages. Paradoxalement, ils s'opposaient aux mouvements intégristes.
Les mariages mixtes ont toujours été des occasions de déchirement, en particulier lorsque la mariée est enceinte, le mariage doit se faire dans la chapelle à 5h du matin.
Certes aujourd'hui, la position des dissidents est moins tranchée et les jeunes générations rejoignent celles des catholiques dans leur quotidien. Les mariages mixtes entre catholiques et dissidents finissent par créer une osmose sans pour autant faire disparaître ce particularisme qui trouve sa source profondément ancrée dans ses concepts religieux.
Bibliographie
- Camille Latreille, L’opposition religieuse au Concordat de 1792 à 1803, éd. Hachette, 1910
- Camille Latreille, Après le Concordat, l’opposition de 1803 à nos jours, éd. Hachette, 1910
- Émile Torfs, Le stévenisme dans le sud-ouest du Brabant, Cercle Archéologique d'Enghien, 1955
- Jany Rouger et Jean-Louis Neveu (dir.) , La Petite Église, deux siècles de dissidence, Parthenay, éd. UPCP/Geste Paysanne, 1987
- Guy Janssen, La Petite Église en trente questions, éd. Geste Édition, 1999, recension par Gourdon Vincent, in Histoire, économie et société, 2002, vol. 21, n° 2, pp. 281-282
- Jean-Pierre Chantin, Anticoncordataires ou Petite Église ? Les oppositions religieuses à la loi du 18 germinal an X dans Chrétiens et Sociétés. XVIe ‑ XXe siècles, RESEA, Lyon, n° 10, 2003 pp. 95-107 [lire en ligne]
Articles
- André Latreille, « Les origines de la Petite Église en Poitou », in Mélanges littéraires et historiques publiés à l'occasion du centenaire de sa restauration, 8 octobre 1845, série Science de l'homme, n° 10, Les Belles Lettres, Université de Poitiers, 1946, pp. 99-119
- Marguerite Rebouillat, « Étude comparée des schismes anti-concordataires en France », in Revue du Bas-Poitou n°73, Fontenay-le-Comte, 1962
- H. Maisonneuve, article « Petite Église » in Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain, t.XI, fasc.49, col.63-80, éd. Letouzey et Ané, 1986
- Pascal Paineau, « Vendée : les derniers survivants de la “Petite Église“ », in L’Histoire, n°169, septembre 1993, pp. 68-71
- Entretien entre Jean-Pierre Chantin et Bernard Callebat sur les petites Églises anticoncordataires in Religioscope, octobre 2003, article en ligne
Voir aussi
- Petite Église pour une vue d'ensemble des petites Églises
- Le groupe lyonnais pour la petite Église de Lyon
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