Jean de Barrau

Jean de Barrau

Jean de Barrau (1889-1914), camelot du roi et secrétaire particulier de Philippe d'Orléans

Jean de Barrau.

Sommaire

Un des chefs des camelots du roi

Jean de Barrau entre jeune chez les camelots du roi, à une époque où l'Action française dispose d'une influence sur la société française.

Durant ses études, notamment à Grenoble, il fonde avec des amis un groupe d'Action française et il distribue leur revue à la sortie des églises. Plus tard, lors de son service militaire, il est dénoncé comme ayant participé à une réunion de l'Action française en tenue militaire ce qui lui vaut d'être rayé de l'école des élèves officiers. Connu pour ses opinions et activités royalistes, il est également muté dans un autre régiment et fait même de la prison[1].

En 1913, il est nommé membre du comité directeur de la fédération nationale des camelots du roi présidée alors par l'un de ses amis, Maxime Real del Sarte. Camelot intrépide, il participe à plusieurs actions d'éclat, il se trouve notamment à la manifestation du Panthéon, à Paris, où les camelots chargent les antimilitaristes[1].

Les camelots sont régulièrement impliqués dans des bagarres avec les anarchistes : "(...). Le vacarme devenant trop fort, et les dispositions ayant été prises dans l'autre salle, deux équipes fraîches, dirigées par Lucien Lacour et Maxime Réal del Sarte, débouchent subitement dans le café. Jean [de Barrau] saute en bas de sa table, et après une sommation de Marius Plateau le "travail commence" ! Ça ne dure que trois minutes, mais ce fut chaud ! Les triques, les casse-têtes, les chaises, les bouteilles, les poings américains, entrèrent dans une effroyable danse. Un instant après, et je suis encore à me demander comment, les camelots étaient seuls dans le café. Ils se congratulaient sur une vraie litière de vitres brisées, de chapeaux défoncés, de lambeaux de toutes sortes ... (...). Dès les premiers coups, un malheureux était venu rouler littéralement sur nos pieds. Il perdait le sang par une orbite et par une oreille. Nous l'avons tiré vers un angle, nous l'avons essuyé avec nos mouchoirs, qui étaient absolument ruisselants de sang. Nos manchettes même en étaient pleines. Après la bataille, les camelots l'ont encore épongé, lui ont fait boire un petit verre et l'ont remis, à la porte, entre les mains de ses amis plus ou moins éclopés, qui stationnaient encore là. (...)"[1].

L'incident de Rodez

Toujours en 1913, de passage à Rodez, il donne une gifle en public à un professeur accusé d'antimilitarisme (dans la presse[2], certains parleront alors de "La promotion Jean de Barrau"[3]). Il est convoqué devant le juge de paix de Rodez mais il refuse de se présenter et fait lire un communiqué : "(...). Les enseignements de notre illustre maître Charles Maurras, les exemples des Vezins, des del Sarte, des Pujo, des Lacour, ont pour la première fois depuis un siècle fait passer l'ardeur et la confiance de vaincre, de gauche à droite. (...). Ma génération, Monsieur le juge, génération d'Action Française, génération des Camelots du Roi, n'est pas d'humeur à accepter ces hommes-là [les antimilitaristes]. Les maîtres de plus en plus écoutés que nous suivons avec fierté, les Maurras et les Vaugeois, et les Pujo, nous ont appris à mettre au service de la raison patriotique la violence victorieuse. (...)"[1].

Secrétaire particulier de Philippe, duc d'Orléans

Le « duc d'Orléans » en 1910.

En janvier 1914, il est présenté par l'Action française au Duc d'Orléans, alors exilé en Belgique, qui lui demande d'entrer à son service comme secrétaire particulier :

La vie privée

"Le prince est merveilleux comme je m'y attendais, un peu plus même. Ce qui frappe tout de suite et par-dessus tout, c'est son air aussi souverain qu'il soit possible et auquel vraiment on ne peut se tromper. Il nous fait asseoir, nous questionne, riant de bon cœur à l'occasion. Car le prince, malgré son air très majestueux et un peu désabusé, met à l'aise et en confiance. Notre audience à trois a duré vingt minutes. On nous a rappelés pour le déjeuner. Pendant le repas, le prince parle très peu, mais lance tout le monde de façon réellement très aimable - ce qu'il s'est amusé aux récits de Daudet ! En somme, ce qui frappe le plus après son air souverain, c'est sa réserve et la façon dont il examine et voit venir. Et avec cela, il dégage énormément de sympathie. (...).

Visite de Son Altesse Impériale et Royale le comte d'Eu, très beau vieillard de soixante-dix à soixante-quinze ans, oncle du prince à la mode de Bretagne, droit et vert encore, fort intéressant. Il connaît par leur nom, leurs qualités et leurs défauts, tous les princes de l'Europe et les apprécie de façon piquante. Dans l'après-midi, nous avons fait une promenade dans Bruxelles et en avons profité pour nous prosterner longuement à Sainte-Gudule."[1]

En Belgique, Philippe d'Orléans et son secrétaire partagent leur temps entre Putdaël[4] et Bruxelles. A Putdaël, en-dehors des réceptions, la vie est calme. Le prince n'apparaît pas avant neuf ou dix heures du matin. Pour le déjeuner, il y a généralement de 10 à 15 invités. L'après-midi, pendant que son secrétaire rédige sa correspondance, le prince se promène. Il pratique également l'escrime avec son maître d'armes.

A Bruxelles, Philippe d'Orléans et son secrétaire se rendent au théâtre, dans des conférences, sont reçus à dîner en ville, etc.

Très attaché à la religion, Philippe d'Orléans dit un jour à Jean de Barrau : "Vous, Barrau, vous avez de la religion ; je vous estime"[1].

La politique

Philippe d'Orléans, Philippe VIII pour les orléanistes français, est en lien étroit avec l'Action française :

"Matin et soir, le prince donne pendant cinq heures audience aux nombreux royalistes français qui accourent vers lui, et qui la plupart sont des fervents de l'Action française. Jean [de Barrau] y a déjà vu les chefs de groupes de Bordeaux, de Toulouse, de Montpellier, etc. Plusieurs, notamment le marquis de Suffren, de Toulouse, se sont entretenus avec lui. (...)

Le révérend père Dom Besse[5] se rappelle : "(...). Monseigneur avait des ordres à communiquer et des renseignements à recueillir. Jean de Barrau hâta ses préparatifs. Le prince se donna la satisfaction de l'accompagner en automobile jusqu'à la frontière française, qu'on lui interdisait[6] de franchir. Il mit pied à terre, et les regards fixés vers le midi, il suivit longtemps, immobile, celui qui avait le bonheur d'aller en France. Rentré à Putdaël, il vivait de coeur avec son secrétaire. Le soir, à une heure convenue, Monseigneur allait au téléphone, attendant la communication avec Paris. La voix de Jean de Barrau se fit entendre et la conversation fut ouverte. Il répondait à toutes les questions de son maître sur l'un, sur l'autre, sur ceux dont il reconnaissait la voix. Le rythme des mouvements de l'Action française arrivait ainsi à l'esprit et au coeur de Monseigneur le duc d'Orléans. (...)". "[1]

Philippe d'Orléans, prétendant au trône de France, reçoit la visite de royalistes mais aussi de membres de sa famille et de sa parenté et des personnalités extérieures. Il discute et commente la politique intérieure française. Il s'intéresse également aux éventuelles possibilités d'une restauration de la monarchie en France :

"(...) ; maintenant, résidence princière, contact quotidien avec les plus grands personnages, ministres, majestés royales ou impériales ...

Ce matin, le prince m'a fait des déclarations antiparlementaires qui auraient fait bondir d'aise Léon Daudet. (...)

Il [Jean de Barrau] a vu de près, ces jours derniers, la princesse et le prince héritier de Grèce, venus en visite à Putdaël avec leur père et beau-père, le prince Roland Bonaparte. Celui-ci est brouillé avec Victor Bonaparte, son cousin ; il a tenu à faire sans plus tarder toutes ses protestations de dévouement au duc d'Orléans.

Le prince recevait à déjeuner le prince Georges de Grèce, sa femme, le père de celle-ci : le prince Roland Bonaparte, président de la société de géographie, membre de l'Institut et grosse situation. Il venait assurer le prince de sa fidélité et de tout son dévouement.

Visite de Dom Besse qui est vraiment un homme remarquable. Le prince l'aime énormément et, de fait, ce sévère bénédictin est d'une grande intelligence et largeur d'esprit ! Il aime le prince et le comprend. Dans l'auto, en arrivant pour le déjeuner, il nous cite, au sujet de Maurras, les paroles du Pape au révérend père P... : "Mais certainement, je la lui donne, ma bénédiction. Il poverello. - Non, je ne laisserai pas condamner Maurras ; à l'heure actuelle, il fait trop de bien." (...). Et ce mot de l'évêque de L... : "Comment ne le soutiendrais-je pas, Maurras. C'est lui qui, en me débarrassant du libéralisme, m'a amené à mieux comprendre plusieurs points de l'enseignement de l'Eglise." "[1]

En 1914, après l'affaire Caillaux les camelots du roi considèrent la restauration de la monarchie comme proche :

"(...) ; depuis le scandale Caillaux et l'assassinat de Calmette, les visites et les dévouements se multiplient, à Putdaël, auprès du duc d'Orléans. "Chaque fois que je parais à l'hôtel Métropole de Bruxelles, on me montre à moi-même [Jean de Barrau] une déférence et des empressements croissants"."[1]

Son décès

Jean de Barrau est tué en plein combat le 18 août 1914 : Ce jour-là, sur la ligne du front, aux avant-postes, Jean de Barrau s'élance face à l'ennemi allemand en criant "En avant ! En avant ! Vive la France !"[1], il est alors blessé à la jambe, il se relève cependant, mais quelques mètres plus loin, il s'écroule, tué sur le coup par une balle en pleine tête. "Jean de Barrau, suivant la belle expression d'un prêtre ami de sa famille, passa du service de son Roi de la terre au service du Roi des cieux"[1].

Le père de Jean de Barrau, Fernand de Barrau, dit : "Aujourd'hui m'arrive de Bruxelles une grande et belle photographie du duc d'Orléans, avec ces lignes, écrites au bas, de la main du Prince :

“Bruxelles, 1er septembre 1919. À Monsieur de Barrau en souvenir très tristement affectueux de son fils qui est si vaillamment tombé pour son pays et son Roy au début de la guerre. Votre très affectionné. PHILIPPE”."[1]

Ecrits

  • En 1913, il rédige une étude historique sur Les Chouans du Rouergue
  • Il a laissé une correspondance où il décrit sa vie auprès du duc d'Orléans

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k et l Extraits correspondances de Jean de Barrau et de sa famille reprises par Henry Bedel dans son ouvrage Figures rouergates, chapitre 2, pages 35 à 57 ; (chapitre 1 consacré à la famille de Barrau, pages 27 à 34). Et Fernand de Barrau, Notes, tome 9.
  2. 40 à 50 journaux français relatent "l'incident de Rodez".
  3. L'Echo Sanflorin du 6 juillet 1913.
  4. Appelé également le manoir d'Anjou, situé près de Bruxelles.
  5. De l'abbaye bénédictine de Chèvetogne, en Belgique.
  6. Loi d'exil de 1885.

Bibliographie

  • Henry Bedel, Figures rouergates
  • Henry Bedel (A.F. 14 août 1934), Le visage d'un prince français
  • Maurice Pujo (A.F. 30 juin 1913), Jean de Barrau
  • L'Eclair de Montpellier (25 avril 1937), Jean de Barrau et le duc d'Orléans

Liens externes



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