Jean-Martin de Prades

Jean-Martin de Prades
Jean-Martin de Prades
Jean-Martin de Prades.jpg

Naissance 1720
Castelsarrasin
Décès 1782 (à 62 ans)
Glogau
Nationalité Drapeau de France France

Jean-Martin de Prades, vers 1720, à Castelsarrasin, mort en 1782, à Glogau, est un théologien et encyclopédiste français.

Destiné à létat ecclésiastique, Prades fit ses premières études en province avant de venir à Paris il demeura dans plusieurs séminaires, entre autres dans, celui de Saint-Sulpice. Jeune encore et imbu de la philosophie à la mode, il avait des relations avec les encyclopédistes et avec Diderot lui-même. Lié avec les auteurs de lEncyclopédie, il leur fournit plusieurs articles, dont celui intitulé « certitude ».

Quelques mois après avoir donné cet article à lEncyclopédie, il se présentait le 18 novembre 1751 à la licence en Sorbonne avec une thèse qui, par son étendue, par la nouveauté et la hardiesse de quelques vues, par le mélange de la philosophie avec la théologie, par lélégance de la latinité, se distinguait de toutes les autres thèses du même genre. Cétait lesquisse dun plan général dapologie de la religion chrétienne dans laquelle le bachelier déployait beaucoup dérudition et un grand zèle contre les incrédules, népargnant pas même Buffon et Montesquieu. La thèse fut approuvée par le syndic, par le grand maître des études, par les censeurs et soutenue avec le plus grand éclat par labbé de Prades proclamé licencié à lunanimité, sans que, dans toute la Sorbonne, un seul docteur se fût avisé de toutes les impiétés quon devait bientôt y voir.

Dans cette thèse qui avait dabord paru irréprochable à la Sorbonne, dont lobjet était la vérité de la religion, labbé de Prades, prenant lhomme à son origine, dans létat de nature, décrivait dabord le commencement et les progrès de ses connaissances, indépendamment de toute lumière surnaturelle, pour ensuite le conduire à la religion. se montrait à découvert le disciple de la philosophie de la sensation, le collaborateur de lEncyclopédie. Selon le bachelier, la sensation d, comme dun tronc, sortent toutes nos idées réfléchies, est la source unique de nos connaissances, et lexpérience du besoin que nous avons les uns des autres, ou lutilité, est lunique fondement de la société. Il transformait lidée de justice en un simple sentiment de réaction des faibles contre loppression des forts. Enfin, toute cette partie de la thèse était fidèlement calquée sur le discours préliminaire de l'Encyclopédie.

Dernier côté de larticle "Certitude" dans le deuxième volume de lEncyclopédie avec la conclusion élogieuse de Diderot dans la colonne de gauche.

Soit amour de la vérité, soit haine de lEncyclopédie, soit désir dhumilier la Sorbonne, surtout de la part des jansénistes ou appelants qui en avaient été récemment exclus, une grande clameur séleva contre la Sorbonne pour avoir approuvé de semblables doctrines mettant en parallèle les guérisons opérées par Jésus-Christ et celles quavait pu faire Esculape qui excitèrent surtout le plus grand scandale. Le Parlement sen émut, les évêques firent des mandements, le pape Benoît XIV lui-même lança une bulle. On voulut y voir un complot tramé par les encyclopédistes pour insulter à la religion et faire triompher limpiété en pleine Sorbonne. La Sorbonne, qui lavait approuvée, sassembla à nouveau pour la traiter dimpie. Humiliée, elle fut obligée de confesser sa faute, de condamner ce quelle avait approuvé et dinventer les plus misérables prétextes, tels que la surprise, la prolixité de la thèse, et même la petitesse des caractères[1], pour expliquer au public comment elle napercevait quaprès coup tant de grosses et dangereuses erreurs.

La Sorbonne sefforça de faire oublier léclat de son approbation par la violence de sa tardive censure. Il est dit, dans le préambule, que la Faculté na pu voir sans horreur, horruit sacra Facultas, cet ouvrage de ténèbres enfanté par un de ses bacheliers. Au premier rang parmi les propositions condamnées, est celle qui fait dériver toutes les idées des sens : ex sensationibus seu rami ex trunco omnes ejus cogitationes pullulant. Quelques jours après, le Parlement, rivalisant de zèle avec la Faculté, rendit un arrêt il déclarait quil restait à procurer au public la réparation du scandale et que des châtiments publics sont dus aux impies : « Entrer dans létude de nos mystères augustes par des spéculations fausses souvent le déisme, sous le nom de la métaphysique, prétend considérer les hommes dans létat de pure natureNe rien attribuer à Dieu dans les rapports qui forment la société, ni à la religion dans les lois qui la soutiennent, faire descendre la loi naturelle du vice et de lintérêt, ne reconnaître aucun principe de bien et de mal, aucune idée primitive de vertuCest , comme on le voit dans cette thèse, ce quune science nouvelle substitue aux dogmes de la foi et aux notions naturelles de notre raison. » En conséquence il était ordonné que le bachelier « serait pris et appréhendé au corps et amené ès-prison de la conciergerie de cette ville, pour répondre sur lesdits faits de scandale. »

Labbé de Prades, craignant le ressentiment de ses ennemis, prit prudemment la fuite pour se réfugier en Hollande, puis en Prusse à Berlin (1752) sous la protection de Frédéric II. Labbé de Prades y fit face à tous ces adversaires avec beaucoup desprit, dhabileté et même déloquence, publiant son Apologie (1752)[2], ceux qui ont voulu prendre la peine pour la condamner. Quoi donc, la Sorbonne ne sait-elle plus distinguer la vérité de lerreur que quand elle est imprimée en gros caractères ? Dailleurs qua de commun la petitesse des caractères avec mes réponses de vive voix ? »</ref>. Il releva les contradictions de la Sorbonne, quil accusa de donner un démenti à tout son passé philosophique, en condamnant la doctrine qui fait dériver toutes nos connaissances des sens, à laquelle Diderot ajouta une réfutation dun mandement de lévêque dAuxerre.

Bien accueilli du roi de Prusse qui ladmit à lAcadémie de Berlin, labbé obtint de lui, sur les recommandations de Voltaire et du marquis dArgens, la place de lecteur du roi de Prusse avec une pension et se rendit à Potsdam, il fut accueilli comme une victime de la persécution. Voltaire, qui reçut labbé de Prades à Berlin, et qui lui donna le surnom de frère Gaillard, le trouvait naïf, gai, instruit et capable de sinstruire, intrépide dans la philosophie, dans la probité, et dans le mépris pour les fanatiques et les fripons :

« Cest je vous jure le plus drôle dhérésiarque qui ait jamais été excommunié. Il est gai, il est aimable, il supporte en riant sa mauvaise fortune[3]. »

Labbé eut la chance de plaire à Frédéric qui le gratifia, outre sa pension, de deux canonicats, lun à Oppeln, et lautre à Glogau. Mais laffection que lui témoignait le roi ne pouvait manquer dexciter la jalousie des courtisans. Pendant la guerre de Sept Ans, labbé de Prades, retiré dans Magdebourg, fut accusé dêtre en correspondance avec un secrétaire du duc de Broglie et de linstruire des mouvements de larmée prussienne, il fut mis aux arrêts dans sa chambre mais, comme Frédéric sut bientôt quil navait mandé que des nouvelles indifférentes, il eut la ville pour prison. À la paix, ayant reçu lordre de se rendre à Glogau, avec le conseil de ne pas sortir de cette ville sans nécessité, et surtout de ne sy mêler et de ne parler de rien, labbé de Prades obéit. Il sétait depuis longtemps, cédant à linfluence de lévêque de Breslau, réconcilié avec lÉglise en signant, le 6 avril 1754), une rétractation solennelle des principes quil avait soutenus dans sa thèse : il devint archidiacre du chapitre de Glogau.

Labbé de Prades est auteur de lAbrégé de lhistoire ecclésiastique de Fleury (supposé) traduit de langlais, Berne (Berlin), 1767, a vol. pet. in-8°. La Préface, du roi de Prusse, est remplie dinvectives contre le christianisme. On trouva, dans les manuscrits de labbé de Prades, une Traduction complète de Tacite qui na pas été imprimée et lon ignore ce quest devenu le manuscrit. Il aurait travaillé, avant sa sortie de France, à un Traité sur la vérité de la Religion : sil a terminé cet ouvrage, il est également resté inédit.

Notes

  1. « Ce qui na pas empêché de la lire, dit spirituellement labbé de Prades dans son Apologie, ceux qui ont voulu prendre la peine pour la condamner. Quoi donc, la Sorbonne ne sait-elle plus distinguer la vérité de lerreur que quand elle est imprimée en gros caractères ? Dailleurs qua de commun la petitesse des caractères avec mes réponses de vive voix ? »
  2. Texte de l'édition d'Amsterdam, 1752. Dans cet exemplaire, les deux parties de l'Apologie telle que rédigée par Prades sont suivies par la prétendue 3e partie, rédigée par Diderot.
  3. Lettre de Voltaire à sa nièce Marie-Louise Denis en date du 19 août 1752.

Bibliographie

  • Jean-François Combes-Malavialle, « Sur une ténébreuse affaire : lIncarcération de labbé de Prades à Magdebourg », Dix-huitième Siècle, 1993, n° 25, p. 338-53.
  • Jean-François Combes-Malavialle, « Vues nouvelles sur labbé de Prades », Dix-huitième Siècle, 1988, n° 20, p. 277-297.
  • Jean-Claude Davis, « LAffaire de Prades en 1751-1752 daprès deux rapports de police », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1986, n° 245, p. 359-371.
  • Goyard-Fabre S., Diderot et l'affaire de l'abbé de Prades. In : Revue philosophique de la France et de l'étranger, 1984, n°3, pp. 287-309.
  • Jean Haechler, « LArticle CERTITUDE de lEncyclopédie commenté par un souscripteur anonyme », Recherches sur Diderot et sur lEncyclopédie, 2000 Oct, n° 29, p. 129-48.
  • (en) Donald Schier, « The Abbé de Prades in Exile », Romanic Review, 1954, n° 45, p. 182-190.
  • (en) J. S. Spink, « The Clandestine Book Trade in 1752: The Publication of the Apologie de labbe de Prades », Studies in Eighteenth-Century French Literature, Exeter, Univ. of Exeter, 1975, p. 243-56.
  • (en) J. S. Spink, « The Abbe de Prades and the Encyclopaedists: Was There a Plot? », French Studies, 1970, n° 24, p. 225-36.
  • J. S. Spink, « Un abbé philosophe : laffaire de J.-M. de Prades », Dix-huitième Siècle, 1971, n° 3, p. 145-80.

Sources


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